Séance du mercredi 31 mai 2017
HÉMORRAGIE DE LA DÉLIVRANCE 14h30-17h00, Les Cordeliers Modérateurs : Jacques MILLIEZ (Paris), Israël NISAND (Strasbourg, Président du CNGOF)
|
Épidémiologie
|
DENEUX THARAUX C (Chercheur épidémiologiste INSERM, Coordinatrice de l’axe «Morbidité maternelle sévère», Équipe EPOPé, Paris)
|
Résumé L’hémorragie du postpartum (HPP) est définie comme une perte sanguine≥500mL après l’accouchement, et l’HPP sévère comme une perte sanguine≥1000mL, quelle que soit la voie d’accouchement. Dans les études en population, l’incidence de l’HPP est autour de 5 % des accouchements lorsque la mesure des pertes sanguines est imprécise, et autour de 10 % lorsque les pertes sanguines sont mesurées précisément. L’incidence de l’HPP sévère est autour de 2 %. L’atonie utérine est la principale cause d’HPP. La mortalité maternelle par hémorragie obstétricale a diminué en France (1,2 décès/105 naissances vivantes sur les données les plus récentes), mais elle demeure la première cause de décès maternel (11 %), et la plus évitable (100 %). Dans l’ensemble des pays développés, l’HPP est la principale cause de morbidité maternelle sévère aiguë, et d’admission maternelle en réanimation. Outre les conséquences directes de l’hypovolémie aiguë, elle expose la femme aux complications de la transfusion, de la réanimation, et à l’infertilité en cas d’hystérectomie. Les principaux facteurs de risque d’HPP sont des facteurs d’atonie utérine, mais ils sont globalement peu prédictifs. Les facteurs de risque correspondant à des éléments de prise en charge du travail ou de l’accouchement sont potentiellement modifiables et l’examen de leur balance bénéfice-risque doit prendre en compte le risque associé d’HPP.
|
Mortalité maternelle par hémorragies en France
|
LEVY G (Aix en Provence)
|
Résumé Le comité national d’experts sur la mortalité maternelle (CNEMM) a été créé par un arrêté du 2 mai 1995. Il est chargé de l’analyse confidentielle de l’ensemble des décès maternels en France, de proposer des mesures de prévention de la mortalité maternelle et de rédiger un rapport triennal sur les causes et l’évolution de la mortalité maternelle. Le CNEMM comporte : Des membres de droit représentant les autorités de tutelle qui furent successivement la DGS, l’InVS, la HAS puis Santé Publique France. Des personnalités qualifiées : 3 épidémiologistes chargés du recueil et du traitement des informations. 5 spécialistes en gynécologie obstétrique 2 sage femmes 3 spécialistes en anesthésie réanimatio
1 interniste 1 infectiologue
Le CNEMM se réunit 3 ou 4 fois par an. Les dossiers qui lui sont soumis sont présentés par deux rapporteurs et ensuite discutés de manière collégiale, discussions extrêmement intéressante du fait de la multiplicité des avis provenant de spécialistes différents. A l’issue de cette discussion, un avis est donné sur la cause du décès, la qualité des soins, son évitabilité probable ou certaine.
|
Prise en charge des anomalies de l’insertion placentaire (AIP)
|
MOREL O (Nancy)
|
Résumé Placentas accreta et percreta Les AIP concernent aujourd’hui plus d’une femme sur 500, et sont une des premières causes d’hémorragie péri-partum ou d’hystérectomie d’hémostase. Ces AIP consistent en un envahissement anormal du myomètre par le placenta. Le plan de clivage naturel habituellement présent entre placenta et myomètre est ici absent. L’attitude classique d’extirpation manuelle du placenta dans le but d’obtenir la vacuité utérine après la naissance est alors à l’origine d’hémorragies potentiellement massives, le myomètre étant directement lésé lors de la manœuvre. Deux degrés de sévérité d’AIP doivent être distinguées : - Le placenta accreta : l’envahissement est limité au myomètre. - Le placenta percreta : l’envahissement se poursuit au-delà du myomètre, et peut atteindre la vessie, l’appareil digestif, les uretères ou les vaisseaux pelviens. Le défi du diagnostic anténatal Différents types de prises en charge spécifiques per-partum ont été proposées. Quelle que soit la technique mise en œuvre, il a été démontré que le pronostic était amélioré en cas de diagnostic anténatal. Cependant, chaque approche présente une iatrogénicité maternelle et néonatale importante en cas de faux positif. Le diagnostic anténatal repose sur l’échographie anténatale et l’IRM. Aucune de ces techniques n’apporte une sensibilité ou une spécificité optimale (les signes et performances seront décrits plus en détails) et les situations ne peuvent être classées qu’à faible risque ou risque élevé d’accreta ou de percreta. Techniques opératoires En cas de placenta accreta, il peut être proposé une prise en charge conservatrice (le placenta est laissé en place in situ), une césarienne hystérectomie ou une résection de la zone utéro-placentaire anormale. En cas de placenta percreta, le degré d’envahissement étant très difficile à évaluer en pré et per-opératoire, la majorité des équipes françaises privilégie une prise en charge conservatrice. Ces différentes techniques seront décrites en détails. Lorsqu’une césarienne est indiquée (le placenta n’est pas nécessairement couvrant et une partie des patientes peut accoucher naturellement) le seul principe commun aux différentes approche est de réaliser une hystérotomie non transplacentaire, afin de limiter les saignements avant même la naissance. Il n’existe aucune étude comparative qui pourrait amener à privilégier l’une ou l’autre des techniques actuellement proposées. La stratégie dépend à la fois du degré d’envahissement suspecté et des souhaits de la patientes. Environnement opératoire – prises en charge complémentaires La chirurgie des AIP présente un risque hémorragique majeur. Des prises en charge anesthésiques spécifiques et de réanimation sont donc nécessaires. Il est également régulièrement nécessaire de compléter les techniques chirurgicales d’hémostase par une embolisation pelvienne.
