Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 9 manuscrit, note 28.
Note [28]

« “ Cette éloquence séculière est en effet le calice de Babylone, où sont offertes toutes sortes de blasphèmes, d’hérésies, de mœurs dépravées, etc., comme dit quelque part Origène. {a}
Tu as par trop honoré tes amis, mon Dieu, dit le Psaume de David. {b}
Mais contre lui les hérétiques se scandalisent à l’excès ; cardinaux, évêques et moines s’abandonnent aux abus ; les catholiques s’affermissent. Les hérétiques reprochent à l’Église romaine son faste, au strict opposé de la simplicité et de la piété des apôtres ; mais eux furent des graines, et nous sommes l’arbre qui fleurit, qui verdit, qui fructifie.
Les tout petits enfants croient tout ce qu’on leur donne à croire, même les plus profondes inepties, comme font aussi les vieillards séniles ; devenus plus grands, d’abord ils ne croient plus à rien, puis ils oscillent d’un extrême à l’autre ; une fois vieux, ils croient sagement ce qui doit l’être, et ne s’y trompent pas, car alors le corps commence à s’affaiblir, mais l’esprit commence à revivre. ” Ces propos ont été recueillis auprès du Père Campanella, et non pas de Nicolas Bourbon. » {c}


  1. Le contenu de cet article du Borboniana et du précédent {i} m’a mené à consulter le :

    Origenis Adamantii Operum Tomi Duo Priores cum Tabulis et Indice generali proxime sequentibus. Quibus nuperrime accessit Fragmentum Commentatiorum ipsius Origenis in Evangelium secundum Matthæum, D. Erasmo Roterodam interprete

    [Deux premiers tomes des Œuvres d’Origène Adamantius, {ii} avec des tables et un index général dans les pages qui suivent immédiatement. Auxquelles a été tout récemment ajouté le Fragment des commentaires du dit Origène sur l’Évangile son Matthieu, dans la traduction de D. Érasme de Rotterdam]. {iii}

    Sans être textuelle, cette citation se réfère à un passage de l’Homilia ii Origenis in Hieremiam [Homélie ii d’Origène sur Jérémie], chapitre ii, De eo quod scriptum est, Fugite de medio Babylonis [Sur ce qu’il a écrit « Fuyez du centre de Babylone » {iv}] (second tome, page 158, première colonne, repère B) :

    Calix aureus Babylon in manu dei inebrians omnem terram. De vino eius biberunt gentes. Propter hoc commotæ sunt gentes, et subito cecidit Bablyon, et contrita est. Nabuchodonosor volens decipere homines per calicem Babylonis dolosum, non miscuit in vase fictili quod parabat potari : sed neque in paulo meliore, et æreo vase, vel stanneo, et quod ista præcellit argenteo, verum eligens vas aureum in eo poculum temperavit, ut quis videns decorem auri, dum radiantis metalli pulchritudine delectatur, et totus oculis hæret in specie, non consideret quid intrisecus latitet, et accipiens calicem bibat, nesciens calicem Nabuchodonosor, intelligens autem calicem aureum in præsenti nominatum. Sed animadvertas pessimorum dogmatum verba mortifera qualem habeant compositionem, qualem decorem eloquentiæ, qualem rerum divisionem : cognosces quo modo unusquisque poetarum qui putantur apud vos disertissimi, calicem aureum temperaverit, et in calicem aureum venenum iniecerit idolatriæ, venenum turpiloquiorum, venenum eorum quæ animam hominis interimunt dogmatum, venenum falsi nomnis scientiæ.

    [Le calice en or est dans la main du dieu de Babylone {v} pour enivrer la terre entière. Les peuples ont bu de son vin. Pour cette raison, les peuples ont été ébranlés, et Babylone a soudain disparu et a été broyée. Voulant duper les hommes par le fourbe calice de Babylone, Nabuchodonosor {vi} n’a pas mélangé ce qu’il offrait à boire dans un récipient en argile ni, ce qui eût été un peu mieux, dans un récipient en airain ou en étain ou, ce qui vaut encore mieux que cela, dans un récipient en argent ; mais non, il a choisi un récipient en or et y a accommodé son breuvage, afin que chacun, voyant la splendeur de l’or, se délecte alors de la beauté du métal étincelant, fixe tous ses regards sur son apparence, sans prêter attention à ce qui s’y cache ; chacun accepte ce calice et boit, en ignorant que c’est celui de Nabuchodonosor, mais en percevant sur-le-champ que c’est un calice en or qu’on lui présente. Vois pourtant que les mots mortifères des dogmes les pires ont le même agencement, la même parure d’éloquence, la même distribution des arguments : sache de quelle manière tout poète, parmi ceux qu’on tient chez vous pour les plus éloquents, aura préparé un calice en or, et y aura injecté le poison de l’idolâtrie, le poison des propos obscènes, le poison de ces dogmes qui détruisent l’âme de l’homme, le poison du faux nom de science].

    1. V. supra note [27].

    2. Surnom d’Origène, qui signifie « dur comme le diamant ».

    3. Lyon, Iacobus Giuntus, 1536, un volume in‑fo divisé en 2 tomes de 260 et 219 pages ;

    4. Jérémie, 50:8.

    5. Babylone (v. note [7], lettre 466), antique capitale du royaume mésopotamien, était pour les Israélites de la Bible, qui y avaient été exilés, le symbole du paganisme et de la débauche. Les protestants qualifiaient Rome de « nouvelle Babylone ».

    6. Souverain de Babylone, destructeur du temple de Salomon au vie s. av. J.‑C. (v. note [7], lettre 498).
  2. Psaumes (138:16) : Mihi autem nimis honorificati sunt amici tui Deus nimis confirmati sunt principatus eorum (Vulgate). La seule belle et fidèle traduction que j’en ai trouvée est celle, janséniste, de Louis-Isaac Le Maistre de Sacy (v. note [5], lettre 867) : « Mais je vois, mon Dieu, que vous avez honoré d’une façon toute singulière vos amis ; et leur empire s’est affermi et augmenté extraordinairement. »

  3. La remarque finale est ajoutée dans la marge du manuscrit, probablement par Guy Patin (mais avec les précautions qu’impose la remarque placée à la fin de la note [21] infra).

    V. note [12], lettre 467, pour le dominicain italien Tommaso Campanella, qui finit ses jours à Paris en 1639 et avec qui Patin a directement conversé en le soignant pour sa goutte, comme il l’a écrit dans sa lettre du 9 septembre 1638 à Caspar i Bauhin (v. sa note [14]).

    Le Borboniana imprimé de 1751 a repris tout ce passage latin (article lxxiii) avec quelques variantes mineures, mais en remplaçant le passage contre les ecclésiastiques qui « s’abandonnent aux abus » par un prudent etc., et sans attribuer ces dires à Campanella.


Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 9 manuscrit, note 28.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8210&cln=28

(Consulté le 26/04/2024)

Licence Creative Commons