L. 190.  >
À Charles Spon,
le 23 juillet 1649

< Monsieur, > [a][1]

Je crois que vous avez reçu ma dernière, datée du mardi 13e de juillet, que j’avais enfermée dans une lettre que j’écrivais à M. Ravaud [2] touchant son Sennertus [3] et celui de Rouen. [1] Depuis ce temps-là, M. de Beaufort [4] a été à Nanteuil, [5] qui est devers Compiègne, [2] fort bien accompagné, sur la parole de M. le duc d’Orléans [6] qui y a accommodé une querelle que ledit sieur de Beaufort avait eue aux Tuileries le mois passé avec le marquis de Jarzé, [3][7] qui lui en a fait telle satisfaction que ledit M. de Beaufort en a désirée. [4] Le roi, [8] la reine, [9] le Mazarin [10] et toute la cour, qui n’est point fort grosse, sont à Compiègne. On dit qu’ils y seront encore tout le mois qui vient et puis après, qu’ils s’en iront passer septembre et octobre à Fontainebleau ; [11] et la Toussaint venue, consilium capient in arena [5] du lieu où ils iront passer l’hiver ; ce que je dis, d’autant que je doute fort si la reine reviendra à Paris, qu’elle hait si fort qu’elle a dit qu’elle aimerait mieux périr que d’y revenir. Aussi pourra-t-il arriver que jamais elle n’y rentrera ; au moins est-ce chose certaine que le Mazarin ne fera jamais bien d’y rentrer.

Ah ! que je serais aise de faire un petit voyage [12] à Lyon et de vous entretenir tous deux. [6] Il me semble que cela me ferait rajeunir. Ne vous étonnez point si M. Riolan [13] a rudement traité notre bon ami M. Hofmann. [7][14] Ce dernier avait commencé et a eu tort de cinq ou six picoteries contre Riolan le père [15] dans ses Institutions[8] M. Riolan le père était un bon Picard, doux et savant, mais celui-ci est un homme âcre qui ne saurait épargner ni pardonner à personne, qui malit amicum perdere quam verbum ; [9] et je ne doute pas que par ci-après quelqu’un ne lui rende. Il me semble bien vieux, il commence à se casser et est bien fort asthmatique. [16] C’est pourquoi j’ai peur pour lui l’hiver prochain. C’est lui qui a parlé des casuistes et qui eût bien voulu y mettre mon nom tout du long, [10] mais je ne le voulus point permettre ; et même il m’en gronda quelque temps et fut près d’un mois à ne plus envoyer ses épreuves, combien qu’il ne fût guère capable de les corriger : il bredouille trop et n’y voit tantôt plus. Le troisième tome des Conseils de Ballonius [17] n’est pas infailliblement achevé et M. Thévart, [18] qui l’a fait imprimer, n’est pas capable d’y mettre une bonne main. Il m’a avoué qu’il y avait ajouté les vers de la bière [19] d’un poète allemand nommé Eobanus Hessus ; [20] qu’il y a fourré l’antimoine [21] en un certain endroit, [11] duquel il n’est pas bien détrompé, combien que le petit camus ne gagne pas 100 écus par an en son métier. [12] Il dit qu’il en a ôté la saignée [22] de quelques endroits et quelques fatras de remèdes en d’autres ; ce que je crois volontiers d’autant qu’il n’est pas capable de faire mieux. Il a l’esprit aussi court que le nez et néanmoins il est malin. Je vous conseille de ne lire de ce livre-là que la table que j’en ai faite, dans laquelle j’ai mis et ramassé tout ce que j’ai trouvé de bon dans ces livres. J’en ai fait autant de l’Anthropographie de M. Riolan et sans moi, il n’y eût point eu d’index, M. Riolan disant qu’il n’avait point le loisir d’en faire un, qu’il ne se souciait pas qu’il y en eût, et le libraire alléguant qu’il ne connaissait personne qui fût capable de le faire ; si bien que sans la peine que j’en ai voulu prendre, il n’y en eût point eu. [13]

