L. 240.  >
À Charles Spon,
le 16 août 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière vendredi 12e jour d’août par la voie de M. Falconet à qui j’écrivis un mot par occasion d’un de ses amis que j’avais ici rencontré. Et dès le lendemain, qui fut samedi, je reçus votre belle et agréable lettre datée du 9e d’août, de laquelle je vous remercie autant que d’un précieux joyau à cause de la joie qu’elle m’a causée par tant de bonnes choses que j’y ai apprises. Deux heures après que j’eus reçu votre dite lettre, je m’en allai moi-même au coche de Lyon où je reçus votre paquet, dont je vous remercie très affectueusement. Iampridem sum in ære tuo[1] Si je ne m’en acquitte, ce n’est point faute de bonne volonté ; j’en ai bonne envie, peut-être que Dieu m’en fera quelque jour la grâce. M. Guénault [2] m’a dit que Mme la Princesse la mère [3] se contentait fort de M. Le Gagneur, [4] mais que M. le Prince [5] haïssait Bourdelot [6] et que, trois jours avant que d’être prisonnier, il lui avait donné charge de lui chercher un médecin pour son fils, le duc d’Enghien, [2][7] à la place de Bourdelot qu’il voulait chasser. [3] M. Guénault parle du dit Bourdelot avec grand mépris et je ne doute point qu’il le haïsse fort ; aussi font tous ceux qui le connaissent, dans l’esprit desquels il passe pour un grand fourbe. Le voilà néanmoins aujourd’hui à Bordeaux [8] avec Mme la Princesse, [9] enveloppé dans une guerre dont l’issue est fort incertaine. Il est vrai que M. Guénault est fort hardi au fait de l’antimoine, [10] dans l’usage duquel il réussit aussi peu que pas un ; j’en ai trop de témoignages. Pour les autres remèdes, il est comme les autres, et omnia illius sunt mediocria ; [4] ce qu’il a d’excellent est une certaine prudence politique et courtisane, par le moyen de laquelle il est bien plus fin et rusé que la plupart de nos jeunes docteurs qui se sentent encore du maître ès arts[5] Mais il n’est point seul en cet ordre : MM. Riolan, [11] Merlet, [12] Allain, [13] Moreau, [14] Guillemeau [15] et autres lui donneraient de la tablature en cette matière, aussi bien que MM. Brayer, [16] Rainssant, [6][17] Piètre [18] (qui n’a plus tantôt que deux mois de son doyenné). [7] Pour le sieur Béda des Fougerais, [19] on ne le met point au rang des honnêtes gens : il est chimiste et empirique, [20] et fait ce qu’il peut pour gagner avec effronterie et impudence, sans assaisonner son fait de cette prudence commune à nos Messieurs de ci-dessus qui sont capables de lui faire leçon en toute sorte de bonnes choses ; il assure de guérir tout le monde, il fait rage de promettre de son côté et d’en savoir bien plus que tous les autres, que tel et tel ne savent que saigner et purger[21] mais que lui a de grands secrets, etc. ; sicque omnibus et singulis detrahendo, omnium odio dignus vivit[8] Quand il changea de religion [22] (en cas qu’il en ait quelqu’une), son père [23] même dit qu’il ne s’en étonnait point, qu’il l’avait reconnu impie, luxurieux et idolâtre de l’argent ; [9] et un ministre dit La quille nous a quittés, nous n’y avons rien perdu, les papistes n’y ont rien gagné, car c’est un fripon ; [10] et véritablement je tiens pour très vrai tout ce que ce ministre en a dit. Il a par ci-devant été grand donneur d’antimoine, mais il en a été si mauvais marchand qu’il s’en est retiré ; il ne laisse pas néanmoins de promettre merveilles à tous ceux qu’il rencontre disposés et capables d’être trompés par lui. Quæ quidem omnia de Elia Beda sunt verissima[11] je n’aime ni à mentir, ni à médire ; aussi n’est-ce point par principe de médisance que j’en parle, mais de pure vérité afin que vous le sachiez, et que vous connaissiez ce personnage qui est grand valet d’apothicaires et grand cajoleur de belles femmes, desquelles il a quelquefois été fort maltraité. Utinam sapiat in posterum[12] J’ai délivré à M. Ravaud [24] deux paquets assez médiocres, l’un pour vous et l’autre pour M. Musnier [25] de Gênes, [26] ce dernier est tant soit peu plus gros. Ils doivent être rendus à M. Huguetan [27] dans ses balles, et m’a assuré que l’on enverrait à Gênes celui de M. Musnier le mois de septembre prochain. Vous trouverez dans votre paquet celui de M. Du Prat, [28] un petit de M. Moreau, et de moi ce qui suit : le deuxième tome de la Géographie du P. Briet ; [29] une douzaine de thèses [30] de notre Faculté ; Definitiones philosophicæ, in‑24 ; [13][31] Epigrammata Naudæi, in‑8o ; [14][32] Oratio D. Du Hennot in funere Iac. Capreoli, in‑4o ; [15][33][34] Floretum philosophicum Ant. Le Roy (in cuius præfatione multa habentur de Francisco Rabelæso, quæ illi aucthori subministravit qua de causa mei sæpius meminit) ; [16][35][36][37][38] L’École de Salerne [39] en vers burlesques in‑4o ; Abrégé de la vie de Guillaume Cousinot, in‑4o ; [17][40][41] Traité de l’esprit de l’homme et ses fonctions par M. Chanet ; [42] Rolandi Maresii Epistolarum philologicarum liber 1, in‑12 ; [18][43] Gul. Harvæi Exercitatio Anatomica de Circulatione sanguinis, in‑12, ad Io. Riolanum[19][44][45][46] Et hæc pauca habui quæ tibi nunc mitterem[20] en attendant le P. Caussin [47] et tout ce qui pourra suivre. Prenez patience de ce que je vous envoie pour le présent, en attendant mieux s’il m’en vient quelque occasion.

On parle ici fort et avec appréhension de la grande armée de l’Archiduc[48] et du maréchal de Turenne. [49] Depuis la prise de La Capelle, [50] ils ont approché de plusieurs villes. On dit ici depuis hier qu’ils ont assiégé Saint-Quentin, [51] les autres disent Laon. [21][52] Quoi qu’il en soit, tout ce pauvre pays de Picardie est en un horrible désarroi par les désordres et la négligence du Mazarin. [53] Je vous remercie de la faveur que m’avez faite de me recommander aux bonnes grâces de M. Gras, [54] desquelles je fais grand état. Je suis ravi qu’il ait reçu ses livres d’Allemagne, dont je me souviens qu’il m’a parlé. Il y a entre autres un Alstedius [55] de la première impression que je serai ravi d’avoir, [22] à la charge d’autant et de le récompenser de deçà de tout ce que je pourrai. Dieu le veuille bien ramener d’Auvergne et nous donner de ses bonnes nouvelles. M. Ravaud m’avait dit tout ce que vous me mandez de Vittorio Siri ; [56] je ne doute point qu’il ne flatte beaucoup le Mazarin, mais il a beau faire, suum cuique decus rependet posteritas[23][57] comme dit quelque part Scaliger le père adversus Cardanum[58] Si le Mazarin se fait craindre aujourd’hui, il est assuré qu’un temps viendra qu’on ne le craindra plus et que l’on dira de lui, et de quelques autres tyranneaux qui sont près de lui, d’étranges vérités. Je vous avertis que j’ai une grande inclination pour Ovide, [59] aussi bien que vous, et que je loue fort l’éloge qui lui a été donné par un moderne qui l’a élégamment et véritablement appelé Compendium ingeniorum[24][60] C’était un honnête homme à mon gré et un bel esprit. J’aime fort à lire, à cause de lui, ce qu’un certain de Lingendes [61] a mis au-devant des Métamorphoses en français :

