Séance du mercredi 6 juin 2018

Virilité et féminité
14h30-17h, Les Cordeliers
Présidence : Richard VILLET - Modérateur : Ronald VIRAG (Paris)

 

 

Introduction générale de la séance

VILLET R, MARRE P, FICHELLE JM

 

Éloge de Paul MALVY

HENRION R

 

Introduction thématique de la séance

VILLET R, VIRAG R

 

Psychiatre et anthropologue. Sexe et médecine : un grand malentendu

BRENOT P

Résumé
Dès le début de l'humanité, la sexualité occupe une place bien particulière au sein des sociétés. Des règles spécifiques vont encadrer ses pratiques à coup de lois, d'interdits, de tabous. En premier lieu le tabou de l'inceste (hérité de l'évitement animal, bien mieux respecté) réglant le degré minimal de parenté autorisé pour le mariage. Des lois encadrent ensuite la nudité, en lien avec la tolérance à la pudeur. D'autres enfin vont, selon les époques, limiter ou interdire certaines pratiques sexuelles, c'est l'exemple des sodomies et, plus récemment de la masturbation. La médecine va suivre les valeurs sociétales et, par exemple, nommer le sexe « honteux » aux époques où il était censé l'être, c'est-à-dire il y a encore peu. Les dénominations anatomiques en témoignent cependant toujours. L'absence d'enseignement concernant la sexualité en est un autre exemple : aucune question à l'examen national qualifiant, puisque aucun enseignement.
Depuis la libération sexuelle des années 1970, la sexualité a pris une place considérable dans notre société sans que la médecine semble concernée. Toujours aucun enseignement spécifique de sexologie dans le tronc commun des études médicales, rendant les médecins incapables de répondre de façon juste aux questions – de plus en plus fréquentes – de leurs patients sur leur intimité ou la sexualité de leur couple.
On a pu prétendre que si la fécondité, par exemple, était un sujet médical, la sexualité, l'érotisme, et même l'amour, n'étaient pas des objets de la médecine (cf. l'anatomie ignorée du clitoris). Il y a cependant aujourd'hui urgence à ajuster la formation des médecins aux interrogations et inquiétudes de nos contemporains.

 

Reconstruction pelvi-périnéale chez la femme

HERSANT B

Résumé
La reconstruction vaginale est un défi chirurgical qui s’appuie sur la pluridisciplinarité. L’objectif est à la fois thérapeutique, fonctionnel et morphologique puisque la reconstruction permet, d’une part, le comblement de l’espace mort pelvien dans les cas d’exentération diminuant ainsi les complications post-opératoires  (fistules, occlusion, infection), d’autre part, le maintien d’un schéma corporel morphologique et fonctionnel féminin proche de la normale.
Le choix de la technique de reconstruction dépend premièrement du caractère partiel ou total de la colpectomie et du caractère isolé ou associé de l’exérèse (exentération pelvienne).
Il dépend également du terrain, de la qualité des tissus adjacents (radiothérapie) et de la voie d’abord utilisée pour l’exérèse (voie coelioscopique, vaginale, laparotomie).
Parmi, les avancées dans le domaine de la reconstruction vaginale, on peut citer l’utilisation de lambeaux perforants sur mesure prélevés en respectant les muscles rectus abdominis.
En effet, l’imagerie 3D en rendu volumique et en réalité augmentée des vaisseaux perforants des muscles grands droits permet de prélever des lambeaux cutanéo-graisseux aux dépends des vaisseaux épigastriques inférieurs (DIEP-SIEP)  vascularisés sur une perforante tout en sauvegardant l’intégrité fonctionnelle de la paroi abdominale.
 Les avancées reposent également sur l’évaluation de la fiabilité per-opératoire et la surveillance de ces lambeaux par angiographie au vert d’indocyanine permettant une évaluation de la vascularisation par fluorescence.
Des nouvelles approches de reconstruction vaginale sont également en évaluation faisant appel à l’ingénierie tissulaire (Scaffold) et à la thérapie cellulaire par adjonction de cellules souches.

 

Commentateur

FERRON G

 

