L. 235.  >
À Charles Spon,
le 1er juillet 1650

Monsieur, [a][1]

Depuis mardi 21e de juin que je vous envoyai ma dernière par la voie de M. Ravaud, [2] qui l’enferma dans son paquet, je vous dirai que M. l’évêque de Beauvais [3] est mort âgé de 63 ans. M. de Buzenval, [4] son neveu, a le brevet de l’évêché il y a près de deux mois, il attend ses bulles [5] de Rome. [1][6] M. le président de Blancmesnil [7] l’a refusé par cinq diverses fois, il se contente de 20 000 livres de rente à trois lieues de Paris, [8] sans être ni prêtre, ni marié. Je viens de recevoir deux portraits de M. de Saumaise [9] qui m’ont été envoyés de Hollande, dont il y en a un pour vous. On me mande que M. de Sorbière [10] viendra ici le mois qui vient, qui m’en apportera de M. Grotius [11] et de quelques autres. M. de Saumaise faisait ses adieux pour s’en aller en Suède avec sa femme, mais une nouvelle maladie l’a arrêté. Mme d’Aiguillon [12] a obéi à l’arrêt du Parlement, elle a remis le duc de Richelieu, [13] son neveu, entre les mains du duc d’Orléans, [14] lequel sans doute le rendra à sa nouvelle femme ; [15] sauf à Mme d’Aiguillon à se pourvoir par voie de justice contre ce mariage qu’elle prétend ne pouvoir ni devoir subsister. Mme la Princesse la mère [16] (qui est ici alentour près de Nemours en Gâtinais, en une maison particulière, laquelle appartient au président Perrault, [17] lequel est avec les trois princes en prison) a mandé à M. Guénault [18] qu’il lui envoyât un médecin ; ce qu’il a fait : il lui a envoyé M. Le Gagneur, [19] qui était ici bien empêché de sa personne et qui avait bon appétit à la pratique, mais elle ne lui venait point. Si bien que voilà trois des nôtres employés en cette Maison dispersée, savoir M. Dupré [20] près du prince de Conti [21] en prison, M. Le Gagneur avec la mère douairière, et M. Bourdelot [22] à Bordeaux avec Mme la Princesse la femme [23] et M. le duc d’Enghien [24] son fils. On s’en va imprimer en Hollande divers tomes d’épîtres latines de feu MM. Grotius et Vossius le père. [2][25] Le comte d’Harcourt [26] est allé en diligence en Basse-Normandie pour empêcher quelques désordres qui s’y commettent par des gentilshommes qui y arment et qui font semblant de se vouloir déclarer pour les princes à cause de M. de Longueville. [27] Ils disent aussi qu’ils veulent aller trouver M. de Bouillon [28] en Guyenne. [29] On dit ici que le prince de Conti se meurt et qu’il n’en peut plus. [3] Ses bénéfices sont déjà donnés à un enfant qui n’est point encore né, comme lui-même n’est point encore mort : c’est au fils de M. le duc d’Orléans en cas que Mme la duchesse, [30] sa femme qui est grosse, en accouche d’un, et non point d’une fille [31] comme elle a fait jusqu’à présent. [4] M. le duc d’Orléans se servira de ce revenu et le mangera aussi bien qu’il fait beaucoup d’autres, tandis qu’il souffre qu’un tyran mange la France. Enfin, le duc de Richelieu est retourné à sa femme et a protesté à M. le duc d’Orléans que jamais il ne consentirait à être démarié ; et ainsi le duc d’Orléans l’a laissé aller. C’est de quoi Mme d’Aiguillon enrage, disant qu’elle quittera tout, et qu’elle abandonnera le soin de ses autres neveux et de tout leur bien. Elle mérite bien cela et encore pis, qu’elle aura peut-être quelque jour s’il y a justice : son oncle, le cardinal de Richelieu, [32] a volé toute la France pour l’enrichir ; elle mériterait qu’on lui fît rendre gorge jusqu’au dernier denier[5] Nous avons ici nouvelle qu’il y a grand bruit à Bordeaux ; [33] que M. le maréchal de La Meilleraye [34] et le chevalier de La Valette, [35] avec leurs troupes, sont fort près de la ville et semblent la bloquer des deux côtés ; que M. de Bouillon est en Médoc où il a pris Castelnau ; et que MM. de Sauvebeuf [36] et de Sillery [37] sont allés en Espagne faire avancer le secours que l’on a promis à M. de Bouillon pour les princes. [6] Le roi devait ici arriver mardi dernier, 28e de juin, mais les officiers de la Maison qui étaient en chemin furent contremandés et révoqués dès le 27e ; les affaires de Picardie les ont sans doute retenus. On parle ici que le roi ira en Guyenne, mais quelle apparence que cela puisse être, tandis que l’ennemi est si puissant et le plus fort en Picardie ? Le marquis de Jarzé [38] a été arrêté prisonnier à Péronne [39] où il