Ovide, c’est à tort que tu veux mettre Auguste
Au rang des immortels,
Ton exil nous apprend qu’il était trop injuste
Pour avoir des autels, etc.
 [25]

Le rencontre que vous avez fait de mon nom avec le sien ne me plaît pas : [26] plût à Dieu que je lui ressemblasse autant de l’esprit comme je fais de nom, car au lieu de Guido, quelques savants italiens disent Vidus, les autres Vidius ; et même M. le président de Thou [62] a dit Vidus Brassacus, Vidus Faber Pibracius[27][63][64][65][66] M. Paschal, [67] ambassadeur pour le roi aux Grisons, [68] qui a écrit la vie de M. le président de Pibrac, a toujours pareillement dit Vidus[28] Quoi qu’il en soit, c’était un bel esprit, les œuvres duquel je lirais volontiers s’il m’était permis. J’entends si j’en avais le temps, car pour la dispense du pape, j’en suis bien guéri, aussi bien que de toutes les autres fanfreluches romaines et papalines, quibus muliercularum detinentur et irretiuntur ingenia[29] Pour le surnom de Naso, il me pourrait convenir par la sympathie que j’ai avec les grands nez et la haine que je porte aux camus, qui sont presque tous puants et punais[30] Pour la victoire que je remportai sur le Gazetier[69] où son chien de nez fut si bien mouché, je vous dirai qu’il y a du rencontre, [31] vu qu’il y a justement aujourd’hui huit ans, la veille de l’Assomption de Notre Dame, le 14e d’août 1642, environ trois semaines ou un mois après que j’eus l’honneur de vous avoir vu et salué en cette ville, [70] qui fut le commencement de notre amitié, laquelle m’a été très fortunée et très heureuse, tam in materia quam in forma[32] Cette année me fut glorieuse et fort agréable multis nominibus : [33] 1. à cause d’un mariage qui se fit dès le commencement de l’année, dont j’ai été très content et qui m’a fort réussi, dans une grande et puissante famille de cette ville ; [34] 2. pour votre connaissance ; 3. pour mon procès [71] que je gagnai sur le Gazetier, laquelle victoire me donna de grandes connaissances et beaucoup de bons amis ; 4. parce que cet an même, je fus nommé et choisi, et mis dans le chapeau avec feu M. de La Vigne, [72] pour être doyen de notre Faculté, sors cecidit super Vignerum ; [35][73] 5. que le cardinal de Richelieu [74] mourut, qui était un grand tyran et un grand fourbe, lequel je haïssais autant que Néron [75] et que la peste même. Le procès du Gazetier me donna dès lors des connaissances qui m’ont bien servi depuis et me servent encore.

Pour la mort de ma belle-mère, [76] gardez-vous bien d’en pleurer, je vous en prie, elle ne l’a jamais mérité. C’était une bonne vieille femme fort avaricieuse qui ne craignait rien tant que la mort, laquelle néanmoins l’a prise à la fin en sa belle maison des champs, [77] après avoir bien dîné, adeo verum illud Martialis : [78] Nullo fata loco possis excludere, cum mors Venerit, in medio Tibure Sardinia est[36] Elle est allée devant, nous irons après. Omnia transibunt, nos ibimus, ibitis, ibunt, Ignari, gnari, conditione pari[37] Quand M. Merlet eût pris le même chemin, il n’y eût point eu grande perte, mais Sic erat in fatis[38][79] il faut prendre patience, quandoquidem sic placuit Superis[39] M. Moreau [80] est son grand consultant, [81] et à beaucoup d’autres, mais il est tout autrement plus utile à nous tous et à toute notre Faculté que toute cette vessaille merlétique et normannique. [40]

M. de Sorbière [82] est parti d’ici depuis quatre jours, il s’en va à Lyon et delà, à Orange. [83] Il vous verra à Lyon, il a sa femme [84] qui est une jeune Hollandaise de fort bonne grâce avec un petit enfant [85] qu’elle allaite. [41] Je vous prie quand vous le verrez de lui présenter mes très humbles recommandations, et de lui dire que j’ai grand regret que je n’aie eu le bonheur et le moyen de l’entretenir ici plus longtemps : depuis six mois, nequidem mihi licuit somno indulgere quantum opus erat[42]

M. Bochart [86] s’en est retourné à Caen [87] trois jours auparavant que M. Vossius [88] partît d’ici pour s’en retourner en Suède. Il est fort bon homme dans l’entretien et un des plus savants du monde dans la connaissance des langues orientales. Il ne m’a point parlé du deuxième tome du Phaleg, mais bien qu’à la semonce de la reine de Suède, [89] il travaillait à un livre de Animantibus sacræ Scripturæ[43] Je suis bien aise que soyez venu à bout du nez polypeux [90] du moine d’Ambourney, [44][91] il est bien heureux d’être tombé entre vos mains. Dans votre dernière, vous ne me parlez point du Feyneus[92] quand donc sera-t-il fait ? quand est-ce que nous le pouvons espérer ? avez-vous su de Montpellier en quel an il y mourut ? J’espère que vous m’en ferez part quand vous l’aurez appris, c’est une chose que je serai bien aise de savoir. [45]

Pour nouvelles de Bordeaux, je viens d’apprendre qu’ils ont pendu dans la ville un capitaine qu’ils avaient prisonnier, du régiment de Navailles, en revanche de ce que le maréchal de La Meilleraye [93] et le grand prévôt de l’Hôtel [94] avaient fait pendre le capitaine du château de Vayres ; [46][95][96] que le chevalier de La Valette [97] avait été blessé à l’attaque de l’Isle de Saint-Georges [98] et qu’il était mort de sa blessure ; [47] mais que néanmoins, le traité de la paix de Bordeaux s’avançait fort, qui sera une nouvelle dont j’aurai grande joie quand elle sera certaine. On dit aussi de la cour que M. le duc d’Anjou [99] a été un peu malade. Le Clergé qui est ici assemblé, [100] envoie des députés à la reine, [101] pour lui redemander la liberté du prince de Conti ; [48][102] que si elle ne le veut rendre, protestation de ne point donner un sol au roi, au lieu de quatre millions que l’on en voulait espérer pour les affaires du roi.

L’oraison que m’avez envoyée de M. Morus, de Calvino[103] est imparfaite de la feuille de g ; [49] et d’autant que le tout est double, faites-moi la faveur de me renvoyer une feuille entière pour les deux exemplaires et me mander aussi quel a été votre dessein de m’envoyer double ce dernier présent votre : savoir si vous ne l’avez pas destiné à quelqu’un que vous avez peut-être oublié d’exprimer en votre lettre. Tout ce qu’on dit ici de Bordeaux est fort incertain, nous en attendons demain de certaines nouvelles par le courrier ordinaire ; puissent-elles être fort bonnes pour eux et pour tous ceux qui défendent leur liberté contre la tyrannie. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce mardi 16e d’août 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fos 106‑107, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Du Four (édition princeps, 1683), no xxv (pages 86‑91), et Bulderen, no xlii (tome i, pages 121‑122), très raccourcie ; Reveillé-Parise, no ccxxxiv (tome ii, pages 39‑42) ; Jestaz no 40 (tome i, pages 711‑718). Note de Charles Spon, en regard de l’adresse : « 1650/ Paris 16 août/ Lyon 23 dud./ Rispost./ Adi 16 septemb./ Item 4 octob. »

1.

