L. latine 215.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 13 octobre 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 115 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, à Utrecht. [a][1]

Je vous ai précédemment écrit pour que vous avisiez notre ami M. Marten Schoock d’envoyer son fils à Paris ; [1][2][3] je l’y accueillerai dans ma maison et le choierai en mon sein aussi longtemps qu’il plaira à ce très distingué jeune homme. Mais à présent je vous écris pour vous remercier de ses livres, que j’ai reçus par vos soins : Simon Moinet me les a fait parvenir par voie sûre. [4] N’a-t-on pas imprimé quelque liste de toutes les œuvres, livres et opuscules de M. Marten Schoock ? S’il n’en existe pas encore et s’il en a le loisir, mettez-lui en tête l’idée de dresser quelque chose de tel. S’il fait cela (comme fit jadis Fortunio Liceti, à la demande de notre ami Gabriel Naudé), [2][5][6] qu’il me l’envoie alors, [Ms BIU Santé no 2007, fo 116 ro | LAT | IMG] j’aurai soin de faire imprimer son répertoire en jolis caractères et vous en enverrai autant d’exemplaires que vous voudrez. En temps et lieu opportuns, tirez l’oreille de cet homme, très savant et très occupé à des affaires sérieuses, pour qu’il dresse enfin cette liste. Quand son livre de Fermentatione nous arrivera-t-il ? [3] Il a récemment écrit quelque chose de Sabbato que je n’ai jamais vu ; tout comme son de Bonis ecclesiasticis, in‑4o, son Collegium logicum, in‑8o, son traité de Inundationibus, in‑8o, et ce qu’il a écrit in Suetonium[4][7] Vous achèterez, s’il vous plaît, chacun d’eux à mes dépens, et les enverrez ensuite à Paris par une voie que je vous indiquerai le moment venu. Je souhaite que vous y joigniez aussi un exemplaire de la Fabula Hamelensis, in‑12, relié à la mode hollandaise. [5] Ce livre me semble excellent ; j’ai offert celui que j’avais au très illustre M. de Lamoignon, le fort docte premier président du Parlement de Paris ; [8] lequel m’invite très souvent à manger à son opulente table et à partager ses débauches savantes. [9] J’y ai fréquemment et longuement discouru avec lui sur les savants et sur les écrivains érudits de notre temps, parmi lesquels notre ami Marten Schoock n’a pas tenu le dernier rang. Je n’ai pu ni dû lui refuser ce livre sur la Fabula Hamelensis quand il me l’a demandé. J’attends et désire donc que vous me l’envoyiez, de même que les Vitæ professorum Groningensium, in‑fo[6][10][11] Voyez comme je suis effronté, veuillez m’en pardonner. Notre différend avec le pape n’a pas encore pu être arrangé : on dit que toute l’affaire aboutira à l’emploi de la force et se terminera par la guerre. [12][13] On parle ici de la diète de Ratisbonne qui doit se tenir dans quelques mois et à laquelle, dit-on, notre roi enverra l’illustrissime et éminentissime cardinal de Retz. [7][14][15] Saluez le très distingué M. Marten Schoock. Vale et aimez-moi.

De Paris, ce 13e d’octobre 1662.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fos 115 vo‑116 ro.

1.

V. lettre latine du 13 septembre 1662.

2.

Fortunii Liceti Genuensis, in Patavino Lyceo Philosophi Ordinarii, de propriorum operum Historia libri duo. Ad Gabrielem Naudæum, Christianissimi Regis Consiliarium, eiusdem Oratorum ad Sum. Pontificem Medicum Ordinarium.

[Deux livres {a} sur l’Histoire des œuvres personnelles de Fortunio Liceti, {b} natif de la République de Gênes, professeur ordinaire de philosophie à l’Université de Padoue. Dédiés à Gabriel Naudé, conseiller médecin ordinaire du roi très-chrétien et de ses envoyés auprès du souverain pontife].


