Séance du mercredi 16 mars 2011

SEANCE COMMUNE AVEC LA SOCIETE FRANCAISE DE CHIRURGIE DIGESTIVE : Coelioscopie et Cancer digestif, evidence-based
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateurs : Bernard Sastre et FrEdEric Borie

 

 

Résection laparoscopique du cancer du côlon

PANIS Y (Paris)

Résumé
Plusieurs études randomisées et méta-analyses [4] ont clairement démontré qu’en chirurgie colorectale, la laparoscopie apporte un bénéfice significatif en terme de résultat postopératoire (réduction des douleurs et de la morbidité postopératoire, raccourcissement de la durée d‘hospitalisation, etc.). Mais dans chirurgie du cancer colique, l’objectif principal à atteindre est l’obtention d’un résultat carcinologique au moins équivalent à celui obtenu par chirurgie conventionnelle. Dans ce cadre là, seules les études randomisées permettent de répondre à la question. Par chance, la chirurgie du cancer colorectal a fait l’objet à ce jour d’au moins 5 études randomisées comparant l’approche laparoscopique à la chirurgie traditionnelle.
Les résultats de ces 5 études sont sans appel en ce qui concerne le cancer du côlon. En effet, si dans toutes les études, est confirmé le bénéfice postopératoire, le résultat carcinologique (survie à 5 ans) était strictement équivalent dans ces études. Ainsi, dans l’étude américaine COST organisé par le NIH, et qui a inclus plus de 800 patients, tout d’abord les récidives tumorales dans les trocarts n’étaient observées que dans moins de 1% des cas, avec un taux équivalent de récidive tumorale dans la cicatrice ou dans les trajets de drainage après laparotomie (p=0,50). Mais surtout, après un suivi médian de 4,4 ans, les taux de récidive locale et à distance et les survies globales et sans récidive étaient strictement équivalents après laparoscopie et laparotomie. Cette étude a permis de valider l’approche laparoscopique dans la chirurgie du cancer du côlon aux Etats-Unis. On peut donc aujourd’hui, comme cela a été confirmé par plusieurs sociétés savantes que la laparoscopie est définitivement validée dans la prise en charge du cancer du côlon (et du haut rectum).
En conclusion, avec de très bons niveaux de preuve, et ce grâce à plusieurs études randomisées dont les résultats sont tous concordants, l’approche laparoscopique est clairement validée dans le cancer du côlon. En effet, parallèlement aux bénéfices postopératoires significatifs observées grâce à la laparoscopie, elle permet d’obtenir un résultat carcinologique équivalent à celui de la laparotomie.

 

Résection laparoscopique du cancer du rectum

SASTRE B (Marseille)

Résumé
Si la chirurgie laparoscopique du cancer du colon a démontré son efficacité et l’équivalence de ses résultats avec la chirurgie ouverte, la résection rectale cœlioscopique est techniquement plus difficile, exigeant le même respect des règles de dissection du mésorectum et la même chance de conservation sphinctérienne que la chirurgie par laparotomie. La cœlioscopie par l’amplification de l’image qu’elle permet et le pneumopéritoine qu’elle nécessite simplifie la séparation des feuillets viscéraux et pariétaux du méso-rectum et rend plus précise la dissection des nerfs et des artères du pelvis.
6 études prospectives contrôlées et plusieurs séries non contrôlées permettent d’évaluer cette technique. D’une durée opératoire moyenne de 180 à 260 minutes, la résection rectale est plus longue que par laparotomie et cette durée est fonction de l’expérience de l’opérateur. Les pertes sanguines varient de 90 à 320 ml ; si elles sont moindres qu’en chirurgie ouverte, le taux de transfusion péri-opératoire ne semble pas cependant différent entre les deux techniques. La qualité de l’exérèse est identique à celle de la chirurgie ouverte, avec un même nombre de nœuds lymphatiques analysé et des marges saine au niveau du méso rectum en proportion semblable à celle obtenues après laparotomie.
La diminution de la douleur postopératoire, une reprise rapide de l’activité physique n’ont pas modifié de façon claire la durée de l’hospitalisation. La mortalité de la résection laparoscopique d’un cancer du rectum varie de 0 à 3%, la morbidité de 6 à 40%, sans différence avec la chirurgie ouverte et sans que les complications cardiovasculaires ou pulmonaires ne soient modifiées. Le taux de fistule anastomotique est de 1 à 7%, la stomie de dérivation temporaire en diminuant la gravité. Le taux de conversion varie de 6 à 15%, plus bas dans les monocentrique (où ce taux peut atteindre 1,9% à 3%). La conversion, et particulièrement le délai de conversion, aurait un effet oncologique délétère avec un accroissement du risque de métastases métachrones et de récidives locales, des pertes sanguines accrues, un taux de complications supérieur, une durée d’hospitalisation augmentée et un taux de récidive locale plus élevé, ce taux étant de l’ordre de 5,4% à 2 ans et de 9,4% à 5ans en cas de tumeur T3 sans radio-chimiothérapie pré-opératoire. Les troubles vésicaux surviennent dans 0-12%, les troubles sexuels avoisinent 10 à 35% et ne sont pas différents des taux observés après laparotomie.
La résection cœlioscopique du rectum, que l’HAS regroupe sous le vocable chirurgie colorectale, est possible dans des conditions semblables à celles de la chirurgie ouverte ; elle est techniquement complexe et pose le problème d’un apprentissage technique exigeant dont les modalités précises restent à déterminer. Des études prospectives contrôlées complémentaires sont nécessaires pour valider les résultats actuels et conforter les indications de cette technique.

