Séance du mercredi 3 novembre 2004

TRAITEMENT DES CARCINOSES PERITONEALES PAR CHIMIO HYPERTHERMIE INTRA PERITONEALE
15h00-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Philippe LASSER

 

 

Justifications physio-thérapeutiques de la CHIP.

DETROZ B (Liège -Belgique)

Résumé
Dans les cancers digestifs, la carcinose péritonéale (CP) est encore considérée par bon nombre d'oncologues comme une maladie avancée au pronostic extrêmement sombre et pour laquelle seule une approche palliative est envisagée. Dans le cancer colorectal, la médiane de survie de ces patients est de 6 mois. Actuellement, bien que la chimiothérapie systémique reste le traitement standard de la CP avec un taux de réponse d'environ 30%, elle doit être considérée comme un traitement palliatif dans la mesure ou la CP récidive chez tous les patients. En 1988, Sugarbaker a développé un nouveau concept original dans l'approche thérapeutique de la CP. Il propose d'associer une chirurgie de cytoréduction (résection complète de la maladie péritonéale macroscopique) à une chimiothérapie intra-péritonéale (CIP) administrée dès la fin de l'intervention. Cette approche a permis d'obtenir des résultats encourageants, notamment dans le pseudomyxome péritonéal avec des survies à 5 ans de 50 à 84% selon le type histologique. Quelques années plus tard, inspirés de travaux expérimentaux japonais, Sugarbaker et d'autres ont ajouté l'hyperthermie à la CIP afin d'accroître son effet cytotoxique. La chimio-hyperthermie intra-péritonéale (CHIP) était née. Depuis, plusieurs séries cliniques ont rapporté l'intérêt de la CHIP dans le traitement de la CP d'origine digestive, avec des survies prolongées et des "guérisons" chez des patients sélectionnés.

 

Lésion tumorale épithéliale secondaire du péritoine : du pseudomyxome à la carcinose.

SABOURIN JC, ELIAS D, LASSER P, DUVILLARD P (Villejuif)

Résumé
Les pseudomyxomes du péritoine (PP), encore parfois appelés " maladie gélatineuse du péritoine ", regroupent un spectre de lésions péritonéales caractérisées par l'accumulation d'une grande quantité du mucus accompagnée d'une quantité très variable de cellules épithéliales. En effet, on distingue les " vrais " pseudomyxomes du péritoine qui sont définis par la présence de flaques de mucus extracellulaire ne comportant quasiment pas de cellules épithéliales identifiables ou comportant de très rares cellules épithéliales cylindriques mucosécrétantes bien différenciées bordant les flaques de mucus. Ces deux présentations sont aujourd'hui regroupées sous la dénomination d'adénomucinose péritonéale disséminée (AMPD) proposée par Brigitte M. RONNETT. Ces adénomucinoses péritonéales disséminées ont souvent un point de départ appendiculaire sous la forme d'un adénome mucineux appendiculaire rompu (mucocèle appendiculaire rompu). Lorsque les atypies cellulaires deviennent importantes avec présence de pluristratification, de touffes de cellules desquamant dans les flaques de mucus, de formations cribriformes, on est en présence d'une carcinose péritonéale mucineuse (CPM). Ces lésions malignes sont regroupées dans les " CPM avec aspect intermédiaire " lorsque la majorité des lésions correspond à un tableau d'AMPD mais avec présence de rares secteurs de carcinome mucineux bien différencié. La lésion initiale, lorsqu'elle est retrouvée, correspond alors souvent à un adénocarcinome mucineux bien différencié de l'appendice ou plus rarement du grêle, souvent associé à un adénome mucineux appendiculaire ou du grêle. Le deuxième tableau rencontré est celui de la " CPM avec aspect discordant " caractérisée par des lésions péritonéales d'adénocarcinome mucineux comportant souvent des cellules en bague à chaton mais dont la lésion initiale correspond à un adénome mucineux de l'appendice avec dysplasie de haut grade ou éventuellement carcinome intra-muqueux (mais sans véritable carcinome infiltrant retrouvé dans la lésion initiale). Restent les véritables carcinoses péritonéales des adénocarcinomes mucineux d'origine digestive mais qui sont caractérisées par la présence fréquente de métastases ganglionnaires et/ou hépatiques. En effet, la classification proposée par RONNETT a permis de mieux cerner cette pathologie péritonéale très particulière qui se rapproche des lésions frontières (borderline) à malignité loco-régionale. Les péritonectomies multiples ont permis de mieux caractériser sur le plan histologique ces lésions particulières à localisation péritonéale. De plus, le traitement homogène de ces patients permettra d'en mieux préciser le pronostic en fonction du grade histologique. Les différentes formes histologiques de ces tumeurs particulières seront présentées et discutées en fonction des résultats des séries de l'Institut Gustave Roussy.

