L. latine 23.  >
À Thomas Bartholin,
le 12 septembre 1653

[Ms BIU Santé no 2007, fo 23 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, etc., à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre dernière et excellente lettre, avec votre splendide cadeau ; j’entends les Dubia anatomica, que vous avez mis au jour en me les dédiant, quand mes compatriotes me connaissent à peine. [1][2][3] Je vous dois donc des remerciements particuliers tant pour votre livre que pour votre bonne intention à mon égard, et pour le fidèle et constant amour que vous me portez ; je vous en rendrai la pareille quelque jour, quand l’occasion s’en présentera. Je salue de tout cœur le très sage M. Olaüs Wormius, ainsi que Messieurs vos très savants frères et votre très heureuse épouse, avec toute la famille. [2][4][5][6][7][8] Notre Riolan [9] a fait imprimer un triple traité contre vous : primo, votre livre de Lacteis thoracicis, dont on a apporté ici, il y a trois mois, quelques exemplaires imprimés à Londres, mais on n’en a vu ici aucun de l’édition de Copenhague ; secundo, de Vasis lymphaticis, dont vous avez envoyé un exemplaire à Riolan ; tertio, le nouvel examen de votre Anatomia reformata. Pour vos Dubia anatomica, je retiens mon souffle, sans aucune idée du jugement qu’il portera sur ce nouvel écrit. À la fin de ses Animadversiones, reparaissent aussi vos traités ; de sorte que, pour la plus grande commodité du lecteur, l’un et l’autre texte soient présents et disponibles en un seul et même livre. [3] Cette édition de Riolan avance fort lentement, parce que les ouvriers imprimeurs font défaut : presque tous sont morts depuis un an, à cause de la guerre, de la fièvre ou de la pénurie de denrées, qui fut alors grande. On en a néanmoins imprimé deux feuilles à ce jour. Quand ce livre sera achevé, je le remettrai à l’excellent M. Neander pour qu’il vous l’envoie. [4][10] Hormis ce peu de choses, je n’ai rien à vous écrire { : ici règnent guerres, massacres et rapines publiques ; nous devons cela au jeune âge de notre roi, et à la rapacité inouïe, à la tyrannie jamais vue du principal ministre italien, Mazarin, dans la domination de nos affaires}. [5][11][12] Le chagrin m’interdit d’en écrire plus {sur nos affaires publiques si misérablement ruinées}, et mes larmes jaillissent à grands flots pour la mort de l’excellent Gabriel Naudé : [13] pour l’immense affliction et tristesse de tous les hommes de bien, tandis qu’il rentrait de Suède et avant d’arriver chez nous, une fièvre continue [14] l’a contraint de s’arrêter en chemin ; il est mort le mardi 29e de juillet dans une ville de notre Picardie qu’on appelle Abbeville. [6][15] Vale et aimez-moi en retour, moi qui pleure mon intime ami en répandant d’abondantes larmes, et qui vous aime aussi très fort. Prenez bien soin de votre santé.

Vôtre jusqu’au tombeau, Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris.

De Paris, le < 12e > de septembre 1653. [7]


a.

Brouillon autographe (surchargé d’additions et de ratures) d’une lettre que Guy Patin a envoyée à Thomas Bartholin, ms BIU Santé no 2007, fo 23 ro ; imprimée dans Bartholin a, Centuria ii, Epistola xxxi (pages 498‑500), De Riolani Opusculis [Des Opuscules de Riolan].

1.

V. note [19], lettre 325, pour les « Doutes anatomiques » de Thomas Bartholin, sur les vaisseaux lactés et les « funérailles du foie » (Copenhague puis Paris, 1653), avec dédicace à Guy Patin (qui devait tout de même en être plongé dans un certain embarras à l’égard de Jean ii Riolan).

2.

En 1649, Thomas Bartholin avait épousé Else Magdalene Christophersdatter (fille de Christopher) Hansen (1634-1675). V. note [1], lettre latine 399, pour leurs deux fils qui devinrent médecins et [4], lettre latine 24, pour les liens entre Olaüs Wormius et la famille Bartholin.

3.