passait déguisé et chargé de lettres, il est en grand danger d’avoir la tête coupée. [7] Les Espagnols sont toujours devant Guise [40] que l’on croit qu’ils prendront bientôt, vu que nos troupes ne sont pas assez puissantes pour les en chasser ni leur faire lever le siège. [8] Il y a ici un conseiller député du parlement de Bordeaux, [41] nommé M. de Voisin, [42] qui a demandé audience au Parlement de Paris et qui lui a été promise. [9] De peur que ces nouveaux griefs ne causent quelque nouveau mouvement, le duc d’Orléans a fait revenir le roi, [43] lequel est ici arrivé le mercredi 29e de juin à neuf heures au soir, lorsque l’on n’y pensait guère et qu’on ne l’attendait plus, vu que deux jours auparavant, les officiers du roi qui étaient en chemin de revenir avaient été remandés ; si bien que la reine [44] et le Mazarin [45] sont ici, et toute la cour. On parle toujours du voyage de Bordeaux, combien que l’on ne le croie pas, et même que M. le garde des sceaux [46] ait averti Messieurs les maîtres des requêtes de se tenir prêts pour icelui. Il court ici un bruit que le chevalier de La Valette a défait quelques troupes à M. de Bouillon, [10] et que le parlement de Bordeaux, ému et presque obligé par la populace, a donné un arrêt d’union avec M. de Bouillon pour les princes. Vous nous manderez s’il vous plaît en quelle année est mort à Montpellier M. de Feynes, [47] quand vous l’aurez su. [11] L’Histoire de Bresse avance-t-elle, [48] quand est-ce qu’elle pourra être achevée ? [12] Comme M. Ravaud s’en va faire un grand et long voyage, dont je lui souhaite heureuse issue, il faudra dorénavant que nous ayons recours à M. Huguetan, [49] son associé et correspondant, afin qu’il nous fasse savoir de ses nouvelles. M. Ravaud, avant que partir d’ici, s’est chargé très volontiers d’un paquet que je vous envoie, dans lequel vous trouverez celui de M. Du Prat [50] pour mademoiselle votre femme, [51] celui que vous envoie M. Moreau [52] de quatre volumes, et le peu que je vous envoie de présent puisque le P. Caussin [53] n’est point achevé. [13] L’autre paquet, un peu plus gros que le vôtre, est pour M. Musnier, [54] médecin lorrain demeurant à Gênes, [55] qui m’a écrit trois fois depuis le carême. Il y a là-dedans un Riolan, [56] un commentaire de M. Martin [57] in Hippocrate, une École de Salerne [58] de M. Moreau, quelques-unes de nos thèses, [59] etc. [14] Je vous prie de le faire délivrer à M. Huguetan, et de le prier de ma part qu’il se souvienne de le faire empaqueter pour Gênes et être délivré à ce M. Musnier, selon la promesse que m’en a faite M. Ravaud. Pour votre paquet, vous trouverez le deuxième tome de la Géographie du P. Briet, [15][60] jésuite. Le troisième n’est point encore commencé d’imprimer, d’autant que la gravure des planches n’est point assez avancée. Si Dieu nous fait la grâce de la voir, je vous promets de vous l’envoyer alors et m’y oblige par la présente. L’auteur ne veut point que l’on en commence l’impression si les deux tiers des planches ne sont faites. La reine a envoyé une lettre de cachet [61] au Parlement, à la Chambre des comptes et à la Cour des aides [62] afin qu’ils l’aillent aujourd’hui trouver après midi, où elle leur fera entendre sa volonté. On dit qu’elle doit leur faire entendre sa volonté touchant Paris et comment elle s’en va à Bordeaux. Je crois qu’elle ira à Fontainebleau, [63] mais avant qu’elle parte de là pour aller plus loin, il pourra arriver autre chose qui les en empêchera : la paix se pourra faire ou les affaires s’accommoder, etc. On dit que M. le Prince [64] prétend sortir de prison le 26e de septembre prochain ; et se trouve en cette ville un homme qui veut gager contre tous venants que le prince de Condé sortira ce mois de juillet prochain. C’est que plusieurs s’attendent à quelque changement du côté du Mazarin. Pour moi, je ne m’y attends point, je pense qu’il vivra en dépit de tous les gens de bien, pour être le fléau de la France. Il n’en peut arriver que ce qui plaira à Dieu. Interea cura ut valeas[16] conservez-moi en vos bonnes grâces et tenez pour certain que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce vendredi 1er de juillet 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fo 97 ; Reveillé-Parise, no ccxxx (tome ii, pages 26‑28) ; Jestaz no 36 (tome i, pages 690‑693).