« Voici longtemps que je suis en dette envers vous [v. note [1], lettre 79]. »

2.

Lui désigne Étienne Le Gagneur (v. note [1], lettre 94), médecin du prince de Conti. Son maître étant emprisonné, il servait alors sa mère, la princesse douairière de Condé.

3.

Dans ses Mémoires (tome i, pages 112‑113), Pierre Lenet, compagnon d’enfance et homme de confiance de M. le Prince, a pourtant dit grand bien de l’abbé Bourdelot :

« Bourdelot, médecin du prince de Condé et de toute sa Maison, homme de beaucoup d’esprit et de grande considération, était celui, de tout ce qu’il y avait d’hommes à Chantilly, qui avait les sentiments plus fermes et les desseins plus relevés. Il avait écrit au cardinal Antoine Barberin, qu’il avait connu particulièrement à Rome et depuis, en France, vers qui il s’était acquis beaucoup d’estime et de liberté, pour essayer, par ses lettres, de le porter à faire son possible auprès du pape, ennemi du cardinal, {a} pour faire entreprendre à Sa Saineté de demander la liberté des princes à Leurs Majestés. Il maintenait des correspondances avec les amis que sa profession et ses belles-lettres lui avaient acquis à Paris et en divers endroits dedans et dehors le royaume, pour savoir et faire savoir les nouvelles qu’il importait de débiter. Il me parla avec plus de liberté qu’aucun autre et me communiquait avec franchise tout ce qui lui venait dans l’esprit. »


  1. Mazarin.

4.

« et tous les siens sont de médiocre qualité. »

5.

« Se sentir encore du maître ès arts » était ici avoir encore la fraîcheur et la naïveté, un peu niaises, du jeune philiatre (étudiant en médecine) sans expérience des ruses du métier.

6.

Sébastien Rainssant (Châlons-en-Champagne vers 1599-Paris 5 février 1665) avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en janvier 1629 (Baron). Guy Patin a beaucoup parlé de lui comme d’un fervent et fidèle adepte du parti antimonial, et l’a poursuivi de ses sarcasmes. Les thèses qu’il a présidées sont tout ce qu’on a de lui ; leurs titres n’attestent en rien de son adhésion au parti des chimistes :

Nicolas Rainssant, fils de Sébastien, fut reçu docteur régent en 1663 (v. note [3], lettre 947).

7.

Guy Patin semblait épier la fin du décanat de Jean Piètre en novembre 1650 : sans doute était-il déjà assuré d’avoir son nom sur un des trois billets qu’on allait mettre dans le chapeau pour tirer son successeur au sort.

8.

« et ainsi, digne de haine universelle, il vit à l’écart de tout le monde. »

9.

Élie Béda (v. note [27], lettre 155), avant de s’attacher le titre de sieur des Fougerais, avait voulu être dit sieur de La Gourmandière (v. note [3] des Décrets et assemblées dans les Commentaires de la Faculté en 1651-1652). Il était le fils aîné de Jean Bedé de La Gourmandière ou Gormandière (1563-1648), avocat protestant au Parlement de Paris, originaire d’Anjou, qui a laissé des écrits sur les questions religieuses et politiques.

Guy Patin a signalé la conversion de Béda au catholicisme en avril 1648, ce qui aurait donné motif à son père de commenter l’événement. Élie aurait donc changé son nom de famille de Bedé en Béda, avant d’y mettre une rallonge.

10.

Le mot « quille », bien lisible dans le manuscrit, est de sens incertain : il me semble qu’il s’agit de la quille du jeu de même nom, qu’on chasse avec la boule quand on réussit son coup.

11.

« Tout ce que je dis d’Élie Béda est du moins parfaitement vrai ».

12.

« Dieu fasse que dorénavant il s’assagisse. »

13.

Definitiones et Divisiones philosophicæ quarum est frequentior in scholis usus [Définitions et Divisions philosophiques qu’on utilise le plus fréquemment dans les écoles] de Jean Thierry, docteur en théologie et professeur de philosophie, (Paris, Gaspard Meturas, 1650, in‑18, ouvrage déjà publié à Lyon en 1648). V. note [6], lettre 148, pour la Géographie du P. Philippe Briet.

14.

Gabrielis Naudæi Parisini Epigrammatum libri duo [Deux livres d’épigrammes de Gabriel Naudé, natif de Paris] (Paris, Sébastien Cramoisy, 1650, in‑8o).

15.

Oratio habita in funere viri clariss. Iacobi Capreoli, baccalaurei theologi, gymnasiarchæ Collegii Harcuriani, syndici Universitatis, et philosophiæ professoris regii. Nonis februarii 1650. In aula Harcuriana. A Christophoro Dehennotio professore Harcuriano.

[Oraison prononcée pour les funérailles du très illustre M. Jacobus Capreolus, {a} bachelier en théologie, principal du Collège d’Harcourt, syndic {b} de l’Université et professeur royal de philosophie. Le 5 février 1650, en la grande salle d’Harcourt, par Cristophorus Dehennotius, {c} professeur à Harcourt]. {d}


  1. Jacques Du Chevreul, v. note [6], lettre 211.

  2. Procureur fiscal, v. note [27] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine (1650-1651).

  3. Christophe de ou Du Hennot, docteur de Sorbonne, n’est connu pour ses panégyriques et discours funéraires prononcés au nom de l’Université de Paris.

  4. Paris, J. Jacquin, 1650, in‑4o de 36 pages.

16.

Floretum philosophicum seu Ludus Meudonianus in terminos totius philosophiæ. Autore Antonio Le Roy Presbytero, Cenomanensi I.V. Licent. Opus elucubratum Meudonii in Musæo clariss. Fr. Rabelæsi, ibidem aliquando Rectoris, Doctoris Medici et Scriptoris Notissimi. Præmissis diversis Meudonii Elogiis et amplissima eiusdem Rabelæsi Commendatione.

[Parterre fleuri philosophique, ou le Jeu meudonnais sur les limites de toute la philosophie. Par Antoine Le Roy, prêtre, licencié en droit natif du Mans. {a} Œuvre travaillée avec soin à Meudon dans le cabinet du très illustre Fr. Rabelais, là même où il fut jadis curé, {b} docteur en médecine et écrivain très connu. Avec au début divers éloges de Meudon et une très ample recommandation du même Rabelais]. {c}


  1. Natif de La Ferté-Bernard (date inconnue), Antoine Le Roy fut chanoine du Mans puis régent de philosophie au collège d’Harcourt ; « c’était un ardent admirateur de Rabelais dont il a fait l’apologie dans ce curieux ouvrage » (G.D.U. xixe s.).

  2. V. note [3], lettre 619.

  3. Paris, I. Dedin, 1649, in‑4o de 271 pages.

    Le Floretum forme le corps de l’ouvrage : c’est un lexique du vocabulaire philosophique allant du pronom A au mot Zona (zones de la Terre et du Ciel), mais sans références explicites à Rabelais. Les copieuses pièces liminaires (v. infra) pourront plus intéresser ceux qui s’intéressent à la vie de Rabelais et à sa légende.


