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A l’ origine le terme de « damage control » est un terme de la marine de guerre des Etats Unis désignant le protocole de prise en charge d’un bâtiment ayant subi des avaries au combat. Cette prise en charge se fait en trois temps : 1 : réparation des avaries les plus graves : éteindre les feux et colmater les brèches, 2 : maintenir le bâtiment à flot jusqu’au port , 3 : une fois au port et en sécurité débuter les réparations définitives. A la fin des années 80 a été développée dans les Trauma Center US une tactique de prise en charge des blessés hémorragiques graves reposant sur le constat que chez ces blessés la mort survenait quasi inéluctablement une fois qu’avait débuté la « triade létale » faite de l’hypothermie, des troubles de coagulation et de l’acidose provoquées par l’hémorragie et se potentialisant mutuellement. Pour prévenir l’apparition de cette triade a été définie une prise en charge en trois temps : 1 : un premier temps chirurgical le plus rapide possible (une heure) visant uniquement à faire l’hémostase (éteindre les feux) et à contrôler les fuites des organes creux (colmater les brèches) sans faire de geste de réparation 2 : un deuxième temps qui est un temps de réanimation visant à corriger les différents désordres (réchauffer le patient, corriger les troubles de la coagulation en particulier par des transfusions, corriger l’acidose), 3 : un troisième temps qui est le deuxième temps chirurgical débuté lorsque les constantes sont jugées satisfaisantes (en général entre 24 et 72 heures après le premier geste). Au cours de ce temps sont réalisés ou débutés les gestes définitifs de réparation qui peuvent parfois (souvent) être itératifs. En 1993 Rotondo, par analogie avec la prise en charge des bâtiments a donné à cette tactique le nom de « damage control » Cette tactique initialement décrite pour les traumatismes hémorragiques de l’abdomen a été élargie progressivement à toutes les lésions hémorragiques graves et en particulier chez les polytraumatisés et polyblessés. On a ainsi décrit un « damage control » orthopédique , vasculaire, neurochirurgical et même thoracique. Cette tactique a prouvé son efficacité en diminuant la mortalité de ces traumatismes très graves et est devenue la règle pour ce type de traumatisme. Initialement les termes de abreviated ou staged laparotomy ont été proposés en anglais et « laparotomie écourtée » en français. Ils ne correspondent pas totalement au concept car ils le limitent aux seuls traumatismes de l’abdomen. D’autres termes ont été utilisés tels que « bailout surgery » (chirurgie de sauvetage), planned reoperation (réintervention programmée). Le terme de « damage control » est maintenant international et consacré par l’usage. Au plan technique le Damage Control en chirurgie « viscérale » impose un certain nombre de règles. Lors du premier temps chirurgical : l’ensemble des gestes ne doit pas dépasser 60 à 90 mn avant le retour en réanimation : le chirurgien doit être rapide non seulement pour faire l’hémostase mais aussi pour terminer l’intervention sans chercher à tout réparer -les gestes en chirurgie viscérale sont : - packing pour les traumatismes du foie, splénectomie pour ceux de la rate, néphrectomie pour les lésions hémorragiques du rein (pour lesquels le packing est rarement efficace) … - fermeture des brèches digestives sans réparation ni stomie (suture ou agrafage) - pas de drainage (sauf le cas particulier des lésions pancréatiques) - abdomen systématiquement laissé ouvert avec un procédé type pansement à pression négative -les gestes en chirurgie vasculaire sont : contrôle et mise en place de shunt associée éventuellement à des fasciotomies -les gestes en chirurgie thoracique sont plus rares compte tenu de la nécessité d’un geste d’hémostase complet d’emblée ; néanmoins des techniques de tractotomies, packing de lésions pariétales, torsion du hile du poumon, thorax laissé ouvert ont été décrites. Lors du deuxième temps chirurgical (12 à 72h après) en fonction des lésions et de l’état du blessé il faut assurer la réparation des différentes lésions - une hémostase complémentaire éventuelle, - la réparation des lésions du grêle - le traitement (encore débattu) des lésions coliques : stomie ou anastomose différée? - la fermeture de l’abdomen dès que possible - la réparation de lésions vasculaires (ou thoraciques)…
Traumatismes pénétrants abdominaux complexes par projectile en chirurgie de guerre. Expérience de l’armée française lors des conflits modernes
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Les traumatismes pénétrants abdominaux concernent 8 à 10% des soldats blessés dans les conflits modernes. La multitude des agents vulnérants ne permet pas de systématiser les lésions. L’association lésionnelle est la règle avec une fréquence élevée des traumatismes complexes qui concernent souvent plusieurs compartiments anatomiques : thoraco-abdominales, abdomino-pelviennes, abdomino-pelvi-fessières. Leur spécificité, qui en fait toute leur gravité, réside dans l’association quasi-systématique de plaies septiques d’organes creux et de plaies hémorragiques d’organes pleins et des gros vaisseaux. A cela s’ajoutent le délai important de prise en charge, l’environnement hostile et les ressources chirurgicales limitées. Dans ce contexte, la prise en charge dans les antennes chirurgicales françaises repose sur le principe de damage control ressucitation, associant chirurgie d’hémostase et réanimation hémostatique agressive d’emblée. Le premier temps chirurgical a pour objectif l’obtention rapide de l’hémostase : le recours aux packing péri-hépatique et pelvien est recommandé aidés par l’usage d’éponges à visée hémostatique. La coprostase est obtenue par le simple agrafage des plaies digestives. La fermeture primaire de l’abdomen est différée au profit d’une laparostomie avec un procédé d’expansion de la paroi de type pansement à pression négative. Un temps opératoire inférieur à 60 minutes est recommandé. A l’issue de la chirurgie, le rapatriement du patient vers les hôpitaux militaires de métropole est systématique dans des délais courts, habituellement inférieurs à 24 heures. La chirurgie de second look est réalisée à la 48ème heure suivant le traumatisme initial pour réaliser l’ablation du packing et le traitement analytique des lésions. Les suites post opératoires et la morbidité spécifique sont similaires à celles décrites dans les séries de traumatologie civiles. La durée totale de la prise en charge est dépendante du traitement des lésions associées.