1.

V. note [6], lettre 83, pour Augustin Potier qui venait de mourir. Nicolas Choart de Buzenval (Paris 1611-Beauvais 1679), fils de la sœur d’Augustin, Madeleine Potier, avait été nommé son successeur le 11 mai 1650. D’abord magistrat, conseiller au Grand Conseil en 1631, ambassadeur du roi auprès du pape Urbain viii, puis maître des requêtes, il avait abandonné la carrière diplomatique et parlementaire au moment de la disgrâce de son oncle (1643) pour se consacrer dès lors à l’assister dans l’administration de son diocèse. Proche ami de Port-Royal, Buzenval devint l’un de ses plus ardents et fidèles défenseurs jusqu’à la « Paix de l’Église » (v. note [1], lettre 945) en 1668 (Dictionnaire de Port-Royal, pages 268‑270). En 1652, Choart fut nommé conservateur des bénéfices apostoliques de l’Université de Paris (v. note [16] des Affaires de l’Université en 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine).

Journal de la Fronde (volume i, fo 244 ro, 1 er juillet 1650) :

« L’évêque de Beauvais, premier aumônier de la reine, étant mort il y a dix jours, {a} M. de Buzenval, son neveu, lui a succédé dans son évêché dont il avait eu la résignation depuis peu, le brevet de la coadjutorerie ne se trouvant pas bien fait ; mais quant à la charge de premier aumônier, quoique M. le cardinal l’eût fait espérer à plusieurs prélats, entre autres à l’archevêque de Sens {b} et à l’évêque du Puy, {c} néanmoins il l’a fait donner au cardinal François Barberin, auquel il a envoyé les provisions à Rome pour lui servir de protection auprès du pape dans la persécution que souffre à présent la Maison barberine, dont ces prélats {d} se sont fort piqués. »


  1. Le 20 juin.

  2. Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, v. note [9], lettre 229.

  3. Henri Cauchon de Maupas du Tour.

  4. MM. de Sens et du Puy.

2.

V. note [13], lettre 212.

3.

