Séance du mercredi 17 décembre 2014

SÉANCE COMMUNE AVEC LA SOFCOT : CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE PÉDIATRIQUE
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Rémi KOHLER (Lyon, président AOT 2014) et Jean DUBOUSSET (Paris)

 

 

Séance commune avec la SOFCOT : Chirurgie Orthopédique Pédiatrique : Introduction

KOHLER R
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 082-082

 

Traitement de l’ostéome ostéoïde par Forage Résection Osseux Percutané (FROP) : une série de 121 cas
Treatment of Osteoid Osteoma by Percutaneous Bone Resection and Drilling (PEBORD): a Series of 121 Cases

KOHLER R, RAUX S, CANTERINO I (Lyon) Service orthopédie - traumatologie infantile - Hôpital Femme Mère Enfant - Hospices Civils de Lyon (1) Service de radiologie - Hôpital Femme Mère Enfant - Hospices Civils de Lyon (3)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 104-108

Résumé
L’ostéome ostéoïde est une tumeur osseuse bénigne de l’adolescent et de l’adulte jeune. Son traitement est chirurgical mais la thermo coagulation ou la résection percutanée ont supplanté l’exérèse « en bloc » à ciel ouvert. Nous avons développé une telle procédure -la technique FROP- sous contrôle scanner et rapportons notre expérience de 121 cas traités entre 1987 et 2013.
Un matériel ancillaire spécifique permet la résection. Le nidus est repéré sur la coupe scanner « d’élection » ; une incision cutanée de 2 cm est faite et une broche vise le nidus; sont alors introduits successivement sur cette broche la mèche puis la tréphine qui emporte une carotte osseuse (pour examen anatomopathologique) et enfin un fraisage. La durée moyenne du geste est de 60 minutes L’irradiation est modérée (patient 270 mGy.cm, opérateur 0,02 μSv).
Soins postopératoires : hospitalisation brève, voire ambulatoire, appui autorisé, protégé pendant quelques jours par des béquilles ; le patient est revu à J 60 et à un an (avec un scanner de contrôle).
La série porte sur 121 patients traités entre juin 1987 et Décembre 2013 recul un an minimum, avec un âge des patients de 4 à 35 ans. Localisation : Mb inf 89 % de l’ensemble de la série (dont col 39 % Fémur 16 % Tibia 31 %)
Le risque de fracture, en particulier au col fémoral (2 cas pour 48 atteintes du fémur proximal) justifie une décharge un mois
La récidive vraie est exceptionnelle (2 cas) ; il s’agit en fait d’un échec technique de la procédure, dû à une exérèse incomplète (6 cas).
- Un diagnostic formel par scintigraphie (hyperfixation) et scanner (le nidus) est un préalable indispensable. La stratégie préopératoire sera fixée avec le radiologue (installation, voie d’abord). Le col fémoral est une localisation fréquente et de technique délicate. La voie antérieure « directe » doit être privilégiée.
- La thermo coagulation du nidus (par radiofréquence ou laser) est une méthode « concurrente » du FROP dont nous n’avons pas l’expérience ; ses résultats semblent comparables.
Cette importante série confirme l’intérêt de cette méthode FROP pour le traitement de l’OO. Elle a fait la preuve de sa sécurité et de son efficacité. C’est un geste chirurgical, dans un environnement radiologique.

