L. latine 186.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 22 mars 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 126 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Notre ami Piètre m’a dit adieu et s’en est retourné à Amiens, il vous salue de tout cœur. [2] Soit je ne connais pas, soit je ne me rappelle pas ce M. Louis de Saint-Aubin, ou du Buisson. [1] J’ai reçu votre portrait, entier et intact, [3] et l’ai placé à côté de celui de notre Fernel. [4] À ce qu’on m’a dit ici, le fils de M. Blaeu [5] vous remettra rapidement le paquet que je vous ai envoyé car le bateau qui le transporte est parti pour la Hollande. Nul n’a ici entendu parler de Locatelli et personne ne l’a jamais vu ; [6] les œuvres de Planis Campy ne se trouvent nulle part. [7] On ne sait s’il en reste quelques exemplaires cachés quelque part ; à la suite d’une diligente enquête, le syndic des libraires parisiens m’a dit suspecter qu’après la mort du libraire qui avait imprimé ce livre, [8] son épouse les a donnés à des boutiquiers comme marchandise sans valeur, pour en façonner piperis thurisque cuculli. [2][9] Vous trouverez dans mon paquet susdit un Calvus de l’édition de Rome. [3][10][11] Si quelqu’un de chez vous prévoit de venir à Paris, vous pourrez lui confier la première feuille de votre Hippocrate à me remettre, pour que je puisse la montrer au grand nombre de médecins et autres savants qui me viennent voir de partout, et leur en mettre l’eau à la bouche. [4][12] J’attends patiemment votre livre de Scriptis medicis[5][13] MM. les très distingués Bigot et Vorst vous saluent, [14][15] ainsi que Pierre Petit, qui pense à publier des Problemata medicinalia, tandis que l’imprimeur s’attelle à l’édition de son Arétée[6][16][17] Tout ici est encore incertain sur la nouvelle édition d’Érasme qu’on doit produire à Rotterdam, on dit même qu’elle n’a pas encore commencé ; je l’espère excellente. [7][18] Je salue MM. les très distingués Vorst, Stevartus et Rompf ; [19][20][21] et je prie M. Stevartus de bien vouloir se souvenir de la Chronica du très distingué Usserius d’Armagh, car il me l’a promis et je lui en rembourserai très volontiers la dépense, [8][22] avec ce que je lui dois déjà d’autre. Je n’ai rien que je puisse ajouter à votre petite liste des auteurs qui ont cité Hippocrate ; je pense pourtant, si ma mémoire ne me trompe pas, que les bienheureux Jérôme, [23] Augustin, [24] Ambroise [25] et Bernard [26] ont dit quelque chose à son sujet ; mais à dire vrai, je n’en ai qu’un vague souvenir. [9] Mes fils vous saluent et vous remercient de votre très agréable souvenir. [27][28] Je m’occupe à rétablir ma santé, qui progresse favorablement de jour en jour. [29][30] Nicolas Fouquet, notre surintendant des finances, est encore en prison, mais les juges que le roi a choisis l’interrogent très fréquemment. [31][32] Vale, très éminent Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.

De Paris, ce 22e de mars 1662.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin, encore affaibli (v. note [1], lettre 717), a dictée à l’intention de Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 126 ro ; seules la suscription, une correction et la signature sont de la plume de Patin.

1.

Apparition tout à fait impromptue, unique dans la Correspondance, d’un personnage énigmatique sur qui Johannes Antonides Vander Linden avait interrogé Guy Patin : en 1652, un dénommé Charles Le Gendre, seigneur de La Faye, avait bien acheté la seigneurie et le château de Saint-Aubin-sur-Loire (Saône-et-Loire), et épousé une Marie Du Buisson, fille d’André, seigneur de Beauregard ; mais il peut s’agir d’une coïncidence fortuite, car D’Hozier, dans son article Seigneurs de S. Aubin (Armorial général de la France, registre premier, première partie, Paris, Firmin Didot, 1738, in‑4o, page 259) ne cite de prénommé Louis ni dans leur ascendance, ni dans leur descendance.

V. note [1], lettre latine 173, pour Julien Piètre.

2.

« des sachets pour le poivre et l’encens » (Martial, v. note [3], lettre 22).

V. notes [1] et [6], lettre latine 176, pour le traité de Lodovico Locatelli et pour les Œuvres de David de Planis Campy, et [2], lettre latine 188, pour les imprimeurs qui ont successivement détenu le privilège de ces dernières (Guy Patin parlait ici de Denis Moreau et de sa veuve).

3.

