À Charles Spon, le 13 janvier 1655, note 20.
Note [20]

« Dieu fasse qu’il nous parvienne vite. »

L’Epistola nuncupatoria [Épître dédicatoire] du De Curatione per sanguinis missionem, liber… [Livre sur le Traitement par la saignée…] de Botal (Lyon, 1655, v. note [18], lettre 360), signée Michel Duhan, bibliopola Lugdunensis [libraire de Lyon] et datée du 1er janvier 1655, est adressée Clarissimo, spectatissimoque Viro, D. Carolo Sponio, doctori medico Monspeliensi, Lugdunensibus aggregato, necnon Chirurgiæ pro tempore Professori publico [à Me Charles Spon, très célèbre et estimé, docteur en médecine de Montpellier, agrégé aux médecins de Lyon, ainsi qu’à l’occasion professeur public de chirurgie]. Spon était l’éditeur scientifique de l’ouvrage et a tenu la plume du libraire, comme le montre cette entrée en matière que seul un médecin était capable d’écrire : {a}

Inter varias nostrorum temporum calamitates, Vir Clarissime, non postrema nobis videtur præstantiorum Disciplinarum labefactio, quam tot semidocti factis scriptisque studiose moliuntur. De cæteris autem uti modo sileam, quid non in fundo tentatum hactenus Iatrico ? Ecce, hic nova comminiscitur totius artificij prinicipia : Ille incomperta χυλοδοχεια proponit. Iecinoris hæmatosi funus indicit unus : Alter lienem nonnisi Chyloseos promotorem, ad cætera inutilem profitetur. Perpetem alii purpuræ animæ vertiginem, qua per cor, et cordis πεφυκοτα volvatur ac revovlvatur, assignant. Non desunt qui Pharmaca pene omnia, (quamvis eximia omniparentis Naturæ munera) floccifaciant. Quidam abdicato innoxiorum usu, peremptoria populo obtrudunt, ac magnifice commendant. Verum hæc omnia, utut palmaria Neoticorum ausa, minutula saltem merentur haberi, ac pene iocosa, præ nupera Polyphemuli cuiusdam Brabantini, penitus exoculati vecordia, qua Chirurgicorum præsidiorum Reginam Phlebotomem abrogare nititur. Quo voto si potiatur, quid satis solatii graviter dolitantibus, quidve spei accute laborantibus amplius supersit, negant se perspicere coulatissimi quique veteris Medicinæ cultores.

[Parmi les diverses calamités de notre temps, très distingué Monsieur, la moindre ne me paraît pas être l’écroulement des sciences les plus éminentes, que fomentent tant de demi-savants par leurs agissements et leurs écrits. Sans parler des autres disciplines, {b} à quel fondement de la médecine ne s’est-on pas encore attaqué aujourd’hui ? En voici un qui réinvente entièrement les principes de l’art ; {c} un autre qui présente d’obscurs conduits biliaires ; {d} celui-ci déclare les funérailles du foie dans la sanguification ; celui-là professe que la rate n’a d’autre utilité que de promouvoir la chylose ; {e} d’autres encore établissent un tournoiement perpétuel du sang qui le ferait naturellement sortir du cœur pour y revenir ensuite. {f} Il ne manque pas de gens qui méprisent presque tous les médicaments (bien qu’ils soient d’éminentes faveurs de la Nature, mère de tout ce qui existe). Ayant banni l’emploi des remèdes anodins, certains en imposent de meurtriers au peuple et les lui prescrivent à l’envi. {g} En vérité, quelque osées que soient les conquêtes des modernes, tout cela mérite d’être tenu pour broutilles, presque badines, en exceptant les récentes extravagances d’un certain petit Polyphème brabançon à l’œil crevé, {h} s’acharnant à abolir la phlébotomie, reine des secours chirurgicaux. En se soumettant à ce vœu, tous les adeptes les plus avisés de l’antique médecine refuseraient de voir qu’il ne leur reste alors plus rien pour soulager convenablement ceux que torturent les douleurs, ni pour donner espoir à ceux qui les endurent].


  1. Cette diatribe est remplie d’allusions transparentes aux laborieux progrès du savoir (éclaircies dans mes notules). Guy Patin n’y est pas nommé, mais en a sûrement approuvé les termes

  2. Astronomie, physique, mathématiques ou chimie.

  3. Paracelse fut l’initiateur de la Renaissance médicale (v. note [7], lettre 7).

  4. L’anatomie et le fonctionnement des voies biliaires n’ont guère été évoquées dans notre édition (v. note [16], lettre 391) : le Manuel anatomique et pathologique (traduction française de Lyon, 1672) de Jean ii Riolan en donne un aperçu, dans le chapitre xxvi, livre ii (pages 198‑200), De la petite Bourse, ou Vessie, qui contient le Fiel.

  5. Découvertes chaudement contestées de Jean Pecquet, Thomas Bartholin et quelques autres sur les voies du chyle, sa fabrication (chylose ou chylification) et son rôle dans l’élaboration du sang (sanguification), v. note [26], lettre 152 ; le propos abscons sur la rate suggère peu d’intérêt de l’auteur pour le sujet.

  6. Description par William Harvey de la circulation du sang (ici poétiquement appelé purpura anima [âme pourpre]), que ses nombreux opposants tenaient encore pour une théorie futile et aberrante (v. note [12], lettre 177).

  7. Querelle de l’antimoine (v. note [8], lettre 54).

  8. Jan Baptist Van Helmont (v. note [11], lettre 121), sagace bourreau de l’atrabile et de la théorie humorale (v. notule {a}, note [17], lettre latine 87), ici comparé au cyclope Polyphème aveuglé par Ulysse (v. note [51] du Borboniana 9 manuscrit).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 13 janvier 1655, note 20.

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(Consulté le 28/04/2024)

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