Abstract
Osteoid osteoma is a benign osteogenic tumor in adolescents and young adults. Its treatment is surgical although thermocoagulation or percutaneous resection have supplanted « en block » open excision. We report our experience of 121 cases treated between 1987 and 2013 with this procedure combined with CT assistance.
A specific ancillary equipment was needed for resection. The nidus was identified on the best relevent CT-cut. A 2 cm incision was made and a guide wire inserted to lead the specific ancillary to the nidus. This material included a drill bit and a trephine with a bone plug for the purpose of pathological examination) and a milling. The average duration of the procedure was 60 minutes. Irradiation was moderate (patient 270 mGy.cm, operator 0.02 mSv).
Hospital stay was short. A partial weight-bearing was recommended for a few days with crutches. The patient was controlled at 60 days with a CT scan and 1 year postoperatively
One hundred and twenty one patients (4 to 35 years old) were treated between June 1987 and December 2013, with a minimum follow-up of 1 year. The tumor location was the lower limb in 89% of cases (femoral neck 39%, femur 16%, tibia 31%).
The risk for a fracture should be taken in account in the femoral neck (2 cases in 48 proximal femur sites ); strict non weight-bearing for 1 month is therefore advised.
True recurrence is very rare (2 cases); in 6 cases it was a prefills due to a technical failure of the procedure with incomplete resection.
A formal diagnosis using scintigraphy (hyperfixation) and CT scan (to visualize the nidus) is a prerequisite to the procedure. Preoperative strategy is determined with the help of the radiologist (patient installation, incision)
The nidus in the femoral neck is a common location and its resection is difficult. The anterior approach should therefore be preferred.
Thermocoagulation (radiofrequency or laser) is an « alternative » method with comparable reported results although we do not have any experience in its use .
This study confirmed the value of PBRD in the treatment of OO. It showed that it was a safe and effective procedure in which requires a radiological environment.

 

Trente-cinq années d’embrochage centro médullaire élastique stable (ECMES) dans les fractures de l’enfant : une méthode toujours jeune
Thirty Five Years of Intramedullary Flexible Nailing (FIN) in the Treatment of Children Fractures: Still a Young Method

LASCOMBES P, STEIGER C, GONZALEZ A, COULON de G, DAYER R (Genève) - Centre médical universitaire de Genève (CMU)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 109-114

Résumé
L’embrochage centromédullaire élastique stable (ECMES) est un concept de traitement des fractures des os longs de l’enfant qui allie le respect de la physiologie de la réparation des fractures, l’innocuité vis-à-vis des structures de croissance, et le caractère mini invasif de l’approche chirurgicale. Dans le passé, de nombreux chirurgiens se sont contentés de positionner une broche rectiligne dans le canal médullaire. Ces ostéosynthèses instables ont été abandonnées au profit de fixations rigides développées chez l’adulte mais inadaptées à l’os en croissance. Si une publication espagnole rapporte l’ECMES dès 1977, l’école de Nancy a permis le développement international de cette méthode innovante. A ce jour, les pays industrialisés comme les pays en voie de développement traitent ainsi de nombreux enfants.
Le principe de stabilisation des fractures repose sur l’introduction, à distance du foyer de fracture, de deux broches ou clous dans le canal médullaire. Ceux-ci doivent impérativement être cintrés pour pouvoir travailler en opposition à l’intérieur de l’os tandis que leur diamètre doit être au moins égal à 40 % de celui du canal médullaire. Le respect de ces principes fondamentaux est le gage du bon résultat. Tel un forgeron, le chirurgien doit adapter la forme des implants au type de la fracture.
Les indications principales concernent les fractures diaphysaires dont les fractures des deux os de l’avant-bras, du fémur, du tibia et de l’humérus. Des fractures métaphysaires peuvent également bénéficier de cette ostéosynthèse élégante dont les fractures du col radial qui ont vu le taux de nécrose épiphysaire pratiquement disparaître.

Abstract
The intramedullary flexible nailing (FIN) technique is a surgical concept of treatment of children long bones fractures. Advantages of FIN combine the respect of the fracture repair biology, the safety to the growth plates, and a mini invasive approach. In the past, many surgeons have used straight pins into the medullary canal. These unstable osteosynthesis were abandoned in favour of adult implants, but unsuitable for growing bones. If a Spanish publication reports the FIN in 1977, the School of Nancy helped the international development of this innovative method. To date, both industrialized countries and developing countries treat many children by the FIN technique.
The stabilization of the fracture is due to two curved nails introduced into the medullary canal, away from the fracture. They must be bent in order to work in opposition inside the bone. Their diameter must be at least equal to 40% of the medullary canal. Compliance with these principles is the guarantee of good results. As a blacksmith, the surgeon must adapt the shape of the implants to the type of fracture.
FIN Indications are diaphyseal fractures of femur, tibia, humerus, and both bones of the forearm. Some metaphyseal fractures can also benefit from this elegant fixation: in the radial neck fractures, the rate of epiphyseal necrosis virtually disappears with the FIN technique.

