Séance du mercredi 2 mars 2016

SÉANCE COMMUNE AVEC LA FÉDÉRATION DE RECHERCHE EN CHIRURGIE (FRENCH) : de la structuration au dynamisme
14h30-17h00, Les Cordeliers
Co-Présidence : Henri JUDET, Jean-Marie HAY Modérateurs : Christophe MARIETTE (Lille), Bertrand MILLAT (Montpellier)

 

 

Introduction générale de la séance

JUDET H, MARRE P (Paris)

 

Introduction thématique de la séance

MARIETTE C, MILLAT B

 

FRENCH : des origines à maintenant, l’histoire d’un succès

LACAINE F (Présentation par Bertrand MILLAT)

Résumé
La Fédération de Recherche en Chirurgie (FRENCH) a été créée en 2004. Elle résulte du regroupement d’associations, l’Association de Recherche en Chirurgie (ARC), l’Association Universitaire de Recherche en Chirurgie (AURC), l’Association de Recherche en Chirurgie de l’Ile de France (ARCIF), et l’Association des Chirurgien de l’Assistance Publique pour les évaluations Médicales (ACAPEM) créées à partir de 1977 sous l’impulsion de Jean-Marie Hay. Elles réunissaient des chirurgiens exerçant en milieu universitaire, en hôpital général, ou dans le secteur privé et motivés par la recherche clinique.

Aujourd’hui FRENCH regroupe près de 70 équipes hospitalières, universitaires ou non. Comme les associations dont elle est issue, le but de FRENCH est l’amélioration du niveau de preuve des connaissances en chirurgie, poursuivi en développant des études cliniques, ainsi que par l’amélioration du niveau de compétence de ses membres dans la recherche clinique en chirurgie. Cette amélioration passe par plusieurs formations, comme un séminaire dédié à l’enseignement et à la pratique de la méthodologie de la recherche et de la rédaction médicale, auquel participent internes, chefs de cliniques, PH et jeunes PU ; séminaire animé par leurs mentors et épaulé par des biostatisticiens.
Lors de ce séminaire annuel et à l’occasion de séances de travail sont rédigés :
1) des articles qui font l’objet de publications d’études cliniques dans les meilleures revues internationales. Ainsi, depuis sa création, 40 articles ont été publiés sous le label FRENCH dans des revues chirurgicales (Ann Surg, Br J Surg, Surgery, World J Surg, J Am Coll Surg, Ann Surg Oncol, Am J Surg, J Visc Surg), généralistes et/ou oncologiques (N Engl J Surg, JAMA, J Clin Oncol), dont 13 études randomisées. Dans la seule année 2015, 10 nouveaux articles ont été publiés, dont 2 études randomisées impliquant plusieurs centaines de malades ;
2) des protocoles pour les études à venir qui font, pour la plupart, l’objet de Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC). Ainsi le cru 2015 fait état d’au moins (tous les résultats ne sont pas encore connus à ce jour) 6 PHRC acceptés, dont 4 dans la rubrique "cancer".

Il y a une quarantaine d’années, la recherche clinique chirurgicale était en France balbutiante, fondée sur des études monocentriques le plus souvent rétrospectives. Souvent leur principal but était de faire connaitre un service, une école chirurgicale, une clinique. Chacun travaillait dans son coin, isolément. Le principe fondateur qui a prévalu à la création des associations de recherche chirurgicale a été de réunir des chirurgiens, préalablement au choix et au déroulement des études, aboutissant de facto à la proposition d’une recherche chirurgicale multicentrique et prospective. L’idée de ce changement radical de paradigme et sa réussite tiennent aux principales qualités de Jean-Marie Hay, esprit d’innovation, ténacité, et celles de "chef d’orchestre". Du statut artisanal du début l’organisation des associations et maintenant de FRENCH s’est professionnalisée. Évolution indispensable pour durer et prospérer, tant la recherche clinique s’est considérablement complexifiée, en termes de méthode et de contraintes administratives. Mais l’esprit, l’"humeur" (bonne !), qui a prévalu au début des associations continue avec FRENCH : développer la recherche clinique chirurgicale en France en unissant les forces de chacun, intégrer les jeunes chirurgiens à toutes les étapes de la démarche scientifique, en permettant aux plus anciens d’exercer un tutorat valorisant.