Discussant : François PONS (directeur du Val de Grace), Sylvain RIGAL (directeur département chirurgie orthopédique)
Dix ans d’activité des antennes chirurgicales françaises en Côte-d’Ivoire (Opération LICORNE) : bilan de l’activité chirurgicale et réflexions sur l’aide médicale à la population French forward Surgical Team in Ivory Coast Deployment (Opération Licorne): The place of Medical Support to the Population in ten years of Military Surgical Activity
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Objectif : Évaluer quantitativement et qualitativement l’activité des chirurgiens généraux et orthopédistes affectés en Antenne Chirurgicale Aérotransportable (ACA) (rôle 2 OTAN) en Côte d’Ivoire depuis 2002 afin d’identifier le panel des pathologies chirurgicales rencontrées et d’analyser la façon dont est dispensée l’Aide Médicale aux Populations (AMP) en situation isolée en Afrique. Patients et méthodes : Entre septembre 2002 et août 2012, tous les patients opérés dans les différentes ACA présentes sur le territoire ivoirien ont été inclus dans l’étude. Il s’agissait des militaires français et de la population locale ivoirienne dans le cadre de AMP. L’activité chirurgicale a été analysée par spécialités chirurgicales et également subdivisée en « blessés de guerre (BG) », « urgences traumatiques non de guerre (UTNG) », « urgences non traumatiques (UNT) » et « chirurgie réglée (CR) ». Les variables étudiées ont compris les données démographiques (âge, sexe, statut), les circonstances de prise en charge, les organes lésés, les types d’interventions chirurgicales réalisées et les spécialités concernées. Résultats : Les chirurgiens ont opéré 2559 patients (2816 interventions chirurgicales). La CR a représenté 71,7 % de l’activité chirurgicale, les UNT 18,6 %, les UTNG 8,3 % et les BG 1,4 %. L’AMP a représenté 91,1 % de l’ensemble de l’activité chirurgicale qui s’est répartie en 41,3 % de chirurgie viscérale, 23,1 % de chirurgie des parties molles, 18,8 % de chirurgie orthopédique, 8,5 % de chirurgie gynécologique, 5,2 % de chirurgie urologique, 2,8 % de chirurgie de la tête et du cou, 0,2 % de chirurgie thoracique et 0,1 % de chirurgie vasculaire. Conclusion : La réalisation de l’AMP en situation isolée nécessite des bases théoriques, techniques et éthiques solides afin d’en garantir le succès.
French forward Surgical Team in Ivory Coast Deployment (Opération Licorne): The place of Medical Support to the Population in ten years of Military Surgical Activity
Aims: To quantify and review qualitatively the activity of the military general and orthopedic surgeons deployed throughout Ivorian territory between 2002 and 2012 in French FST (NATO role 2). To confront the epidemiology of the surgical pathologies, the human resources, the logistic capacities and to analyze how Medical Support to the Population (MSP) is achieved in a secluded location in Africa. Patients and methods: Between 2002 and 2012, all the patients (military personal and local nationals) operated in the different FST deployed in the Ivory Coast were eligible and included in the study. The surgical activity was analyzed and broken down into surgical specialties, war wounds (WW), non war related trauma emergencies (NWTE), non trauma emergencies (NTE) and elective surgery (ES). Demographics (age, sex, status), the circumstances of healthcare management, the wounded organs, the type of surgical procedure as well as surgical specialties were described. Results: Over this period, surgeons operated on 2559 patients and realized 2816 surgical procedures. ES accounted for 71,7 % of the surgical activity, NTE 18,6 %, NWTE 8,3 %, WW 1,4 %. MSP represented 91,1 % of the global surgical activity. The visceral surgery represented 41,3 % of the activity, soft tissues 23,1 %, orthopedic 18,8 %, gynecology 8,5 %, urology 5,2 %, head and neck 2,8 %, thoracic 0,2 % and vascular surgery 0,1 %. Conclusion: Over ten years of deployment on the territory, 90 % of the French FST activity was dedicated to MSP covering a large range of surgical specialties for the benefit of the Ivorian people. MSP requires specific skills beyond the original surgical specialty of military surgeons to fulfill the needs of local populations.