Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 49.
Note [49]

« dans ses Conseils et exemples politiques, livre i : “ Il en est pourtant qui ne se contentent pas de préférer l’impiété à la vie, mais qui l’expriment impudemment dans leurs paroles. Tel a été l’empereur Frédéric ii, disant toujours que trois insignes imposteurs ont dupé le monde. ” »

Le chapitre iv de ce livre de Juste Lipse {a} est intitulé De Impietate. Eius matrem Superbiam, aut Ferociam, sæpe et Vitiorum cumulum, esse [De l’Impiété. L’insolence ou la violence est sa mère, et elle est souvent un amoncellement de vices]. La citation de Gabriel Naudé forme le 2e paragraphe (pages 22‑23) :

Omitto veteres, apud quos veniam aliquam habuerit, in caligine errorum : apud Christianos qui potest ? Et sunt tamen, qui non vita solum eam præferunt : sed impudenter lingua exprimunt ; ut ille Fredericus ii. Imperator, cui semper in ore : Tres fuisse insignes impostores, qui genus humanum seduxerunt, Moysem, Christum, Mahumetem. Ô impure, ô impie ! te hoc dicere quod gentilium quidam olim, Christum magum fuisse et ex Ægyptorum adytis angelorum potentium nomina habuisse ?

[Je pardonne aux Anciens, car leur ignorance les excuse quelque peu ; mais peut-on en dire autant des chrétiens ? Il en est pourtant qui ne se contentent pas de préférer l’impiété à la vie, mais qui l’expriment impudemment dans leurs paroles. Tel a été l’empereur Frédéric ii qui avait toujours ces mots à la bouche : Il y a eu trois insignes imposteurs qui ont dupé le monde, Moïse, le Christ et Mahomet. Quelle impureté, quelle impiété ! Vous répéterai-je ce que jadis disait un païen : Le Christ était un mage, et il a usurpé le renom des puissants messagers sortis des temples égyptiens ?]. {b}


  1. Première édition à Anvers, 1605, v. note [27], lettre 449.

  2. Livre i, page 31 des Arnobii Disputationum adversus gentes libri septem [Sept livres d’Arnobe contre les nations] (Paris, 1605, v. note [2], lettre 126) :

    Magus fuit, clandestinis artibus omnia illa perfecit ; Ægytiorum ex adytis angelorum potentium nomina, et remotas furatus est disciplinas.

    [Ce fut un mage, il a tout accompli par arts secrets : il a usurpé le renom des puissants messagers sortis des temples égyptiens, et il a pillé leurs sciences cachées].


Polyglotte, poète, philosophe et érudit, Frédéric ii Barberousse (1194-1250) a été le plus puissant et brillant monarque de son siècle : empereur germanique (élu en 1220), roi de Sicile, d’Arles et de Jérusalem, il s’est signalé par son opposition au pouvoir pontifical et par son scepticisme religieux. En médecine, il a été le premier souverain à promulguer, en 1241, un édit autorisant la dissection des corps humains.

Sur la foi de ce que Lipse avait écrit en 1605, le Naudæana laissait entendre que le livre « des trois Imposteurs » (dont il mettait l’existence en doute) ne faisait que ressasser des doutes exprimés depuis le xiiie s., voire depuis la révélation des trois religions monothéistes.

Guy Patin a incité Hugues ii de Salins à lire ce chapitre de Lipse dans sa lettre du 9 mars 1657 (v. note sa note [27]).


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 235‑236 :

« Le livre de tribus Impostoribus. On a inséré dans l’Hist. des Ouvr. des Sav., février 1694, p. 278, un extrait d’une dissertation de M. de La Monnoye {a} pour prouver que ce livre est une chimère et n’a jamais existé. {b} M. Simon, dans ses Lettres choisies, est aussi de ce sentiment. {c} On voit néanmoins des gens d’un bon jugement et d’une profonde érudition assurer le contraire. Le savant Morhof peut être mis de ce nombre, {d} qui ajoute qu’il semble que Cl. Berigardus avait eu entre les mains ce livre détestable. » {e}


  1. Bernard de La Monnoye, v. notule {b}, note [7], lettre 977.

  2. Histoire des ouvrages savans par Mons. B***, {i} docteur en droit. Mois de décembre 1693, janvier et février 1694. Seconde édition revue et corrigée (Rotterdam, Reinier Leers, 1697, in‑12, article xv, Extraits de diverses lettres, pages 278‑281 :

    « Je vous envoie, Monsieur, une dissertation de M. de La Monnoye {ii} touchant le livre des tois Imposteurs. […] Ce qui fait encore plus douter de ce livre, c’est la diversité des auteurs à qui on l’attribue. Muret a été l’un des plus soupçonnés. {iii} Les opinions différentes que l’on en a se détruisent mutuellement ; et cela fait conclure que l’on n’a jamais rien lu de ce livre que le titre. »

    1. Henri Basnage de Beauval (Rouen 1657-La Haye 1710) ; 24 volumes de ses Ouvrages des savans ont paru entre 1687 et 1709.