  1. Avec ces sommaires :

    • Liber primus, in quo tractatur de libris propriis hactenus impressis, patefacta præsertim materia considerata, occasione scribendi, ac tempore, locoque impressionis [Premier livre traitant de ses ouvrages déjà imprimés où sont principalement présentés le sujet qu’ils couvrent, les circonstances de leur écriture, avec les lieu et date de leur publication] ;

    • Liber secundus, in quo tractatur de libris propriis nondum impressis ; quorum alij cuduntur ad præsens ; alij manuscripti manum impressoris expectant ad eam parati [Second livre traitant de ses ouvrages non encore imprimés, dont certains sont présentement sous presse, et les autres, à l’état de manuscrits prêts à être publiés et attendant que l’imprimeur y mette la main].

  2. V. note [4], lettre 63.

  3. V. note [9], lettre 3, pour Gabriel Naudé et son second séjour en Italie (1631-1642), comme bibliothécaire du Cardinal Bagni (et agent de renseignements pour le compte de Richelieu).

  4. Padoue, Paolo Frambotti, 1634, in‑4o.

    Le frontispice est centré sur une vignette contenant un pseudo-anagramme de Fortunio Liceti, fortasse licebit [peut-être y parviendrai-je], dont le sens est expliqué par l’image de Mercure poursuivant un faune : le dieu (v. note [7], lettre latine 255) pourrait symboliser la propagation des nouvelles et du savoir ; l’autre, qui court plus vite que le premier, renverrait à la Nature dont les secrets dépasseront toujours l’entendement humain ; mais il existe d’autres raisons pour chercher à attraper un Satyre…


3.

Vla notice biographique de Marten Schoock pour sa bibliographie complète établie par Jean-Noël Paquot (Louvain, 1764), et note [3], lettre 723, pour son traité « sur la Fermentation » (Groningue, 1663).

4.

Ces ouvrages de Marten Schoock, tous publiés à Groningue, sont :

5.

En librairie, la « mode hollandaise » consistait à vendre les livres reliés, tandis qu’en France, ils étaient négociés « en blanc » (en feuilles), laissant à l’acheteur le soin de les faire relier.

V. la 8e référence de la note [2], lettre de Marten Schoock, datée du 12 août 1656, pour son livre sur la « Fable (du joueur de flûte) de Hamelin » (Groningue, 1659).

6.

Effigies et Vitæ Professorum Academiæ Groningæ et Omlandiæ, cum historiola fundationis ejusdem Academiæ [Portraits et Vies des professeurs de l’Université de Groningue et des Ommelanden, avec une brève histoire de la fondation de cette Université] (Groningue, Johannes Nicolaus, 1654, in‑fo. Le portrait, la vie et la bibliographie de Marten Schoock occupent les pages 131‑133. Son effigie est assortie de ces vers :

Patria quam stupuit, Daventria, nuncque Groninga,
Schoockius investi corpore conspicitur.
Hujus at ingenio vestitum pingere vultum ;
Solius est Sophiæ maximus ille labor.

Ioan. Steinbergius, Ict. et Antecess.

[Lui sur qui le pays de Deventer, et maintenant celui de Groningue, s’est extasié sur Schoockius, voici son corps sans fard à contempler ; mais le représenter vêtu de son intelligence et un immense labeur, qui n’appartient qu’à la Sagesse.

Johann Steinberg, professeur de droit. {a}


  1. 1592-1653, professeur de l’Université de Groningue et collègue de Schoock qui i enseignait la logique et la physique (histoire naturelle).

La bibliographie de Schoock, qui suit ce portrait, est fort incomplète. Sa Vita [Vie], qui précède, apporte en revanche de précieuses informations sur sa parenté médicale :

Prænomen accepit a proavo materno Martino Schipperio Medico eximio, qui ut ultra triennium magno illi Vesalio domesticus fuit, ita ad annos ferme quinquadinta magna cum nominis celebritate Medicam praxin exercuit Delphis et Ultrajecti […]. Dierum fatur vivere desijt Ultrajecti anno 1603. cum filium unicum Ioh. Baptistam Schipperium Med. D. Virumque summæ exspectationis, composuisset ibidem anno 1593. cujus vidua Gertrudis van Voorst postea nupsit Ælio Everardo Vorstio Medicinæ Professori celebratissimo in Academia Lugduno-Batava.