Les œuvres du bonhomme M. Leschassier, [23] avocat, ont été ramassées et mises en lumière par son neveu, maître des comptes, M. Leschassier [24] à Paris, qui est un fort homme de bien, cuius familiæ soleo facere medicinam[14] Ce Monsieur l’avocat Leschassier était un vieux frondeur, [15] bon Gaulois, homme de bien, mais âcre et fantasque, qui ne fut jamais marié, vieux chrétien, ennemi juré des fourberies de Rome. Son neveu, maître des comptes, est un homme fort doux et poli, rusé et grand ménager, qui a une des dignes femmes du monde, fille de feu M. le président Miron [25][26][27] et par conséquent, petite cousine de ma femme. [16][28][29] Si vous en voulez quelque autre exemplaire, je pourrai bien vous l’envoyer. Tout cet ouvrage n’est pas fort poli, mais il y a là-dedans quelque chose de bon. Je vous assure que par ci-devant vous ne m’avez jamais rien mandé d’avoir reçu mon portrait. [17][30] Il me ressemble assez bien, mais croyez-moi, vous n’avez pas mieux la copie à Lyon que l’original est à votre service à Paris. Il ne se passe jour que je ne pense à vous plusieurs fois.

Le cardinal Mazarin partit hier au matin de Compiègne [31] pour aller à Saint-Quentin, [32] accompagné de M. de Vendôme, [33] de M. de Mercœur, [34] du maréchal Du Plessis-Praslin, [35] de M. de Villeroy [36] et autres pour aller traiter de la paix avec Pigneranda. [18][37] Il en faut attendre le boiteux. Je vous baise les mains de tout mon cœur et suis de toute mon affection, Monsieur, votre, etc.

De Paris, ce 23e de juillet 1649.


a.

Reveillé-Parise, no ccviii (tome i, pages 462‑464) ; Jestaz no 10 (tome i, pages 481‑484), d’après Reveillé-Parise

1.

V. note [73], lettre 183, pour le projet d’édition à Rouen des Opera de Daniel Sennert qui étaient en cours d’impression à Lyon chez Marc-Antoine Ravaud.

2.

Nanteuil-le-Haudouin (Oise) se situe à mi-chemin entre Paris et Compiègne.

Mme de Motteville (Mémoires, page 286, 15 juillet 1649) :

« Le duc d’Orléans voulant finir la querelle du duc de Beaufort, {a} après avoir fait avec tous les intéressés beaucoup de consultations, lui écrivit une lettre pour le convier de l’aller trouver à Nanteuil. Il lui donna sa parole pour sûreté à lui et à toute sa troupe, et lui-même alla le trouver le 15 du mois au rendez-vous qu’il lui avait donné. »


  1. V. infra note [3].

3.

René du Plessis de La Roche-Pichemer, marquis de Jarzé (1613-1676), capitaine-lieutenant des chevau-légers du roi, était un turbulent gentilhomme libertin. Il avait notamment eu pour maîtresses la duchesse de Rohan et Ninon de Lenclos. Fidèle à Mazarin et à la régente, il avait combattu le mouvement frondeur en Anjou, mais il prit plus tard le parti des princes. Jarzé, dit Mme de Motteville (Mémoires, page 279), était « d’humeur incompatible avec le bon sens ».

Tous les mémorialistes de l’époque ont relaté l’altercation qui l’opposa au duc de Beaufort et que les libellistes ont surnommée « la soupe frondée ». Paradant aux Tuileries avec quelques autres mazarins, Jarzé avait croisé Beaufort et ses compagnons dans une allée, et prétendu que les frondeurs lui avaient prudemment cédé le passage, pour s’en vanter bruyamment à la cour. En ayant eu vent, Beaufort, animé par le coadjuteur, avait décidé de rabaisser le caquet du fanfaron à la première occasion en l’humiliant publiquement ; ce qui s’était présenté le 18 juin quand Jarzé, en compagnie de plusieurs nobles de ses amis, dont le duc de Candale, cousin de Beaufort, avait organisé un festin sur la terrasse du jardin de Renard, auberge réputée des Tuileries. La douzaine de convives attablés avaient vu arriver Beaufort et sa foule d’amis ; ils avaient bousculé couverts et plats en tirant la nappe et vidé les soupières sur les têtes de quelques-uns ; on s’était invectivé, on avait brisé les violons des musiciens, on avait tiré les épées pour en taper du plat la tête des uns et des autres ; et devant une foule de badauds Parisiens ébahis par le tumulte, les frondeurs avaient profité de la supériorité du nombre pour mettre en fuite les mazarins désarmés.

