L. 444.  >
À Charles Spon,
le 3 octobre 1656

< Monsieur, > [a][1]

Le vendredi 15e de septembre dernier est sortie de Paris la reine de Suède [2] et est allée à Saint-Denis [3] où elle a vu l’église, puis est entrée dans le trésor ; mais incontinent, par quelque impatience d’esprit, elle en est sortie et a pris le chemin de Chantilly [4] où elle est allée coucher ; delà à Compiègne, [5] où le roi [6] la régalera trois jours. [1]

Les jésuites [7] ont eu le crédit de mettre mal le cardinal de Retz [8] dans l’esprit du pape. [9] Comme archevêque de Paris, il veut excommunier [10] le cardinal Mazarin, [11] sed hoc est brutum fulmen, nudum et inane nomen, ac merum terriculamentum[2] La reine de Suède s’en va à Rome où elle veut dépenser 200 000 écus de pension que son cousin, le roi de Suède, [12] et les États du pays lui ont accordés, et de nouveau promis et ratifiés. Elle a dit qu’elle veut mourir auprès du pape et que c’est un grand homme.

La querelle des jésuites et des jansénistes [13] continue toujours. Ces derniers nous donnent presque chaque mois de nouvelles lettres, [14] lesquelles scandalisent fort les carabins du P. Ignace. [3][15] Ils ont fait quelques réponses, mais ce n’est rien auprès ; aussi est-il très difficile de défendre une si mauvaise cause que celle de la Société et de réfuter les très puissantes opinions des jansénistes, qui sont gens très savants et de bonne conscience. Nous en avons ici douze lettres, sans celles qui viendront. On tient ici en ce point-là déplorée et perdue la cause des loyolites, mais ils tiennent par d’autres principes : ils sont bien à la cour où ils servent d’espions et de maquereaux politiques, et encore mieux à Rome où ils font venir l’eau au moulin et où le pape est leur marotte. Les jansénistes feront bien de se défendre jusqu’au bout car ils ont affaire avec gens qui ne pardonnent jamais, et qui sont aussi méchants et cruels que glorieux et insupportables.

Il y a jusqu’ici grosse querelle entre le Parlement et les maîtres des requêtes, mais on commence à parler de les accommoder à cause que le Mazarin aura l’hiver prochain besoin du Parlement, et ne voulant le choquer en aucune façon. [4] On a proclamé et publié, le 23e de septembre dernier, à trois briefs jours le cardinal de Retz, avec grosses défenses à quelque gouverneur que ce soit de le recevoir ni retirer chez soi, etc. [5] Il y a ici des gens qui croient qu’il est en France, et même à Paris ou près d’ici, mais qu’il est si bien caché qu’il ne peut être trouvé. Je ne sais à quoi est bonne cette grande hardiesse car je tiens pour certain qu’il se met en danger fort grand s’il vient à être découvert, et même aussi tous ceux qui le retirent. On a présenté à Messieurs de l’Assemblée du Clergé [16] une lettre de la part de M. le cardinal de Retz écrite et signée de sa propre main, datée du 15e de septembre, ce qui fait croire qu’il n’est pas loin d’ici. [6]

Les jésuites de Compiègne, qui ne sont nichés là que depuis un an par le crédit du P. Annat, [17] confesseur du roi, et malgré tous les habitants, ont représenté une comédie devant la reine de Suède, laquelle était fort chétive. Elle leur en a dit tout franchement son avis ; [7] et ensuite leur dit qu’elle savait bien de bonne part les désordres qu’ils mettaient dans la chrétienté, qu’ils se mêlaient de trop d’affaires et même que plusieurs princes s’en plaignaient. Ces bons pères se trouvèrent fort surpris et en firent un rapport à notre reine, [18] laquelle s’en plaignit à dame Christine ; mais la bonne dame suédoise n’en demeura point là, elle renchérit à la reine sur tout ce qu’elle avait dit de ces bons pères et lui en dit six fois davantage, dont notre reine demeura fort étonnée. Oh, que je souhaiterais volontiers que tous les princes fussent avertis de leurs fourberies ! Il n’y aurait pas tant de monde trompé. Si res ista mei esset arbitrii[8] j’en ferais une bonne caravane et enverrais tout cela en l’Amérique [19] afin qu’ils y travaillassent à la conversion des sauvages.

