Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 58.
Note [58]

Vingt-troisième des Discours politiques et militaires de François de La Noüe (Bâle, 1587), intitulé De la Pierre philosophale (v. note [4], lettre 653), Qui est celui qui transforme vraiment les métaux (pages 480‑481) :

« Quoi qu’on sache dire, il y en a de si aheurtés {a} en leurs opinions qu’on ne leur saurait dissuader que la conversion des métaux ne soit possible. Vraiment, pour leur faire plaisir, je le croirai, mais ce sera de la façon que me dit une fois un disciple de l’art, à Paris, que le grand Alchimiste y procédait par ses fourneaux souterrains. Ce pauvre apprenti était un que je connaissais, qui avait soufflé en trois ans une belle maison sienne, accompagnée de mille ou douze cents livres de rente, ne lui étant resté que la peau et les os ; même le feu avait tiré non seulement la quintessence, {b} mais quasi toute l’essence des habits qu’il avait sur lui. Je lui dis, après l’avoir considéré :
“ Eh bien, mon petit maître, vous êtes maintenant en bon état pour apprendre à voler, car vous n’avez plus aucune chose qui vous charge et qui empêche votre légèreté.
– Il faut avoir pitié (me répondit-il) de ceux qui ont fait naufrage sans y penser.
– Certes aussi ai-je {c} puisque je vous vois être pénitent, {d} et l’aide de ma bourse ne vous sera déniée pour vous renfourner {e} en quelque légitime vocation. Mais dites-moi, sans feintise, {f} quelle clarté et certitude y a-t-il en vos préceptes ?
– Nos petits livrets, dit-il, sont pleins d’obscurité et d’énigmes, nos labeurs très longs, et nos dépenses continues ne produisent enfin que des avortons et des fantômes.
– N’avez-vous donc, lui répliquai-je, aucun exemple antique ou moderne d’aucun qui ait trouvé le secret ?
– Je n’en sache qu’un, dit-il, qui y soit parvenu.
– Je vous prie me dire qui il est.
– C’est, répliqua-t-il, celui-là.
– Mais qui ? Je n’ai garde de le connaître si vous ne me le nommez autrement.
– C’est celui-là.
– Comment ? vous voulez vous moquer de moi ?
– Il faut donc, ajouta-t-il, que je le vous déclare. C’est le saint Père, qui a fait connaître à tous nos souffleurs que ce ne sont que des lanterniers, {g} lesquels en plusieurs années ne font autre cas que multiplier leur tout en rien ; et lui, tous les ans, seulement en France, transmue et multiplie quarante livres de plomb qu’il envoie (qui peuvent valoir deux écus) en quarante mille livres d’or (qui valent six cent mille écus), puis en fait une attraction {h} jusques à Rome.
– Vraiment, lui dis-je, je vous donnerai dix écus davantage, dequoi {i} vous m’avez si bien éclairci votre cœur ; mais je vous conseille de ne tenir pas ce langage en cette ville, car vous seriez incontinent (par Messieurs de Sorbonne) déclaré hérétique à dix-sept carats et demi. ” » {j}


  1. Obstinés.

  2. V. notule {a}, note [69] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

  3. Je le crois bien.

  4. Repentant.

  5. Enfourner, c’est-à-dire « commencer une affaire » (Furetière) de nouveau.

  6. Feinte.

  7. Lanternier : « homme badin, importun, qui ne fait rien d’important, de considérable » (Furetière).

  8. Les fait venir.

  9. Parce que.

  10. Expression à rapprocher de : « On dit proverbialement qu’un homme est sot à 24 carats, pour dire qu’il est parvenu au plus haut point de sottise » (Furetière).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 58.

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(Consulté le 26/04/2024)

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