Journal de la Fronde (volume i, fo 249 ro) :

« La semaine passée, {a} un médecin de M. le prince de Conti nommé Guénault fut trouver M. le duc d’Orléans pour lui dire que ce prince était en danger évident de sa vie si on ne le mettait promptement en liberté. Son Altesse Royale en ayant parlé à la reine et à M. le cardinal, l’on y envoya le sieur Vautier, premier médecin du roi, lequel en étant revenu dit qu’il n’y avait que les eaux de Bourbon qui le pussent sauver ; sur quoi on proposa à Mme la Princesse douairière que, si elle voulait faire remettre le château de Montrond entre les mains du roi, l’on permettrait au prince de Conti d’aller à Bourbon ; mais autrement, on ne pourrait pas lui permettre parce que Bourbon étant proche de Montrond, ce prince se pourrait y jeter, où sa présence pourrait fortifier ; à quoi cette princesse répondit que le marquis de Persan, qui s’est emparé depuis peu de cette place, ne reçoit aucun ordre d’elle et ne veut reconnaître que Mme la Princesse, sa belle-fille, à laquelle il fallait s’adresser pour cela ; mais depuis il a été résolu que la première saison de la prise des eaux de Bourbon étant passée, l’on attendrait la seconde, qui est au mois de septembre, auquel temps on promet à ce prince d’y aller ; mais on doute qu’il puisse vivre jusque-là. M. le Prince et M. de Longueville ont eu permission depuis quatre jours de se promener sur la terrasse du donjon de Vincennes, l’un après l’autre afin qu’ils n’aient point de communication ensemble, ce qui leur a été accordé sur les instances de Mme la douairière, laquelle ayant su qu’on avait donné avis à M. le duc d’Orléans qu’elle faisait des assemblées à Châtillon-sur-Loing, où elle est à présent, et prévoyant qu’à cause de cela on lui enverrait ordre de s’en aller ailleurs, a demandé permission à la reine de venir à l’abbaye de Ferrière, qui appartient à l’évêque de Chalons, située entre Nemours et Montargis, huit lieues en deçà de Châtillon, ce qui lui a été accordé. »


  1. La première semaine de juillet.

4.

Journal de la Fronde (volume i, fo 245 ro, Paris le 1er juillet 1650) :

« M. le prince de Conti a toujours son indisposition ordinaire, laquelle augmente si fort que les médecins n’espèrent pas qu’il puisse vivre encore deux mois. On assure qu’il a été résolu de donner après sa mort tous les bénéfices à M. le duc d’Anjou. » {a}


  1. Sic pour Valois. V. note [6], lettre 735, pour les trois filles aînées (nées en 1645, 1646 et 1648) de Gaston d’Orléans et Marguerite de Lorraine ; un prince, Jean-Gaston, duc de Valois, allait enfin naître (v. note [1], lettre 242).

5.

La dispute entre le duc de Richelieu et sa tante ne tarda pas à trouver du bois pour se rallumer :

Journal de la Fronde (volume i, fo 252 vo, juillet 1650) :

« Le 10, le duc de Richelieu reçut une lettre de cachet du roi portant ordre de partir dans trois jours pour aller commander l’armée navale ; à quoi il répondit qu’il était prêt d’y aller, mais qu’il suppliait Leurs Majestés de lui faire donner de l’argent. Toutefois, le lendemain il envoya à onze heures du soir chez Mme d’Aiguillon un notaire avec trois autres personnes pour la sommer de lui bailler cent mille livres sur son bien, attendu les ordres qu’il avait reçu de partir, et pour faire en cas de refus une protestation de ce qui en pourrait arriver ; néanmoins, on ne permit pas à ce notaire de parler à elle et ainsi il fut obligé de s’en retourner sans faire son acte ; et depuis, ce duc a présenté requête au Parlement pour contraindre Mme d’Aiguillon à lui bailler ces cent mille livres pour aller faire les dépenses qu’il faut pour l’armée navale. »

6.