Apprenez de grâce à votre serviteur qu’est-ce que c’est qu’un libelle imprimé in‑4o à Lyon sous ce titre, La Cabale des barbistes[20] Qui est celui à qui ce livre en veut ? C’est M. Gras [21] qui me l’a envoyé, mais je n’y puis rien comprendre. [9]

M. de Turenne [22] ayant appris que dans La Capelle, [23] que les Espagnols nous tenaient, il n’y avait guère de monde, il est aussitôt allé l’assiéger ; à quoi il a réussi car six jours après, la ville s’est rendue. Il n’y avait dedans que 200 hommes, il y a des gens qui disent 60 seulement. Le prince de Condé [24] n’a pu les secourir ; maintenant il cherche à combattre le maréchal de Turenne.

Il court ici une lettre nouvelle du cardinal de Retz à Messieurs de l’Assemblée du Clergé, dans laquelle il les exhorte vivement à entreprendre sa défense et leur dit qu’enfin on les contraindra à prendre la résolution de se servir de ses armes spirituelles. Cela s’explique par gens du métier, qu’il interdira tout l’archevêché de Paris et qu’on ne fera plus aucun service ni aucune fonction dans les églises. Si l’on n’y dit plus de messes, cela épargnera bien du vin qui est déjà ici bien cher ; mais aussi plusieurs prêtres et cadets de Normandie en pâtiront, qui ex illo quæstu diurno victum sibi comparant[10] Luther [25] et Calvin [26] ont ôté le purgatoire ; [27] s’ils pouvaient aussi bien nous ôter l’enfer, nous serions comme rats en paille. [11] Le diable serait mort cette fois-là, et nous n’aurions plus qu’à nous réjouir et à nous gaudir, [12] sans plus avoir aucune crainte de cette vilaine bête métaphysique, cornue et fort affreuse à ce que nous disent les moines, [28] gens de bien et gens d’honneur à ce qu’ils disent, mais qui pratiquent fort bien à leur profit ce beau vers de Lucrèce : [29]

Qui faciunt animos humiles formidine divum, etc. [13]

Je vous supplie de faire mes très humbles recommandations à M. Gras et de lui dire que j’ai aujourd’hui délivré à un honnête homme, marchand de Lyon qu’il m’avait adressé, deux livres in‑8o, dont l’un sera pour lui et l’autre pour vous : c’est le voyage de M. Ogier [30] l’avocat que le prieur, son frère, [31] a fait imprimer depuis sa mort. Ce voyage contient trois royaumes, savoir Pologne, Danemark et Suède. [14] Le livre est beau et plein de curiosités, je vous prie de le recevoir de bonne part en attendant quelque chose de meilleur. Il y a du bruit à Orléans [32] entre l’évêque [33][34] et les jésuites pour un sermon qu’un de ces gens-là y a fait. [15] Le sieur de La Peyrère, [35] auteur du livre des Préadamites[36] est prisonnier dans le château d’Anvers [37] et il sera bientôt jugé par l’Inquisition [38] espagnole comme un dangereux hérétique s’il ne désavoue son livre qui a été imprimé trois fois, savoir in‑4o et in‑12 en Hollande, et in‑8o à Bâle ; [39] il y a déjà sept réponses différentes de divers auteurs et en différents pays. [16] Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble, etc.

De Paris, ce 3e d’octobre 1656


a.

Reveillé-Parise, nos cclxxxix (tome ii, pages 252‑255) et cclxxxviii (fin, ii, pages 250‑252). Dans Reveillé-Parise, le dernier paragraphe se trouve dans la lettre à Charles Spon no cclxxxviii, datée du 17 octobre 1656 (v. lettre 446) ; comme le manuscrit correspondant ne le contient pas, il a paru raisonnable de le placer en fin de cette lettre, datée du 3 octobre.

1.

