Séance du mercredi 28 novembre 2012

SEANCE COMMUNE AVEC L’ASSOCIATION FRANCOPHONE DE CHIRURGIE ENDOCRINIENNE
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Fabrice Ménegaux

 

 

Introduction de la séance

BEAULIEU A

 

Eloge de M Charleux

BEAULIEU A

 

Prise en charge des hyperaldostéronismes primaires. Place des dosages veineux étagés. Revue d’une série de 62 patients.

CHAFFANJON P, PIRVU A, GUIGARD S (Grenoble)

Résumé
Introduction : La place de la surrénalectomie unilatérale est encore discutée dans le traitement de l’hyperaldostéronisme primaire (HAP). Si la chirurgie peut guérir l’hypertension artérielle secondaire en cas d’adénome corticotrope, le bénéfice qu’elle apporte en cas de pathologie bilatérale est plus incertain. L’indication chirurgicale a longtemps été guidée par la seule étude morphologique des glandes surrénales mais actuellement les dosages veineux étagés apportent des informations fonctionnelles déterminantes. Notre étude monocentrique rétrospective se propose de valider l’algorithme décisionnel que nous avons choisi pour ces patients.
Malades et Méthodes : De 1998 à 2011, dans notre département, 62 patients ont subi une surrénalectomie unilatérale pour HAP. Tous les patients présentaient un bilan biologique franc, une instabilité tensionnelle malgré au moins deux traitements antihypertenseurs et une hypokaliémie corrigée ou non sous anti-aldostérone et apport potassique oral. Tous ont subi une TDM ou une IRM abdominale. Cinquante-deux patients présentaient une image unilatérale de 15mm ou plus et ont d’emblée été proposés pour une surrénalectomie unilatérale par cœlioscopie. Pour 10 patients, l’imagerie montrait soit des anomalies surrénaliennes bilatérales, soit une absence d’anomalie ou une image infracentimétrique douteuse. Tous ces patients ont subi un dosage étagé de la cortisolémie et de l’aldostéronémie dans les veines surrénaliennes et l’indication chirurgicale a été posée du côté du gradient positif.
Résultats : La morbidité du cathétérisme veineux a été nulle. Soixante-deux patients ont subi un geste cœlioscopique avec un taux de mortalité nul et un taux de morbidité de 6,4% : conversion pour saignement veineux cave n=1, emphysème sous-cutané bénin n=1, hernie sur orifice de trocart n=1, collection pancréatique caudale drainée radiologiquement avec succès n=1. L’examen pathologique a découvert 46 adénomes, 14 glandes hyperplasiques et 2 glandes jugées normales. Dans tous les cas, deux mois plus tard, la kaliémie était normale sans aucun traitement et les pressions artérielles systolique et diastolique étaient normalisées. Pour 24 patients (38,7%), le traitement antihypertenseur avait été définitivement stoppé. Pour 28 patients (45,1%), le nombre moyen de médicaments était passé de 2,5 à 1. Pour 10 patients (16,1%), le nombre de médicaments n’a pas pu être diminué. Tous les patients porteurs d’adénome ou de glande histologiquement normale (possible microadénome non repéré) ont pu arrêter ou diminuer significativement leur traitement antihypertenseur. Parmi les 14 patients porteurs d’hyperplasie, 4 ont pu diminuer significativement leur traitement antihypertenseur mais 10 ont dû le conserver inchangé. Par contre, tous ont vu leur pression artérielle normalisée. La médiane de suivi a été de 40 mois (10-88 mois) et sur cette période, le taux de complications cardiovasculaires a été nul sans ré-aggravation de la pression artérielle.
Conclusion : Le dosage veineux étagé s’impose chaque fois que l’imagerie TDM ou IRM ne montre pas de lésion unilatérale nette. Un gradient latéralisé autorise une surrénalectomie unilatérale en cas d’absence d’image, d’images bilatérales ou d’image homolatérale douteuse. Ces patients, une fois opérés, normalisent leur taux de kaliémie. Ils restent non guéris de l’hyperaldostéronisme primaire pour certains mais retrouvent un équilibre tensionnel stable ce qui diminue le taux de complications cardiovasculaire à long terme.