[Il reçut son prénom de son bisaïeul maternel Marten Schipper, médecin remarquable qui, après avoir été pendant plus de trois ans l’intime élève du grand Vésale, {a} a exercé avec grand renom pendant quarante ans à Delfdt et à Utrecht (…). Il mourut en 1603 à Utrecht, ayant eu un unique fils, Johann Baptist Schipper, docteur en médecine et personnage de grandes espérances, décédé à Utrecht l’an 1593, et dont la veuve, Gertrude van Vorst, se remaria avec Ælius Everardus Vorst, {b} très honoré professeur de médecine en l’Université de Leyde].


  1. André Vésale, mort en 1564, v. note [18], lettre 153.

  2. Mort en 1624, v. note [12], lettre d’Adolf Vorst (fils d’Ælius Everardus) datée du 4 septembre 1661.

    Fils de Johanna Vorst (sœur d’Ælius Everardus) et Gilbert Schoock, Marten n’était pas lié par le sang aux Schipper, mais était cousin germain d’Adolf Vorst.


7.

V. note [2], lettre 735, pour la diète de Ratisbonne où Louis xiv aurait eu l’intention d’envoyer le cardinal de Retz.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 115 vo.

Cl. viro D. Christ. Utenbogardo, Ultrajectum.

Antehac ad Te scripsi, ut moneres Amicum nostrum D. Mart. Schoockium,
de Parisios mittendo suo Filio, quem in domo mea excipiam, et in sinu fovebo,
quamdiu Cl. Iuventi placuerit : nunc a. ad te scribo, ut gratias agam pro libris
ejus, cura tua acceptis, quos per viam tutam mihi transmisit Sim. Moinet.
Nonne præstat aliquis Indiculus typis mandatus, omnium Operum, librorum et
libellorum D. Martini Schoockij ?
si nullus prostet, eiq. liceat per otium, fac ut
Illi veniat in mentem aliquid tale conficiendi : quod si fecerit, (ut olim Fortunius
Licetus
, Cl. viri Gabr. Naudæi, Amici nostri rogatu) ad me mittat, eum tum

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 116 ro.

statim typis elegantib. mandari curabo, et exemplaria mittam quantum voluerit.
Tempore et loco velle aurem viro eruditissimo, et 2 occupatissimo 1 in reb. serijs, ut indicem
illum tandem conficiat. Quandonam veniet ejus liber de Fermentatione ?
Nuper aliquid scripsit de Sabbato, quod nunquam vidi : ut et de bonis Ecclesias-
ticis, in 4. Collegium Logicum
, in 8. de Inundationibus, in 8. et quod scripsit in
Suetonium : quæ singula si placet, ære meo mihi redimes, et postea mittes
Lutetiam, per viam quam Tibi tunc indicabo ; quib. etiam adjungas velim
unum Exemplar, Hollandico more compactum, de fabula Hamelensi,
in 12. Iste liber videtur mihi optimus : Exemplar meum obtuli viro Illu-
strissimo, D. de Lamoignon, viro literatissimo, et Paris. Senatus Principi :
qui me sæpius ad opiparam cœnam invitat, et ad eruditum luxum, ubi sæpe
multos sermones habui de viris eruditis et literatis hujus ævi scriptoribus :
inter quos postremum locum non obtinuit, Amicus noster Mart. Schoockius :
cuiq. postulanti non potui nec debui denegare librum istum de fabula
Hamelensi
 : quem à Te expecto, et expeto, ut et Vitas Professorum Gronin-
gensium, in fol.
Vide hominem perfrictæ frontis, et ignosce. Dissidum nostrum cum
Papa nondum componi potuit : tota res in nervum dicitur eruptura, et in bellum
desitura. Hîc agitur de diæta Rastibonensi, cis paucos menses habenda, et
ad quam missurus dicitur Rex noster, virum illustriss. ac præstantissimum,
cardinalem Retensem. Clar. virum D. Mart. Schoockium saluta. Vale,
Vir Cl. et me ama. Parisijs, die 13. Oct. 1662.Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 13 octobre 1662

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(Consulté le 04/05/2024)

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