Séance du mercredi 14 janvier 2015

CHIRURGIE UROLOGIQUE : LA VESSIE DANS TOUS SES ÉTATS
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateurs : Emmanuel Chartier-Kastler (Paris) et Pascal Rischmann (Toulouse)

 

 

Introduction de la séance

 

Du neuf dans le traitement des cancers du pancréas : les virus oncolytiques
Oncolytic Virus for the Therapy of Pancreatic Adenocarcinoma

CORDELIER P (INSERM, Toulouse)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2016, vol. 15 (1), 001-003

Résumé
Comme dans de nombreux autres cancers, la progression de l'adénocarcinome canalaire du pancréas (PDAC) est associée à une série de changements dans les cellules cancéreuses afin de sécuriser leur propre croissance. Pourtant, ces mêmes changements rendent les cellules cancéreuses hautement sensibles à l'infection virale. Une stratégie prometteuse fondée sur la réplication virale à visée antitumorale a ses fondements dans l'infection de cellules tumorales par un virus à réplication conditionnelle conduisant à la destruction des cellules et la libération simultanée de particules qui peuvent se propager et infecter les cellules tumorales adjacentes, tout en épargnant les tissus sains. Dans la présente étude, nous avons utilisé Myb34.5, une deuxième génération de virus HSV-1 mutants à replication conditionnelle dans lequel l'expression du gène ICP6 est défectueuse et l'expression du gène γ134.5 HSV-1 est régulée par le promoteur cellulaire B-myb. Nous avons constaté que B-myb est présent dans des modèles expérimentaux de PDAC et dans les tumeurs des patients, en comparaison avec des pancréas adjacents normaux. Myb34.5 réplique à haut niveau dans des lignées cellulaires humaines dérivées de PDAC et est associé à une mort cellulaire par apoptose. Dans des modèles expérimentaux de PDAC, les souris recevant des injections intratumorales de Myb34.5 demeurent en bonne santé et la progression tumorale est inhibée, avec des preuves de nécrose tumorale, d’hémorragie, de réplication virale et de mort des cellules cancéreuses par apoptose. La combinaison de la chimiothérapie de référence et du virus ciblé Myb34.5 conduit à un effet antitumoral très impressionnant qui est rarement atteint dans ce modèle expérimental, provoquant une plus grande réduction de la croissance tumorale que la chimiothérapie seule. Ces résultats prometteurs justifient une évaluation plus approfondie en essai clinique chez les patients atteints de cancer du pancréas pour lesquels aucun traitement efficace n’est disponible.

Abstract
As many other cancers, pancreatic ductal adenocarcinoma (PDAC) progression is associated with a series of hallmark changes for cancer cells to secure their own growth success. Yet, these very changes render cancer cells highly sensitive to viral infection. A promising strategy may rely on and exploit viral replication for tumour destruction, whereby infection of tumour cells by a replication-conditional virus may lead to cell destruction and simultaneous release of progeny particles that can spread and infect adjacent tumour cells, while sparing healthy tissues. In the present study, we used Myb34.5, a second-generation replication-conditional HSV-1 mutant in which ICP6 gene expression is defective and expression of the HSV-1 γ134.5 gene is regulated by the cellular B-myb promoter. We found that B-myb is present in experimental PDAC and tumours, and is over expressed in patients’ tumours, as compared to normal adjacent pancreas. Myb34.5 replicates to high level in human PDAC cell lines and is associated with cell death by apoptosis. In experimental models of PDAC, mice receiving intratumoral Myb34.5 injections appeared healthy and tumour progression was inhibited, with evidences of tumour necrosis, haemorrhage, viral replication and cancer cell death by apoptosis. Combining standard-of-care chemotherapy with Myb34.5 successfully led to a very impressive antitumoral effect that is rarely achieved in this experimental model, and resulted in a greater reduction in tumour growth than chemotherapy alone. These promising results warrant further evaluation in early phase clinical trial for patients diagnosed with PDAC for whom no effective treatment is available.

 

Cancer de vessie et maladie professionnelle

GUY L (Clermont-Ferrand)

Résumé
Chaque année, en France, 600 à 1100 cas de cancers de la vessie ont pour origine des contacts avec des agents dangereux sur le lieu de travail. Ainsi, environ 2 à 14% des cancers de la vessie ont une origine professionnelle, cette proportion pouvant atteindre 25% dans certains pays. En France, le cancer de vessie est reconnu comme maladie professionnelle selon les tableaux 15ter et 16 bis du régime général et le tableau 10 du régime agricole. Il existe une importante sous-déclaration des cancers de vessie en maladie professionnelle. Deux principales causes peuvent être à l’origine de la sous-estimation des cancers professionnels en France : le temps de latence relativement long (10 à 25 ans) rendant difficile d’une part l’établissement du lien entre l’exposition et le cancer et d’autre part le caractère multifactoriel des cancers de vessie, le tabagisme jouant le rôle de facteur de confusion. Les agents cancérogènes ouvrant droit à une reconnaissance en maladie professionnelle dans le régime général appartiennent à 3 grandes familles de substances chimiques : les hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés de la houille et du charbon, certaines amines aromatiques et une nitrosamine (La N-nitrosodibutylamine). L’arsenic est la seule substance dans le régime agricole. La prévention dans le cadre du suivi médicoprofessionnel au cours de la vie active des travailleurs repose sur l’information du salarié, la traçabilité des expositions et la surveillance du poste de travail par l’employeur et l’équipe de santé au travail.