Commentateur : Jean-Marie HAY

 

Effet de l’administration d’une antibiothérapie post-opératoire sur le taux d’infections post-opératoires après cholécystectomie pour cholécystite aiguë lithiasique de grade I-II

SABBAGH C (Amiens)

Résumé
Effet de l’administration d’une antibiothérapie post-opératoire sur le taux d’infections post-opératoires après cholécystectomie pour cholécystite aiguë lithiasique de grade I-II
REGIMBEAU JM, FUKS D, PAUTRAT K, MAUVAIS F, HACCART V, MSIKA S, MATHONNET M, SCOTTE M, PAQUET JC, VONS C, SIELEZNEFF I, MILLAT B, CHICHE L, DUPONT H, DUHAUT P, COSSE C, DIOUF M, POCARD M; FRENCH Study Group

Quatre-vingts dix pourcent des cholécystites aiguës lithiasiques sont de grade I, II. L’antibiothérapie pré et per-opératoire est bien codifiée alors que peu de données sont disponibles quant à la nécessite d’une antibiothérapie post-opératoire.
L’objectif de cette étude était de déterminer l’effet d’une antibiothérapie post-opératoire par amoxicilline+ acide clavulanique sur le taux d’infection après cholécystectomie pour cholécystite aiguë de grade I,II.
Design de l’étude : De Mai 2010 à Août 2012, 414 patients traités dans 17 hôpitaux pour cholécystite aiguë de grade I, II recevant de l’amoxicilline+ acide clavulanique 2g en pré et per-opératoire étaient randomisés dans cette étude ouverte, prospective randomisée de non-infériorité.
Traitement : Après la chirurgie, les patients étaient randomisés dans deux groupes : sans antibiothérapie post-opératoire ou 5 jours d’antibiothérapie post-opératoire par amoxicilline+ acide clavulanique 2gX3/j.
Critère de jugement principal : Taux d’infections post-opératoires durant les 4 semaines post-opératoires.
Résultats : En intention de traiter (n=414 patients), le taux d’infections post-opératoires était de 17% (35/207) dans le groupe sans antibiothérapie et de 15% (31/207) dans le groupe antibiothérapie (différence absolue: 1,93%; IC 95%, -8,98% à 5,12%). En analyse per protocole (n=338 patients), le taux d’infections post-opératoires était de 13% dans les groupes sans et avec antibiothérapie (différence absolue: 0,3%; IC 95%, -5,0% à 6,3%). Avec une borne de non infériorité de 11%, l’absence d’antibiothérapie post-opératoire n’était pas inférieure à la prise d’antibiothérapie post-opératoire sur le taux d’infections post-opératoires. La culture biliaire était stérile dans 60,9% des cas. Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes pour le taux de complications sévères. Dans le groupe sans antibiotiques 195 patients (94,2%) n’avaient pas de complications post-opératoires (Clavien 0-1) et 2 patients (0,97%) avaient un score de Clavien III à V et dans le groupe antibiothérapie post-opératoire, 182 patients (87,8%) n’avaient pas de complications post-opératoires (Clavien 0-1) et 4 patients (1,93%) avaient un score de Clavien III à V.
Conclusion: Pour les patients ayant une cholécystite aiguë de grade I-II et recevant une antibiothérapie pré et per-opératoire, la non prescription d’une antibiothérapie post-opératoire par amoxicilline-acide clavulanique ne résulte pas en un taux plus élevé d’infections post-opératoires.