 

La technique de Nuss dans le pectus excavatum de l’enfant et l’adolescent. Indications et limites
Minimally Invasive Repair of Pectum Excavatum Using the Nuss Technique in Children and Adolescents: Outcomes, Indications, and Limitations

JOUVE JL, PESENTI S, PELTIER E, DURBEC VINAY E, BIN K, LAUANY F (Marseille)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 100-103

Résumé
La correction chirurgicale mini-invasive de Nuss consiste à relever le sternum par une plaque ou barre rétrosternale introduite sous contrôle endoscopique. L’essor de cette technique a entrainé une demande plus importante de la part des patients. Ceci s’est accompagné d’une augmentation du nombre de complications dont certaines per opératoires létales faisant se poser la question de la justification d’une telle chirurgie. Nous avons revu une série de 120 cas pédiatriques. Notre série ne retrouve aucune complication létale ou cardio pulmonaire majeure. Dans 12 cas nous avons effectué une voie d’abord complémentaire sous et retro xiphoïdienne afin de contrôler le passage retro sternal. Nous réservons cette variante technique aux formes avec antécédents de chirurgie cardio-thoracique et aux formes sévères avec au scanner pré opératoire une distance sterno-vertébrale inférieure à 5 cm ou une rotation sternale supérieure à 35°. Une seule reprise chirurgicale précoce a été effectuée pour sepsis pariétal et 2 drainages thoraciques secondaires effectués pour épanchement réactionnel.
L’étude bibliographique des complications létales ou majeures publiées fait apparaître que leur fréquence est étroitement en rapport avec les antécédents de chirurgie cardio-thoracique et l’importance de la déformation.
Les techniques de chondroplasties sous-perichondrales sont une alternative intéressante en fin de croissance. Nous la réservons chez l’enfant aux formes très asymétriques en deuxième partie de puberté.
La technique de Nuss est une indication justifiée chez l’enfant. Elle permet un remodelage de la paroi antérieure du thorax grâce à la croissance résiduelle qui stabilise le résultat. Les complications majeures cardio-pulmonaires peuvent être fortement réduites par la sélection de critères préopératoires cliniques et scanographiques précis.

Abstract
The Nuss technique for minimally invasive repair of pectus excavatum involves thoracoscopy-assisted insertion of a bar or plate behind the deformity to displace the sternum anteriorly. The malleability of the chest wall during the growth period allows stable correction of the deformity. Several types of complications have been described since the introduction of The Nuss technique. We hypothesised that improved patient selection would clarify the indications and shed light on the limitations of this procedure. Based on a retrospective case-series of 120 children and adolescents, we evaluated the outcomes and patient-selection criteria of this technique. Computed tomography (CT) of the chest was obtained routinely before surgery. None of our patients experienced fatal complications or major cardio-pulmonary complications. In 12 patients, we used a sub- and retro-xiphoid approach to guide implant insertion behind the sternum. Surgery performed for cosmetic purposes in minor patients may raise ethical questions.
Earlier data on fatal or major complications indicate a close correlation with a history of cardio-thoracic surgery and with the severity of the deformity.
Minimal invasive Nuss technique is an interesting treatment option in children. The risk of major cardio-pulmonary complications can be markedly diminished by using a sub- and retro-xiphoid approach. We believe the main limitations to thoracoscopy-assisted repair are a history of cardio-thoracic surgery and the finding by CT of a sterno vertebral distance lower than 5 cm or of an sternal rotation angle greater than 35°. Finally, marked chest-wall asymmetry contra-indicates endoscopic approach and a better option in this situation is sub-perichondral sterno-chondroplasty at the end of puberty.

