Séance du mercredi 6 février 2002

15h00-17h00 - Les Cordeliers

 

 

Carcinoses péritonéales. Douze années de recherche expérimentale et clinique
Peritoneal carcinomatosis. Twelve years of experimental and clinical research.

GLEHEN O, PEYRAT P, SAYAG BEAUJARD AC, FRANCOIS Y, GILLY FN (Lyon) présenté par J BAULIEUX
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2002, vol. 1 (2), 01-02

Résumé
Les carcinoses péritonéales (CP) digestives représentent la recherche
thématique de notre service depuis 12 ans. Longtemps cette
situation de diffusion métastatique a été considérée comme la phase
terminale de la maladie cancérologique : seuls des traitements palliatifs
et symptomatiques étaient proposés aux patients porteurs de
CP
En 1988, nous réalisions expérimentalement la mise au point d’un
procédé de chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) : ce procédé
de CHIP ainsi que sa tolérance biologique et tissulaire, était évalué
sur modèle canin.
Depuis 1989, cent soixante patients (100 CP digestives et 60 CP
ovariennes) ont été inclus dans les essais de phase II et de phase III,
conduits entre 1989 et 1997. La mortalité était de 3 % et la morbidité
de 15 %. La survie globale à 3 ans était de 20 % ; la survie des
stades 3 et 4 (granulations malignes de plus de 5 mm de diamètre)
était nulle à un an, la survie des stades 1 et 2 (granulations malignes
de diamètre inférieur à 5 mm) était de 40 % à 3 ans. Ce sont ces
premiers résultats, encourageants dans les stades 1 et 2 et décevants
dans les stades 3 et 4, qui nous ont poussés à évaluer, depuis 1998,
un traitement associant les péritonectomies (décrites par P Sugarbaker
en 1995) et la CHIP dans la prise en charge des CP.
Aujourd’hui, les CP digestives ne sont plus systématiquement
considérées comme des contre-indications chirurgicales : d’autres
centres en France et en Europe, développent ces techniques, et les
études de phase II et de phase III viennent de se voir confirmées par
l’essai randomisé hollandais de Franck Zoetmulder : comme il y a
trente ans pour le foie et les métastases hépatiques, le péritoine n’est
plus un site métastatique systématiquement inaccessible.

Abstract
Peritoneal carcinomatosis (PC) has been the main subject of research
in our department for 12 years. This metastatic disease has
been considered for a long time as a fatal clinical entity and as the
terminal stage of the disease: patients with PC were given only
symptomatic or palliative treatments.
In 1988, we evaluated a new device: the intraperitoneal chemohyperthermia
(IPCH). Techniques, biological and tissular tolerance
were evaluated experimentally on dogs.
Between 1989 and 1997, 160 patients (100 digestive PC and 60
ovarian PC) were included in phase II and phase III trials. The mortality
rate was 3% and the morbidity rate 15%. The overall 3-year
survival rate was 20% ; at 1 year no patient with stage 3 or 4 PC
(malignant granulations more than 5 mm) was alive and 3-year survival
rate of patients with stage 1 or 2 PC (malignant granulations
less than 5 mm) was 40%. These survival results (interesting for
stage 1 or 2, disappointing for stage 3 or 4) led us to evaluate since
1998, a new therapeutic approach combining peritonectomy procedures
(described by P Sugarbaker in 1995) and IPCH for the treat -
ment of PC.
Today, digestive PC are not systematically considered as a surgical
contra-indication : other specialized teams in France and in Europe
develop these approaches and phase II or phase III trials have just
been confirmed by the randomized Dutch trial of Franck Zoetmulder
: as the liver and the liver metastasis 30 years ago, the peritoneum
is not an inaccessible metastatic site.

 

La féminisation du cancer de la cavité buccale.