Charles-Antoine de Ferrières, marquis de Sauvebeuf (vers 1597-1663) servait alors le parti des princes en Guyenne. Il rallia la cause royale en 1651, si bien qu’il fut fait lieutenant général et chevalier de l’Ordre du Saint-Esprit. Louis-Roger Bruslart, marquis de Sillery (1619-1691), fils de Pierre Bruslart (v. note [8], lettre 49), avait épousé en 1638 Marie-Catherine de La Rochefoucauld, sœur de François vi, ce qui le ralliait naturellement aux princes.

7.

Le remuant marquis de Jarzé (v. notes [3] et [4], lettre 190, et [16], lettre 209) avait été arrêté le 26 juin. Les lettres qu’il portait étaient destinées au maréchal de Turenne. On ne lui trancha pas la tête pour autant.

8.

Journal de la Fronde (volume i, fo 246 ro, 1 er juillet 1650) : après que Mazarin eut raccommodé la mésentente qui opposait les lieutenants généraux du roi (v. note [19], lettre 234),

« l’armée s’étant mise en campagne le 24 du passé, forte de 17 à 18 000 hommes, alla premièrement camper à Ribemont. {a} Aussitôt toutes les garnisons des places voisines l’allèrent joindre, en sorte qu’elle est maintenant de 22 000 hommes effectifs, savoir 13 000 fantassins et 9 000 chevaux avec 20 pièces de canon. Les ennemis, plus forts que nous de 2 000 hommes seulement, ouvrirent la tranchée devant Guise le soir du 23, et après y avoir dressé quatre batteries, commencèrent le lendemain à battre la place. Le 25, notre armée s’alla poster depuis Vadencourt jusqu’à Hannapes, {b} en sorte qu’elle n’est éloignée de l’armée ennemie que d’une portée de canon, n’y ayant que le ruisseau {c} entre eux. Le soir du même jour M. le cardinal arriva à Saint-Quentin, d’où il partit le lendemain pour aller au camp ; et y étant arrivé, il marcha à la vue des ennemis et se montra à la tête d’un escadron de cavalerie ; après quoi il alla au quartier du roi, qui est à Grougi {d} où il coucha trois nuits de suite, donnant les ordres en qualité de généralissime. La garnison de Guise est composée des régiments de Clermont et de Guise, et de ce qui reste de celui de Persan, outre un de Suisses et un de Polonais. Notre armée, n’ayant pas jugé à propos de forcer les lignes pour secourir la place, s’est contentée d’empêcher les convois aux ennemis qui ont grande disette de vivres, à cause de quoi leurs soldats se débandent en grand nombre. Ils ne battent plus la ville mais le château seulement, dont ayant pris le 28 la contrescarpe du fossé, ils en furent ensuite chassés par la garnison, laquelle ne saurait plus tenir que quatre ou cinq jours ; et l’on a commencé à croire que les ennemis la prendraient aussitôt qu’on a su que M. le cardinal avait quitté l’armée, parce que s’il y eût < eu > apparence de la pouvoir secourir, il en eût voulu avoir la gloire. » {e}


  1. À 17 kilomètres au sud-ouest de Guise.

  2. Le long de l’actuel canal de la Sambre à l’Oise, au nord-ouest de Guise.

  3. Le Noirieu, affluent de l’Oise.

  4. À 4 kilomètres au nord-ouest de Vadencourt.

  5. Les Espagnols n’en furent pas moins contraints de lever le siège de Guise (v. note [1], lettre 236).

9.

Joseph de Voisin avait succédé à son père, Jean-Guy de Voisin, comme conseiller au parlement de Bordeaux en 1643. Il avait été député dans la capitale pour demander l’union du Parlement de Paris avec celui de Guyenne et la condamnation des agissements d’Étienne Foullé dans le Limousin (v. note [50], lettre 222). Le 28 juin au matin, il se rendit auprès des Gens du roi pour demander l’assemblée des chambres.

