Séance du mercredi 12 avril 2017

IMPRESSION 3D AU SERVICE DU CHIRURGIEN
14h30-17h00, Les Cordeliers
Présidence et Organisation : Dominique FRANCO

 

 

Introduction générale de la séance

FRANCO D, MARRE P, LE FLOC PRIGENT P, JOHANET H

 

Introduction thématique de la séance

FRANCO D

 

Fabrication additive et ses applications

ROUCH P ((Institut de Biomécanique Humaine Georges Charpak, Arts et Métiers ParisTech, ENSAM, Paris)

Résumé
Notre société est régulièrement traversée par des révolutions technologiques qui la transforme en profondeur rendant possible ce qui était impensable quelques années auparavant. Parmi ces révolutions majeures, l’on peut citer l’abaissement du coût de l’énergie avec l’usage industriel du pétrole à partir de 1859, l’abaissement du coût du calcul avec l’introduction de l’ordinateur en 1936, l’abaissement du coût des communications avec l’arrivée d’internet en 1972. D’une certaine façon l’impression 3D apparue en 1983 est l’une de ces révolutions car elle abaisse drastiquement le coût de la complexité. En effet, ce nouveau moyen de production de pièces fonctionne de manière additive et non soustractive comme le sont la majorité des processus d’usinage. A l’opposé d’une chaîne de fabrication classique qui est efficace et rentable pour un nombre minimum de pièces semblables, la fabrication additive a le même coût d’usage quel que soit la pièce imprimée. Il est donc possible de personnaliser la pièce réalisée sans coût additionnel ce qui est extrêmement complexe dans un cadre traditionnel. Le coût de la matière première est optimisé puisque la machine n’utilise que ce dont elle a besoin à l’inverse d’un processus par enlèvement de matière qui génère des rejets. La fabrication additive n’a quasiment aucune limite de forme laissant une liberté immense aux ingénieurs de même qu’elle permet de réaliser des systèmes intégrés multifonctions. Il est donc naturel que cette nouvelle technologie ait trouvé de très nombreux débouchés dans le domaine de la chirurgie qui nécessite la personnalisation de certains dispositifs médicaux pour répondre à la problématique du traitement d’un patient. Lors de cet exposé, nous présenterons des exemples de recherche et développement récents pour différentes applications chirurgicales ainsi que les chalenges associés afin de rendre ces réalisations compatibles avec notre système de santé.

 

Impression 3D et évolution des prothèses chirurgicales: cas des implants osseux

NIMAL D (Osseomatrix)

Résumé
L’impression 3D permet l’avènement d’une nouvelle génération de prothèses chirurgicales personnalisées, avec des architectures adaptées, dans une large gamme de matériaux biocompatibles. Pour les implants osseux elle permet, avec les acquis de la bio-ingénierie, une nouvelle approche pour guider et promouvoir la régénération osseuse (impression 4D).

 

Anticiper la chirurgie sur un fantôme 3D

MARCHAND T (Biomodex)

Résumé
Les erreurs médicales sont la troisième cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires et le cancer ; certaines de ces erreurs sont d’origine chirurgicale. Aujourd’hui, les chirurgiens s'entraînent directement sur le patient, le compagnonnage. Il existe des alternatives à cette méthode pédagogique comme l'entraînement sur le cadavre ou l’animal mais cela soulève des enjeux éthiques ou logistiques.
La solution de BIOMODEX est de développer des organes artificiels imprimés en 3D, à partir de l’imagerie médicale. Ces tissus synthétiques durs et mous réagissent de manière très proche mécaniquement que les tissus humains.
Ainsi, les chirurgiens peuvent s'entraîner sur des pathologies, des traumatismes mais aussi sur l’anatomie exacte de leur patient, la veille de l’opération. A partir du scanner d’un patient on imprime le fantôme de l’organe de ce même patient. Ainsi, le chirurgien peut sereinement choisir la meilleure stratégie opératoire, la meilleure voie d’abord et la parfaite taille de prothèse pour chaque patient.
Les résultats attendus sont une baisse du risque opératoire, du temps passé au bloc opératoire, moins de complications et par conséquent moins de ré-hospitalisations.