RICBOURG B , CHAVANAZ P, BRIX M (Besançon)

Résumé
Le carcinome épidermoïde est la tumeur maligne la plus fréquente de la cavité buccale (95 %) des cas. Ce cancer semblait être réservé à l'homme de la soixantaine alcoolo-tabagique. De façon inattendue, nous l'avons rencontré chez un certain nombre de femmes soit âgées, soit relativement jeunes mais fumeuses. Cette constatation n'est pas isolée et l'augmentation de ces cancers chez la femme nous a engagés dans une étude épidémiologique et clinique dont nous rapportons les résultats. Cette étude met en évidence une complète modification des habitudes alcooliques et tabagiques de la femme occidentale ; de plus, contrairement aux idées reçues, la femme semble plus sensible aux facteurs de risques et à l'agression carcinologique que l'homme. Ainsi les auteurs redoutent d'ici quelques années une explosion du nombre de lésions cancéreuses chez la femme, avec un pronostic plus grave que celui observé dans le sexe opposé.

 

La cœliochirurgie gynécologique est-elle dangereuse ?
Is gynaecological laparoscopic surgery dangerous ?

CHAPRON C, DUBUISSON JB , FAUCONNIER A , GOFFINET F, BREART G (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2002, vol. 1 (1), 01-04

Résumé
L’évaluation des résultats d’une technique chirurgicale exige que le
risque de complications soit correctement étudié. L’objectif de ce
travail était de savoir si la coeliochirurgie gynécologique, lorsqu’elle
est réalisée pour une pathologie bénigne (ligature de trompes,
grossesse extra-utérine, kyste ovarien, hystérectomie, myomectomie
…), exposait ou non à un risque de complications plus important
que l’intervention par laparotomie. Pour cela nous avons effectué
une méta-analyse spécifiquement centrée sur le problème des
complications en prenant en compte tous les essais prospectifs randomisés
comparant la coeliochirurgie et la laparotomie pour une
pathologie gynécologique bénigne. Les résultats de cette métaanalyse
montrent que le risque global de complications était significativement
moins important pour les patientes opérées par voie
coeliochirurgicale (RR 0.59 ; 95% CI 0.50 - 0.70). Par ailleurs il
n’existait pas de différence statistiquement significative quant au
risque de complications majeures en fonction de la voie d’abord
(RR 1.0 ; 95% CI 0.60 – 1.65). Le risque de complications mineures
était significativement moins important chez les patientes opérées
par voie coelioscopique (RR 0.55 ; 95% CI 0.45 – 0.66).

Abstract
An appropriate study of possible complications is necessary to
evaluate the results of a surgical technique. The aim of this study
was to find out if gynaecologic laparoscopy, when performed for
benign gynaecologic pathology (tying of the Fallopian tubes, extra
uterine pregnancy, ovarian cyst, hysterectomy, myomectomy)
would expose patients to an increased risk of complications compared
to laparotomy. A meta-analysis specifically focused on complications,
including all randomized prospective trials comparing
laparoscopy and laparotomy for benign gynaecological pathology
was conducted. Results of this meta-analysis show that global risk
of complications was significantly less important for patients operated
on through laparoscopy than for patients operated on through
laparotomy (RR 0.59 ; 95 % CI 0.50-0.70). Moreover, there was no
statistically significant difference concerning risk of major complications
in relation to surgical procedure (RR1.0 ; 95% CI 0.60-
1.65). The risk of minor complications was significantly less important
in patients operated on through laparoscopy (RR 0.55; 95% CI
0.45-0.66).

 

Lésions de la coiffe des rotateurs chez les sujets de plus de 65 ans. Résultats à propos de 46 réparations chirurgicales.

