Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-3, note 36.
Note [36]

Cet article sur les attributs emblématiques d’Esculape {a} est un nouvel emprunt des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin aux Essais de médecine de Jean Bernier : {b} il résume les pages 43‑44 du chapitre iv, qui traitent la question dans de plus amples détails, que je laisse au lecteur intéressé le soin de découvrir.

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Le latin final, où j’ai ajouté, entre crochets, les points de suspension que le Faux Patiniana a omis, mais que Bernier a triplés pour signaler une très longue élision de sa citation, est emprunté aux :

Inscriptiones antiquæ totius orbis Romani in corpus absolutiss. redactæ. Cum indicibus xxv. Ingenio ac cura Iani Gruteri : auspiciis Ios. Scaligeri ac M. Velseri. Accedunt Notæ Tyronis Ciceronis L. ac Senecæ.

[Inscriptions antiques de tout le monde romain, réunies en un corpus très complet, avec 25 index, par le talent et les soins de Janus Grüter, {c} sous les auspices de Joseph Scaliger et de M. Velserus. {d} On y a ajouté des Notes de Tiron, affranchi de Cicéron, {e} et de Sénèque]. {f}

Ce sont les quatre ex-voto grecs transcrits et traduits en latin à la page lxxi : {g}

Hisce diebus, Caio cuidam cæco, orcaulum < edidit. Veniret ad sacrum altare : et genua flecteret ; a parte dextra veniret ad lævam et poneret quinque digitos super altare ; et elevaret manum, et poneret, super proprios oculos. Et recte vidit, populo præsente ; et congratulante, quod grandia miracula fierent, sub Imperatore nostro Antonino.

Lucio affecto lateris dolore, et desperato ab omnibus hominibus, oraculum reddidit deus. Veniret ; et ex tribomo tolleret cinerem, et una cum vino commisceret, et poneret supra latus. Et convaluit ; et publice gratias egit deo ; et populus congratulatus est illi.

Sanguinem revomenti Iuliano, desperato ab omnibus hominibus, ex oraculo respondit deus. Veniret ; et ex tribomo tolleret > {h} nucleos pini, et comederet, una cum melle per tres dies. Et convaluit ; < et veniens publice gratias egit, præsente populo.

Valerio Apto militi, cæco, oraculum reddidit deus. Veniret ; et acciperet sanguinem ex gallo albo, admiscens mel ; et collyrium conficeret ; et tribus diebus uteretur, supra oculos. Et vidit ; et venit ; et gratias publice, deo >.

[Ces jours-là, à un aveugle nommé Caius, l’oracle < a révélé : « Qu’il vienne à l’autel sacré et s’agenouille ; qu’il se déplace de la droite vers la gauche et pose cinq doigts au-dessus de l’autel ; puis qu’il lève la main et la pose sur ses propres yeux. » Et il a vu clair, en présence du peuple et en se félicitant que de grands miracles se fissent ainsi sous notre empereur Antonin. {i}

À Lucius qui souffrait d’une douleur du flanc {j} et avait désespéré de tous les hommes, le dieu a rendu cet oracle : Qu’il vienne, qu’il prenne de la cendre du triple autel et la mélange à du vin et se l’applique sur le flanc. » Et il a guéri ; il a rendu publiquement grâce au dieu et le peuple l’en a félicité.

À Julianus qui vomissait le sang {k} et avait désespéré de tous les hommes, le dieu répondit par cet oracle : « Qu’il vienne, qu’il prenne du triple autel > des pignes de pin et qu’il les mange avec du miel trois jours durant. » Et il a guéri ; < et il est venu rendre publiquement grâce, devant le peuple réuni.

Au soldat aveugle Valerius Aptus, le dieu a rendu cet oracle : « Qu’il vienne et recueille le sang d’une poule blanche ; qu’il le mêle à du miel pour en confectionner un collyre, et se l’applique sur les yeux trois jours durant. » Et il a vu ; et il est venu rendre publiquement grâce au dieu >]. {l}


  1. V. supra note [31].

  2. Paris, 1689, v. supra note [9].

  3. V. notes [9], lettre 117, et [5] supra.

  4. V. note [5], lettre 34 pour Joseph Scaliger. M. Velserus est le nom latin de l’historien et philologue Markus Welser (Augsbourg 1558-ibid. 1614).

  5. Secrétaire et esclave affranchi (L. pour Liber) de Cicéron ; ses notes et celles de Sénèque le jeune développent les multiples abréviations employées dans les inscriptions.

  6. Heidelberg, Officina Commeliniana, sans date (1602-1603), in‑fo illustré en deux parties de1 179 et 200 pages (notes de Tiron et Sénèque), auxquelles s’ajoutent les copieux commentaires de Grüter.

  7. Ces ex-voto sont supposés provenir du temple d’Esculape dans l’île Tibérine (sur le Tibre, à Rome) :

    Vidit, et ex Ioh. Metelli autographo descripsit Smetius. Hæc quidam, verbum verbo reddens, sic Latine vertit.

    [Smetius {i} les a vues et transcrites à partir de l’autographe de Johannes Metellus. {ii} Quelqu’un les a ainsi traduites, en les rendant mot pour mot].

    1. Heinrick Smet, v. note [17], lettre 181.

    2. Jean Matal, v. note [11], lettre latine 456.
  8. Cette paire de chevrons et la suivante délimitent les deux très longues omissions de Bernier.

  9. Antonin le Pieux a régné sur l’Empire romain de 38 à 161 (v. note [54] des Préceptes particuliers d’un médecin à son fils).

  10. Probable pleurésie, v. note [10], lettre 40.

  11. Hématémèse, v. note [5], lettre 410.

  12. V. note [12], lettre 698, pour le coq que le crédule convalescent sacrifiait à Esculape en remerciement de son heureuse intervention.