4.

Mme de Motteville (Mémoires, pages 280‑281) :

« Cette aventure {a} finie, tous se retirèrent. Le duc de Beaufort croyait avoir fait une action héroïque et ses amis étaient contents de lui avoir rendu ce service ; mais ceux qui avaient été offensés furent sensiblement irrités contre ce prince et demeurèrent avec un grand désir de se venger. Le duc de Candale en son particulier s’en alla le lendemain au Bois de Boulogne, d’où il envoya Saint-Mégrin, qui était du nombre des mazarins, appeler {b} le duc de Beaufort. Il répondit qu’il ne se voulait point battre contre son cousin germain ; qu’il avait dessein de le contenter par toutes les voies qui lui seraient possibles et que, s’il n’y pouvait réussir, qu’on l’attaquât dans les rues et qu’alors il tâcherait de se défendre. Saint-Mégrin lui répondit que c’était proposer l’impossible puisque de se battre contre lui dans les rues, vu l’affection que le peuple lui portait, c’était aller au supplice et non pas au combat, et qu’il ne croyait pas que ce parti se pût accepter.

Ensuite de cet appel du duc de Candale au duc de Beaufort, ce prince, pendant huit jours, crut qu’on l’attaquerait hors des rues, c’est-à-dire dans le cours et les promenades publiques. Il y fut soigneusement avec une grande suite d’amis ; il y fit mener des chevaux de main, et porter quantité de pistolets et d’épées. Cet appareil de guerre paraissait attendre le signal d’un grand combat qui ne se donna point ; il fut plus semblable aux exploits de don Quichotte contre les moulins qu’à une querelle de vaillants hommes tels que l’étaient le prince et ses amis, et ceux qu’il avait offensés. Presque tous l’auraient sans doute emporté par leur courage sur les douze paladins s’ils avaient pu avoir quelque chose à démêler ensemble. Les maréchaux de France s’employèrent fortement pour accommoder cette affaire, mais le duc de Candale refusa de donner sa parole et quelques autres se cachèrent de peur d’être obligés à la donner. Enfin, M. de Metz, {c} oncle du duc de Candale, frère de sa mère et fils bâtard de Henri le Grand, {d} s’employa avec tant de soin pour empêcher qu’il n’en arrivât du malheur, qu’il fit résoudre le duc de Candale, par l’impossibilité de se battre, d’aller à Verneuil avec lui. On força Jarzé d’aller en quelque autre lieu, et de cette sorte l’affaire fut mise en état de se pouvoir terminer par les voies ordinaires. »


  1. Des Tuileries.

  2. En duel.

  3. Henri de Bourbon-Verneuil, évêque de Metz.

  4. Du roi Henri iv et de Catherine-Henriette de Balzac.

Un accommodement final réglé par l’entremise du duc d’Orléans fut en effet signé à Nanteuil entre les deux parties le 16 juillet. Le Journal de la Fronde (volume i, fo 64 vo‑65 ro) en a donné le texte :