Penile reconstruction and sex reassignment in 2018

DJINOVIC R

Résumé
La chirurgie de reconstruction pénienne est difficile, complexe et stimulante. Le pénis, contrairement à tous les autres organes de notre corps, est fait de tissus élastiques capables d’une expansion double ou triple de sa taille initiale. Il a une anatomie complexe faite de tissus vasculaires caverneux et spongieux, entourés d’une épaisse tunique albuginéale élastique et du fascia de Buck. Le paquet neurovasculaire est étroitement attaché à l’albuginée le rendant très difficile à mobiliser. D’autre part l’urètre et les corps caverneux sont étroitement reliés sur leur côté le plus faible et leur dissection l’un de l’autre est encore plus délicate. Cet ensemble de faits associé à la structure particulière des différents tissus composant le pénis rend difficile à la fois les interventions et la cicatrisation.  Les cicatrices post opératoires ne sont extensibles et ceci peut altérer le résultat. De plus, le tissu sous cutané du pénis et du scrotum est fait d’une texture connective lâche susceptible d’un œdème post opératoire très marqué demandant également à être pris en considération.
Tout ceci pris en compte, associé à l’absence d’un enseignement chirurgical structuré, rend souvent la chirurgie pénienne assez difficile et aléatoire avec de nombreuses complications et très fréquemment des résultats finaux peu acceptables.
La pathologie pénienne principale de l’adulte est la dysfonction érectile(DE). Suivi des complications de la Maladie de Lapeyronie et des anomalies congénitales non résolues, spécialement les hypospadias avec sténoses urétrales.  Aujourd’hui, en dépit d’un intérêt bien plus grand que dans les décennies précédentes, nous ne sommes pas encore au niveau d’avoir des protocoles standardisés avec des résultats reproductibles. La chirurgie des implants péniens  dans le traitement des DE est d’un grand secours quand elle n’est pas compliquée. Dans la Maladie de Lapeyronie la situation est souvent beaucoup plus difficile : plicatures des corps caverneux, greffe et implants sont nécessaires et productrices de multi interventions. Les hypospadias non résolus ou en échecs sont encore plus complexes à résoudre parce que très souvent le problème n’st pas uniquement urétral, mais atteint l’ensemble de l’anatomie pénienne.
La chirurgie de réattribution sexuelle est si le peut dire ainsi, le couronnement de la chirurgie génitale. Elle s’améliore lentement avec le temps, elle doit encore remplir toutes les étapes de la création du sexe demandé.
Ainsi, nous devons encore travailler dur, et s’efforcer de faire beaucoup mieux pour obtenir des résultats satisfaisants reproductibles.

 

Testostérone et prostate : le mythe face aux réalités scientifiques

SCHULMAN C

Résumé
L'influence potentiellement néfaste de l'administration de testostérone sur la prostate, bénigne ou maligne, fait partie des dogmes médicaux historiques sans base scientifique actuelle. Un prix Nobel à l'origine de la confusion ; En 1941, Huggins et Hodges rapportent que la chute de la testostérone engendrée par la castration ou l'administration d'œstrogènes entraîne une régression des cancers avancés de la prostate et que l'administration de testostérone peut résulter en une accélération de la croissance des cancers de la prostate.  L'androgénodépendance du cancer de la prostate venait d'être démontrée, ce qui vaudra l'attribution du prix Nobel de médecine à Huggins en 1966. Aujourd'hui encore, la suppression androgénique reste, à juste titre, la base du traitement du cancer avancé de la prostate, mais aujourd'hui encore, la deuxième constatation constitue un frein à l'utilisation de la testostérone par crainte d’induire ou de réveiller des cancers de la prostate  occultes ou quiescents.  Crainte que n'étayent cependant ni les travaux de recherche, ni l'expérience clinique. Données scientifiques : Il existe une abondante littérature consacrée aux relations entre testostérone et prostate permettant d'expliquer la régression des cancers avancés de la prostate par la suppression androgénique et l'absence de progression lors de l’administration de la testostérone.  Cependant, il n'y a à ce jour pas d'études prospectives contrôlées de large envergure et de longue durée dédiées spécifiquement à la sécurité d'emploi de la testostérone. La plupart des études interventionnelles n’ont pas montré de différence significative de modifications du PSA et détection de cancer de la prostate comparés aux groupes témoins. Par ailleurs, dans un groupe d’hommes hypogonadiques se faisant dépister, l’incidence du cancer de la prostate était de 14% comparé à 1% chez les hommes traités par la testostérone pour hypogonadisme. Nous disposons par ailleurs d'études de cohorte longitudinales ayant une période de suivi allant jusqu'à 20 ans.  Aucune de ces études n'a établi de corrélation directe entre les taux de testostérone et la survenue de cancer de la prostate, mais la plus importante d'entre elles indique même une réduction du risque de cancer de la prostate chez les sujets ayant les taux de testostérone les plus élevés. Simple rappel logique : l’incidence du cancer de la prostate augmente avec l’âge alors qu’inversement, le taux de testostérone diminue à partir de la quarantaine. Des travaux montrent que, chez les hommes ayant des taux bas de testostérone, le risque de développer un cancer prostatique est plus élevé, le stade est plus avancé et les tumeurs plus agressives. Comment conjuguer de façon harmonieuse, d'un côté la décroissance des cancers prostatiques liée à la suppression androgénique et la reprise de la croissance constatée lors de son arrêt et, de l'autre, l'absence d'impact des traitements par testostérone exogène ? Une importante étude a apporté un élément décisif en montrant que l'apport exogène de testostérone augmente certes les taux sériques mais, en revanche ne s'accompagne pas d'augmentation significative des taux tissulaires prostatiques.  Ces résultats vont dans le sens de l'existence d'un seuil de saturation des récepteurs androgéniques, seuil qui serait déjà atteint avec les androgènes endogènes, ce qui avait été suggéré il y a plus de trente ans.  Ce modèle permet d'intégrer les effets liés aux variations des taux endogènes en relation avec la suppression androgénique et l'absence quasi complète d'effet lors de l’administration de testostérone exogène. Par ailleurs, les recommandations de l’Association Européenne d’Urologie indiquent que chez des patients hypogonadiques traités avec succès pour un cancer localisé de la prostate (chirurgie – radiothérapie), après un intervalle de suivi raisonnable d’un an ou deux (PSA indétectable), l’administration de testostérone peut être envisagée. Conclusions : Les éléments scientifiques  à notre disposition à ce jour, indiquent que l'apport exogène de testostérone ne semble pas être à l'origine d'un surcroît de risque de cancer prostatique et certaines données vont même plutôt dans le sens d'un risque accru en cas de taux bas de testostérone endogène.