Guy Patin a mal ficelé sa parenthèse sur ce livre :

« Sa préface contient bien des informations sur François Rabelais, qu’il a procurées à cet auteur, {a} c’est pourquoi je me la remémore très souvent. »


  1. Le Roy, écrivant sa préface à Meudon le 1er janvier 1649, n’a pu procurer aucune information à Rabelais (mort en 1553, v. note [9], lettre 17) : il faut remplacer illi Authori, « à cet auteur » par de illo Authore, « à propos de cet auteur ».

L’épître dédicatoire de Le Roy à Germain Piètre (procureur du duc d’Orléans et fils du médecin Nicolas Piètre, v. note [137], lettre 166) est suivie des 95 pages de l’Illustre Meudonium sub Clarissimo Francisco Rabelæso, Rectore, Doctore Medico, et Scriptore Notissimo [Illustre Meudon au temps du très brillant François Rabelais, curé, docteur en médecine et très célèbre écrivain]. Patin, qui s’en régalait, y est cité en trois endroits.

  1. Pages h [iv] vo‑i ro, sur la difficulté à se procurer les ouvrages de Rabelais : {a}

    Si mihi autem nunc adesset, quæ aliquando fuit apud Cenomanos ampla divesque Bibliotheca, nescio quid non de Rabelæso e meorum familiarium magistrorum consiliis atque concilio in medium proferrem. Sed quoniam in alieno velut peregrinus solo, nec non in rusticulo oppidulo, in quo quantumlibet illustri nulla librorum mihi subest facultas, nisi quos succisivis horis mutuos a clarissimis viris M. Guidone Patin et Iacobo Mantel, mihi perbenevolis Doctoribus Medicis, aliisque non ingratis amicis me Parisiis obtinuisse fateor : sed non, ut necesse fuisset, præ multitudine magnitudineque voluminum ab urbe transferendos, devorandos potius quam legendos, volutandos magis quam degustandos.

    [Si je me souviens maintenant de ce qu’a naguère été pour moi la vaste et riche bibliothèque du Mans, je ne sais pourquoi je n’exposerais pas publiquement ce que j’ai tiré des leçons et des avis de mes chers précepteurs à propos de Rabelais. Pourtant, vivant ailleurs comme un étranger, dans une petite ville de la campagne, {b} où, si connue qu’elle puisse être, je ne dispose d’aucun accès facile aux livres, j’avoue les avoir occasionnellement obtenus de Paris, par emprunt à MM. Guy Patin et Jacques Mentel, {c} très brillants docteurs en médecine qui ont été fort bien intentionnés à mon égard, ainsi qu’à d’autres bienveillants amis. Ce n’était pas pour le simple plaisir de les faire venir de la capitale, en dépit de la qualité et la quantité des volumes, mais pour les dévorer plutôt que les lire, pour m’y vautrer plutôt que les déguster].


    1. V. note [19] du Borboniana 9 manuscrit pour la rareté des éditions de Rabelais au milieu du xviie s.

    2. Meudon, v. note [23], lettre 166.

    3. V. note [6], lettre 14.

  2. Pages i ij ro‑vo, sur le lieu de la mort de Rabelais :

    M. Guido Patin, Bellovacus, Doctor Medicus Parisiensis, antiquitatum diligentissimus investigator, earumque reum, quæ aut in libris aut a natura videntur involutæ interpres ad miraculum scientissimus, mihi narravit se fideliter accepisse a Domino d’Espaisse, sanctissimi Consistorii Consiliario, et in Hollandiam Legato, qui et ipse a nobilissimo Viro, Parente suo, D. Præside Spessæo ita didicerat, nempe Rabelæsum Parisiis defunctum ac sepultum in communi Christianorum monumento ad D. Pauli templum, et ad radices arboris, quæ ibi paucis abhinc annis cernebatur,

    Relligione patrum multos servata per annos.

    Nulla autem alia corporis inhumati restant vestigia propter nova quædam claustra ibidem ædificata. Unde non ut Atheo, sed ut pio ac vero catholicæ et orthodoxæ fidei cultori supremus est sepulturæ redditus honos : sepulchrum vero honorificentissimum habet doctissimorum quorumlibet elogia : potuitque in suum ipse epitaphium usurpare Ennianum illud,

    Nemo me lachrymis decoret, nec funera fletu
    Faxit : cur ? volito vivus per ora virum.

    Meus autem ad M. Guidonis Patin narrationem facile assensus inclinat, quod nulla patrum memoria filiis relicta et quasi per manus tradita, apud cives nostros Meudonianos mortalis vitæ muniis Rabelæsus fuisse Meudonii defunctus divulgetur. A quibusdam mihi quoque narratum est eum e vivis decessisse in parœcia S. Agyli, vulgo S. Ay ad Magdunum super Ligerim, vulgo proche Meun sur Loire, apud Aurelianenses.

    [M. Guy Patin, natif du Beauvaisis, docteur en médecine de Paris, explorateur très diligent des antiquités, et interprète merveilleusement instruit des choses qui semblent enfouies dans les livres ou qui le sont par nature, m’a raconté avoir fidèlement appris de M. d’Espeisses, conseiller d’État et ambassadeur en Hollande, lequel l’avait lui-même su de son très noble père, M. le président d’Espeisses, {a} que Rabelais était mort à Paris et avait été enterré dans le cimetière public des chrétiens qui est auprès de l’église Saint-Paul, {b} au pied d’un arbre sur lequel on lisait encore voilà quelques années :

    Ayant observé pendant nombre d’années la religion des pères. {c}

    Il ne subsiste cependant aucun vestige de ce corps inhumé car un nouvel enclos a été depuis bâti à cet endroit. L’ultime honneur de la sépulture a donc été rendu à un pieux et sincère pratiquant de la foi catholique romaine, et non à un athée. La parfaite honorabilité de son tombeau vaut les épitaphes de tous les plus doctes personnages qu’on voudra, et il aurait pu se choisir ces vers d’Ennius :

    Nemo me lachrymis decoret, nec funera fletu
    Faxit : cur ? volito vivus per ora virum
    . {d}

    Je suis enclin à partager aisément ce récit de M. Guy Patin : aucun mémoire des ancêtres transmis à leurs descendants, comme de la main à la main, chez nos citoyens de Meudon, n’établit que Rabelais s’y est acquitté des devoirs imposés à tout mortel. Certains m’ont aussi raconté qu’il est décédé dans la paroisse de Saint-Ay, proche de Meung-sur-Loire, dans l’Orléanais]. {e}


    1. V. notes [15], lettre 41, pour Charles Faye seigneur d’Espeisses et [20] du Borboniana 2 manuscrit pour son père, Jean (1543-1590), président au mortier du Parlement de Paris.

    2. V. note [7], lettre 55, pour l’ancienne église Saint-Paul, dans le Marais. Les biographies modernes de Rabelais confirment ce lieu de sépulture.

    3. V. note [3], lettre 619, pour une citation de cette épitaphe par Patin en 1660.

    4. « Ne m’honorez pas de vos larmes, et que mes funérailles se fassent sans pleurs ! Et pourquoi donc ? Parce que je suis en vie, je vole sur les lèvres des hommes. »

      V. note [7], lettre 33, pour Quintus Ennius.

    5. Proches d’Orléans, Saint-Ay et Meung-sur-Loire (v. notule {c}, note [6] du Borboniana 7 manuscrit) sont deux petites villes de l’actuel département du Loiret, situées à six kilomètres l’une de l’autre.