La raillerie sur la calvitie d’Esculape est une addition des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, mais il est instructif de se demander pourquoi ils ont écrit qu’« on le dépeint chauve, parce que le médecin ne doit point laisser échapper l’occasion » : cette question m’a mené à trois sources insolites sur la calvitie, {a} qui consoleront peut-être ceux qui sont dépités d’en être atteints.

  1. Selon Fr. Noël, Occasion (Occasio, féminin en latin, et Kairos, masculin en grec) est une divinité allégorique, sœur (ou frère) de Fortune, {b} qui « présidait au moment le plus favorable pour réussir » :

    « On la représentait sous la forme d’une femme nue, et chauve par derrière, un pied en l’air et l’autre sur une roue, un rasoir d’une main et un voile de l’autre, et quelquefois courant sur le tranchant des rasoirs sans se blesser. »


    1. Alopécie, v. note [3] du Mémorandum 10.

    2. V. note [9], lettre 138.

  2. Cela est figuré dans l’Emblème d’André Alciat {a}intitulé Sur Occasion. Dialogisme, et prosopœie (dans la série Fortune, pages 149‑150, édition française illustrée de Lyon, 1549) :

    « De Lysippus {b} suis l’ouvrage de prix,
    D. Qui es-tu donc ? R. L’article du temps pris.
    D. Pourquoi sur roue, aux pieds as-tu des ailes ?
    R. Car toujours tourne, à tous vents faisant voiles.
    Pourquoi tiens-tu rasoir ? R. Ce signe argue ? {c}
    Que plus que nul tranchant je suis ague. {d}
    D. Pourquoi derrière es chauve, et chevelure
    As au devant ? R. Pour être prise à l’heure,
    Afin que si on me laisse échapper,
    On me puisse après aux crins happer.
    Pour toi suis faite en tel art fantastique, {e}
    Pour tous instruire, ouverte est la boutique. {f}

    [Commentaire (Prosopée)]

    Occasion est le point du temps opportun à faire ou à voir les choses utiles ; lequel, quand il s’offre et est bien pris, tranche et dépêche ; aussi {g} omis, passe et s’en va soudainement, sans plus jamais pouvoir être recouvré. »


    1. V. note [19], lettre 229.

    2. Lysippe, sculpteur grec du ive s. av. J.‑C., est le créateur de la statue de Kairos qui a servi de modèle à tous les artistes antiques qui l’ont suivi.

    3. Te heurte-t-il ?

    4. Aiguisée.

    5. Imaginaire.

    6. L’atelier de l’artiste.

    7. Mais si.

  3. Pour le lien avec Esculape, Synesius de Cyrène {a} en a parlé en deux endroits de son Éloge de la calvitie (traduction de Henri Druon, 1878).

    • Chapitre 10 :

      « Esculape est le seul dieu qu’il ne soit pas interdit de représenter ; mais on le montre plus chauve qu’un pilon. À Épidaure, dira-t-on, il est chevelu : c’est que les Grecs s’inquiètent assez peu de la vérité, comme le leur reproche l’historien. En Égypte, chaque jour on voit Esculape ; on peut le consulter dans tous les lieux, à toutes les heures, sans attendre son bon plaisir. En effet on assure que les Égyptiens possèdent des secrets merveilleux pour évoquer les dieux ; ils savent, avec quelques paroles mystérieuses, faire venir à leur gré ceux des êtres divins que leur nature rend accessibles aux influences magiques. Ils peuvent donc, bien mieux que les Grecs, nous apprendre quelle est la vraie figure des dieux. »

    • Chapitre 12 :

      « Comme la santé est un bien, et le plus précieux de tous, ne voyons-nous pas beaucoup de gens recourir au rasoir et aux pâtes épilatoires pour se débarrasser de leurs cheveux ? Ils espèrent que la calvitie va les préserver d’un grand nombre de maladies. Mais si l’ophtalmie, le rhume, les maux d’oreilles, et toutes les affections qui ont leur siège dans la tête, disparaissent quand nous sommes déchargés de cet incommode fardeau, n’est-ce pas déjà fort heureux ? Que sera-ce donc si du même coup nous guérissons nos pieds ou nos intestins ? Quand ces parties du corps sont malades, les médecins font appliquer ce qu’ils appellent des cercles ; or les cercles ne sont au fond rien autre chose qu’un épilatoire avec lequel on enlève les cheveux plus sûrement qu’avec le fer même. Il est tout simple, en effet, que la tête, comme une citadelle élevée, commande à tout le reste du corps, et lui envoie la santé ou la maladie. Nous autres chauves nous devons donc nous porter, non pas comme le commun des hommes, mais bien mieux, j’ose le dire. Voilà ce que signifie cet Esculape sans cheveux, tel que nous le représentent les Égyptiens. Ces statues nous avertissent, elles nous donnent la plus efficace de toutes les prescriptions médicales ; elles semblent nous dire que si nous voulons jouir d’une bonne santé, il faut imiter l’inventeur, le dieu de la médecine. Un crâne, exposé aux rayons du soleil et à toutes les intempéries des saisons, se durcit : ne vous étonnez pas si ce n’est plus une substance osseuse, mais du fer ; alors il peut braver toutes les maladies. […] Il existe autant de différence entre une tête chevelue et une tête chauve : elles ressemblent, la première, à l’arbre du marécage qui reste à l’ombre, la seconde, à l’arbre de la montagne en butte à tous les vents ; voilà pourquoi l’une est aussi fragile que l’autre est solide. »


      1. V. note [14] du Borboniana 6 manuscrit.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-3, note 36.

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(Consulté le 26/04/2024)

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