V. note [5], lettre latine 91, pour l’Hippocrate de Marcus Fabius Calvus (Bâle, 1526).

4.

V. note [11], lettre 726, pour les Opera omnia [Œuvres complètes] d’Hippocrate par Johannes Antonides Vander Linden. On en avait commencé l’impression à Leyde, mais elles ne parurent qu’en 1665, après la mort de l’auteur, par les soins de son fils, Hendrik Vander Linden. Sa préface, datée de Leyde, le 18 avril 1665, n’évoque pas le délai de trois ans qui s’est écoulé entre l’impression des premières feuilles (épreuves) et la parution du livre ; la complexité d’une impression bilingue (grecque et latine) et la mort de l’auteur (le 5 mars 1664) en sont les probables causes.

5.

V. note [29], lettre 625, pour la 3e édition (Amsterdam, 1662) des deux précieux livres bibliographiques de Johannes Antonides Vander Linden « sur les Écrits médicaux ».

6.

V. notes [3], lettre 731, pour l’Arétée posthume de Pierre Petit (Londres, 1726), et [6], lettre latine 184, pour ses « Problèmes médicaux » qui n’ont pas laissé de trace dans les bibliographies.

7.

V. note [4], lettre latine 166, pour le projet de publier à Rotterdam, sa ville natale, les œuvres complètes d’Érasme, ce qui n’a abouti qu’au xviiie s.

8.
V. note [9], lettre latine 179, pour la « Chronique » de James Ussher (Londres, 1650-1654).
9.

L’Hippocrate de Johannes Antonides Vander Linden ne contient pas la liste des saints docteurs et Pères de l’Église qui ont cité Hippocrate dans leurs écrits. L’anthologie qui suit en donne un aperçu.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 126 ro.

Cl. Viro D. Io. Ant. Vander Linden, Leidam.

Vir Cl.

Amicus noster Pietreus mihi vale dixit et Ambianum reversus est, Teque
ex animo salutat. D. illum Ludov. de Sainct Aubin, sive du Buisson
vel non novi vel non memini. Iconem tuam integram et illibatam
accepi, eamque reposui juxta Fernelium nostrum. Fasciculus
meus tibi desinatus ut hîc audio brevi Tibi reddetur per filium
D. Blaeu : navis enim discessit in Hollandiam vestram
perventura. De Locatello nullus hîc audivit quidquam nec vidit
unquam. Planis Campi Opera nullibi prostant : si quæ sint Exemplaria
residua alicubi latent quod nescitur : Syndicus Bibliopolarum
Parisiensium post sedulam inquisitionem factam mihi
retulit suspicari post mortem Bibliopolæ, qui librum excuderat
ab ejus uxore tradita fuisse Seplasiarijs ut ex ijs tamquam merce
pessima, conflarentur piperis thurisque cuculli. In fasciculo
illo supra dicto reperies Calvum Romanæ editionis. Si quis apud
vos Lutetiam accedere meditetur poteris illi tuto committere,
et pro me tradere folium primum Tui Hippocratis, ut
habeam quod ostendam, ejusque spem injiciam tot Medicis
et alijs Eruditis qui undique me conveniunt. Librum Tuum
de Scriptis medicis patienter expecto. Cl. Viri D.D. Bigotius
et Vorstius Te salutant ut et Petrus Petitus, qui cogitat de
editione quorumdam Problematum Medicinalium,
t
dum se Typographus accingit ad editionem Arætei Aretæi.
De nova Erasmi editione Roterodami perficienda
adhuc omnia sunt hîc incerta : imò nondum inchoata
dicitur isthæc editio, quæ ut spero optima futura est.
Cl. Virum D. Vorstium, Stevartum et Romphium saluto :
Stevartumque rogo ut velit meminisse Chronici Viri Cl. Usserij
Armacani quod mihi promisit et cujus pretium cum alijs
quos jam debeo lubentissimè persolvam. Nihil habeo quod
possim super addere indiculo tuo de Authoribus qui meminerunt
Hippocratis : puto tamen, nisi me fallit memoria, aliquid de eo
retulisse Beatum Hieronymum Augustinum Ambrosium et Bernardum, sed ut verum dicam, vix memini.
Filij mei Te salutant et gratias agunt pro suavissima illa tua recordatione. Negotium restauratæ valetudinis
in dies belle procedit. Gazophylax noster Nic. Fouquet adhuc est in carcere verum sæpius à judicibus interrogatur,
à Rege selectis. Vale Vir præstantissime, meque quod facis amare perge. Datum Parisijs die 22. Martij 1662.

Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 22 mars 1662

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(Consulté le 12/05/2024)

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