  3. Page i iij vo, sur les portraits de Rabelais :

    Præterea, si imago animi vultus est indicesque oculi, ex sola depicta eius specie coniicere est, digna certe imperio, quantus fuerit Rabelæsus, non illa quidem ficta et commentitia quæ passim vulgo circumfertur, quamque vidi pluribus in locis, Meudonis in Horto D. Antonii Grandet ; Cenomanis apud Michaëlem Bugleau, Regium Tabellarium, mei amantissimum : Parisiis passim, quæ omnes Momi potius vel Mimi personam referunt, seu hominis ridiculi, quam Viri præcellentis ; sed quam vidi ad vivum depictam et commentitiæ oppositam apud D. Guidonem Patin, Doctorem medicum Parisiis, quem frequentissime nominare non erubiumus, qui cum sit absconditissimæ reconditissimæque rei literariæ studiosus, nec non in exquirendis comparandisque antiquitatis stemmatibus valde curiosus, suam quoque non dedignatur Bibliothecam studiosis curiosisque viris amplissimam patere, eosque suis iuvare colloquiis quam humanissime, unde et mihi absque ulla aliorum commendatione supplicanti et incognito maximam scribendi materiam impertivit. Vidi non absimilem apud D. Du Soul, Advocatum in Supremo Senatu, sed ridiculam gesticulationibus, quippe quæ seniorem refert vultum et canos absque rugis ullis, at vero caput opertum striato pileolo, et præ manibus crystallinum cyathum vino rubenti redundantem, quæque respondeat temulentiæ per Ronsardum descriptæ ; tenue profecto atque haud satis dignum in consanguinea domo monumentum. De cætero autem prioris, quæ est apud D. Patin, non dissimilis mihi videtur, si florentioris ætatis venustas, et gravitatis, ut ita dicam, decencia non abesset. Fuit itaque Rabelæsi forma et species et statura ad dignitatem apposita, facies venusta in qua nihil ineptum vitiosumque sit, nec severa nimium nec tristis, sed quæ gravitatem cum comitate contemperet ; nulla frontis ac supercilii contractio, oculi venusti, color suavis, nasi nulla prorsus reprehensio est, genæ leviter eminentes, satis bene capillatus et barba satis ampla rotundaque, referens colorem nucis avellanæ præmaturæ ; oris ea fuit venustas, atque suavitas, ut in illud mel suum Apes dixeris congessisse.

    [En outre, si le visage est l’image de l’esprit et les yeux, son reflet, voir son portrait, à condition que l’authenticité en soit certaine, suffit à deviner quel grand homme fut Rabelais ; sans bien sûr se fier à celui qui circule partout, inventé et mensonger, et que j’ai vu en maints endroits : à Meudon, dans le jardin de M. Antoine Grandet ; {a} au Mans, chez mon grand ami Michel Bugleau, notaire du roi ; ici et là à Paris ; mais tous le représentent sous les traits d’un Momus {b}, ou plutôt d’un pantomime, ou d’un être ridicule, que d’un éminent personnage. J’en ai pourtant vu un, peint sur le vif et criant de vérité, chez M. Guy Patin, docteur en médecine de Paris, que je n’ai pas rougi de citer si souvent, {c} tant il est fin connaisseur de la littérature la plus enfouie et la plus rare, mais aussi fort curieux de rechercher et collectionner les portraits anciens. Il ne dédaigne par non plus d’ouvrir sa très riche bibliothèque aux amateurs et aux curieux, et de les aider fort aimablement de ses conversations. Il m’a ainsi communiqué, sans me connaître et sans que je lui aie été recommandé par quiconque, une très abondante matière pour rédiger mon mémoire. J’ai vu un portrait assez semblable chez M. Du Soul, avocat à la Grand’Chambre, mais agité de gesticulations ridicules. On y voit certes le visage d’un homme âgé, aux cheveux blancs mais sans aucune ride ; il a la tête couverte d’un petit bonnet rayé et tient une coupe de cristal remplie de vin rouge, en référence à son goût pour la beuverie que Ronsard a dépeinte, {d} mémorial tout à fait chétif et bien peu digne dans le logis d’un apparenté. {e} Pour le reste, il ne m’a pas semblé différent du premier, que j’ai vu chez M. Patin, mais fort éloigné de la beauté de l’âge mûr et, dirais-je, du sérieux qui y convient. Sa figure, son aspect et sa prestance ont donc servi la dignité de Rabelais : beau visage sans rien de sot ni de vicieux, ni trop sévère ni trop triste, mais où le sérieux se mêlait à la gravité ; jolis yeux sans nul froncement des sourcils et du front ; teint agréable, nez sans aucun défaut, chevelure assez abondante, et barbe ronde et assez fournie, rappelant la couleur de la noisette non encore mûre ; beauté et douceur de la bouche telles que vous auriez dit que les abeilles y avaient déposé leur miel]. {f}


    1. Antoine Grandet, sieur de la Villette, prévôt et chanoine de l’église Saint-Nicolas-du Louvre, a été curé de Meudon.

    2. Dieu romain de la raillerie, v. note [37], lettre 301.

    3. Décrivant à André Falconet, dans sa lettre du 2 décembre 1650 (v. sa note [2]), la galerie de portraits qui décoraient son étude, Patin a dit de celui de Rabelais qu’on lui en avait autrefois offert 20 pistoles.

    4. Épitaphe de François Rabelais par Pierre de Ronsard, qui le décrit comme un insatiable biberon.

    5. La famille de l’avocat parisien Gabriel Du Soul était alliée à celle de Rabelais.

    6. Georges d’Albenas est auteur d’un opuscule de 74 pages, intitulé Les Portraits de Rabelais avec la reproduction par l’héliogravure des portraits de la Faculté de médecine de Montpellier, de Michel Lasne et de Sarrabat (Montpellier, Camille Coulet, 1880, in‑4o). Il y a transcrit et traduit {i} cette relation de Le Roy (pages 22‑25), avec cette conclusion :

      « Cette transcription du portrait de Rabelais, que Le Roy a vu dans le cabinet de Guy Patin et qu’il signale comme le plus fidèle de tous ceux qui sont à sa connaissance (et il en avait vu un grand nombre), correspond de tous points à celui qui se trouve à la Faculté de Montpellier ; {ii} on n’en saurait donner un signalement meilleur et plus exact. »

      1. Ma traduction est indépendante de celle d’Albenas, et en diverge passablement.

      2. Ce tableau daté de 1537 (reproduit en noir et blanc) est l’un des trois qui figurent dans le livre d’Albenas.

Catherine Ravier a dirigé mon cabinet quand je présidais la Commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (2012-2016). En juillet 2021, visitant le musée de La Devinière, à Seuilly (Indre-et-Loire), installé dans la maison natale de Rabelais, elle est tombée en arrêt devant un tableau de piteuse facture où figure Guy Patin : placé en arrière-plan, il est entouré de François Rabelais à sa droite et de Renée Descartes à sa gauche, tous trois caricaturés dans leurs poses les plus caractéristiques. La vignette de cette peinture la dit être une « huile sur bois du xixe s., copie d’après un tableau original du xviie s. (entre 1649 et 1672) », et ajoute : « Épistolier, admirateur de Rabelais et de Descartes, Patin se fait “ humblement ” représenter, flanqué des deux penseurs qui, pour lui, représentent la quintessence de l’esprit français. »

Le même mois, par bizarre coïncidence (peut-être liée à une configuration astrale particulière, favorable à ces trois messieurs…), Jean-François Vincent, le très vigilant directeur de notre édition, a été avisé de cette même image et m’en a communiqué une reproduction (référencée « Bibliothèque de Versailles no 140 »), qui figure sur la couverture d’une brochure publiée en 1653 par l’Association des amis de Rabelais et de la Devinière, pour le quatrième centenaire de la mort de « l’Auteur François ». Elle est accompagnée d’une notice (Type de Guy Patin, page 12), que chacun pourra lire, mais sans en apprendre beaucoup plus sur l’origine et l’authenticité du portrait.

