À Claude II Belin, le 7 décembre 1632, note 16.
Note [16]

Monsieur était le titre qu’on réservait au frère puîné du roi de France, autrement nommé S.A.R., Son Altesse Royale, fils (et non prince) de France.

Gaston-Jean-Baptiste (Fontainebleau 1608-Blois 1660), duc d’Anjou à la naissance, puis d’Orléans en 1626, était le troisième fils de Henri iv et de Marie de Médicis. Il était devenu Monsieur, « frère unique du roi », en novembre 1611, après la mort du second de ses frères, Nicolas, le petit duc d’Orléans, plus âgé que lui d’un an. Gaston était le fils préféré de la reine mère et ne pouvait guère s’entendre avec son frère aîné, Louis xiii, car la stérilité préoccupante du couple royal faisait de lui l’héritier présomptif du trône, avec, chaque jour, plus de probabilité. La mauvaise santé de Louis et sa longue brouille avec sa mère (1617-1620) n’avaient guère arrangé les choses.

La première conspiration de Gaston, en 1626, avait été tramée avec divers complices : son précepteur, le maréchal d’Ornano ; la duchesse de Chevreuse (v. note [37], lettre 86), confidente et favorite de sa belle-sœur, Anne d’Autriche ; César et Alexandre de Vendôme, ses demi-frères légitimés ; le comte de Chalais. Le complot visait à empêcher le mariage de Gaston avec la duchesse de Montpensier (v. note [55] du Borboniana 5 manuscrit) pour le laisser libre d’épouser Anne d’Autriche et devenir roi de France après qu’on aurait soulevé les protestants et qu’on se serait allié avec l’Espagne pour éliminer Louis xiii et son ministre Richelieu. L’affaire fit long feu : on arrêta les Vendôme (Blois, 11 juin), on maria Gaston à Marie de Montpensier en le faisant duc d’Orléans (Nantes, le 5 août), on coupa la tête à Chalais (19 août), on enferma d’Ornano à Vincennes où il mourut bien vite (2 septembre) ; Mme de Chevreuse s’enfuit en Lorraine.

Marie de Montpensier, la première duchesse d’Orléans (v. note [55] du Borboniana 5 manuscrit), était morte le 4 juin 1627, une semaine après avoir accouché. La cour avait redouté la naissance d’un fils, qui aurait renforcé la légitimité de Gaston, mais ç’avait été une fille, Anne-Marie-Louise d’Orléans, la Grande Mademoiselle. Gaston avait plus tard voulu se remarier avec Marie de Mantoue, mais le roi et la reine n’y avaient pas consenti. Furieux d’une opposition où il savait que Richelieu avait la plus grande part, Gaston avait quitté la cour et s’était retiré en Lorraine (1631) auprès du duc Charles iv. Ayant qualifié le cardinal de « prêtre inhumain et pervers » qui « a réduit la France à l’extrémité », dans un manifeste lancé à Nancy le 30 mai 1631, il avait dû se réfugier à Bruxelles auprès de sa mère, Marie de Médicis, en exil.

Le 3 janvier 1632, Gaston avait épousé, sans approbation royale, Marguerite de Lorraine (v. note [10], lettre 18), la sœur de Charles iv, inaugurant ce qu’on a appelé la « grande cabale ». La première manche venait de s’en jouer : accompagné d’une petite troupe, Gaston, par la Lorraine, la Bourgogne et l’Auvergne, avait gagné le Languedoc pour s’allier au gouverneur de la province, le duc Henri ii de Montmorency, qui se rebellait contre la transformation de son pays d’états en pays d’élections (v. note [15], lettre 12) ; cette conjuration avait abouti à la défaite de Castelnaudary (1er septembre 1632), à la décapitation du duc de Montmorency (30 octobre suivant) et au retour précipité du duc d’Orléans à Bruxelles, son point de départ, d’où il ne put revenir qu’en octobre 1634 avec l’agrément du roi son frère.

Les autres épisodes de l’existence tourmentée de Monsieur Gaston sont évoqués en leurs temps dans la suite des lettres. Ses innombrables rébellions contre la Couronne (Louis xiii puis Louis xiv) et contre ses deux principaux ministres (Richelieu puis Mazarin) n’ont valu de représailles qu’à ses comparses (les plus célèbres, le marquis de Cinq-Mars et François-Auguste de Thou, l’ont payé de leur vie, v. note [6], lettre 75). Gaston n’avait rien à craindre : en tant que premier prince du sang royal, il jouissait d’une complète impunité car, sauf mort au cours d’une bataille rangée, l’atteindre physiquement eût été un crime de lèse-majesté, punissable des plus cruels supplices.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 7 décembre 1632, note 16.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0013&cln=16

(Consulté le 26/04/2024)

Licence Creative Commons