Mme de Motteville (Mémoires, pages 449‑450) :

« Notre amazone suédoise gagna tous les cœurs à Paris, qu’elle aurait peut-être perdus bientôt après si elle y fût demeurée plus longtemps. Après avoir vu tout ce qu’elle crut digne de sa curiosité, elle quitta cette grande ville, {a} où elle avait été toujours environnée d’une furieuse presse, pour venir voir Leurs Majestés à Compiègne où elle fut reçue {b} non seulement en reine, mais en reine bien-aimée du ministre. Le cardinal Mazarin partit le même jour de Compiègne pour être à Chantilly quand elle y arriverait pour y dîner. {c} Deux heures après ce repas, le roi et Monsieur y arrivèrent comme des particuliers. {d} Le roi entra par une porte qui était au coin du balustre du lit, et se montra avec toute la foule qui était autour d’elle et du cardinal. Aussitôt qu’ils furent aperçus par lui, il les présenta à la reine de Suède et lui dit que c’étaient deux gentilshommes des plus qualifiés de la France. Elle les connut, en les regardant, pour avoir vu leurs portraits au Louvre, et lui répondit qu’elle le croyait ainsi et qu’ils paraissaient être nés à porter des couronnes. Le cardinal Mazarin lui repartit qu’il voyait bien qu’il était difficile de la tromper, et qu’il était vrai que c’étaient le roi et Monsieur. »


  1. Le 15 septembre 1656.

  2. Réception officielle, le 16.

  3. Le 15 au soir.

  4. Incognito.

La reine Christine séjourna au château du Fayel, à trois lieues de Compiègne. Le roi passa de longs moments en sa compagnie jusqu’au 23 septembre, veille du jour où il quitta Compiègne pour aller surveiller les opérations militaires depuis Guise (Levantal).

2.

« mais c’est une foudre aveugle [v. note [20], lettre 405], un vain propos et un pur épouvantail. »

3.

V. note [23], lettre 446, pour les Provinciales de Blaise Pascal.

4.

Cette tournure laisse planer un doute sur la fidélité de la transcription.

Mme de Motteville (Mémoires, page 448) :

« La reine me fit l’honneur de me dire en riant, sur le chapitre de Valenciennes, {a} qu’il y avait de la présomption à croire qu’il n’y eût des victoires que pour nous ; que les prières des Espagnols devaient quelquefois obtenir des grâces du ciel, telles qu’il lui plaisait de les distribuer tantôt aux uns et tantôt aux autres ; et qu’il ne fallait pas s’étonner de ces événements. Ils furent cause néanmoins que le Parlement, qui ne manquait guère de se prévaloir de toutes les occasions, donna un arrêt qui attaquait le Conseil. Il ordonnait que les maîtres des requêtes seraient à l’avenir obligés de leur rendre compte des arrêts du Conseil et qu’ils seraient mandés par eux pour leur en aller rendre raison. Les maîtres des requêtes députèrent aussitôt quelques-uns de leur Compagnie pour en aller faire des plaintes au roi. Le 29 août, Gaulmin {b} lui fit une harangue qui fut trouvée belle parce qu’elle fut hardie : il attaqua le Parlement avec vigueur et grande liberté ; il cita un de nos voisins, ministre d’Espagne, qui avait dit autrefois que jamais la France ne serait dans une entière puissance que les princes ne fussent sans pouvoir, les huguenots sans places et les parlements sans droit de faire des remontrances ; il exagéra ses entreprises et dit qu’il {c} anéantissait tant qu’il pouvait l’autorité du roi. La reine écouta ce discours avec plaisir, par la mauvaise impression que les révoltes du Parlement avaient laissée dans son esprit. On fit de grands raisonnements dans le cabinet sur ces matières et plusieurs personnes disaient aussi qu’il était vrai qu’alors il y avait des désordres au Conseil. Je ne sais s’ils avaient tort ou raison, mais tous concluaient que le ministre aurait bien fait s’il se fût appliqué au remède de ces maladies intestines qui perdaient l’État et qui pouvaient continuellement donner un juste prétexte aux brouillons de crier contre lui. »


  1. V. note [16], lettre 440, pour cette déroute des troupes royales face aux hispano-condéens en juillet 1656 ; elle ravigotait les partisans de M. le Prince contre Mazarin, jugé incompétent.