    2. Cette dissertation de La Monnoye figure dans les pièces justificatives du livre des trois Imposteurs édité par Philomneste Junior (Bruxelles, 1867, v. supra note [47]), pages 67‑84, suivie par une réponse de Peter Friedrich Arpe, écrite en 1768, pages 85‑94.

    3. Marc-Antoine Muret, v. note [31], lettre 97.
  3. Lettres choisies de M. [Richard] Simon [prêtre de l’Oratoire, 1638-1712], où l’on trouve un grand nombre de faits anecdotes de littérature (Amsterdam, Louis de Lorme, 1700, in‑4o) : première partie de la lettre xvi, de Paris le 3 mai 1684, à Monsieur Z.S., Le livre intitulé de tribus Impostoribus est une pure imagination, page 142.

  4. Danielis Georgii Morhofii, Polyhistor sive de notitia auctorum et rerum Commentarii. Quibus præterea varia ad omnes disciplinas consilia et subsidia proponuntur.

    [Le Polyhistor {i} de Daniel Georgius Morhofius, {ii} ou ses Commentaires sur la connaissance des auteurs et des choses. Où sont présentés des avis et des aides touchant à tous les savoirs]. {iii}

    livre i, chapitre viii, De Libris damnatis [Livres condamnés] page 71 :

    Inter damnatos primo loco numerantur scriptores Athei, qui doctrinam de Deo, de Christo, de immortalitate animæ exstirpatum eunt. Princeps in his liber ille famosus est de tribus Impostoribus. […] Hunc librum legisse, et ex eo quædam excerpisse videtur Claudius Berigardus in Circ. Pisani, part. 3. Circ. 3. p. 230.

    [Sont à compter en premier lieu parmi les condamnés les écrivains athées qui pensent avoir déraciné la doctrine qui touche à Dieu, au Christ, à l’immortalité de l’âme. Le célèbre livre des trois Imposteurs s’y place au premier rang. (…) Claudius Berigardus semble avoir lu ce livre et en avoir extrait quelques passages dans la 3e patie de son Circulus Pisanus, Circ. 3, page 320].

    1. Omniscient.

    2. Daniel Georg Morhof (1639-1691), historien et bibliographe allemand.

    3. Lübeck, Petrus Böckmannus, 1688, in‑4o de 557 pages.
  5. V. supra note [5] pour Claudius Berigardus et son « Cercle pisan » (Udine, 1643). Dans le 3e volume de la première édition, De veteri et Peripatetica Philosophia in Arist. libros de Cœlo [De l’ancienne et péripatétique philosophie dans les livres d’Aristote sur le ciel] (Udine, Nicolaus Schirattus, 1647, in‑4o), le passage cité par Morhof, se trouve à la page 24 du 3e cercle, Digressio prima de literarum sacrarum autoritate circa mundi originem [Première digression sur l’autorité des lettres concernant l’origine du monde] :

    Quoniam vero quidquid hodierno circulo de initio mundi dicturi sumus, petitur tam a veteri quam nova historia sacra, libet hic tantisper digredi ad depellendas quasdam dubitationes, quæ a profanis et impiis autoribus excitatæ sunt. Imprimis Mosem veteris historiæ scriptorem leprosum et magum ex Ægypto expulsum lepra atque aliis morbis virulentis infectis secum traxisse mentiuntur. {…] Tot viri sancti et Christus ipse Mosem secuti satis eum vindicant ab hanc calumnia, quidquid effutiat contra liber impius de tribus Impostoribus, omnia refundens in dæmonem potentiorem, cuius ope Magi alii aliis videntur præstantiores : quo etiam refertur illud fictum a Boccacio de tribus annulis.

    [Tout ce que je vais dire en ce cercle-ci sur le commencement du monde se réclame tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, même si je m’y autorise quelques digressions visant à repousser certains doutes qu’ont agités des auteurs profanes et impies. En tout premier, ils mentent en disant que Moïse, qui a écrit le Pentateuque, fut un lépreux et un mage qu’on chassa d’Égypte, et qui a traîné après lui des lépreux et des gens qui étaient infectés d’autres maladies virulentes. (…) Quantité de saints hommes et le Christ lui-même sont venus depuis Moïse et l’innocentent de cette calomnie, en dépit de tout ce que le livre sacrilège des trois Imposteurs répand contre ce point de vue, en rejetant tout sur une plus puissante divinité, par le pouvoir de laquelle d’autres mages paraissent supérieurs aux autres ; et c’est aussi ce que rapporte le conte des trois anneaux qu’a inventé Boccace]. {i}

    1. V. note [13] du Naudæana 3 pour ce conte de Boccace dans le Décaméron (qui n’a pas de lien éditorial avec le livre des trois Imposteurs).

    Quoi qu’en dît Morhof, le propos de Berigardus (que j’ai traduit avec quelque indulgence pour sa syntaxe latine) n’établit pas qu’il a bel et bien lu le livre des trois Imposteurs : je ne suis pas parvenu à trouver ce qu’il en écrivait ici sur les détracteurs de Moïse dans l’édition publiée en 1867 par Philomneste Junior, qui est certes douteuse, mais la seule à laquelle il est possible de se référer aujourd’hui.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 4, note 49.

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(Consulté le 26/04/2024)

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