L. latine 262.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 4 octobre 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 153 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, à Leyde. [a][1]

Je vous remercie pour votre dernière. Je n’ai pas encore vu ces éminents Messieurs, dépassant toute louange, que vous m’avez bien recommandés. M. Le Rebours séjourne encore à la campagne. [2] Votre fils chéri vit et se porte bien, [3] il m’est venu voir avant-hier en compagnie de M. Rompf, [4] de trois tout jeunes hommes et de leur éphore Borrichius, médecin très savant, [1][5][6] et d’un autre noble allemand ; demain, ils iront voir mon Carolus, qui a recouvré une parfaite santé. [7] Le moment venu, je m’occuperai des Opérations de Chirurgie[2][8] Je vous sais gré des paquets de livres que vous avez envoyés à nos amis ; s’ils vous adressent des réponses, comme il arrivera peut-être, veillez, je vous prie, à me les transmettre quand l’occasion s’en présentera ; [3] mais en aucun cas par les courriers à cheval, ce qu’on appelle en français par la poste, car le port y est très onéreux et ces choses n’en valent pas le prix. Je n’ai presque rien à vous raconter sur M. Stevartus : [9] il m’a jadis dit bien des choses courtoises à votre sujet, mais, comme je comprends, il est devenu tiède ; s’il n’est pas votre ami, il ne sera pas le mien ; cet axiome logique me plaît bien : Quæ sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se[4] S’il expédie la Chronica Usserii[5][10] j’aurai soin de lui en rembourser le prix. Je ne veux pourtant pas que vous vous mettiez en peine de ce livre que j’attends toujours du dit Stevartus. Je ne pense pas qu’il soit bon marché car ce sont deux tomes in‑fo ; si je ne les ai pas par son intermédiaire, je réfléchirai à un autre moyen, je ne veux rien lui devoir et ne lui devrai rien, parce que je puis y arriver autrement sans difficulté ; s’il ne veut pas se bien comporter à cet égard, qu’il s’occupe donc de ses affaires, etc. Ce Rivet est le frère d’un marchand qui est mon ami ; une autre fois, je vous écrirai par son intermédiaire pour que vous le reconnaissiez comme l’excellent frère d’un excellent homme, presque mon voisin, mais cauteleux, comme sont ordinairement presque tous les marchands. Quand il viendra vous voir, je voudrais que vous l’accueilliez en ami. [6] Pierre Petit [11] vous a écrit une lettre, que j’ai remise à votre fils. Les miens vous saluent. [12] Vale, très distingué Monsieur.

De Paris, ce 4e d’octobre 1663.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 153 vo ; seules la suscription et les cinq premières lignes sont autographes, Patin a dicté le reste.

1.

Olaus Borrichius (Ole ou Oluf Borch, Borchen, Westphalie 1626-Copenhague 1690), médecin, chimiste, littérateur et homme politique danois, s’était mis en 1655 au service et sous le patronage de Joachim Gersdorff (1611-1661), Rigshofmester (chancelier) du royaume de Danemark, qui lui avait confié l’éducation de ses trois fils. Après avoir été nommé professeur de philologie (matière qui incluait la botanique et la chimie) à l’Université de Copenhague en 1660, Borch parcourait alors l’Europe. Il avait notamment séjourné à Leyde en 1660-1661, y faisant la connaissance de Johannes Antonides Vander Linden. Leur père étant mort, les trois fils Gersdorff avaient rejoint Borch dans ses voyages. En 1663, ils s’étaient rendus en Hollande, en Angleterre puis en France ; ce qui expliquait leur visite à Guy Patin, mentionnée dans sa lettre, en compagnie d’Hendrik Vander Linden, fils de Johannes Antonides, et de Christiaen Constantijn Rompf.

Borch allait recevoir le bonnet de docteur de la Faculté de médecine d’Angers en 1664, puis partir à Rome. Il s’y entretint souvent avec le cardinal Francesco Maria Sforza Pallavicino (v. note [2], lettre 421) et initia Christine de Suède à la chimie. De retour au Danemark en 1666, il fit briller sa chaire universitaire et publia un grand nombre d’ouvrages témoignant de son esprit philologique (encyclopédique).

2.