 

Hyperparathyroïdie litho-induite

MATHONNET M (Limoges)

Résumé
Introduction : Le lithium est utilisé comme un thymorégulateur chez les patients bipolaires. Même pris à doses thérapeutiques, sa prise au long cours génère une toxicité chronique ce qui a limité depuis une dizaine d’années son utilisation. Les atteintes rénales et endocriniennes principalement thyroïdiennes, sont les plus connues des cliniciens. Une hyperparathyroïdie (HP) apparaît chez 15 à 60% des patients sous lithium alors que son incidence est de 1 cas pour 1000 dans la population générale (Balandraud et al, 2001). Cette HP litho-induite (HPLI) devient symptomatique dans 10% des cas et impose un traitement chirurgical dans moins de 5% des cas (Awad et al, 2003). Les mécanismes de survenue, la présentation clinique, l’évolution de ces HPLI semblent donc différents de l’HPP.
Le but de cette étude est d’évaluer dans une série homogène, l’influence du caractère litho-induit sur les résultats du traitement chirurgical de l’HP.
Matériel et Méthodes : De janvier 2002 à décembre 2010, tous les patients opérés d’une HP primaire (HPP) ou litho-induite (HPLI) ont été inclus de manière prospective (n = 224, âge médian 65 ans, sex ratio 1 :7). Les patients opérés d’une HP secondaire ou génétique, ou ayant une créatininémie supérieure à 100 µM/l ont été exclus. Dix patients avaient une HPLI (4,9%). 40% des patients HPP et 50% des HPLI avaient en préopératoire un déficit en vitamine D (25(OH)D3 < 20 ng/ml) compensé avant chirurgie. 70% des HPLI avaient une pathologie multiglandulaire vs 5% des HPP. L’influence du caractère litho-induit a été jugée dans les 2 groupes sur l’évolution du bilan phosphocalcique et du métabolisme osseux en per et postopératoire, à 3 et 12 mois.
Résultats : Huit patients sur 10 étaient symptomatiques en préopératoire, avec une forte prévalence d’atteinte multiglandulaire. En postopératoire, tous les critères cliniques NIH étaient normalisés.
Les patients HPLI avaient de manière significative une HP biologique moins grave (calcémie 2,66 mmol/l vs. 2,78 – PTH 70 pg/ml vs. 79) et un retentissement osseux plus limité (crosslaps 862 pg/ml vs. 934, phosphatase alcaline osseuse 17,5 µg/l vs. 13,5) que les HPP. En peropératoire, la décroissance de la PTH à la 60ème minute était significativement moins importante dans le groupe HPLI (79% vs. 85%). En postopératoire même si tous les patients avaient normalisé leur bilan phosphocalcique, la PTH et le calcium étaient plus élevés dans le groupe HPLI. A 3 mois et 12 mois, un patient sur 10 patients HPLI vs. 12patients sur 214 HPP gardaient une PTH inadaptée à la calcémie. Le découplage crosslaps-PAO était plus important pour les HPLI, marqué par un moindre ralentissement de la résorption osseuse (crosslaps HPLI 47% vs 68%). L’ostéodensitométrie, confirmait l’existence d’une ostéoporose (T score < -2,5).
Conclusion : La chirurgie permet une amélioration clinique et biologique des HPLI symptomatiques. Toutefois, la persistance de la résorption osseuse au-delà du 12ème mois postopératoire impose une surveillance prolongée du métabolisme osseux et l’institution d’un traitement d’appoint qui doit être à la fois précoce et prolongé. Des mécanismes d’activation spécifiques de la PTH pourraient être mis en jeu dans les HPLI.

 

L’insuffisance cardiaque aiguë secondaire au phéochromocytome. Surrénalectomie en urgence ou retardée ?

MIRAILLE E, SAINT F, PEIX JL , CARNAILLE B, SEBAG F, MENEGAUX F, HENRY JF, HAMY A (Angers) - Services de Chirurgie Digestive et Endocrinienne de Nantes, Amiens, Lyon, Marseille, Paris.