« Gaston de France, oncle du roi, duc d’Orléans, après avoir été particulièrement informé de ce qui s’est passé au jardin de Renard aux Tuileries entre le duc de Beaufort […] et le duc de Candale […], et sur ce que le sieur de Beaufort nous a déclaré n’avoir eu aucune intention de fâcher ni offenser en quelque manière que ce fût ledit duc de Candale ni aucun de sa compagnie, fors {a} et excepté ledit sieur de Jarzé à cause des discours pleins de mépris et offenses qu’on lui avait rapporté qu’il avait tenus de lui en diverses compagnies, tant à Paris qu’à Compiègne ; ajoutant même ledit sieur de Beaufort qu’il s’en était fait entendre en quelque sorte en adressant sa parole audit duc de Candale, étant très marri qu’il ne s’en soit pas davantage expliqué, et à présent témoignant beaucoup de regret que la colère l’ait porté à des actions aussi violentes que peu considérées et exécutées avec avantage d’un grand nombre de personnes qui étaient avec lui ; ce qui avait empêché que sur-le-champ les offenses n’avaient repoussé l’injure comme des gens de leur qualité et de cœur auraient fait, ainsi que depuis ils se sont mis en devoir d’en tirer raison ; desquelles actions ledit sieur de Beaufort les prie de remettre le sujet des plaintes qu’ils en pourraient avoir et d’en vouloir perdre le souvenir, et proteste que si pareille rencontre lui était arrivée, il se contenterait d’une semblable satisfaction. Et pour ce qui regarde l’offense reçue par ledit sieur de Jarzé, ledit duc de Beaufort déclare que ce qui s’est passé a été contre son ordre et intention, étant bien éloigné de la pensée même de faire ainsi maltraiter un gentilhomme ; qu’il ne laisse pas pourtant l’opinion qu’on en pourrait avoir de prier ledit sieur de Jarzé de vouloir oublier, remettre et lui pardonner ladite offense […] Nous, considéré tout ce que dessus et particulièrement les satisfactions susdites, jugeons qu’il n’en peut rien demeurer sur le cœur audit duc de Candale et autres susnommés qui les puisse obliger à aucun ressentiment, ni qui les empêche de vivre et demeurer bons amis, ce que nous leur commandons de faire ; et le présent accord s’étendra et servira pour tous ceux qui se sont trouvés dans ladite action, quoiqu’ils ne soient pas ci nommés et présents. »


  1. Sauf.

Mme de Motteville (page 286) :

« Ils {a} s’embrassèrent ensuite et demeurèrent ensemble le reste de la journée, occupés à faire la cour au prince qui les avait accommodés. Il {b} n’était guère moins respecté que le roi, outre qu’il était estimable par ses bonnes qualités. Les princes du sang, les plus proches de la Couronne, ont de grands avantages pendant les minorités ; et il ne faut pas s’étonner si, l’autorité étant ainsi dispersée, les régentes ont toujours à souffrir de fâcheuses tempêtes dans l’État »


  1. Beaufort et Candale.

  2. Gaston d’Orléans.

5.

« ils décideront au vu des circonstances » (v. note [13], lettre 287).

6.

Charles Spon et Marie Seignoret, son épouse.

7.

Dans l’Index rerum omnium mirabilium [Index de toutes les choses remarquable] qu’il a dressé à la fin des Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan (Paris, 1649, v. note [25], lettre 146), Guy Patin a soigneusement répertorié et brièvement résumé les attaques de Riolan contre Caspar Hofmann (page 25) :

8.

L’index des Caspari Hofmanni Institutionum medicarum libri sex [Six livres d’Institutions médicales de Caspar Hofmann] (Paris, 1648, v. note [12], lettre 92) ne contient qu’une entrée pour Riolanus. Elle renvoie au chapitre xxxii du livre v (pages 713‑717), intitulé De Somno meridiano [La Sieste], où Hofmann critique Jean i Riolan pour avoir quelque part été du même avis que Guillaume Plantin (auteur, en 1552, d’un commentaire sur Celse) en conseillant d’éviter la sieste, contrairement à la bonne opinion qu’en avait Galien (paragraphe 11).

Dans ses Animadversiones in Caspari Hofmanni anatomica suis Institutionibus inserta [Remarques sur l’anatomie que Caspar Hofmann a insérée en ses Institutions], Jean ii Riolan (Opera anatomica vetera… pages 789‑790) a reproché à Hofmann d’avoir appelé son père simiam Fernelii [le singe de Fernel].

9.

« qui préfère perdre un ami qu’avoir tort » ; celui-ci désigne Jean ii Riolan, fils de Jean i.

10.

Casuiste : « docteur qui a écrit, ou que l’on consulte sur les cas de conscience » (Furetière) ; dans le contexte des Opera anatomica vetera… de Riolan, ne convient-il pas prendre le mot non pas dans son sens théologique, mais dans son sens médical (non attesté par les dictionnaires) de praticien qui relate et commente une observation (un cas) ?

V. note [7], lettre 185, pour l’hommage que Riolan a tout de même rendu à Patin dans la préface des Opera.

11.