Journal de la Fronde (volume i, fos 244 ro et vo, et 246 vo, 1 er juillet 1650) :

« Le courrier de Bordeaux qui arriva ici le 24 du passé est un conseiller de ce parlement-là nommé Voisin, lequel a été député pour venir faire instance à celui de Paris de demander, conjointement avec celui de Bordeaux, l’exécution de la déclaration du roi sur deux principales contraventions qu’il prétend y avoir été faites. La première est l’intendance de justice exercée en Limousin par M. Foullé {a} à qui ils demandent que le procès soit fait pour les désordres qu’il a fait commettre aux gens de guerre dans cette province, dont ce député a apporté les informations que le parlement de Bordeaux a fait faire, aussi bien que celles qui ont été faites contre M. d’Épernon des violences commises en Guyenne par son ordre depuis la paix. La seconde < est > que Messieurs les princes soient mis entre les mains de leurs juges naturels pour leur être fait le procès ; que cependant Leurs Majestés seront très humblement suppliées que Mme la Princesse puisse demeurer en sûreté à Bordeaux avec M. le duc d’Enghien et leur Maison. Ce nouveau député étant arrivé ici et M. le duc d’Orléans ayant su le sujet pour lequel il était venu, l’envoya prier de n’exposer point sa commission jusqu’après le retour du roi ; ce qu’il déclara ne pouvoir faire, ayant ordre précis de poursuivre incessamment l’exécution des ordres qu’il avait aussitôt qu’il serait arrivé ici ; mais quoiqu’il ait même refusé à Son Altesse Royale de l’aller trouver lorsqu’il l’avait mandé, néanmoins il ne laissa pas de lui donner contentement là-dessus, ne s’étant pas présenté le 27 au Parlement […]. Le lendemain 28, ce même député avait appris que Leurs Majestés avaient différé leur retour, qui devait être dès le 27, s’en alla au Palais et étant entré au parquet, y exposa sa commission ; mais y étant arrivé un peu trop tard, la Grand’Chambre le remit à aujourd’hui, et Messieurs des Enquêtes résolurent de s’assembler ce matin pour délibérer là-dessus. […]

Le matin, {b} le Parlement se devant assembler, M. de Saintot, maître des cérémonies, y a apporté une lettre de cachet du roi portant ordre au Parlement de venir trouver Sa Majesté après midi ; sur quoi chaque chambre a député deux conseillers pour y aller. Ceux qui sont députés pour examiner les contraventions de la déclaration du roi tirent cette affaire de long et l’on croit qu’ils le feront durer jusqu’aux vacations, ne pouvant donner satisfaction à ceux de Bordeaux à cause que leurs intérêts sont différents, ceux-ci n’ayant pas vérifié la déclaration donnée contre le duc de Bouillon, au lieu que le Parlement de Paris l’a vérifiée. » {c}


  1. V. note [50], lettre 222.

  2. Du 1er juillet.

  3. V. note [28], lettre 236, pour la comparution de Voisin devant les chambres assemblées le 6 juillet.

10.

Le chevalier de La Valette (v. note [91], lettre 166), frère du duc d’Épernon, commandait alors les troupes du roi en Guyenne.

Journal de la Fronde (volume i, fos 253 vo et 254 ro) :

« De Bordeaux, le 4 juillet. Le chevalier de La Valette a repris Castelnau de Médoc de la même façon que le duc de Bouillon l’avait pris. Il menace de venir prendre l’Isle-Saint-Georges, {a} mais elle est maintenant si bien gardée qu’on ne le craint pas. Il s’en va avec ses troupes à Cadillac aussi bien que M. d’Épernon, lequel s’est abouché avec le maréchal de La Meilleraye dans une de ses maisons nommée Verteuil, où ils ont eu une longue conférence, après laquelle ce maréchal est revenu dans son camp à Saint-André. On attend ici en impatience la réponse que le Parlement de Paris fera au nouveau député que notre parlement lui a envoyé, et cependant tout demeure ici en même état, c’est-à-dire en suspens. On a peine à croire que le roi vienne ici. On publie que Mme la Princesse a encore reçu cent mille livres que les Espagnols lui ont envoyées ; mais quant aux cinq cent mille livres qu’elle attendait d’eux, elles ne paraissent point encore, non plus que le marquis de La Force, duquel on ne peut pas dire qu’on soit encore assuré, quoiqu’il ramasse quantité de troupes. »


  1. V. note [47], lettre 240.

11.