 

Modèles 3D, guides de coupe et réalité augmentée en chirurgie plastique et maxillo-faciale

MENINGAUD JP (UPEC, Henri-Mondor)

Résumé
Depuis les travaux de Sushruta en Inde au V° siècle avant notre ère, la chirurgie plastique faciale a toujours utilisé des guides imprimés pour aider à la réalisation des techniques reconstruction chirurgicale. Puis ces guides sont devenus des moulages en trois dimensions permettant de gagner en précision. Depuis une vingtaine d’années, grâce aux technologies assistées par ordinateur, les guides utilisés en reconstruction osseuse Cranio-Maxillo-Faciale se sont améliorés en termes de précision, d’anticipation, de symétrie, de flexibilité, rapidité, de reproductibilité, etc. Si bien que depuis cinq ans, les imprimantes 3 D sont devenues directement accessibles dans les services de chirurgie, au point de faire partie du paysage et qu’un service comme le nôtre à l’hôpital Henri Mondor, dispose d’une salle dédiée.
Ces technologies permettent la création dispositifs médicaux sur-mesure transposables au sein du champ opératoire, directement à partir des données radiologiques de nos patients. Il s’agit notamment de guides de coupes pour la réalisation de certains lambeaux osseux. Ils permettent de transformer aisément des structures rectilignes tel le lambeau de fibula en formes tridimensionnelles complexes telle une mandibule. Ces technologies permettent aussi de fabriquer des guides de forage pour les implants dentaires nécessaires à la réhabilitation orale, ou pour les implants extra-oraux utiles à la mise en place d’épithèses de nez ou d’oreille, elles-mêmes conçues par ordinateur. On peut aussi fabirquer des guides de coupes pour l’exérèse de tumeurs, permettant de mieux prendre en compte l’envahissement intra-osseux. Enfin les modèles 3D permettent tout simplement de mieux comprendre certaines déformations faciales complexes, voire de simuler des interventions difficiles et d’en discuter en staff, et enfin de mieux faire comprendre au patient l’objectif de l’intervention. Tout cela n’est pas toujours aisé sur des images 2D ou 3D sur un écran d’ordinateur. Leur rôle pédagogique dans la formation des internes n’est pas à négliger. En définitive, au moment de l’opération, c’est bien une structure 3D palpable que nous aurons entre les mains. Or, nous possédons une certaine mémoire tactile dont il serait dommage de se priver quand elle peut faire la différence dans certains cas difficiles.

Parfois, ces guides ne peuvent être positionnés de façon optimale sur une surface rigide osseuse, du fait de la fibrose des parties molles ou d’autres conditions locales particulières. Ils deviennent alors inadaptés. Après le moulage en plâtre, puis le modèle en résine obtenu de façon numérique, un 3° type de modèle fait son apparition : le guide virtuel en réalité augmentée. Il peut représenter une solution de choix, ouvrant la porte à un nouveau monde sensoriel affranchi des contraintes de l’impression 3D. Même si cette technologie n’en est qu’à ses premiers balbutiements, elle semble prometteuse.

 

Impression 3D pour la reconstruction des voies aériennes

MORENO B Benjamin MORENO (Fondateur de la société AnatomikModeling)