Résumé
Introduction : Le phéochromocytome est une pathologie rare diagnostiquée habituellement sur une hypertension artérielle (HTA) ou découverte de façon fortuite devant une lésion surrénalienne. L’insuffisance cardiaque aiguë secondaire à l’hyperproduction de catécholamines révèle rarement le phéochromocytome. Le but de cette étude est d’évaluer la prise en charge chirurgicale de patients chez qui un phéochromocytome est diagnostiqué à l’occasion d’un épisode d’insuffisance cardiaque aiguë.
Matériel et Méthodes : Les données de 12 patients de 7 centres hospitaliers ont été revues de façon rétrospective. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë est défini par une diminution de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) inférieure à 30% ou l’utilisation d’une assistance circulatoire (ECMO : Extracorporeal membrane oxygenation, ou un ballon de contre pulsion intra-aortique).
Résultats : Toutes les lésions surrénaliennes ont été identifiées par un scanner (TDM). Les patients ont eu une surrénalectomie, en urgence (dans les 3 jours) ou de façon retardée.
La morbidité et la mortalité ont été étudiées. Le diagnostic de phéochromocytome a été confirmé sur l’analyse anatomopathologique. Deux patients ont eu un arrêt circulatoire plusieurs mois précédant l’insuffisance cardiaque aigue. Le TDM a révélé un aspect hétérogène, une hémorragie ou une nécrose tumorale dans 4 cas. Deux patients présentaient des lésions bilatérales (17%) et 1 patient présentait un paragangliome abdominal. La médiane de taille des 14 tumeurs était de 55 mm (17-90 mm). La surrénalectomie a été réalisée, en urgence pour 4 patients (33%), et avec un délai médian de prise en charge chirurgicale de 37 jours (7-180 jours) pour les 8 autres patients (67%). Huit patients ont eu une assistance circulatoire (67%) pendant une durée médiane de 5 jours (1-8 jours). Cinq d’entre eux ont eu une assistance circulatoire et une chirurgie décalée (42%) avec une médiane de 49 jours, 2 d’entre eux ont eu une assistance circulatoire suivie d’une chirurgie en urgence (entre 1,5 et 3 jours) et 1 patient a eu une chirurgie en urgence immédiatement suivie d’une assistance circulatoire. La surrénalectomie en urgence a été réalisé par laparotomie et la chirurgie décalée a été réalisée par laparoscopie pour 6 patients. La chirurgie en urgence s’est compliquée en péri et postopératoire d’un arrêt circulatoire, de 2 saignements ayant nécessité une transfusion, d’une ischémie digestive, et d’un hémopéritoine avec réintervention au huitième jour. Un patient est décédé au cinquième jour postopératoire. Les patients avec chirurgie retardée n’ont pas présenté de complications. La durée d’hospitalisation a été de 24,5 jours (7,5-28,5 jours). Après la chirurgie, la FEVG s’était normalisée (> 55 %) dans 8 cas (67%).
Conclusion : L’insuffisance cardiaque aiguë révélant un phéochromocytome est une complication rare et grave qui peut être curable dans la plupart des cas. Les patients opérés en urgence présentent plus de complications que les patients opérés à distance. La chirurgie retardée semble être indiquée après assistance circulatoire.

 

Performance diagnostique de la TEP-F-DOPA dans les phéochromocytomes et paragangliomes.

SEBAG F, HENRY JF (Marseille)

Résumé
Les paragangliomes (PGL) sont des tumeurs le plus souvent bénignes, développées à partir des cellules neuroendocrines issues des crêtes neurales. Elles sont associées au système sympathique (localisations médullosurrénalienne également nommée phéochromocytome et extra-surrénaliennes chromaffines) ou au système parasympathique (localisations cervico-thoraciques). Les PGL extra-surrénaliens et les phéochromocytomes (PHEO) peuvent être sporadiques ou s’intégrer dans une affection héréditaire (jusqu’à 35% des cas). Les formes familiales sont souvent de localisations multiples. A ce jour, 10 gènes de susceptibilité ont été décrits. Pour l’exploration des PGL/PHEO, plusieurs techniques d’imagerie fonctionnelles sont disponibles, l’objectif dans ce contexte étant la détection de lésions multiples et des métastases, mais aussi de caractériser la maladie.
La scintigraphie à la méta-iodo-benzyl-guanidine (MIBG) et la scintigraphie des récepteurs à la somatostatine (Octréoscan) étaient jusqu’à récemment les imageries de références des formes abdominales et cervicales, respectivement. Toutefois, leur sensibilité de détection est limitée. Les tomographies d’émission de positrons à la fluoro-dihydroxyphénylalanine (TEP F-DOPA) ou au fluoro-déoxyglucose (TEP FDG) offrent une bien meilleure sensibilité avec des contraintes pratiques moins lourdes pour les patients.
Il est désormais recommandé de privilégier la TEP dans l’exploration des patients atteints de PGL/PHEO. Le statut génétique et la localisation anatomique permettent de guider au mieux le choix des explorations : TEP FDG dans les formes métastatiques et SDHB+, TEP F-DOPA et TEP FDG dans les formes abdominales non métastatiques, TEP F-DOPA dans les PGL de la tête et du cou. Le développement de l’imagerie TEP des récepteurs à la somatostatine devrait aussi émerger dans le champ des explorations.