C’est l’une des traductions possibles du manuscrit : De operationibus chirurgicis curabo in tempore suo. Une autre pourrait être : « Le moment venu, je prendrai soin [de montrer] des opérations de chirurgie [à mes visiteurs]. »

V. note [3], lettre 719, pour les Opérations de chirurgie de François Thévenin (Paris, 1658) dont Guy Patin avait parlé à Johannes Antonides Vander Linden dans sa lettre du 31 janvier 1659 (note [7]), en les disant écrites en français, mais dans un style moins châtié que celui de Jean-Louis Guez de Balzac. Peut-être Linden avait-il rappelé à Patin, quatre ans après, de les lui envoyer ; ce qui est concevable dans la mesure où il ne les avait pas mentionnées dans la 3e édition de ses deux livres de Scriptis medicis [des Écrits médicaux] (Amsterdam, 1662, v. note [3], lettre latine 26).

3.

Johannes Antonides Vander Linden avait servi d’intermédiaire pour la livraison de livres que Guy Patin destinait à d’autres amis hollandais, escomptant que leurs éventuels remerciements lui reviendraient par la même voie.

4.

« Deux choses qui sont en lien avec une troisième le sont aussi entre elles deux » (v. note [51], lettre 216).

On n’en saura pas plus que la chétive explication qui suit sur la fâcherie entre Johannes Antonides Vander Linden et son jeune collègue David Stevartus, professeur de philosophie à Leyde (v. note [10], lettre latine 143).

5.

V. note [9], lettre latine 179, pour la « Chronique » de James Ussher (Londres, 1650-1654) que Guy Patin espérait de David Stevartus depuis février 1662.

6.

Rien, à ma connaissance, n’autorise à établir un lien entre ces deux frères Rivet et André Rivet, théologien français, professeur de théologie à Leyde, mort en 1651 (v. note [25], lettre 79).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 153 vo.

Cl. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Leidam.

De postrema tua gratias ago. Exim[ios i]llos viros supra omnem laudem posi-
tos, Tibi [ben]e commendatissimos, nond[um vidi. Dominus le] Rebours adhuc rusti-
catur. Dilectus Filius tuus vivit et valet : Nudius tertius me convenit cum
D. Romphio, trib. Danis adolescentulis, et eorum Ephoro Borrichio, viro
Medico eruditissimo, et alio nobili Germano : cras sunt invisuri Carolum
meum, perfectæ valetudini restitutum. De operationibus chirurgicis
curabo in tempore suo. pro fasciculis librorum missis ad amicos
nostros gratias habeo : quod si responsorias ad Te mittant, ut forsan
continget, eas tibi quæso serva, quas mittes ubi se sese obtulerit occasio
idonea : Neutiquam verò per equos cursorios, qui vulgò
dicuntur par la poste, quod est vecturæ genus carissimum :
neque enim isthæc sunt tanti. De D. Stuarto vix habeo
quod dicam : multa enim mihi olim multa
illa amica de tTe retulit, sed ut
audio, tep tepidus factus est : si amicus tuus non fuerit neque
meus futurus est : placet axioma Logicum, Quæ sunt eadem
uni tertio sunt eadem inter se.
Si mittat Chonicum Usserij,
curabo de pretio illi reddendo : Tu tamen noli satagere de illo
libro quem ab ipso Stuarto adhuc expecto : ejusmodi librum pretij
mediocris esse non puto : sunt sunt enim duo tomi in folio :

quos si per illum non habeam, de alia via cogitabo : nolo illi quidquam debere nec debebo quidquam, quia hoc facilè
possum : idcirco nisi bonus esse velit, habeat sibi res suas, etc. Rivetus ille est frater mercatoris amici mei ; aliàs per eum
ad Te scribam, ut agnoscas Viri optimi et ferè vicini mei fratrem optimum, sed versutum, ut solent ferè omnes
mercatores : cùm Te adibit illum amicè excipias velim. Petrus Petitus scripsit ad Te Epistolam quam tradidi Filio tuo.
Filij mei Te salutant. Vale Vir Cl. Datum Parisijs, 4. die Octobris, 1663.

Tuus ex animo Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 4 octobre 1663

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(Consulté le 26/04/2024)

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