VALENTI P, EL ABIAD R, BECCARI R (Paris) présenté par A GILBERT

Résumé
But de l'étude : La fréquence et la taille des ruptures de la coiffe des rotateurs augmentent avec l'âge. Ce travail avait pour but de rapporter les résultats cliniques obtenus après une réparation chirurgicale à ciel ouvert, d'une rupture dégénérative de la coiffe des rotateurs chez le sujet âgé de plus de 65 ans. Une arthrographie couplée à un scanner a été réalisée chez 50 % des patients qui avaient au moins un recul supérieur à un an, afin de comparer les résultats cliniques aux données radiographiques (coiffe étanche, fuite, rupture itérative)
Patients et méthode : Entre 1991 et 1999, 45 patients ont été opérés d'une rupture dégénérative de la coiffe des rotateurs. L'âge moyen était de 69,4 ans (65-76 ans). Il y avait 26 hommes et 19 femmes. Il s'agissait de 15 ruptures distales (0-1cm), 21 ruptures intermédiaires (1-3 cm) et 10 ruptures larges (3-5 cm). Tous les patients ont été opérés par le même chirurgien. Une voie d'abord supéro-externe pré-acromiale a permis de réinsérer dans une tranchée osseuse les tendons, une ténodèse du long biceps a été réalisée quand celui-ci était dégénératif, subluxé ou luxé. La rééducation a été débutée immédiatement. Une attelle d'abduction a été maintenue 4 semaines quand il existait une tension au niveau de la réinsertion.
Résultats : Les résultats ont été appréciés sur le score de Constant avec un recul moyen de 30 mois (extrêmes : 12 à 96 mois). Le score de Constant moyen non pondéré par l'âge et le sexe est passé de 34,9 sur 100 (12-55) en préopératoire à 75,6 sur 100 (55-90) en postopératoire. Les résultats étaient cotés 18 fois excellents, 21 fois bons, et 7 fois moyens. Le score de Constant moyen des ruptures distales était de 78,6, 74,5 pour les ruptures intermédiaires et 64,5 pour les ruptures larges. Le contrôle arthrographique couplé au scanner montrait 9 coiffes continentes et 14 coiffes non continentes : ces dernières se répartissaient en 8 ruptures itératives (34,78 %) et 6 fuites (dont 2 ulcérations profondes). Le score de Constant moyen était de 77 pour les coiffes continentes et de 75,25 pour les coiffes qui présentaient une fuite (N.S). En revanche, pour les coiffes présentant une rupture itérative, le score de Constant était de 68.
Conclusion : Etant donné le fort pourcentage de rupture itérative dans les ruptures larges, il nous paraît souhaitable de proposer dans cette indication une simple acromioplastie débridement sous acromial, en conservant le ligament acromio-coracoïdien pour éviter une omarthrose excentrée secondaire. Les ruptures distales ou intermédiaires dont les réparations anatomiques peuvent se faire sans tension, avec un taux de rupture itérative tout à fait identique à celui observé chez le sujet jeune, semblent représenter une bonne indication de réparation chirurgicale anatomique

 

Traitement des carcinoses péritonéales par péritonectomie et CHIP : étude de phase II
Association of peritonectomy and intraperitoneal chemohyperthermia (IPCH) for the treatment of peritoneal carcinomatosis. A phase II study

GLEHEN O, PEYRAT P, SAYAG BEAUJARD AC, FRANCOIS Y, GILLY FN (Lyon) présenté par J BAULIEUX
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2002, vol. 1 (2), 03-04