 

Sclérose en plaques et vessie, un enjeu majeur de qualité de vie

PHE V, PANICKER J, CHARTIER KASTLER E Hôpital Pitié-Salpêtrière, Service d’urologie, AP-HP, Université Paris 6, Paris (1 et 3) The National Hospital for Neurology and Neurosurgery, Department of Uroneurology, Queen Square, London, UK (2)

Résumé
Introduction : La sclérose en plaques (SEP) est la première cause de handicap neurologique non traumatique chez l’adulte jeune. Les troubles vésico-sphinctériens (TVS) sont très fréquents et polymorphes. Ils sont responsables de complications affectant le bas et le haut appareil urinaire. De plus, ils semblent avoir un impact important en termes de détérioration de la qualité de vie et de l’état neurologique des patients.
But : Notre objectif était d’évaluer le retentissement des TVS et de leurs traitements sur la qualité de vie des patients ayant une SEP.
Matériels et méthodes: Une revue de la littérature a été réalisée en utilisant la base de données Pubmed avec les mots-clés suivants seuls ou en combinaison : multiple sclerosis, neurogenic bladder, quality of life, catheterization, anticholinergic, tibial nerve stimulation, sacral neuromodulation, botulinum toxin, neurogenic detrusor overactivity, ileal conduit, augmentation cystoplasty.
Résultats : Les troubles urinaires et notamment l’incontinence urinaire sont souvent rapportés comme étant le symptôme le plus invalidant chez les patients ayant une SEP. Des outils d'évaluation de la qualité de vie spécifiques à la SEP ont été validés, afin de mesurer les variations de celle-ci au cours de la maladie. Les traitements urologiques spécifiques, qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, permettent d’améliorer significativement la qualité de vie.
Conclusion : Il est essentiel de prendre en charge les TVS chez les patients ayant une SEP. En dehors de la prévention des complications uro-néphrologiques, le traitement des TVS permettent une amélioration de la qualité de vie.

 

La vessie dans tous ses états : le remplacement de vessie à long terme

NEUZILLET Y (Foch)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (3), 036-040

Résumé
Le remplacement chirurgical du réservoir vésical répond à des objectifs de contenance (400 à 500 cc d’urine en réplétion), de compliance (remplissage à basse pression), de continence et d’indifférence vis à vis des urines (absence de réabsorption). L’emploi de différents segments digestifs pour le remplacement vésical détermine une physiopathologie spécifique qui a conduit à préférer l’usage de l’iléon. Les modifications histologiques et les capacités de réabsorption de l’iléon au contact de l’urine, sa distensibilité et son activité motrice exposent, à long terme, à moins de complications que les montages chirurgicaux employant l’estomac, le colon droit ou le sigmoïde. Les entérocystoplasties iléales débutées, et en particulier celle en « Z », permettent un intervalle intermictionnel de 3h à 4h, préservent la morphologie et la fonction du haut appareil urinaire en le protégeant du reflux d’urine, et, chez des patients sélectionnés, permettent une continence diurne et nocturne dans respectivement 93% et 83% des cas. La réabsorption des ions H+ par l’iléon expose à un risque d’acidose métabolique, contraignant le rein à excréter d’avantage d’ions H+ et à accroitre la réabsorption de bicarbonate, mécanismes requérant une bonne fonction des tubules rénaux. Par ailleurs, la malabsorption alimentaire liée à l’exclusion de l’iléon du circuit digestif, expose à long terme au risque de carence en vitamine B12. Le chirurgien pratiquant des remplacements de vessie se doit de maitriser, outre la technique chirurgicale, l’ensemble de ces problématiques pour offrir des soins optimaux a ses patients.

 

La dérivation urinaire non continente revisitée
Revisited Non Continent Urinary Diversio

GAME X Département d’urologie - Transplantation rénale et andrologie - CHU Rangueil – TSA 50032 - 31059 Toulouse Cedex 9
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2015, vol. 14 (4), 007-010