  2. V. note [15], lettre 282.

  3. Le Parlement.

5.

V. note [39], lettre 413, pour l’ajournement à trois briefs jours.

Montglat (Mémoires, page 318) :

« Le cardinal de Retz partit de Rome cet été ; et n’osant revenir en France, il rôda par toute la chrétienté, travesti sans être connu. On fit en France des défenses de le retirer, sur peine de la vie ; car le cardinal Mazarin le craignait tellement que lui seul lui donnait plus d’affaires que toutes celles de l’État. »

Bertière b (pages 407‑408) :

« Une ordonnance royale du 14 septembre < 1656 >, publiée à son de trompe, défendit à tous, sous peine de châtiment exemplaire, “ de donner audit cardinal retraite, aide ni assistance quelconques, pour quelque cause ou sous quelque prétexte que ce puisse être, d’avoir intelligence ou commerce avec lui, directement ni indirectement, de recevoir aucunes lettres, messages ni ordres venant de sa part, ni d’exécuter aucun de ses ordres. ” »

6.

Retz a publié trois lettres (sans lieu ni nom, in‑4o) dans cette période :

7.

Mme de Motteville (Mémoires, page 452) :

« Le 18 septembre, les reines furent à une tragédie des jésuites, dont celle de Suède se moqua hardiment. » {a}


  1. Les écoliers des jésuites avaient représenté cette tragicomédie, intitulée La Fidélité envers le roi, dans la salle des gardes du château (Levantal).

8.

« Si on prenait mon avis là-dessus ».

9.

La Cabale des Barbistes déchiffrée par la lettre d’un docteur catholique, écrite au révérend Père Zelothee est un opuscule anonyme de 24 pages, {a} dont le titre est suivi de deux citations tirées des Évangiles :

C’est la condamnation en règle d’une bizarre secte lyonnaise :

« J’ai vu quelques livres publiés depuis peu contre les Barbistes, j’en ai vu de manuscrits et d’imprimés, en prose et en burlesque, sans que je connaisse les pères de ces enfants anonymes. Ces petits ouvrages attaquent une secte qui a commencé de se former dans Lyon depuis quelques années, sous la conduite d’un barbier. Le dessein des auteurs de ces sérieuses railleries est louable parce qu’il veut donner connaissance des erreurs et des fourberies de la secte, et des sectateurs, par un agréable divertissement, et découvrir, par une moquerie aussi véritable que plaisante, toute la filouterie spirituelle familière à ceux de cette cabale.