Pour satisfaire la curiosité insistante de Guy Patin sur François Feynes, auteur d’une Medicina practica en cours de publication à Lyon (v. note [12], lettre 252), Charles Spon (qui en avait assuré l’édition) écrivit à son ami Siméon Courtaud, professeur de Montpellier. La réponse éruptive de Courtaud, datée du 30 septembre 1650 (ms BIU Santé no 2190, pages 176‑178), dut bien consterner Spon :

« Vous désirez savoir de moi quelque chose de la vie et mort de l’auteur que M. Ravaud a enfin imprimé. Jusque-là je suis tout à vous, mais je ne puis penser sans horreur ni au nom de l’auteur, ni à son ouvrage qui m’est si fatal ; et sa seule mémoire m’étonne, et non sans sujet, la misérable veuve de mon voleur me menaçant derechef de m’appeler en cause {a} pour cette impression à cause qu’elle a été faite sans sa permission, et me disant que j’en suis responsable, quoique j’en sois très bien déchargé et que je n’appréhende point. Je la verrai venir. C’est à M. Ravaud à se donner de garde, car elle l’attaquera. C’est une nécessiteuse à laquelle j’ai assisté après tant de tourment qu’elle m’a donné, car Dieu a maudit tout ce qu’ils ont eu de moi par violence. Si quelquefois je vous ai écrit quelque mot qui parle de l’impression de ce livre (ce que je ne crois point), je vous prie de mettre les lettres au feu. Le chicaneur ne demande que des apparences < de preuve > pour s’y fonder et soutenir. Dispensez-moi donc, je vous prie, et ne trouvez pas mauvais si je chasse de ma mémoire toute cette race malheureuse. Me Deus libera a manu Iudæorum in perniciem Christiani sanguinis anhelantium. {b} Je frémis tout quand je pense à cette engeance de vipères, laquelle trouble et rend déserte cette année toute cette Académie {c} avec résolution de la renverser s’il {d} ne peut venir à bout de tous ses desseins. Ne prenez donc la peine de m’envoyer aucun exemplaire de cet imprimé funeste, et je vous serai plus obligé que si vous feriez autrement. Je me ferais mal au cœur et ne saurais lire ce livre qu’avec douleur, le nom que je lui ai donné. J’ai assez de livres et nous n’en avons que trop. Laboramus ex plethora et cacochymia librorum. » {e}


  1. De me poursuivre.

  2. « Libère-moi, mon Dieu, des mains des juifs haletant à perdre le sang chrétien ».

  3. De Montpellier.

  4. Sic pour si elle.

  5. « Nous sommes affligés par la pléthore et la cacochymie de livres » (v. note [8], lettre 5).

Je n’ai pas su éclaircir cette querelle de privilège entre Courtaud et la veuve de Feynes.

12.

V. note [7], lettre 214, pour cet ouvrage de Samuel Guichenon (Lyon, 1650).

13.

V. note [50], lettre 176, pour les traités du P. Nicolas Caussin sur le Royaume et la Maison de Dieu.

14.

V. notes : [25], lettre 146, pour les Opera anatomica vetera… de Jean ii Riolan ; [10], lettre 211, pour l’ouvrage de Jean Martin « sur Hippocrate » ; et [4], lettre 12, pour la Schola Salernitana… de René Moreau.

15.

V. note [6], lettre 148.

16.

« En attendant, ayez soin de vous bien porter ».


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er juillet 1650

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(Consulté le 04/05/2024)

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