Résumé
Depuis le milieu du XIXème siècle, de multiples techniques de dérivation urinaire non continente (DUNC) ont été proposées. Cependant, la technique la plus utilisée est celle proposée au début des années 50 par Bricker utilisant un segment iléal. L’autre mode de DUNC, utilisé principalement chez des patients fragiles au score ASA élevé, est l’urétérostomie cutanée bilatérale.
L’urétérostomie trans-iléale a évolué dans le temps. Alors qu’initialement l’anse iléale prélevée était longue, fixée au promontoire et extra-péritonisée, elle est aujourd’hui courte (5 à 10 cm), adaptée à l’épaisseur de la paroi abdominale. Ainsi en ne jouant plus que le rôle de conduit au sein de cette dernière pour éviter le risque de sténose des uretères au contact du plan musculo-aponévrotique, les surfaces de contact entre urine et tube digestif sont diminuées, limitant ainsi la réabsorption et donc les risques métaboliques. Parallèlement, la technique d’anastomose urétéro-iléale s’est simplifiée au profit d’implantations directes latérales ou termino-terminales selon la technique de Wallace.
Aujourd’hui, il est possible d’envisager la réalisation de la DUNC totalement en intracorporel que ce soit par laparoscopie simple ou robot assistée. Cependant, les travaux portant sur la laparoscopie simple ont montré que la morbidité péri-opératoire était supérieure en cas d’intervention uniquement intracorporelle incitant à réaliser la dérivation par une courte laparotomie sous ombilicale et les études randomisées comparant la voie ouverte à la voie robot assistée ont montré l’absence de différences en termes de morbidité de la réalisation d’une dérivation urinaire par voie totalement intracorporelle ou au travers d’une courte laparotomie.
Enfin, les techniques de récupération rapide développées en Chirurgie Digestive ont été adaptées à la chirurgie vésicale associée à la réalisation de DUNC permettant une reprise plus rapide du transit et de diminuer la durée d’hospitalisation.

Abstract
Since the middle of the 19th century, several types of non-continent urinary diversion (NCUD) have been developed. However, the most often performed is the ileal conduit firstly described by Bricker early in the fifties. Another NCUD used especially in unfit patients is bilateral cutaneous ureterostomy.
The ileal conduit changed with time. While it was lengthy, extraperitoneal and stitched to the sacrum, it is nowadays shorter, between 5 and 10 cms long according to the abdominal wall thickness. Therefore, the contact between urine and the bowel is limited decreasing the risks of reabsorption and metabolic acidosis. In parallel, uretero-ileal anastomosis techniques were simplified and are either termino-lateral or termino-terminal as suggested by Wallace.
Nowadays, ileal conduit can be fashioned either completely intracorporeally by pure or robot-assisted laparoscopic techniques or extracorporeally through a minilaparotomy incision. However, higher morbidity has been reported when it was performed completely intracorporeally by pure laparoscopic technique as compared to when the urinary diversion was constructed extracorporeally. On the other hand, randomised trial showed no differences when the cystectomy was performed using the robot.
Finally, fast track rehabilitation methods developed in bowel surgery have been adapted to the bladder surgery allowing a shortened time of postoperative ileus and a shorter hospital stay.

 

La dérivation cutanée continente, quels progrès depuis 40 ans ?

RUFFION A (Lyon)

Résumé
Service d'urologie Centre Hospitalier Lyon Sud, Hospices Civils de Lyon ; Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon, Université de Lyon, Université Lyon 1, CNRS, INRA, Ecole Normale Supérieure de Lyon, 46 allée d’Italie, 69364 Lyon Cedex 07, France

La dérivation cutanée continente reste en 2014 une option utilisée dans environ 10% des cas des chirurgies « lourdes » du réservoir vésical. Les indications historiques pour ce type de dérivation étaient par le passé les absences congénitales de vessie (extrophie vésicale essentiellement) et les chirurgies lourdes carcinologiques avec impossibilité de reconstruire une néo vessie en place (lésions évoluées, chirurgie chez la femme essentiellement).
Ces dernières années ont vu l’émergence de deux autres indications.
• La première en fréquence est l’indication pour vessie neurologique avec difficulté de gestion des cathétérismes intermittents par l’urètre pour diverses raisons (difficultés d’accès à l’urètre du fait du handicap du patient ou lésions de l’urètre rendant ce dernier inutilisable essentiellement).
• Grâce aux raffinements techniques de ces quinze dernière années issus essentiellement de cette indication, le second groupe d’indication émerge de plus en plus : cas d’incontinences intraitables par les moyens conventionnels (terrain irradié, tissus atrophiés…) amenant à une chirurgie de fermeture du col de la vessie et/ou de l’urètre avec réalisation d’une stomie continente.
Parallèlement à cette évolution des indications, on a assisté à une progressive harmonisation des techniques de stomie continente. A l’heure actuelle la plupart des stomies sont réalisées selon le principe dérivé du tube de Mitrofanoff. Différents artifices doivent être connus en cas d’impossibilité d’utilisation de l’appendice. L’agrandissement du réservoir vésical en utilisant de l’iléon doit également être systématiquement discuté, de même que la conduite à tenir vis à vis de l’urètre natif, des uretères. La surveillance de ces patients doit par ailleurs être adaptée au type de chirurgie choisie.
En 2014 il reste des évolutions techniques à préciser. La dernière en date est celle de la possibilité de faire les différentes techniques en utilisant la chirurgie coelio ou robot assistée. La très intéressante diminution du « traumatisme pariétal » doit être mise en balance avec l’exigence d’un résultat au moins équivalent aux techniques classiques, notamment dans ces chirurgies sur un terrain particulièrement fragile.