[…] Le principal but de tous leurs desseins a toujours été de trouver dans leur conduite spirituelle les biens temporels que la naissance, la fortune et le peu d’industrie leur ont refusés. L’instituteur de la confraternité, voyant qu’il n’était pas capable de se faire considérer par son art de chirurgie et qu’il n’était point recherché pour traiter les infirmités des corps, il rechercha d’office la cure des âmes ; et de barbier ignorant, il se fit très habile charlatan spirituel. Sa conduite ayant poussé sa femme et sa sœur dans le délire par ses mauvais traitements, il voulut porter sa puissance plus haut, faire des lois de ses rêveries, se faire suivre comme un prophète, et révérer comme un saint. Il tâcha d’avoir des disciples et ne pouvant s’en acquérir qui fussent doctes, il choisit des écoliers qui sortant de la férule se soumettaient facilement à sa discipline ; il ne fallait pas que les disciples fussent au-dessus du maître, et le plus grand nombre n’étant que de pédants, {a} ils n’étaient pas jaloux d’être eux-mêmes pédantisés. L’espérance de quelque bonne condition, celle d’escroquer quelque bénéfice sous le masque d’une sainteté apparente, le dessein de gouverner la bourse de leurs adhérents, lorsqu’ils auraient fasciné leurs esprits par les conduites d’une dévotion extravagante, augmenta bientôt la troupe de ce nouveau prophète. Si nous disons que la plus grande partie de ces émissaires, qui veulent passer pour catholiques missionnaires, sont des griffons {b} de montagne, d’où la terre ingrate exile ses habitants par sa stérilité, où le pain ne se cuit que deux fois l’année, et que ces lieux déserts où l’on fait tous les jours des abstinences involontaires produisent des animaux patients et laborieux qui, par de lâches complaisances et des bassesses indignes des gens d’honneur, mettent enfin, d’un grain sordide, quelque chose de reste pour subsister, je me prépare d’ouïr une réponse pleine de vanité et de présomption. Ils diront que le Sauveur du monde paraissant pauvre parmi les hommes, n’a voulu choisir pour ses disciples que de pauvres pécheurs, qu’ils font les mêmes fonctions qu’ont faites ces illustres fondateurs de l’Église naissante par le commandement de leur divin Maître, que ces premiers hérauts de la foi et de la parole de l’Évangile l’ont prêchée par tous les coins de la terre, qu’ils les imitent en tout, qu’ils prêchent évangéliquement et vivent d’une vie apostolique, qu’ils sont les vrais et légitimes successeurs des apôtres et qu’ils les copient merveilleusement bien ; enfin, ils feront un parallèle impie et blasphématoire de leur chef, qu’entre eux ils appellent l’Homme, avec le divin Fils de l’Homme, et d’eux-mêmes avec ses apôtres. Pour rendre cette copie plus approchante du naturel, il est très véritable que leur patriarche a ses douze apôtres, il se fait appeler l’Homme et a donné à douze de ses plus confidents disciples le nom des apôtres de Jésus-Christ ; il les a canonisés tous vivants, leur attribuant la qualité de saints ; de manière que, voulant assigner le lieu de leur assemblée, il dit aux troupes qui le suivent, “ Demain nous nous trouverons en la maison de saint Jacques, le jour d’après en celle de saint Philippe ”, et ainsi des autres. Il n’est pas jusque-là que si on leur demande “ Êtes-vous barbistes ? ” ils ne répondent impudemment, “ Oui, je le suis par la grâce de Dieu ”, réponse que < dans le Catéchisme > doivent faire les seuls fidèles quand on leur demande “ Êtes-vous chrétien ? ” » {c}

« Montluel {d} est une des premières et principales missions du Barbier : ses émissaires s’y sont établis en renards et y règnent en lions. Pour y être plus autorisés, ils ont trouvé le moyen de se rendre maîtres de la principale église, qui est collégiale. Ces cabalistes, pour parvenir à leur fin, s’insinuent dans l’esprit du doyen, le blessent de méditation et de communauté de biens. Ayant acquis une forte croyance dans son esprit et l’ayant obligé à cette obéissance aveugle qu’ils exigent de tous ceux qui sont enrôlés sous leurs drapeaux, ils lui persuadent que le doyenné est un fardeau trop pesant pour ses épaules, qu’il est obligé d’instruire le peuple, que Dieu l’a chargé de sa conduite, qu’il exigera de lui le compte des âmes qu’il a mises entre ses mains, que ne pouvant s’acquitter pleinement de cette obligation, il doit remettre son bénéfice à quelque personne de mérite et de capacité, que le résignant à quelqu’un des leurs, ils déchargeront valablement sa conscience ; et pour lui témoigner qu’ils ne cherchent que la gloire de Dieu, que ce n’est pas le revenu du bénéfice qu’ils recherchent, ils lui promettent mille écus et deux cents livres de pension annuelle. Ces avances firent ouvrir les oreilles au pauvre doyen ; ils le pressent, ils le persuadent ; enfin, sous de fausses et simoniaques promesses, ils lui font résigner son bénéfice ; duquel étant porteurs, ils se sont dispensés du paiement des mille écus promis, pour ne faire pas une simonie réelle après l’avoir faite mentale et verbale. » {e}


  1. Faux savants.

  2. V. note [31], lettre 477.

  3. Pages 4‑6.

  4. Dans l’Ain, une vingtaine de kilomètres au nord-est de Lyon.

  5. Pages 18‑19.

Sans avoir trouvé d’autre témoignage sur la secte des Barbistes, on peut se demander si ce récit n’est pas une pure fiction masquant la satire des calvinistes grisons (v. note [28], lettre 240).

10.