Guy Patin avait composé l’index des Consiliorum medicinalium liber iii… de Guillaume Baillou, édités par Jacques Thévart. {a} Dans l’Annotatio [Commentaire] finale du Consilium cvi, De Intemperie omnium viscerum calida ad elephantiasim accedente [Conseil 106, Intempérie chaude de tous les viscères évoluant vers l’éléphantiasis] (pages 263‑265), à propos d’un passage sur le zythum, {b} nom latin de la bière ou vin d’orge de Péluse (ville maritime de la Basse-Égypte), que Baillou condamnait comme le produit d’une fermentation malsaine, Thévart cite six vers d’Eobanus Hessus : {c}

Qui docuit crasso Cererem confundere succo,
Hinc iratus erat Bacchus et ipsa Ceres.
Nam Pelusiaci qui laudat pocula Zythi
Illi nec cerebrum nec caput esse puto
Renibus, et nervis cerebroque hic noxius humor
Sæpe etiam lepræ semina fœda iacit
.

[Bacchus, tout comme Cérès elle-même, {d} s’était emporté contre celui qui a appris à brasser le blé en un suc grossier ; car qui vante les coupes de bière n’a, je pense, ni tête ni cervelle. Ce breuvage est nuisible pour les reins, et pour les nerfs et le cerveau ; souvent même, il répand les graines ignominieuses de la lèpre].


  1. Paris, 1649, v. note [47], lettre 152.

  2. V. note [17] du Traité de la Conservation de santé, chapitre iii.

  3. Helius Eobanus Hessus (Bockendorf, Hesse 1488-1540) composait déjà des vers avant d’être sorti de l’Université d’Erfurt. Ayant entrepris d’étudier le droit à Leipzig, il dévora le peu d’argent qu’il possédait, vendit ses livres et revint à Erfurt donner des leçons. Bientôt après, il fut chargé par l’évêque, son protecteur, de diriger l’École de Saint-Sévère et obtint ensuite la chaire d’éloquence à l’Université ; mais les troubles de la Réforme ayant fait fermer cette institution, Eobanus se fit médecin pour vivre, abandonna ensuite ce nouvel état pour diriger une école à Nuremberg (1526), essaya inutilement de reconstituer l’Université d’Erfurt et passa à celle de Marbourg, où il mourut dans l’intimité du landgrave Philippe. Il a laissé plusieurs recueils de poèmes et de lettres, et des traductions en vers latins (G.D.U. xixe s.).

  4. Déesse de l’agriculture chez les Romains (v. note [18], lettre 539), pour qui Bacchus était le dieu de la vigne (v. note [23], lettre 260).

En feuilletant ce livre et sans entrée d’index sur l’antimoine, je n’ai pas trouvé dans quel commentaire des 123 conseils de l’ouvrage il en est question.

12.

Le petit camus était le surnom que Guy Patin donnait à Jacques Thévart en raison de son nez retroussé et de sa petite taille.

13.

Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan (Paris, 1649, v. note [25], lettre 146).

14.

« dont je suis le médecin de famille habituel. »

Jacques Leschassier (1550-1625), d’abord avocat au Parlement de Paris, devint ensuite substitut du procureur général, se montra très attaché au parti du roi à l’époque de la Ligue et acquit la réputation d’un savant juriste (G.D.U. xixe s.).

Son neveu, Christophe Leschassier, maître puis conseiller à la Chambre des comptes, a réuni et publié :

Les Œuvres de M. Jacques Leschassier, Parisien, avocat en Parlement, contenant plusieurs excellents Traités, tant de Droit Public des Romains, que celui des Français. Ensemble quelques mémoires servant à l’antiquité de l’Église, et à l’illustration de l’histoire de France. {a}


  1. Paris, sans nom, 1649, 2 parties en un volume in‑4o de 570 pages.

15.

Première apparition du mot frondeur, sous la plume de Guy Patin : il l’appliquait ici à l’esprit de Jacques Leschassier, mort en 1625, bien avant la guerre civile de 1649. On doit donc lui attacher le vieux sens guerrier, dérivé du latin fundator « qui jette des pierres avec une fronde [funda]. Les frondeurs faisaient une partie de la milice des Romains » (Furetière) ; au figuré, « se dit aussi de ceux qui contredisent, qui critiquent » (ibid.). L’exhumation du mot n’était pourtant pas le fait du hasard et annonçait son emploi dorénavant commun dans les Lettres.

