L. 476.  >
À Charles Spon,
le 4 avril 1657

Monsieur, [a][1]

Depuis ma dernière de six pages, laquelle je vous envoyai le mardi 27e de mars, laquelle j’enfermai dans le paquet de M. Falconet, je vous dirai que le gouverneur et le lieutenant de Saint-Ghislain [2] sont ici, qui ont rendu bon compte de ce qu’ils ont rendu la ville. Quelques-uns disent qu’ils n’avaient point de poudre, les autres, qu’il y a eu une trahison d’Irlandais que l’on n’a su ni empêcher, ni éviter. [1]

On dit que le prince de Conti [3] s’en va en Italie, que les Espagnols ont investi Valence [4] et que la duchesse de Savoie [5] avait demandé le comte d’Harcourt [6] qui lui a été refusé. [2]

On avait mandé le duc d’Orléans [7] à la cour, qui y devait venir après les fêtes, mais il a été contremandé. Je vois ici beaucoup de gens en peine de cela et qui espéraient pour leur intérêt de voir ici le duc d’Orléans.

M. le président de Thou [8] a enfin touché de l’argent et est aussitôt parti pour s’en aller être notre ambassadeur en Hollande. Il y a eu quelque chose de pressé en son départ car on l’a fait partir 15 jours plus tôt qu’il ne pensait, sans qu’il ait eu loisir de dire adieu à ses amis, sans train de sa maison et sans bagage d’ambassadeur. Il est parti en poste, quod rarum est illis hominibus ; [3] tout son train s’apprête à partir en bref.

On dit ici que le duc de Mantoue [9] a tourné casaque et qu’il s’est donné à l’Espagnol, qui a mis garnison dans Casal. [10]

Au reste, je vous prie d’embrasser et de bien recevoir le présent porteur nommé M. Parker, [4][11] Anglais, fort honnête homme, fort civil et fort savant qui s’en va à Padoue. [12] Il est si généreux qu’il a bien voulu se charger d’un petit paquet que je vous envoie, dans lequel vous trouverez deux livres in‑8o que je vous prie d’envelopper comme vous voudrez et de les envoyer, à la première commodité que vous aurez, à Nuremberg, [13] à M. Volckamer [14] qui les fera tenir à M. Guernerus Rolfinck [15] qui en a besoin. Vous y trouverez aussi les 17 lettres [16] des jansénistes [17][18] contre les carabins du P. Ignace, [19] pour vous et autant pour M. Gras que je salue de tout mon cœur. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, tuus ex animo, Guido Patin[5]

De Paris, ce mercredi 4e d’avril 1657.


a.

Ms BnF no 9357, fo 245, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Reveillé-Parise, no ccciii (tome ii, pages 293‑294, faussement datée du 8 avril 1657). Au revers à côté de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1657./ Paris, 4 avril./ Lyon, 17e dud., par/ M. Parker./ Rispost./ Adi 24e dud. »

1.

La Gazette, ordinaire no 39 du 31 mars 1657 (pages 309‑310) :

« De Guise, le 26 mars 1657. Le 23e de ce mois, la garnison qui était dans Saint-Ghislain, d’environ cinq cents hommes, arriva ici, suivant les articles accordés au comte de Schomberg ; lequel, après avoir fait périr aux ennemis plus de deux mille hommes, et entre eux quantité d’officiers, tant par ses sorties que dans leurs attaques, et en toutes ces occasions donné des marques de son grand courage, ainsi qu’a fait le sieur de La Lande, lieutenant de roi, les a encore obligés à < accepter > une capitulation telle qu’on l’eût pu souhaiter dans une meilleure place, et d’assiégeants bien moins considérables que ceux qui ont été employés à la réduction de ce petit poste, au nombre de plus de douze mille hommes, assistés de tous les généraux d’Espagne qui sont en Flandres. »

2.

Comprendre que, les Espagnols menaçant son pays, la duchesse de Savoie, Christine de France, Madame Royale, avait réclamé l’aide d’Harcourt et des troupes françaises qu’il commandait, mais qu’on la lui avait refusée.

3.

« ce qui est rare pour ces hommes-là. » Le départ précipité du président Jacques-Auguste ii de Thou pour la Hollande s’expliquait par les traités d’alliance qui se concluaient alors, d’un côté, entre les Provinces-Unies et l’Espagne, et de l’autre, entre la France et l’Angleterre.

4.

Ce Parker était un étudiant en médecine anglais dont je n’ai pas retrouvé la trace ailleurs ; la suite de la correspondance a parlé de son passage à Lyon et de son retour à Londres.

5.

« vôtre de tout cœur, Guy Patin. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 avril 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

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