 

Techniques récentes de traitement des scolioses du jeune enfant – Perspectives
Recent Techniques for Treatment of Early Onset Scoliosis

CUNIN V (Lyon) - Service d'orthopédie pédiatrique - Hôpital Femme Mère Enfant - Hospices civils de Lyon
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 094-099

Résumé
Les scolioses qui surviennent avant l'âge de 8 ans peuvent retentir gravement sur le développement pulmonaire et diminuer l'espérance de vie de façon significative par rapport aux scolioses de l'adolescence. Leur traitement doit éviter la réalisation d'une arthrodèse étendue afin de ne pas aggraver l’insuffisance respiratoire restrictive par freinage de la croissance du tronc. De nombreuses innovations techniques ont vu le jour ces dernières années pour corriger ces scolioses sans fusion.
Le traitement chirurgical de référence est la tige de croissance qui, allongée chirurgicalement régulièrement, permet de stabiliser la scoliose sans trop interférer avec la croissance de l’enfant. La connaissance de cette technique et de ses fréquentes complications a abouti à de nombreuses innovations techniques au premier rang desquelles l'usage de tiges qui peuvent être allongées magnétiquement en consultation.
La seconde catégorie de dispositif chirurgical repose sur l'utilisation de tiges qui vont servir de tuteur à la croissance rachidienne, ne nécessitant pas d'interventions chirurgicales répétées.
Enfin la troisième catégorie de traitement chirurgical précoce vise à freiner, sans fusion, la croissance de la convexité de la scoliose pour espérer diminuer progressivement avec l’aide de la croissance, l'angle de Cobb.
Ces techniques innovantes très séduisantes peuvent conduire à des indications chirurgicales abusives ne tenant pas compte des risques de la chirurgie et du potentiel évolutif de chaque scoliose.
Le traitement orthopédique, responsable de moins de complications que la chirurgie, reste le traitement de première intention.

Abstract
Early onset scoliosis occurs before the age of eight and may sound seriously on lung development and reduce life expectancy significantly compared with scoliosis adolescence. Their treatment should avoid the creation of an extensive fusion in order not to aggravate restrictive respiratory failure by slowdown in growth of the trunk. Many technical innovations have emerged in recent years to correct the scoliosis without fusion.
The standard surgical treatment is a growing rod, surgically lengthened regularly; helps stabilize scoliosis without interfering too much with the growth of the child. The knowledge of this technology and its frequent complications led to many technical innovations first and foremost the use of rods that can be elongated magnetically non-invasively, with outpatients distractions
The second category of surgical device is based on the use of rods that will serve as a spinal growth guidance, not requiring repeat surgery
Finally, the third category of early surgical treatment is to slow the growth of the convex side of the scoliosis without fusion, order to improve Cobb angle during growth.
These very attractive innovative techniques can lead to inappropriate procedures without consider the risks of surgery and progression of each scoliosis
Conservative treatment is responsible for fewer complications than surgery, thus it should remain the first-line treatment.

 

Stratégie actuelle du dépistage de la luxation congénitale de hanche
Screening of Dislocation of the Hip in Children. A Rigorous and Systematic Clinical Exam. A Restricted Demand for Sonography

WICART P, BOCQUET A, GELBERT N, BELEY G, MAINARD SIMARD L, DUCOU LE POINTE H, KOHLER R, SERINGE R, MORIN C (Paris) Société Française d’Orthopédie Pédiatrique (SoFOP) (1, 8, 9 et 10) Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) (2, 3 et 4) Société Francophone D’imagerie Pédiatrique et Prénatale (SFIPP) (5 et 6)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 115-119