Dans ses Mémoires (pages 551-552), Retz a daté la naissance des mots Fronde et frondeur du printemps 1649, c’est-à-dire la période qui succéda à la paix de Saint-Germain (1er avril) :

« Quand le Parlement commença à s’assembler pour les affaires publiques, M. le duc d’Orléans et M. le Prince y vinrent assez souvent […] et y adoucirent même quelquefois les esprits. Ce calme n’y était que par intervalles. La chaleur revenait au bout de deux jours et l’on s’assemblait avec la même ardeur que le premier moment. Bachaumont {a} s’avisa de dire un jour en badinant que le Parlement faisait comme les écoliers qui frondent dans les fossés de Paris, qui se séparent dès qu’ils voient le lieutenant civil et qui se rassemblent dès qu’il n’apparaît plus. Cette comparaison, qui fut trouvée assez plaisante, fut célébrée par les chansons et elle refleurit particulièrement lorsque, la paix étant faite entre le roi et le Parlement, l’on trouva lieu de l’appliquer à la faction particulière de ceux qui ne s’étaient pas accommodés avec la cour. {b} Nous y donnâmes nous-mêmes assez de cours parce que nous remarquâmes que cette distinction de nom échauffe les esprits. Le président de Bellièvre m’ayant dit que le premier président {c} prenait avantage contre nous de ce quolibet, je lui fis voir un manuscrit de Sainte-Aldegonde, {d} un des premiers fondateurs de la République de Hollande, {e} où il était remarqué que Brederode {f} se fâchant de ce que, dans les premiers commencements de la révolte des Pays-Bas, l’on les appelait les Gueux, le prince d’Orange, qui était l’âme de la faction, lui écrivit qu’il n’entendait pas son véritable intérêt, qu’il en devait être très aise et qu’il ne manquât pas de faire mettre sur leurs manteaux de petits bissacs en broderie, en forme d’ordre. Nous résolûmes dès ce soir-là de prendre des cordons de chapeau qui eussent quelque forme de fronde. Un marchand affidé {g} nous en fit une quantité qu’il débita à une infinité de gens qui n’y entendaient aucune finesse. {h} Nous n’en portâmes que les derniers pour n’y point faire paraître d’affectation qui en eût gâté tout le mystère. L’effet que cette bagatelle fit est incroyable. Tout fut à la mode, le pain, les chapeaux, les canons, {i} les gants, les manchons, les éventails, les garnitures ; et nous fûmes nous-mêmes à la mode encore plus par cette sottise que par l’essentiel. ».


  1. V. note [8], lettre 715.

  2. Le parti des Princes.

  3. Mathieu i Molé.

  4. Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde (v. note [11] du Grotiana 2).

  5. Les Provinces-Unies.

  6. Hendrik graaf van Brederode.

  7. De confiance.

  8. Subtilité.

  9. Dentelles garnissant le bas de la culotte.

En juillet 1649, Guy Patin ne faisait donc que suivre la mode de son temps ; peut-être sans tout à fait savoir qu’elle lui venait indirectement des gueux bataves, gentilshommes hollandais révoltés contre la souveraineté espagnole qui avaient transformé leur dénomination injurieuse en titre de gloire : du temps de Guillaume le Taciturne (v. notule {d}, note [2], lettre latine 452), en 1572, ils avaient pris en signe de protestation des habits de mendiants pour venir déposer une plainte auprès de la gouvernante des Pays-Bas, Marguerite de Parme, et un de ses conseillers avait dit tout haut qu’on ne devait avoir aucun égard à la demande de tels gueux (Bertière a).

16.

Christophe Leschassier avait épousé en 1632 Marguerite Miron, fille de Robert i (v. note [20], lettre 180), morte en 1660 (v. note [3], lettre latine 264).

V. note [9], lettre 10, pour la parenté entre l’épouse de Guy Patin, née Jeanne de Janson, et les Miron, dont Patin s’est plusieurs fois flatté.

17.

V. note [9], lettre 164.

18.

V. notes [8], lettre 188, et [3], lettre 189, pour l’entrevue de Mazarin et de Pigneranda.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 23 juillet 1649

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(Consulté le 05/05/2024)

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