Résumé
Le pronostic des carcinoses péritonéales (CP) est extrêmement
grave, comme l’a démontré notre étude prospective EVOCAPE 1
(Cancer 2000). Depuis 1989, 216 patients ont été inclus dans des
études de phase II et III, évaluant l’association du traitement chirurgical
et de la chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) dans la
prise en charge thérapeutique des CP. L’association d’une CHIP à
une résection de la tumeur digestive primitive a permis d’obtenir un
taux de survie actuarielle à 3 ans de 40 % pour les CP de stade 1 et
2 (granulations péritonéales inférieures à 5 mm). Ce bénéfice en
terme de survie n’a pas été observé pour le CP de stade 3 et 4. C’est
la raison pour laquelle nous réalisons depuis 1997 des gestes de
péritonectomie, décrits par P Sugarbaker en 1995 (Annals of Surgery).
De janvier 1998 à septembre 2001, 56 patients (dont 35 femmes,
d’un âge moyen de 49,3 ans) ont été inclus dans une étude de phase
II et traités par l’association péritonectomies-CHIP ( avec Mitomycine
C à la dose 0,7 mg/kg et/ou Cisplatine à la dose de 1mg/kg)
pour les CP d’origine colorectale (n=26), ovarienne (n=7), gastrique
(n=6), pour des mésothéliomes malins (n=5), des pseudomyxomes
(n=7) et autres lésions (n=5). Dans 36 cas, les CP étaient synchrones.
Quatre patients avaient des métastases hépatiques au moment
du traitement et 7 patients une ascite de plus d’un litre. A l’issue du
geste chirurgical, la résection était considérée R0 ou R1 dans 27 cas
et R2 dans 29 cas. Dans 4 cas, les patients conservaient une CP de
stade 3 ou 4 (considérées comme échecs de “downstaging”). La
CHIP était réalisée pendant 90 minutes à l’aide d’un circuit stérile
fermé. Trente deux patients ont reçu une chimiothérapie systémique
postopératoire palliative.
Les taux de mortalité et morbidité étaient respectivement de 1/56 et
16/56 dont 2 fistules digestives. En septembre 2001, 12 patients
étaient décédés (1 de nécrose myocardique et 11 de récidive de CP).
Six des patients ayant une ascite importante étaient indemnes de
récidive ascitique après le traitement. Le taux de survie globale à 3
ans était de 38 %. Les médianes de survie des patients R0 et R2
étaient respectivement de 490 et 236 jours (p=0,002). L’association
péritonectomies et CHIP peut permettre d’obtenir des survies prolongées
pour des CP évoluées, lorsque la chirurgie de
“downstaging” est possible. La sélection des patients doit rester
stricte pour cette modalité thérapeutique agressive qui conserve une
morbidité importante, même au sein d’une équipe expérimentée.

Abstract
Peritoneal carcinomatosis (PC) prognosis is extremely poor, as it
was demonstrated by our prospective study EVOCAPE 1 (Cancer
2000). Since 1989, 216 patients have been included in phase II or
III trials, evaluating the association of surgical treatment with intraperitoneal
chemohyperthermia (IPCH) for the treatment of PC. The
association of IPCH with surgical resection of primary tumor achieved
a 3-year actuarial survival rate of 40% for stage 1 or 2 PC
(malignant granulations less than 5 mm). But this beneficial effect
was not observed for stage 3 or 4 PC. This is the reason why we
have performed peritonectomy procedures described by P Sugarbaker
since 1995 (Annals of Surgery)
From January 1998 to September 2001, 56 patients (including 35
women, mean age :49.3 years) were included in a phase II study
and were treated by the combination of IPCH (with Mitomycin C at
the dose of 0.7 mg/kg and/or Cisplatin at the dose of 1 mg/kg) with
peritonectomy procedures, for colorectal PC (n=26), ovarian PC
(n=7), gastric PC(n=6), mesothelioma (n=5), pseudomyxoma (n=7),
and miscellaneous (n=5). In 36 cases, PC were synchronous. Four
patients had liver metastasis at the time of surgery and 7 patients
had more than 1 liter of ascitis. After the cytoreductive surgery, the
resection was considered R0 or R1 in 27 cases and R2 in 29 cases.
In 4 cases, the PC was stage 3 or 4 after the cytoreductive surgery
and was considered as a failure of downstaging. IPCH was performed
during 90 mn by the mean of a closed sterile circuit. Thirty two
patients received palliative postoperative systemic chemotherapy.
The mortality and morbidity rates were 1/56 and 16/56, respectively,
with 2 digestive fistula. In September 2001, 12 patients had died
(1 myocardial necrosis and 11 from peritoneal recurrence). Six patients
who had an important preoperative ascitis had no recurrence
of ascitis after the treatment. The 3-year overall survival rate was
38%. Median survival of R0 patients and R2 patients were 490 and
236 days, respectively (p=0.002). The combination of peritonectomy
procedures with downstaging surgery may achieve prolongated
survival for important CP, when the cytoreductive surgery is possible.
The selection of patients has to be strict for this aggressive therapeutic
approach which retains an important morbidity, even when
practised by experienced teams.