 

Résection laparoscopique des tumeurs malignes du foie

LAURENT A (Paris)

Résumé
Les hépatectomies par abord cœlioscopique, initiées au début des années 90, ont eu un développement exponentiel au cour des cinq dernières années. La faisabilité de la plupart des résections par abord cœlioscopique est démontrée. Les lésions des segments antéro-latéraux, segments « cœlioscopiques » du foie, sont les plus adaptées à cette de voie d’abord. L’abord cœlioscopique confère aux hépatectomies les avantages connus de l’abord mini-invasif, et probablement, une morbidité moindre que la voie ouverte. Cette technique a fini sa phase de développement et peut être considérée pour certaines indications comme établie. C’est en ce sens que des recommandations ont été éditées autours d’une réunion de concertation internationale en novembre 2008 à Louisville : 1) abord cœlioscopique ne change pas les indications chirurgicales, 2) L’abord cœlioscopique peut être recommandé pour les résections atypiques des segments antérolatéraux ainsi que pour la lobectomie gauche, 3) pour les résections majeures et celles qui concernent les segments postéro-supérieurs, qui sont techniquement exigeantes, l’abord cœlioscopique ne peut être actuellement recommandé.
La proportion de tumeurs malignes opérées par abord cœlioscopique a significativement augmenté au cours des dernières années. Au début de l’expérience des résections hépatiques par abord cœlioscopique, une des controverses classiques était le risque de dissémination tumorale péritonéale et pariétale (trajet des trocarts). Les résultats obtenus par les études comparatives en chirurgie oncologique colorectale, associés aux résultats des séries rétrospectives en chirurgie oncologique hépatique colorectale font que cet argument semble de moins en moins valide. Les métastases de cancer colorectal et les carcinomes hépatocellulaires (CHC) représentent les deux principales indications. Pour le carcinome hépatocellulaire, les indications sont essentiellement des CHC sous-capsulaires chez des malades Child A.
Pour les métastases hépatiques d’origine colorectale, les indications sont celles validées pour la chirurgie ouverte. L’abord cœlioscopique peut être difficile après une colectomie droite. Dans une étude cas-témoins récente, comparant 60 patients ayant eut une approche cœlioscopique à 60 patients ayant eut une voie ouverte, les équipes de Paul Brousse et de l’IMM (Institut Mutualiste Montsouris), retrouvaient des résultats carcinologiques comparables.
Quelques résections pour cholangiocarcinome périphérique ou métastases de cancer non colorectal ont été incluses dans certaines séries.
Par contre, à ce jour, l’abord cœlioscopique semble contre-indiqué pour le cancer de la vésicule biliaire en raison de ce risque de dissémination tumorale, ainsi que pour le cholangiocarcinome hilaire, en raison de l’étendue de la résection.

 

Laparoscopie et cancer du pancréas
Laparoscopy and Pancreatic Cancer

SCHWARTZ L, SA CUNHA A (Bordeaux)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (2), 001-005

Résumé
Bien que techniquement difficile, la laparoscopie tend à se développer pour la prise en charge des lésions tumorales pancréatiques. Un bénéfice en terme de morbidité post-opératoire et de coût médico-économique a été rapporté, favorisant la démocratisation de cette technique.
Initialement réservée aux lésions bénignes cette procédure a vu dans certains centres experts, ses indications élargies aux lésions malignes dont l’adénocarcinome pancréatique. Après un rappel sur l’historique du développement de cette technique et sur les critères de qualités carcinologiques à respecter quel que soit la voie d’abord, cette mise au point a pour objectif de présenter les résultats oncologiques à court et à long terme de la laparoscopie appliquée à l’adénocarcinome pancréatique.

Abstract
Even technically complex, laparoscopy for resection of pancreatic tumors was gradually used for minor and major resection. In reason of equivalent or better perioperative outcomes and non-inferior cost effectiveness, laparoscopy has gained acceptance from specialized surgeons.
First indications for laparoscopic surgery of the pancreas were benign or low-degree malignant tumors. Since a decade, some surgical teams have extended indications to high-degree malignant lesions. After a brief history about the development of laparoscopic pancreatic surgery and a reminder of the oncological quality criteria applied to pancreas, this review aimed to discuss controversial indications of laparoscopy for pancreatic adenocarcinoma based on a report of early and long term oncological results.