Résumé
L’intérêt du dépistage précoce de la luxation congénitale de la hanche réside dans la fréquence de cette affection et le gain pronostique lié à un diagnostic précoce. Deux études récentes menées par la Société Française d’orthopédie pédiatrique (SOFOP), l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) et la Société Française d’Imagerie pédiatrique et prénatale (SFIPP) ont révélé une altération significative de la qualité du dépistage depuis 2003 avec un recours insuffisant à l’examen clinique et un défaut de considération des facteurs de risques au cours de la première année. Une démarche conjointe auprès de la Haute Autorité de Santé (Fiche Mémo) apporte des précisions sur les recommandations de bonnes pratiques. Le dépistage est avant tout clinique et doit être renouvelé lors de tous les examens de la première année avec la recherche d’une limitation de l’abduction de hanche, qui est un signe sensible. L’instabilité coxofémorale en est le signe cardinal, mais sa mise en évidence requiert plus d’expérience. L’échographie est un moyen d’imagerie complémentaire, prescrit à l’âge de 1 mois devant une anomalie clinique ou l’existence d’un facteur de risque (présentation en siège, antécédent familial du premier degré, autre anomalie orthopédique d’origine posturale comme un genu recurvatum ou torticolis congénital). L’intérêt de l’échographie systématique, ou uniquement pour les enfants de sexe féminin, n’est pas démontré. La radiographie de bassin de face à l’âge de 4 mois n’a plus sa place dans le dépistage. Différentes interrogations suggèrent la réalisation d’une étude prospective multicentrique. De plus, il semble fondamental d’intégrer les médecins généralistes aux études à venir.

Abstract
The advantage of congenital hip dislocation early screening is explained by the frequency of this pathology and the negative correlation between the age at diagnosis and the quality of the results. Two recent studies, conducted by the Société Française d’orthopédie pédiatrique (SOFOP), the Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) and the Société Française d’Imagerie pédiatrique et prénatale (SFIPP), revealed a significant alteration of the screening efficiency since 2003, characterized by an insufficient clinical approach and the lack of risk factors consideration during the first year of life. A combined process has been undertaken with the Haute Autorité de Santé (Fiche Mémo) which provides recommendations and guidelines. The screening is mainly clinical and must be repeated at each step of the child examination during the first year of life, looking for a limitation of hip abduction which is a sensible sign. Hip instability is the major sign, however its analyse requires experienced hands. Ultrasound is a complementary radiological tool, prescribed at the age of 1 month old in case of clinical anomaly or an evidenced risk factor (breech presentation, familial history of the first degree, combined orthopedic disorder induced by inadequate posture as congenital dislocation of the knee or torticolis). The advantage of systematic ultrasound, or selectively for girls, has not been evidenced. Radiography of the pelvis at 4 months old must not be applied as a screening tool. Remaining questions suggest to conduct a multicentric prospective study. Moreover, it is obligatory to involve family doctors in this project.

 

La maladie des exostoses multiples : orientations nouvelles
Multiple Hereditary Exostosis: New Orientations

COTTALORDA J, LOUAHEM D, MAZEAU P, WEISS A, L'KAISSI M, DELPONT M (Montpellier) Service d’orthopédie infantile - CHU de Montpellier - Université Montpellier 1 (1, 2, 3, 4 et 6) Service de chirurgie infantile - CHU Félix Guyon - Saint Denis de la Réunion (5)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (1), 083-093