|
L’embolisation artérielle : une procédure incontournable dans la prise en charge des hémorragies de la délivrance
|
SOYER P (Paris)
|
Résumé L'hémorragie du postpartum (HPP) est une affection potentiellement mortelle, qui nécessite une gestion multidisciplinaire. L'atonie utérine représente jusqu'à 80% de toutes les causes d’ HPP. L'embolisation artérielle a maintenant un rôle bien établi dans la prise en charge de l' HPP sévère. L'embolisation artérielle permet d'arrêter le saignement chez 90% des femmes atteintes d’ HPP sévère, évitant la chirurgie. Les morceaux de gélatine sous la forme de torpilles sont couramment utilisés pour une embolisation artérielle sûre et éviter les complications de l’embolisation. Les ressorts métalliques, la colle et les microsphères sont principalement utilisés dans des situations spécifiques telles que la rupture artérielle, le faux anévrysme et la fistule artério-veineuse qui sont des causes rares d’HPP. La connaissance des causes d’HPP, des risques potentiels et des limites de l’embolisation est essentielle pour une prise de décision adaptée, optimiser l’efficacité de l’embolisation, prévenir les complications irréversibles, éviter l'hystérectomie et finalement préserver la fertilité. L'embolisation artérielle est une procédure rapide, peu invasive avec un faible taux de complications lorsqu’elle est effectuée par des opérateurs entrainés. Elle nécessite une organisation en réseau et des équipes pluridisciplinaires (gynécologues, réanimateurs, radiologues) disponibles 24h/24 habituées à travailler dans l’urgence.
|
Les techniques chirurgicales de l’hémorragie de la délivrance
|
D’ERCOLE C (Marseille)
|
Résumé En situation d’hémorragie du post partum (HPP) les techniques d’hémostase présentent plusieurs particularités : - une situation d’extrême urgence avec hémodynamique souvent instable et coagulation sanguine parfois très perturbée. La notion de temps est fondamentale. Il est donc indispensable que chaque maternité dispose d’un protocole de prise en charge chirurgicale de l’HPP rapidement disponible en salle de naissance. - une situation anatomique propre à la grossesse : volume utérin, existence de pédicules vasculaires très développés en fin de gestation, richesse des anastomoses des vaisseaux pelviens. - Le traitement chirurgical s’efforce d’être conservateur mais une hystérectomie interannexielle peut être réalise d’emblée en fonction de l’état hémodynamique
Les principales techniques chirurgicales. Traitement chirurgical conservateur - Les ligatures vasculaires (ligature bilatérale des artères hypogastriques et ligatures des artères utérines éventuellement associées aux ligatures des ligaments ronds, utéro-ovariens). La ligatures des artères utérines est une technique simple et à faible risque de complications. L’efficacité sur l’arrêt des saignements de ces techniques de ligature vasculaire en première ligne de traitement chirurgical est de l’ordre de 60 à 70% - Les techniques de capitonnage utérin (points en cadre de Cho et plicature de B-Lynch) qui peuvent être associées aux ligatures artérielles. L’efficacité des techniques de compression ou de plicature utérine sur l’arrêt des saignements en cas d’HPP résistant au traitement médical est de l’ordre de 75 % Traitement chirurgical radical Le type d’hystérectomie d’hémostase (totale ou subtotale) est laissé à l’appréciation de l’opérateur en fonction de la situation. L’hystérectomie totale ne semble pas augmenter significativement la survenue de plaie de l’appareil urinaire par rapport à la technique d’hystérectomie subtotale La stratégie chirurgicale Les traitements conservateurs de l’utérus sont peu morbides et efficaces, ils doivent être réalisés en priorité en cas de désir de conservation de fertilité. Certaines situations (HPP massive, état hémodynamique précaire) doivent faire envisager la réalisation d’une hystérectomie d’hémostase de première intention. En cas d’HPP per-césarienne (à ventre ouvert), la réalisation d’une embolisation n’est pas recommandée, un traitement conservateur par ligature vasculaire ou compression utérine doit être envisagé Le choix de la technique chirurgicale conservatrice dépendra des habitudes de chacun.