« qui se recrutent pour prix de cette quête journalière de victuailles » : façon de rappeler que devenir prêtre était pour les cadets de famille une manière ordinaire d’exercer un métier honorable sans mourir de faim.

11.

« On dit que des gens sont heureux comme rats en paille, lorsqu’ils ont abondance de vivres et qu’ils les mangent en repos » (Furetière). L’expression était plus parlante que son équivalent d’à présent, « être comme un coq en pâte », c’est-à-dire un coq mis à la retraite, qu’on engraisse avec force pâtée, qu’on tient captif à cet effet pour le manger et qui, ayant tout à souhait et étant en repos, profite rapidement (Littré DLF).

12.

Se gaudir (du latin gaudere) : se réjouir.

13.

« Qui soumettent les esprits à la terreur des dieux, etc. », Lucrèce, l’épicurien athée (v. note [131], lettre 166), La Nature des choses (livre vi, vers 51 ; v. note [47], lettre 442, pour deux des vers qui suivent).

14.

V. note [6], lettre 378, pour les Ephemerides (Paris, 1656) de Charles Ogier l’avocat, frère de François le prieur, sur les ambassades du comte d’Avaux.

15.

Alphonse d’Elbène (diocèse de Sens vers 1600-Paris 20 mai 1665) avait été nommé évêque d’Orléans en 1646. En 1651, aux côtés de son frère cadet, Barthélemy, évêque d’Agen (v. note [25], lettre 338), Alphonse avait affirmé ses sympathies jansénistes. À la fin de l’été 1656, il avait frappé d’interdit un prédicateur jésuite, le P. Jean Crasset, mais fut forcé de le rétablir dans ses fonctions en février 1657.

Guy Patin avait dû lire les deux libelles du moment sur cette querelle : Mandement de Mgr Alphonse d’Elbène, évêque d’Orléans, contre le P. Crasset, jésuite (sans lieu, ni nom, ni date, in‑4o de 3 pages) ; Sommaire du discours prêché à Orléans par le P. Crasset… le 8 septembre 1656, avec quelques remarques sur le mandement de l’évêque d’Orléans, Mgr Alphonse d’Elbène qui l’a suivi (sans lieu, ni nom, ni date, in‑4o de 3 pages). En 1661, d’Elbène publia un autre mandement, mais cette fois pour la signature du Formulaire (v. note [9], lettre 733) qui bâillonnait Port-Royal (Dictionnaire de Port-Royal, page 385).

Blaise Pascal en a parlé dans sa 15e Provinciale à propos des faussetés et calomnies proférées par les jésuites :

« C’est par ce même principe que votre P. Crasset a tant prêché d’impostures dans Orléans qu’il a fallu que M. l’évêque d’Orléans l’ait interdit, comme un imposteur public, par son mandement du 9 septembre dernier, où il déclare qu’il défend à frère Jean Crasset, prêtre de la Compagnie de Jésus, de prêcher dans tout son diocèse, et à tout son peuple de l’ouïr, sous peine de se rendre coupable d’une désobéissance mortelle, sur ce qu’il a appris que ledit Crasset avait fait un discours en chaire, rempli de fausseté et de calomnie contre les ecclésiastiques de cette ville, leur imposant faussement et malicieusement qu’ils soutenaient ces propositions hérétiques et impies, et que Jésus-Christ n’est pas mort pour tous les hommes, et autres semblables, condamnées par Innocent x. Car c’est là, mes pères, votre imposture ordinaire, et la première que vous reprochez à tous ceux qu’il vous est important de décrier. Et quoiqu’il vous soit impossible de le prouver de qui que ce soit, qu’à votre P. Crasset, de ces ecclésiastiques d’Orléans, votre conscience, néanmoins, demeure en repos ; parce que vous croyez que cette manière de calomnier ceux qui vous attaquent, est si certainement permise que vous ne craignez point de le déclarer publiquement et à la vue de toute une ville. »

16.

Au moins neuf réfutations des Préadamites d’Isaac de La Peyrère (v. note [3], lettre 93) ont été publiées en 1656 :


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 3 octobre 1656

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(Consulté le 06/05/2024)

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