Résumé
La maladie des exostoses multiples (MEM) est une maladie héréditaire à transmission autosomique débutant dans l’enfance. Sa prévalence est estimée à 1/50 000 naissance. Les mutations responsables de la maladie ont été identifiées dans la famille de gènes suppresseurs de tumeurs EXT. L’EXT1 est localisé sur le chromosome 8 et l’EXT2 sur le chromosome 11. La mutation des gènes EXT1 et EXT2 sont respectivement responsables dans ½ et 1/3 des cas de MEM. Un troisième locus EXT3 a également été localisé sur le bras court du chromosome 19. La forme liée au chromosome 8 (EXT1) semble plus sévère. Les mutations de ces gènes font apparaître un codon stop prématuré, entraînant un défaut de synthèse de l’exostine qui serait à l’origine d’une disparition de l’activité « tumeur suppressive » d’un gène et autoriseraient donc le développement des exostoses en prédisposant au risque de transformation sarcomateuse à type de chondrosarcome de bas grade de malignité. La MEM est caractérisée par la prolifération d’excroissances multiples bénignes développées à la surface métaphysaire des os à ossification enchondrale, au contact de la plaque épiphysaire. Elle entraine un remodelage osseux métaphysaire, des déformations osseuses et une asymétrie de croissance des os longs. Les déformations osseuses les plus fréquemment rencontrées incluent une petite taille finale, une inégalité de longueur des deux membres inférieurs, des déformations fémoro-acétabulaires, une coxa valga avec une dysplasie de hanche, un genu valgum, un valgus des chevilles et des déformations des avant-bras. Les auteurs ont focalisé cette étude sur des points qui ne font pas l’unanimité dans la littérature : la chirurgie modifie-t-elle ou pas l’évolution naturelle de ces exostoses, en particulier au niveau de l’avant-bras et des chevilles, quelle est la fréquence des exostoses intra-canalaires et quelle attitude thérapeutique adopter, quel est le risque réel de transformation maligne de ces tumeurs à l’âge adulte ?
Déformations des avant-bras : La dysharmonie de croissance entre radius et ulna existe dans 30 à 60 % des cas. Cette dysharmonie associe une main bote ulnaire, une arcature des deux os de l’avant-bras, un accourcissement relatif des os touchés et une subluxation ou une luxation de la tête radiale. Les patients sont essentiellement gênés par l’aspect cosmétique des déformations. La revue de la littérature est assez contradictoire. Certains auteurs recommandent une attitude « agressive » avec des interventions précoces pour prévenir ou ralentir la progression des déformations et améliorer la fonction (ou les deux). Il n’existe pas de corrélation entre la correction de la déformation et l’amélioration de la fonction. Il apparaît cependant dans la littérature récente que le résultat de cette chirurgie (jugée de manière subjective et objective) n’apporte pas d’amélioration évidente de la fonction. La chirurgie corrige des déformations fonctionnellement peu gênantes mais est inefficace pour améliorer la pronosupination. De plus les patients non opérés sont peu gênés à l’âge adulte par leurs déformations. Finalement le gain de la chirurgie porte essentiellement sur l’amélioration cosmétique. Les déformations résiduelles, qu’elles soient secondaires à l’évolution naturelle de la maladie ou à des défauts de correction chirurgicale, sont bien tolérées à l’âge adulte. L’allongement de l’ulna est une intervention actuellement très controversée.
Déformations des chevilles : Elles surviennent dans environ 50 % des cas. Un raccourcissement relatif de la fibula associé à un interligne tibial distal oblique entraîne une déformation en valgus de la cheville. La chirurgie de correction associe de manière variable une résection de l’exostose, un allongement de la fibula, une ostéotomie tibiale et une épiphysiodèse latérale de la physe tibiale distale. Une attitude chirurgicale préventive chez l’enfant pour réaligner la cheville sous le tibia est recommandée pour éviter un taux élevé d’arthrose de cheville à l’âge adulte.
Exostoses intra-canalaires : Des publications récentes ont montrées un taux d’exostoses intra canalaires non négligeable (68 %) avec des compressions médullaires (27 %) ce qui justifie un dépistage systématique de ces exostoses par un examen clinique et une IRM vers l’âge de 10 ans pour prévenir d’éventuelles complications neurologiques. La résection des exostoses qui entraînent une compression nerveuse est obligatoire d’autant plus que la récupération neurologique est toujours favorable et le risque de récidive très faible. Pour certains auteurs, les exostoses asymptomatiques doivent juste être surveillées.
Transformations malignes : La transformation maligne est exceptionnelle chez les enfants. La prévalence du risque de transformation maligne est d’environ 2 %. 80 % des tumeurs se développent sur le squelette axial. L’information et l’éducation sont primordiales : toute modification de taille ou l’apparition d’une douleur à l’âge adulte sur une exostose connue doit amener le patient à consulter. Les exostoses situées au niveau du bassin, de l’omoplate ou aux racines des membres et les exostoses sessiles dégénèrent plus que les autres. Si certaines lésions sont cliniquement faciles à surveiller, d’autres comme le squelette axial et le pelvis sont plus difficiles à surveiller. Une radiographie des exostoses profondes se justifie tous les 2-3 ans pour surveiller celles-ci. Une fixation scintigraphique intense est hautement suspecte de malignité. Une transformation maligne doit être suspectée sur l’IRM si la coiffe cartilagineuse est supérieure à 2 cm chez un adulte. Il ne semble pas exister de groupe à risque. Le risque annuel de transformation maligne entre 30 et 50 ans étant de 0,1 %, il paraitrait logique de proposer ce dépistage systématique pour les patients porteurs d’une MEM. En raison du faible risque de transformation maligne, une résection chirurgicale prophylaxique des exostoses n’est pas recommandée dans la littérature, d’autant plus qu’un taux de complication allant jusqu’à 13 % a été décrit suite à une résection d’exostose.