De ces deux gloires tourangelles, Patin vénérait incontestablement Rabelais, mais méprisait Descartes (v. note [18], lettre 220). Quant au visage de Patin, le barbouilleur l’a repris de la gravure qui figure sur le frontispice de notre édition (dessinée par Antoine Masson en 1670). Le folklore muséologique réserve décidément de curieuses surprises : une si poussiéreuse croûte n’en méritait vraiment pas tant.

17.

V. note [5], lettre 203, pour L’École de Salerne en vers burlesques (Paris, 1650) par Louis Martin, probable pseudonyme de Guy Patin, qui citait ensuite un opuscule intitulé :

Abrégé de la Vie, et Actions plus mémorables de Messire Guillaume Cousinot, {a} Chevalier, Seigneur de Monstreuil, Chambellan et Conseiller du Grand Conseil des Rois Charles vii. et Louis xi. et un des Maîtres des Requêtes ordinaire de leur Hôtel, et Bailly de Rouen : créé chevalier au siège mis devant ladite ville de Rouen, par le Roi Charles vii. cinq fois Ambassadeur en Angleterre, Commissaire député pour faire le procès au Duc d’Alençon, et Cardinal de La Balue, {b} et employé en plusieurs autres grandes Affaires. Tiré presque mot pour mot des Histoires publiques, et extrait d’un livre non encore imprimé, intitulé Recherches sur la vie et actions plus mémorables de Messire Guillaume Cousinot, etc. {c}


  1. Né au début du xve s., mort en 1484.

  2. Le duc Jean ii d’Alençon (1409-1476) avait été condamné à mort en 1458 pour félonie, mais grâcié par le roi Charles vii. À la suite d’une nouvelle conspiration contre la Couronne, il fut condamné une seconde fois en 1474, et amnistié par Louis xi, son filleul.

    Jean de la Balue (1421-1491), évêque d’Évreux puis d’Angers, cardinal en 1467, conseiller de Louis xi, fut emprisonné par le roi, pour trahison, de 1468 à 1480, puis exilé en Italie.

  3. Sans lieu ni nom ni date, in‑4o de 16 pages, avec épître signée Cousinot (probablement Jacques ii Cousinot plutôt que son père Jacques i, respectivement morts en 1646 et 1645, v. note [26], lettre 7, adressée « À Messire Messire René du Guesclin, Chevalier, Seigneur de Beaucé, Auvers, et autres lieux, Conseiller du roi en ses Conseils, et en son Grand Conseil », neveu « au huitième degré à la mode de Bretagne » de Bertrand du Guesclin (mort en 1380) et gendre de Jacques ii Cousinot (v. note [15], lettre 334).

    L’ouvrage annoncé à la fin du titre n’a pas été imprimé.


18.

V. note [9], lettre 195, pour le Traité de l’esprit de l’homme et ses fonctions de Pierre Chanet (Paris, 1649).

Guy Patin m’a ensuite réservé une excellente surprise en citant le :

Rolandi Maresii Epistolarum philologicarum liber primus.

[Premier livre des Épitres philologiques de Roland Desmarets]. {a}


  1. Paris, Henricus le Gras, 1650, in‑12 de 163 pages, contenant 50 lettres. La préface est dédiée au marquis Jean-Baptiste de Richelieu (v. note [40], lettre 297).

Les épîtres x et xxxiv (non datées) de ce recueil sont adressées à Patin et ont enrichi notre édition (en août 2021) d’un correspondant et de deux lettres (lettres latines reçues 10 et 11). Elles avaient échappé à tous les précédents éditeurs des Lettres ; n’étant pas datées, je les ai chronologiquement placées à la suite de celle qui m’a permis de les exhumer, mais en ayant pour seule certitude qu’elles sont antérieures à 1650. V. note [15], lettre 372 pour le second livre des Epistolarum philologicarum de Desmarets (Paris, 1655), qui en ajouté une troisième (lettre latine reçue 12), antérieure à 1653.

19.

Réédition des Exercitationes duæ anatomicæ… [Deus Essais anatomiques…] de William Harvey contre Jean ii Riolan (Paris, 1650, v. note [1], lettre latine 45).

20.

« Et j’ai réuni ces quelques ouvrages que je vous enverrai dès maintenant ».

V. note [50], lettre 176, pour les traités De Regno Dei et De Domo Dei du P. Nicolas Caussin qui tardaient à paraître.

21.

Journal de la Fronde (volume i, fo 272 ro et vo, août 1650) :

« Le sieur de Roquépine, gouverneur de La Capelle, capitula le 3 du courant et rendit la place aux ennemis le 4, en étant sorti avec armes, bagages et deux pièces de canon, et escorté à Marle ; mais on assure que pour sauver 50 000 écus qu’il y avait amassés, il l’a rendue plus de huit jours plus tôt qu’il ne fallait, qu’il avait encore assez de vivres et munitions, et qu’il n’y avait ni brèche faite ni mine prête à jouer ; mais on ne croit pas qu’il en soit repris, étant sur le point de s’allier avec M. Le Tellier par le mariage que son fils a conclu avec la fille de M. Tilladet, beau-frère de celui-ci, outre qu’il se défend là-dessus, disant qu’il n’avait que 400 hommes qui ne suffisaient pas pour défendre la place. Après la reddition de laquelle, les ennemis ayant résolu d’aller attaquer quelques-unes de celles que nous tenons en Flandres, sur les pressantes instances que faisaient les villes d’Anvers, Lille et autres, le maréchal de Turenne déclara aux Espagnols que si l’on ne suivait les termes de son traité et si l’on n’entrait en France le plus avant qu’il se pourrait, afin d’obliger le Conseil à mettre les princes en liberté par les cris que la ville de Paris ferait sur cette approche, qu’il s’irait jeter dans Stenay où il ferait son accommodement et y porterait aussi le duc de Bouillon, son frère ; ce qui obligea les Espagnols à suivre son sentiment. Cependant, ce maréchal s’étant avancé à Marle pour y attaquer notre armée, dont une bonne partie avait déjà été mise dans les places pour les conserver, trouva que le maréchal du Plessis en avait déjà décampé et s’était venu poster avec cinq à six mille hommes à une lieue de Laon, que les ennemis avaient résolu d’attaquer, où il n’y a point de vivres que ceux que nos soldats y portent, après avoir eux-mêmes moissonné les blés d’alentour. Depuis, les ennemis ont leur principal quartier à Marle et quoiqu’ils menacent plusieurs de nos places, néanmoins jusqu’à présent, ils ne s’amusent à autre chose qu’à faire eux-mêmes cueillir les blés, lesquels ils mettent dans Le Catelet et La Capelle. »

22.

Encyclopædia universa (Lyon, 1649) de Johann-Heinrich Alsted (Alstedius), dont la première édition datait de 1620 (v. note [11], lettre 203).

23.

« la postérité paie à chacun l’honneur qui lui est dû » ; je n’ai pas trouvé ce latin dans Jules-César Scaliger, « contre Cardan » (Exotericæ exercitationes… [Essais publics…] v. note [5], lettre 9), mais il vient de Tacite (Annales, livre iv, chapitre xxxv, § 3, discours de Cremutius Cordus, accusé d’avoir traité Cassius de dernier des Romains ; v. note [7], lettre 369).