Résumé
La prise en charge des patients atteints de pathologies des voies aériennes supérieures de type sténoses, trachéobronchomalacies, obstructions bénignes ou malignes, est actuellement effectuée via la pose de stents de série par les équipes de Pneumologie Interventionnelle. Ces stents de série induisent des taux de complications assez élevés : migrations, granulomes, inflammations de la muqueuse… Ces complications impactent la qualité de vie des patients et nécessitent des ré interventions. D’un point de vue biomécanique, ces complications sont imputables à la géométrie même des stents de série qui possèdent une très faible congruence avec le site receveur. Nos travaux consistent à concevoir et produire des stents trachéo-bronchiques 3D sur mesure adaptés à l’anatomie propre à chaque patient pour atteindre une congruence parfaite. Ceci implique la maîtrise d’un ensemble de technologies 3D de Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur (CFAO) :
En conception et simulation 3D :
- Le traitement de données d’imagerie médicale (CT scan) propre à chaque patient pour générer un modèle 3D haute définition des voies aériennes supérieures.
- La modélisation 3D du stent sur le futur site receveur en appliquant une correction.
En fabrication 3D :
- Mettre en place les procédés industriels permettant la production des stents 3D sur mesure en répondant aux normes en vigueur des Dispositifs Médicaux de Classe IIb à des coûts acceptables.
La maîtrise de ces technologies nous a permis de réaliser une première mondiale de pose de stent 3D sur mesure en Octobre 2016 et de démarrer des essais cliniques prometteurs.

 

Bio-impression

GUILLEMOT F (Poietis)

Résumé
Les méthodes d’ingénierie tissulaire visent à développer des tissus biologiques à même de restaurer les fonctions des tissus déficients de l’organisme (médecine régénératrice), ou encore de servir de modèles physiologiques pour des études pharmacologiques ou toxicologiques (tests tissulaires in vitro). Historiquement, l’ingénierie tissulaire prend ses racines dans les évolutions des matériaux implantables, le concept d’implant inerte ayant peu à peu évolué vers celui d’implant biologiquement actif, capable d’interaction et d’intégration dans l’organisme hôte. Ainsi, les techniques usuelles d’ingénierie tissulaire s’appuient principalement sur la conception de biomatériaux macroporeux appelés « scaffolds » et sur leur association avec des cellules.
En dépit d’importantes recherches, l’ingénierie tissulaire demeure toujours confrontée à des défis majeurs qui limitent jusqu'à présent ses applications cliniques à des structures relativement simples, fines ou avascularisées. Ainsi, comme le souligne Scott Hollister, spécialiste de l’ingénierie du tissu osseux, « la translation clinique des techniques d’ingénierie tissulaire basées sur l’utilisation de scaffolds demeure un échec » (Tissue Eng, 2012). Plus précisément, les approches d’ingénierie tissulaire se heurtent aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles commerciaux, réglementaires et éthiques mais aussi scientifiques tels que :
(i) la capacité de reproduire la complexité des tissus natifs,
(ii) les rapports coût-efficacité et coûts-avantages par rapport aux traitements existants,
(iii) la promotion d'une vascularisation rapide lors de l'implantation (nécessaire au maintien de la viabilité cellulaire au cours de la croissance des tissus),
(iv) la possibilité de personnaliser des produits de l'ingénierie tissulaire (c'est-à-dire d’intégrer de cellules autologues ainsi que des informations morphologiques du patient),
(v) une sécurité absolue pour les patients, les fabricants et l'environnement,
(vi) la conformité avec l'évolution des politiques de régulation en termes de contrôle de la qualité et de bonnes pratiques de fabrication (BPF).
En réponse à ces limites, la Bioimpression vise à produire des tissus biologiques de façon automatisée en organisant couche-par-couche les différents constituants des tissus biologiques (tels que les cellules et la matrice extracellulaire) selon des structures prédéfinies et personnalisables par conception numérique. D’un point de vue technologique, plusieurs techniques de Bioimpression ont été développées à l’échelle internationale, telles que l’impression jet d’encre ou la bioextrusion. Nos travaux menés depuis 2005 au sein de l’INSERM et l’Université de Bordeaux, puis depuis 2014 au sein de Poietis, ont conduit à la mise au point de dispositifs et de méthodes innovants de Bioimpression par Laser. En permettant d’imprimer cellule par cellule, cette technologie procure l'avantage unique de contrôler l'organisation des constituants tissulaires à l'échelle cellulaire, ouvrant ainsi des perspectives de fabrication de tissus biologiques de façon automatisée, reproductible et en conformité avec les BPF.