Abstract
Multiple Hereditary Exostosis (MHE) is an automosal dominant skeletal disorder that begins in childhood. Birth prevalence is estimated at 1/50,000. Three distinct genetic loci are known to cause MHE: one on chromosome 8, and two others on chromosomes 19 and 11. Mutations of the germ line in the EXT tumour suppressor gene family have been identified in MHE. The loci on chromosomes 8 and 11 have been associated with malignant transformation. Bony exostoses are benign osteocartilaginous growths that start close to growth plates, inducing metaphyseal remodeling, bony deformities, and asymmetric long bone growth. Frequent orthopaedic manifestations include short stature, limb-length discrepancy, femoroacetabular impingement, coxa valga with hip dysplasia, genu valgum, ankle valgus, and forearm deformities. The authors focused this study on points which do not make the unanimity in the literature: do surgical procedures alter or not the natural history of exostoses especially for forearm and ankle deformities, frequency and preventive attitude for spinal stenosis, risk of malignant change?
Forearm deformities: Characteristic forearm deformities are present in 30-60% of patients with hereditary multiple exostoses. Characteristic forearm deformities include a shortened forearm bowing, an ulnar club hand, and sometimes a radial heas subluxation or dislocation. Patients often suffer for aesthetic reasons. There is no consensus regarding optimal therapy. Some authors recommend « aggressive » early operative surgery to prevent or reduce progression of deformity and functional impairment (or both). Correction of deformity and improvement of function are not necessarily associated. However, it emerges from recent studies that these surgical procedures, judged in a subjective and objective way, do not produce any predictable functional improvement. These studies showed that the gain obtained by surgery did not reach improvement especially for pronosupination but provide only cosmetic satisfaction. Deformations, from natural evolution of the MHE or from residual defects of surgical correction, are well tolerated in the adulthood. Ulna lengthening is currently very contrversial.
Ankle deformities: They occur in about 50% of affected individuals. Relative shorthening of the fibula and obliquity of the distal tibial epiphysis result in valgus deformities of the ankle. Surgical procedures for correction include excision of exostosis, lengthening of the fibula, tibial osteotomy, and hemiepiphyseal stapling of the distal tibial physis. Prophylactic surgical procedures in children that are designed to improve alignment in the ankle may be justified because of the high rate of osteoarthritis in individuals with MHE.
Spinal stenosis: Recent reports noted a high rate of intracanal exostoses in MHE patients (68%) with medullary compression in 27%. So, systematic spinal screening with clinical examination, magnetic resonance imaging or computed tomography is warranted in these children at the age of 10 to avoid a possible neurological complication. If surgeon decides not to remove an intracanal lesion, he must very regularly control the child with MRI. However, it seems logical to remove any exostose in contact with nervous elements, as the neurological recovery is always favorable and the risk of recurrence very low.
Malignant changes: Information and education are essential. Malignant change in children is exceptional. Any modification of size or the appearance of a pain in the adulthood on a known exostose has to bring the patient to consult. Percentage of malignant change is probably about 2%. 80% of tumors develop on the axial skeleton. If some exostoses are clinically easy to detect, others as axial skeleton and pelvis are more difficult to detect. Bone scan and MRI can help in this supervision. Strong uptake at Technetium bone scan is highly suspect of malignant change. It does not seem possible to identify a risk group. The annual risk of malignant transformation being 0,1% between 30 and 50 years, it will be logical to propose a screnning for patients with MHE. Surgical prophylactic resection of the exostoses is not recommended. The rate of complications after exostose resection is about 13%.