V. note [6], lettre 204, pour Vittorio Siri et son Mercurio [Mercure italien] qui tenait la chronique des affaires européennes.

24.

« le condensé des talents. » Ce jugement est de Jean Barclay (Euphormion, 2e partie, page 187) :

« Autrefois les poètes avaient bien de la peine à se retirer des compagnies pour pouvoir composer leurs œuvres en quelque lieu à l’écart. Ainsi firent Virgile, Horace, Tibulle, Properce et Ovide, que la Nature forma pour être l’abrégé de tous beaux esprits {a} qui s’employaient généreusement aux belles choses. »


  1. quem Natura omnium ingeniorum compendium fecit.

25.

Premiers vers de l’Élégie pour Ovide (et contre la tyrannie du prince, Auguste), longue de neuf pages, signée de Lingendes, {a} qu’on trouve notamment au début des :

Métamorphoses d’Ovide, traduites en prose française, et de nouveau soigneusement revues et corrigées, avec xv. Discours, contenant l’explication morale des Fables : Ensemble quelques Épîtres, traduites d’Ovide, et divers autres Traités, dont cette impression a été augmentée, le tout par N. Renouard. {b}


  1. Jean de Lingendes (Moulins 1585-1616), cousin de l’homonyme évêque de Macon (v. note [1], lettre 431).

  2. Lyon, Claude Rigaud et Claude Obert, 1628, in‑8o de 260 pages ; v. note [6], lettre 329, pour Nicolas Renouard, et la réédition de son Ovide français en 1651.

26.

Ovide avait pour nom complet Publius Ovidius Naso. Par Guide (italien), le prénom de Guy Patin, Guido en latin, s’apparente à Vidus, Vidius, Ovidius (Ovidus) ; pour Naso (de nasus, nez en latin), la suite est explicite.

V. note [3], lettre 530, pour l’avis critique d’Adien de Valois (v. note [42], lettre 336) sur le prénom latin de Patin.

27.

Ce sont les noms latins de deux hommes prénommés Guy dont Jacques-Auguste i de Thou a parlé dans les Historiæ sui temporis.

Vidus Brassacus est Guy Galard de Brassac (vers 1492-vers 1577), conseiller clerc puis président (1543) au parlement de Bordeaux, ami d’Étienne de La Boétie (v. note [33] du Grotiana 2) et de Jules-César Scaliger. Joseph Scaliger l’a aussi prénommé Vidus (Ép. Lat. livre i, lettre i, page 46) :

Nam et in amplissimo Senatu non pauci erant docti, ex quibus præcipuo amore dilexit Arnoldum Ferronum, et Vidum Brassacum Galardum, virum nobilissimum.

[La Grand’Chambre {a} ne manquait pourtant pas de savants hommes, parmi lesquels il {b} honorait d’une particulière affection Arnoul Le Ferron et Guy Galard de Brassac, homme de la plus haute noblesse].


  1. Du parlement de Bordeaux.

  2. Jules-César Scaliger, père de Joseph.

Vidus Faber Pibracius est Guy du Faur, seigneur de Pibrac (v. note [2], lettre 434).

28.

Situé dans les Alpes rhétiques, le pays ou République des Grisons était alors une fédération protestante, union de trois ligues (Ligue de la Maison-Dieu, Ligue Grise et Ligue des Dix-Juridictions), alliée mais indépendante des cantons suisses, auxquels elle ne s’est unie qu’en 1798. L’intérêt stratégique des Grisons était lié au fait qu’ils contrôlaient la vallée de la Valteline (v. note [7], lettre 29), dont la population était catholique.

Charles Paschal (ou Pascal, Carlo Pasquali, Carolus Paschalius ou Pasqualius, 1547-1625) était un Piémontais, natif de Coni (Cueno, v. note [16] du Borboniana 3 manuscrit). Né protestant, Paschalius fut éduqué à Genève et se convertit. Il se mit au service de la Couronne de France pour devenir conseiller, puis avocat général au parlement de Rouen, et enfin conseiller d’État. Il assura diverses missons diplomatiques pour le roi Henri iv. En 1603, il avait empêché le renouvellement de l’alliance entre les Grisons et la République de Venise. Il a laissé plusieurs ouvrages, dont :

29.

« dont on bride et flatte l’esprit des femmelettes. » Rome ayant inscrit les œuvres d’Ovide à l’Index librorum prohibitorum [Index des livres interdits] (v. notule {c}, note [30] du Naudæana 2), un catholique avait besoin d’une dispense du pape pour les lire.

30.

L’édition Bulderen (reproduite par Reveillé-Parise, qui a profondément altéré ce passage) a fait ici raconter à Guy Patin l’anecdote qu’on lit dans la Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs (Charles Patin et Jacob Spon) :

« Aussi me souviens-je qu’en sortant du Palais ce jour-là, {a} je l’abordai en lui disant : M. Renaudot, vous pouvez vous consoler car vous avez gagné en perdant ; Comment donc ? me répondit-il ; C’est, lui dis-je, que vous étiez camus, lorsque vous êtes entré ici, et que vous en sortez avec un pied de nez. » {b}


  1. V. note [3], lettre 90, pour la mémorable plaidoirie de Guy Patin contre Théophraste Renaudot, le 14 août 1642.

  2. « On dit qu’un homme a eu un pied de nez, quand il a été trompé dans ses espérances […], qu’il n’a pu venir à bout de quelque chose, qu’il a donné lieu à la raillerie » (Furetière). Plus géométriquement, il faut aussi voir dans pied le « pied du roi […] mesure contenant douze pouces, ou 144 lignes » (ibid.).

31.

Heureuse ou curieuse coïncidence.

32.

« tant pour le fond que pour la forme. »

Guy Patin confirmait ici, en la précisant (deuxième quinzaine de juillet 1642) la date de sa première rencontre avec Charles Spon (v. note [29], lettre 229).

33.

« à plus d’un titre ».

34.

Rien dans les lettres de Guy Patin n’aide à savoir quel mariage, scellé à Paris au début de 1642, il pouvait bien dire ici avoir été si heureux pour lui.

35.

« le sort en échut à [Michel i] de La Vigne » (v. note [2], lettre 73, pour l’élection décanale de 1642).

36.

« ce qui donne raison à ce vers de Martial [v. note [17], lettre 75] : “ Il n’y a pas de lieu sur terre où tu puisses échapper à ton destin ; quand la mort vient, la Sardaigne se trouve au beau milieu de Tibur. ” »

V. note [2], lettre 237, pour la mère de Catherine Janson, belle-mère de Guy Patin, morte en son logis de Cormeilles.

37.

« Toutes choses trépassent, nous passerons, vous passerez, ils passeront,/ Inconnus, célébrités, tous égaux de condition » (v. note [3], lettre 140). Tiré d’on ne sait où, les éditions Bulderen et Reveillé-Parise ont ajouté ici :

« Tâchons au moins d’y aller avec plus de tranquillité et de réputation, et que nos enfants nous reconnaissent pour de bons pères, en méritant auprès d’eux une véritable reconnaissance. »

38.

« Ainsi voulait le destin » (Ovide, Fastes, livre i, vers 481).

39.

« puisqu’ainsi en a-t-il plu aux dieux » (v. note [12], lettre 237).

40.