En absence de réponse rapide à une première ligne de traitement conservateur, une hystérectomie d’hémostase doit être réalisée sans délai
|
Les recommandations pour la pratique Clinique du CNGOF
|
NISAND I (Strasbourg)
|
Résumé L’hémorragie de la délivrance est une urgence obstétricale et anesthésique qui constitue la deuxième cause de mortalité maternelle en France. Or elle semble souvent évitable. Une fois l’hémorragie installée, tout retard ou hésitation dans la prise en charge pluridisciplinaire est préjudiciable car il favorise l’apparition de troubles de la coagulation et l’installation d’un cercle vicieux. Lorsqu’elle est possible, l’embolisation artérielle constitue un énorme progrès dans le traitement conservateur non invasif, surtout après les accouchements par voie basse. La dévascularisation utérine étagée est conservatrice de la fertilité maternelle et efficace. Traitement chirurgical conservateur : En l’absence d’étude comparative portant sur l’efficacité des différentes techniques chirurgicales, aucune des techniques de chirurgie conservatrice n’est à privilégier. L’efficacité sur l’arrêt des saignements des techniques de ligatures vasculaires (ligature bilatérale des artères utérines ou ligature bilatérale des artères hypogastriques) en première ligne de traitement chirurgical conservateur de l’HPP est de l’ordre de 70 %. La Ligature des artères utérines est une technique chirurgicale simple et à faible risque de complication immédiate sévère. Ces ligatures vasculaires ne semblent affecter ni la fertilité ni le devenir obstétrical ultérieur. L’efficacité des techniques de compression ou de plicature utérine sur l’arrêt des saignements en cas d’HPP résistant au traitement médical est de l’ordre de 75 % et n’entraînent pas non plus de complications pour une grossesse ultérieure. Traitement chirurgical radical : L’hystérectomie totale ne semble pas augmenter significativement la survenue de plaie de l’appareil urinaire par rapport à la technique d’hystérectomie subtotale. Le type d’hystérectomie (totale ou subtotale) est laissé à l’appréciation de l’opérateur. Stratégie chirurgicale : Les traitements conservateurs de l’utérus sont peu morbides et efficaces, ils doivent être réalisés en priorité. Certaines situations (HPP massive, état hémodynamique précaire) doivent faire envisager une hystérectomie d’hémostase de première intention. En cas d’hémorragie per-césarienne (à ventre ouvert), la réalisation d’une embolisation n’est pas recommandée, un traitement conservateur par ligature vasculaire ou compression utérine doit être réalisé. Le choix de la technique chirurgicale conservatrice dépend des habitudes de chacun. L’hémorragie après césarienne conduit à la reprise chirurgicale. Cependant, en présence d’une unité de radiologie interventionnelle au sein de l’établissement, si l’état hémodynamique est conservé et en absence d’hémopéritoine faisant craindre une complication chirurgicale, une embolisation artérielle peut être tentée. L’hémorragie après accouchement par voie basse : Un état hémodynamique instable contre-indique formellement le transfert inter-hospitalier et doit conduire à une chirurgie d’hémostase sur place. En présence d’une unité d’embolisation au sein de la maternité d’accouchement, il est préférable de s’orienter vers l’embolisation, si l’état hémodynamique maternel et l’organisation des soins le permettent. Si l’état hémodynamique est stable et en absence de saignement abondant, un transfert vers une structure hospitalière disposant d’une unité d’embolisation peut être licite. En cas d’échec du traitement médical, la réalisation d’un traitement chirurgical conservateur de l’utérus a une efficacité de l’ordre de 70% sur l’arrêt des saignements quelle que soit la technique utilisée (ligature vasculaire ou compression utérine). En absence de réponse rapide à une première ligne de traitement conservateur, une hystérectomie d’hémostase doit être réalisée sans délai. Face à l’hémorragie de la délivrance, il faut avoir un plan d’action univoque et progressif et lutter contre l’inertie de l’utérus, mais aussi contre celle de l’obstétricien.
|