V. note [16], lettre 308, pour les quatre réponses de Jean ii Riolan à Thomas Bartholin, contenues dans sa troisième série d’Opuscula anatomica (Paris, 1653, achevé d’imprimer le 8 novembre) ; avec à la fin, les réimpressions des quatre opuscules de Bartholin visés par les Animadversiones [Remarques critiques] de Riolan : « des Vaisseaux lactés du thorax », « des Vaisseaux lymphatiques », l’« Anatomie réformée » et les « Doutes anatomiques » (dont Guy Patin se demandait encore alors s’ils feraient partie du lot). Tous ces traités défendaient les voies du chyle (révélée par Jean Pecquet en 1651) et avaient d’abord paru à Copenhague et à Londres.

4.

Ce Neander, de prénom inconnu, apparaît deux fois dans la correspondance de Guy Patin avec Thomas Bartholin. Son nom est une forme helléno-latine de Neumann, patronyme germanique courant, que portait aussi, sous cette forme, le médecin allemand Johann Neander (mort en 1632, v. note [26], lettre 1019).

5.

Mise entre accolades d’un passage barré, comme celui qui suit. Ni l’un ni l’autre ne figurent dans la lettre imprimée.

6.

Guy Patin employait ici le nom latin originel d’Abbeville (v. note [7], lettre 58), Abbatis villa, la villa de l’Abbé, car c’était une dépendance de l’abbaye de Saint-Riquier (distante de neuf kilomètres).

7.

La date du jour a été effacée en grattant le papier ; j’ai repris celle que la plume du compilateur du manuscrit a notée en haut de la page, et qui figure dans la version imprimée.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 23 ro.

Clarissimo viro D. Thomæ Bartholino, etc. Hafniam.

Vir clarissime,

Postremam tuam accepi, eámque sumissimam, cum elegan-
tissimo tuo munere ; Dubia Anatomica intelligo, quæ nomini
meo vix inter meos noto, inscripta prodire in lucem voluisti :
ideóque tum pro libro tuo, tum pro bono illo in me animo, fidóq.
et constanti amore, singulares tibi gratias ago, quas etiam ali-
quando referam si εν τω καιρω. Sapientissimum virum D. Olaum
Wormium, ex animo saluto, et viros eruditissimos Dominos fratres
tuos, beatissimámque uxorem, cum tota familia. Riolanus noster
triplicem in Te tractatum prælo subjecit, primum de lacteis Thoracicis,
cujus tui Tractatus aliquot Exemplaria Londini excusa huc allata
sunt ante tres menses : editionis vestratis Hafniensis nullum hîc vidimus comparuit :
2. de vasis lymphaticis, cujus exemplar ad eum Riolanum misisti : tertius
erit novum Examen Anatomiæ tuæ reformatæ. De Dubiis
tuis Anatomicis επεχω, incertus planè, quid super illo scripto novo
quid sit consilii capturus. Sub finem suarum Animadversionum, tua quoque
redentur, ut in uno eodémque libro utrumque prostet, et adsit,
summo lectorum commodo. % O[mn]es ferè Typographi/ [a]nte annum obierunt/ [præ] bello, febre vel furore/ [a]nnonæ penuria, quæ/ [tu]nc magna fuit. Isthæc editio Riolani lentè admodum
procedit, quia desunt Operæ Typographicæ, et duo tamen folia adhuc
excusa sunt : ubi ad umbilicum perducta fuerit, statim Tibi traden- mitten-
dam optimo viro Domino Neandro committam. Præter hæc pauca
quæ scribam nulla habeo : bella, cædes et rapinæ publicæ hîc regnant :
hoc debemus pueritiæ regis nostri, et summi Administri Itali purpurati, Maz. regno rerum
nostratrum, inauditæ rapacitati et invisæ tyranidi
. Plura scribere
vetat dolor de rebus nostris/ publicis miserrimè/ attritis : : et lacrymæ de obitu viri optimi Gabr. Naudæi affa-
tim erumpentes, qui summo bonorum omnium mærore et luctu, à Suecia
redux, priusquam ad nos pervenisset, per mediam assiduam febrem in itinere sub-
sistere coactus, mortalitatem deposuit in urbe Picardiæ nostræ quæ
Abbatis-villa dicitur, die Martis, 29. Iulii. Vale, et ac me, amicum
meum intimum lugentem, et ubertim lacrymas fundentem, tui quoque amantissi-
mum redama, et valetudinem tuam cura diligenter.

Tuus usque ad aras Guido Patin,
Bell. Doctor Med. Paris.

Parisiis […] Sept.
1653.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 12 septembre 1653

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(Consulté le 26/04/2024)

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