 

Chimio-hyperthermie avec cytoréduction dans le traitement du cancer de l'ovaire récidivé.

BERNARD JL, BEREDER JM, HABRE J, KARIMDJEE S, BENCHIMOL D, BOURGEON A (Nice)

Résumé
Le traitement optimal des récidives péritonéales du cancer de l'ovaire n'est pas bien établi avec des réponses faibles aux chimiothérapies de deuxième ligne ou plus. Dans ce contexte, nous avons proposé l'association d'une cytoréduction chirurgicale à une chimiohyperthermie peropératoire (CHIP), prolongée ou non d'une chimiothérapie intra péritonéale postopératoire (CIPPI). Nous avons réalisé 42 procédures (CHIP) chez 37 patientes sur une période allant d'avril 2001 à décembre 2003. L'âge moyen était de 59 ans, la durée d'évolution avant chimiohyperthermie était de 38,2 mois, les patientes avaient reçu en moyenne 3,1 lignes de chimiothérapie et échappaient à tout traitement systémique. L'intervention a consisté en une cyto-réduction la plus radicale possible, associée à une polychimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale avec cisplatine à la dose de 50 mg/m2 et doxorubicine à la dose de 15 mg/m2. La solution est portée à 42°C, la procédure de chimiohyperthermie est réalisée à ventre ouvert. La durée moyenne d'intervention a été de 8h47. L'index de carcinose médian était de 12,5. La réduction a pu être considérée complète dans tous les cas au prix d'exérèses larges associant des reconstructions digestives protégées par une stomie digestive dans 76 % des cas (32/42). Dix patientes ont eu une chimiothérapie intra péritonéale postopératoire (CIPPI) de J1 à J5 (docetaxel à la dose de 20 mg/m2/j). Les suites opératoires ont été marquées par une mortalité nulle et une morbidité de 40% (4 fistules digestives 10%) La durée d'hospitalisation a été de 21 jours. Trente et une stomies ont été fermées, 9 patientes ont eu un deuxième look avec 3 fois une récidive résécable. Le délai moyen de suivi était de 21 mois, la survie globale à 36 mois est de 58 % et la survie sans récidive est de 25 %. Après inclusion dans l'étude, 9 patientes sont décédées de récidive avec un délai moyen de 8,3 mois. La chimiohyperthermie est une méthode faisable, standardisée et reproductible. La morbidité est acceptable avec un confort de vie amélioré, supérieur à ce qu'il était avant l'intervention à partir du 3ème mois. Des études contrôlées sont nécessaires permettant l'inclusion des patientes : soit à la phase initiale de la maladie, après chimiothérapie faisant suite à une chirurgie initiale non optimale pour carcinose péritonéale, ou au moment d'un " second look " s'il est positif : soit au moment de la récidive péritonéale si celle-ci est tardive et la carcinose peu étendue.

 

Péritonectomies - CHIP dans les carcinoses péritonéales d'origine gastrique.

GILLY FN, GLEHEN O, SAYAG BEAUJARD AC, FRANCOIS Y (Lyon)