 

Immobilités laryngées bilatérales après thyroïdectomie totale : du diagnostic au traitement

LACCOURREYE O, MALINVAUD D, MENARD M, BONFILS P (Paris)

Résumé
A partir d’une cohorte de 102 patients avec une immobilité laryngée bilatérale post thyroïdectomie totale consécutivement pris en charge au décours des années 1975-2011, les auteurs analysent la symptomatologie, la physiopathologie et les modalités de la prise en charge de cette très rare complication de la chirurgie de la glande thyroïde. L’apport, les complications, les indications et l’évolution des gestes d’agrandissement laryngée au laser CO2 ainsi que la place actuelle de la classique trachéotomie sont détaillés au vu des résultats obtenus et d’une analyse Pubmed de la littérature médicale scientifique

 

Recommandations

MENEGAUX F, BRESLER L, KRAIMPS JL, MATHONNET M, MIRAILLE E, PEIX JL , SEBAG F, TRIPONEZ F (Paris, La Pitié, Nancy, Poitiers, Limoges, Nantes, Lyon, Marseille, Genève)

Résumé
La chirurgie thyroïdienne est peu agressive sur le plan physiologique, peu algique, peu hémorragique, et de durée courte puisqu’elle excède rarement 3 heures. Elle pourrait donc être candidate à une prise en charge ambulatoire. Cependant, il s’agit d’une chirurgie à risque avec une spécificité tout à fait remarquable puisqu’elle expose à des complications graves et d’évolution potentiellement rapide pouvant conduire, en l’absence de geste d’évacuation en extrême urgence, au décès du patient ou à une anoxie cérébrale irréversible par l’intermédiaire d’un hématome cervical compressif.
En tant que société savante spécialisée, l’Association Francophone de Chirurgie Endocrinienne (AFCE) se devait de répondre aux questions soulevées par ce type de pratique en proposant des recommandations fondées sur un état des lieux sur les pratiques chirurgicales en France, une revue de la littérature, une enquête auprès des membres de l’AFCE, et une recherche approfondie des risques médicolégaux.

Au terme de ce travail, l’AFCE a pu émettre un certain nombre de recommandations.
La prise en charge de référence est une hospitalisation comportant au moins une nuit postopératoire. Cette hospitalisation peut cependant être de moins de 24 heures car le risque d’hématome cervical compressif au-delà de ce délai est exceptionnel.
Une thyroïdectomie ambulatoire (retour au domicile le jour-même de l’intervention) est possible dans certaines conditions et chez des patients sélectionnés. En l’absence de critères prédictifs indiscutables de développement d’un hématome cervical compressif, tous les facteurs de risque décrits dans la littérature doivent être connus par le chirurgien et doivent constituer autant de contre-indications relatives. Ces facteurs de risques sont nombreux ; ils sont propres aux antécédents médicaux du patient, à la pathologie thyroïdienne opérée, à des éléments psycho-sociaux, au chirurgien lui-même et à l’organisation de la structure de soins où sera opéré le patient.
Une prise en charge ambulatoire ne peut être proposée - à un patient motivé et informé, que par un chirurgien expérimenté ou une équipe entraînée, connaissant leur propres taux de complications et disposant d’une structure identifiée de chirurgie ambulatoire. Le chirurgien sera considéré comme le principal responsable en cas de complication ayant mis en jeu le pronostic vital ou le pronostic neurologique. Il doit donc s’assurer de la bonne information du patient et de ses proches, du respect des contre-indications, du bon déroulement de la chirurgie, de la surveillance postopératoire adaptée, et des conditions de sortie du patient. Cette prise en charge prend du temps et le chirurgien qui souhaite la proposer à son patient doit aménager son emploi du temps en conséquence.

Ces recommandations détaillées sont sous presse dans le Journal de Chirurgie Viscérale et sur le site de l’ANC.
L’article intégral de chaque orateur sera publié prochainement dans e-Mémoires de l’Académie de Chirurgie
http://www.biusante.parisdescartes.fr/acad-chirurgie/debut.htm