Commentateur : Abe FINGERHUT

 

Oesophagectomie conventionelle versus coelio-assistée : essai randomisé national de phase III MIRO

MARIETTE C (Lille)

Résumé
La résection chirurgicale est considérée comme la seule option curative du cancer de l'œsophage résécable, Les complications pulmonaires survenant chez plus de 50% des patients après œsophagectomie par voie ouverte, demeurent un problème majeur. Le but de cette étude était d’évaluer si l’œsophagectomie cœlio-assistée avec thoracotomie droite (OCA) diminuait la morbidité par rapport à la voie ouverte (laparotomie, thoracotomie, OVO).
Méthodes : Une étude randomisée, contrôlée, en intention de traiter a été réalisée dans 12 centres (2009-2012). Les patients porteurs d’un cancer de l’œsophage sous carènaire étaient randomisés entre OVO et OCA avec stratification sur le centre. La technique a été standardisée via des visites sur site et des vidéos de Lewis-Santy avec gastrolyse cœlioscopique et thoracotomie droite. Le critère de jugement principal était la morbidité majeure à 30 jours (grade II à IV selon Clavien).
Résultats : 104 patients ont été randomisés dans le groupe OVO et 103 dans le groupe OCA. 67 (64,4%) patients du groupe OVO ont eu une complication postopératoire majeure vs 37 (35,9%) du groupe OCA (OR 0,31, IC95% 0,18-0,55, p=0,0001). 31 (30,1%) patients du groupe OVO ont eu une complication pulmonaire majeure vs 18 (17,7%) du groupe OCA (p=0,037). La mortalité à 30 jours était respectivement de 5 (4,9%) vs 5 (4,9%).
Conclusion : L’OCA permet une diminution de la morbidité postopératoire pour les patients opérés d’un cancer de l’œsophage résécable (NCT00937456).

 

Essai de phase II multicentrique randomisé évaluant l'intérêt d'une chimiothérapie néoadjuvante par FOLF(IRIN)OX dans les adénocarcinomes pancréatiques résécables PANACHE-01 (PRODGIGE 48)

SCHWARZ L (Rouen)

Résumé
Le traitement de référence de l’adénocarcinome pancréatique résécable est la résection chirurgicale suivie d’une chimiothérapie post-opératoire ou adjuvante (traitement standard) à base de Gemcitabine ou de 5-Fluoro-Uracile (5-FU). Cependant, les progrès obtenus par la chimiothérapie adjuvante restent limités, avec des survies médianes sans récidive de 14 mois, et globale de 23 mois. Le taux de survie globale à 5 ans correspondant est de 20%.
L’administration de la chimiothérapie avant la chirurgie (chimiothérapie néoadjuvante) a des intérêts validés dans d’autres localisations de cancers digestifs (Œsophage, Estomac, Rectum, Metastases hépatiques cancer colorectal synchrones). L’approche néoadjuvante permet l'identification des patients avec une maladie métastatique à progression rapide lors de la réévaluation pré-opératoire (qui n’auraient probablement pas tirés bénéfice d’une résection chirurgicale), d’augmenter le taux de résection en marges saines (R0) et de réduire le risque de récidives loco-régionales.
Bien que validé en monothérapie en situation adjuvante et métastatique, la gemcitabine et le 5-FU ne permettent l’obtention d’une réponse objective que chez environ 10% des malades. Les associations de drogues de chimiothérapie (poly-chimiothérapies) permettent chez les patients en bon état général l’obtention d’un taux de réponse de plus de 30%. En situation métastatique, la poly-chimiothérapie de type FOLFIRINOX a été démontrée comme supérieure à la gemcitabine seule (en termes de taux de réponse et de survie sans progression) avec une toxicité contrôlée. L’utilisation de plus de deux agents de chimiothérapie, permet un contrôle tumoral, avec des taux de réponse intermédiaires, ce qui justifie l'utilisation d'une alternative thérapeutique par FOLFOX néoadjuvant.
PANACHE-01 (PRODIGE 48) est une étude randomisée, ouverte, non-comparative, multicentrique de phase II visant à évaluer la toxicité et l'efficacité de deux types de chimiothérapie néoadjuvante (FOLFIRINOX et FOLFOX) pour adénocarcinome pancréatique résécable.
Les patients présentant une lésion résécable selon les recommandations du NCCN (American National Comprehensive Cancer Network 2014) seront randomisés pour recevoir soit le traitement standard, soit 4 cycles de chimiothérapie néoadjuvante à base soit de FOLFOX, soit de FOLFIRINOX. Les patients dans les bras de chimiothérapie néoadjuvante, recevront une chimiothérapie postopératoire pendant 4 mois (8 cycles). L'objectif principal de l'étude est d'évaluer la faisabilité et l'efficacité de ces deux modes de chimiothérapie néo-adjuvante avec comme contrôle le traitement de standard actuellement validé. Le critère principal de jugement est un critère composite associant le taux de survie globale à 12 mois et la faisabilité de la séquence définit par la proportion de patients recevant la séquence thérapeutique complète.
Les critères secondaires sont la toxicité liée à la chimiothérapie, la morbidité globale, la qualité de vie, la survie sans récidive, la corrélation pronostique entre la réponse biologique, radiologique ou pathologique et la survie.
Dans cette étude de phase II, la randomisation de 160 malades est nécessaire. Selon l’approche de Bryant and Day avec répartition 2 :2 :1, nous aurons à inclure 64 patients dans le bras FOLFIRINOX, 64 dans le bras FOLFOX et 32 dans le groupe témoin (avec un risque alpha de 5% et une puissance de 85 %). La durée prévisionnelle d’inclusion est de 24 mois. L'analyse principale sera effectuée 12 mois après la dernière inclusion. L'analyse finale de tous les effets secondaires sera effectuée 3 ans après la dernière inscription. La durée totale de l'étude sera d'environ 5 ans.
L'aspect le plus novateur de cette étude est de tester l'approche néo-adjuvante comme une option thérapeutique pour le traitement de l'adénocarcinome résécable. À ce jour, l’intérêt du FOLF(IRIN)OX en traitement néo-adjuvant de tumeurs localement résécales n'a pas été étudié.
Commentateur : Antonio SA CUNHA