 

Exploration et chirurgie de l’Impuissance vasculaire

ALLAIRE E, SUSSMAN H, LABASTIE MN, HAUET P, VIRAG R

Résumé
Depuis la diffusion des traitements pharmacologiques de la dysfonction érectile (DE) qui augmentent l’apport sanguin dans les corps caverneux, il apparaît que 30 % des patients sont en échec de traitement, soit par inefficacité, intolérance  ou par réticence à les poursuivre au long terme. L’incapacité à retenir le sang dans les corps caverneux constitue la cause la plus fréquente de résistance aux médicaments. La rétention du volume sanguin dans les corps caverneux est assurée par un système complexe, sollicité lors du remplissage par les artères honteuses. L’efficacité de ce système veino-occlusif conditionne la montée et le maintien de la pression intra-caverneuse, et donc de l’érection, en réponse aux stimulations neuro-psychologiques, dans un environnement vasculaire et hormonal satisfaisant. En cas de dysfonctionnement, ces fuites caverno-veineuses sont drainées de la veine dorsale profonde vers le plexus de Santorini, et/ou de veines superficielles vers les veines fémorales, souvent par l’intermédiaire de réseaux complexes (classification Virag et col. 2011). Les mécanismes qui gouvernent le développement de ces réseaux de fuite sont inconnus. Il en existe probablement des congénitaux, associés à des DE primaires, et d’autres de développement plus tardif, observés chez des patients porteurs de DE secondaires. Le diagnostic de DE par fuites caverno-veineuses fait aujourd’hui appel à des examens sensibilisés par des agents pharmacologiques injectés dans les corps caverneux, qui induisent un afflux sanguin par vaso-relaxation artérielle, court-circuitant les stimuli neuro-psychologiques. Ces tests permettent à la fois de quantifier l’érection (examen clinique), le degré d’inefficacité du système veino-occlusif (hémodynamique par écho-graphie-doppler), et d’établir la cartographie des veines de drainage (caverno-scanner). L’échographie-doppler vérifie par ailleurs l’intégrité de la fonction artérielle de remplissage. Cette évaluation fonctionnelle et morphologique permet de faire le diagnostic de DE d’origine somatique, vasculaire, veineuse, mais également d’objectiver l’inefficacité des traitements pharmacologiques.  De multiples techniques chirurgicales, en réalité complémentaires, ont été proposées, visant chacune à diminuer le retour veineux des corps caverneux. Elles font appel à la ligature et l’exérèse veineuses, et à l’occlusion veineuse par embolisation. Elles ciblent les éléments profonds et/ou superficiels du drainage veineux. L’évaluation de l’efficacité de cette chirurgie est sujette à controverse, en particulier parce que les techniques d’évaluation pré-opératoire, et donc de sélection des patients, ont considérablement varié avec le temps, et parce que les techniques opératoires sont très variables d’une série à l’autre. Les séries contemporaines rapportent des résultats à la fois très bons et durables, chez des patients résistants aux traitements pharmacologiques de la DE. Ces résultats sont obtenus avec des protocoles chirurgicaux volontiers complexes et adaptés aux patients. Le traitement chirurgical des fuites veineuses a l’avantage théorique de cibler de manière spécifique un mécanisme physiopathologique de DE. La reproductibilité des meilleures séries cliniques reste à confirmer, après une évaluation pré-opératoire et une technique chirurgicale adaptées. De même, les indications opératoires et la définition des succès et échecs doivent être reprécisées à l’ère des traitements pharmacologiques de la DE. De nombreuses recherches restent à conduire, pour mieux comprendre le rôle de chaque élément anatomique participant à la chaîne veino-occlusive, identifier les déterminants du développement des circuits de drainage veineux aberrants, et poursuivre l’amélioration des techniques opératoires. En conclusion, les patients résistants aux traitements pharmacologiques de la DE, doivent être évalués pour rechercher une incompétence de la fonction veino-occlusive, car une chirurgie adaptée peut leur être proposée, avec des chances importantes de les faire sortir d’une situation d’échec thérapeutique.