Résumé
L'essai randomisé hollandais (Zoetmulder, JCO, 2003) et le registre international (Glehen, JCO, 2004) ont apporté des preuves tangibles de l'intérêt des stratégies agressives combinant péritonectomie et CHIP dans les carcinoses péritonéales des cancers colorectaux. Pour d'autres pathologies, l'évaluation est encore en cours et nous rapportons ici les résultats de l'essai prospectif de phase II consacré aux carcinoses d'origine gastrique traitées par péritonectomie-CHIP ".Cinq à 20% des laparotomies pour cancer de l'estomac révèlent une carcinose (Ikeguchi, Anticancer Res 1994) dont la médiane globale de survie est de 3,1 mois (Sadeghi, Cancer, 2000).
Méthodes : Quarante neuf patients (25 femmes, âge moyen 53,7 ans) atteints d'adénocarcinome de l'estomac avec carcinose péritonéale (stade 1 :13, stade 2 :5, stade 3 :12, stade 4 :19) ont été inclus (1989 - 2000) dans un protocole thérapeutique associant péritonectomie et CHIP (circuit fermé, température d'entrée supérieure à 44°C pendant 90 minutes, utilisation du Cavitherm, Mitomycine C à la dose de 10 mg/l de perfusat). La mortalité à 30 jours était de 4% (2/49) et la morbidité de 30% (13/49). Cinq patients ont bénéficié d'une résection macroscopiquement complète (CCR-0), 20 d'une résection de type CCR-1 (résidus tumoraux de moins de 5 mm) et 24 d'une résection de type CCR-2 (résidus tumoraux de plus de 5 mm). Vingt patients ont reçu une chimiothérapie systémique postopératoire et 9 ont reçu une radiothérapie postopératoire.
Résultats : Avec un suivi médian de 99 mois, la médiane de survie globale était de 10,3 mois. Deux facteurs prédictifs de la survie ont pu être individualisés en analyse multivariée : la présence d'une ascite en préopératoire (p=0,04) et l'importance (CCR) de la péritonectomie (p<0,001). La médiane de survie était de 21,3 mois pour les patients CCR-0 ou CCR-1(38% à 3 ans), et de 6,1 mois pour les CCR-2. Six patients ont eu des survies longues (2 > 3 ans et 4 > 5 ans) et quatre patients (CCR-0) sont encore en vie à 140, 108, 107 et 104 mois.
En conclusion, l'association thérapeutique " péritonectomie-CHIP " réalisée par des équipes expérimentées, peut permettre d'espérer des survies prolongées chez des patients très sélectionnés (bon état général, tumeur primitive résécable, carcinose résécable), au prix d'une morbidité postopératoire relativement importante (Glehen, Arch.Surg, 2004).

 

Traitement des carcinoses péritonéales d'origine colorectale par chirurgie et chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP).

POCARD M, ELIAS D, BOIGE V, DUCREUX M, SABOURIN JC, LASSER P

Résumé
La carcinose péritonéale est un mode de dissémination des cancers coliques et rectaux distinct des processus métastatiques. Du fait de son très mauvais pronostic, encore limité à moins de douze mois malgré les chimiothérapies les plus récentes, la carcinose est inclus dans les stades M de la classification TNM. Mais cette évolution du cancer est dans près de 30% des cas isolée. Par contre une exérèse chirurgicale d'une carcinose ne peut pas être complète, elle reste au mieux de type R1, avec une maladie résiduelle microscopique. C'est pour traiter cette maladie résiduelle que la CHIP a été proposée. Les premiers résultats de la littérature ont permis de rapporter des survivants à 5 ans après exérèse et CHIP, puis de déterminer le fait que le principal facteur de succès soit une exérèse macroscopique complète de la carcinose. Une étude publiée en 2003 par l'équipe de Zoetmulder AN, dans le très prestigieux Journal of Clinical Oncology vient de confirmer les études de phase II et apporte une première démonstration de l'intérêt de la CHIP (niveau II de preuve). Cette étude a randomisé 105 patients de 1998 à 2001 entre une chimiothérapie palliative (LV5FU) et une chirurgie (parfois incomplète) avec CHIP par Mitomycine C pendant 90 minutes puis la même chimiothérapie en systémique. Le bras avec CHIP a présenté une mortalité de 8%. Après un suivit de 21 mois, la survie médiane a été de 12 mois dans le bras standard versus 21 mois dans le bras CHIP (p=0.032). Ces résultats confirment la dizaine de séries publiées rapportant des survies médianes allant de 12 à 40 mois (étude réalisée par Sugarbaker PH portant sur 115 patients) après CHIP par Mitomycine C. Nous avons très récemment publié des résultats d'une étude de phase II n'incluant que des exérèses RI, avec une CHIP par de l'Oxaliplatine et non de la Mitomycine. Cette étude qui a porté sur 24 patients a fourni une survie estimée à 3 ans en Kaplan-Meier de 65%. Cette survie est la plus élevée jamais rapportée dans le traitement de carcinose colorectale, laissant espérer que des progrès sont a venir dans les modalités techniques des CHIP.