 

Patients âgés porteurs d’un cancer colique : colectomie coelioscopique ou par voie ouverte ? Essai randomisé national de phase III CELL

MANCEAU G (Paris)

Résumé
Introduction : Le cancer du côlon est une pathologie du sujet âgé. Plus de 65% des patients pris en charge actuellement pour ce type de cancer ont plus de 75 ans. La voie d’abord recommandée pour la chirurgie du cancer colique est la cœlioscopie. Plusieurs études de phase III ont démontré qu’à résultats oncologiques identiques, la cœlioscopie améliorait les résultats postopératoires. Cependant dans ces études, l’âge médian des malades inclus ne dépassait pas 71 ans. Ainsi, l’intérêt de l’approche cœlioscopique chez les sujets âgés n’a pas été clairement évalué, et en pratique clinique, il semble que cette voie d’abord soit sous-utilisée dans cette population.
Design de l’étude : Il s’agit d’un essai de phase III, national, multicentrique, randomisé, de supériorité. Après réalisation d’une évaluation gériatrique standardisée, les patients de plus de 75 ans seront répartis au hasard dans l’un des deux bras de traitement. Cette randomisation sera effectuée par minimisation sur plusieurs critères de stratification: centre, localisation de la tumeur colique (côlon droit vs. côlon gauche), tumeur métastatique et âge (75-85 vs. >85 ans).
Critère de jugement principal : Morbidité globale postopératoire définie comme toute complication survenant dans les 30 jours suivant l’intervention.
Analyse statistique : Après analyse de la littérature et avec comme hypothèse que la cœlioscopie permettrait de diminuer la morbidité globale postopératoire de 35 à 20% par rapport à la voie ouverte, 276 patients devront être inclus au total (risque α bilatéral de 5% et puissance de 80%).
Conclusion : Si notre étude confirme la supériorité de la cœlioscopie, elle permettrait d’améliorer la prise en charge chirurgicale de cette population qui représentera la très grande majorité des patients traités pour un cancer du côlon dans les années à venir.
Commentateur : Stéphane BENOIST (Paris)