Vessaille, mot dérivé de vesse, se trouve dans Rabelais : « toute cette vessaille des déesses déguisées en belettes, fouines… » (Tiers livre, chapitre xii). On dirait aujourd’hui chiure ou chierie, en langage libre.

« Merlétique et normanique » est une locution néologique forgée sur le fait que Jean Merlet était normand (et fort méprisé de Guy Patin en 1650, mais ce jugement allait changer avec le temps et les alliances soudées par les querelles de la Faculté).

41.

Samuel Sorbière avait épousé Judith Renaud, fille de Daniel, Français natif, comme Sorbière, de Saint-Ambroix, dans les Cévennes, puis établi à La Haye. Judith y avait été baptisée le 22 mars 1620, puis reçue membre de l’Église le 7 avril 1635. Son mariage avec Sorbière fut célébré le 24 juin 1646 (Gustave Cohen, Écrivains français en Hollande dans la première moitié du xviie siècle (Paris, Édouard Champion, 1920, in‑8o, page 349).

Au moins un fils, prénommé Henri, naquit de cette union. C’était l’enfant que sa mère allaitait alors, car la lettre de Sorbière à son ami Abraham Du Prat, datée d’Orange (v. note [16], lettre 237) le 5 septembre 1651 (ms BnF latin 10532‑I, fo 154 vo), se termine par ces mots : Uxor et Henriculus te plurimum salutant [Ma femme et notre petit Henri vous envoient tous leurs saluts].

42.

« je n’ai certes pas eu la liberté, tant j’avais à faire, de me complaire dans l’oisiveté. »

43.

Semonce : « prière qu’on envoie faire à des parents et amis d’assister à une noce, à un enterrement. C’est un valet de crieur qui fait la semonce d’un enterrement. Un parent se charge de la semonce des noces. Ce mot vient du latin submonitio. On le disait autrefois de toutes sortes de convocations des personnes et des assemblées qui se faisaient à cri public, comme pour le ban et arrière-ban, pour les états et pour la comparution en justice » (Furetière).

V. note [34], lettre 237, pour le Phaleg de Samuel Bochart ; son grand ouvrage « sur les animaux de la Sainte Écriture » ne parut qu’en 1663 sous le titre de Hierozoïcon… (v. note [14], lettre 585).

44.

Ambourney-en-Bugey est l’autre nom d’Ambronay, dans l’Ain, à 5 kilomètres au nord d’Ambérieu-en-Bugey, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Lyon ; elle était le siège de l’abbaye bénédictine Notre-Dame d’Ambronay, fondée au viiie s., qui fut ruinée lors de la Révolution.

Furetière a donné une définition précise de ce qu’était un nez polypeux (ou simplement polype) :

« c’est une excrescence de chair qui vient dans les narines, qui nuit à la respiration et à la parole. Elle prend le plus souvent son origine des os cribleux. {a} Cette chair pend quelquefois jusque sur la lèvre, et croît aussi en derrière, bouchant le trou du palais, par où l’air et les excréments descendent du nez au détroit de la gorge, et quelquefois étrangle le malade. On la nomme ainsi, à cause de la ressemblance qu’elle a avec le pied du poulpe marin. » {b}


  1. Lame criblée de l’os ethmoïde formant le plafond des fosses nasales.

  2. On donne aujourd’hui le nom de polype à toutes les tumeurs charnues des muqueuses.

45.

V. notes [12], lettre 252, pour la Medicina practica de François Feynes, et [11], lettre 235, pour les vains efforts de Charles Spon auprès de Siméon Courtaud pour répondre aux interrogations de Guy Patin sur la date où mourut son auteur.

46.

Vayres (Gironde) se trouve sur la rive gauche de la Dordogne, en face de Libourne.

La cour y était arrivée le 1er août. Chemin faisant, le roi avait renforcé son armée et amenait 12 000 hommes, tandis qu’une flotte d’une demi-douzaine de vaisseaux venus de Dunkerque et La Rochelle, commandée par Duquesne, se dirigeait vers l’estuaire de la Garonne. Depuis la même date, le maréchal de La Meilleraye assiégeait sur ordre du roi le château de Vayres occupé par des frondeurs sous le commandement de Richon, gouverneur de la place. Après une première journée difficile où Richon lui avait tué trois ou quatre cents hommes, La Meilleraye avait obtenu une trêve pour retirer les morts et parlementer. L’émissaire de Richon se laissa corrompre et fit pénétrer les troupes royales dans Vayres, qui l’investirent alors promptement, capturant Michon avec promesse d’amnistie.

La reine fit venir Richon devant elle et le pria de reprendre son gouvernement (Journal de la Fronde, volume i, fo 274 ro et vo, de Bordeaux, le 8 août 1650) :

« mais un quart d’heure après, M. le cardinal et M. de Servien lui ayant représenté qu’il était important de le faire mourir pour donner exemple, elle s’en relâcha ; et ces Messieurs s’étant assemblés avec M. de La Meilleraye, ils le condamnèrent et il fut pendu, nonobstant le murmure de la plupart de leur armée. {a}

Le parlement ayant rompu son assemblée, deux conseillers furent appelés au conseil de guerre qui se tint là dessus chez M. le duc de Bouillon ; où il fut arrêté que pour venger la mort de Richon, un gentilhomme nommé Canolles, qui commandait le régiment du Petit Navailles et qui était ici prisonnier dans le Château du Hâ depuis la reprise de l’Isle-Saint-Georges, où il commandait, serait pendu ; ce qui fut exécuté le 6 sur la rivière à la place des Chartreux, où ce pauvre malheureux fut escorté par 7 ou 8 compagnies de bourgeois en bataille.

Depuis, toutes choses se préparent à une guerre la plus sanglante du monde. »


  1. Ainsi que la supplication de la grande Mademoiselle et les menaces de vengeance transmises par la princesse de Condé, qui tenait Bordeaux.

La Gazette a consacré son extraordinaire du 12 août 1650 (no 115, pages 1026‑1027) à La prise du château de Vayres, sur le chemin du roi vers Bordeaux par le maréchal de La Meilleraye, ensuite de laquelle prise, le gouverneur a été pendu pour avoir tenu contre l’armée royale, mais sur un ton fort différent :

« Ce maréchal, qui n’a plus les gouttes quand il faut prendre des places, sur l’avis qu’il avait reçu que 300 hommes, sous le commandement du sieur Richon, gardaient ce château pour le duc de Bouillon, afin de rendre le chemin de Bordeaux libre, résolut d’enlever cette place, bien qu’elle fût pourvue de bonnes fortifications. À cette fin, l’ayant investie le premier du courant avec l’armée du roi, la garnison, émue par le puissant respect de la royauté, au lieu de la forte résistance qu’elle eût faite en une autre occasion, faisant des cris continuels de Vive le roi, se jeta le lendemain mercredi aux pieds de ce maréchal, lui demandant la vie sauve ; à quoi il consentit, mais à condition qu’ils lui délivrassent leur gouverneur contre l’avis duquel ils s’étaient rendus ; ce qu’elle fit sans aucun délai. » {a}


  1. Sans un mot de plus sur la pendaison de Richon, seulement annoncée dans le titre.

47.

L’Isle-Saint-Georges se situe sur la rive gauche de la Garonne à une vingtaine de kilomètres en amont de Bordeaux. La place était tenue par les frondeurs depuis le 27 juin.

Journal de la Fronde (volume i, fo 274 vo) :

« L’on se défend toujours vigoureusement à l’Isle-Saint-Georges, où le sieur de Nort, capitaine au régiment d’Enghien, y ayant conduit du secours, fit une sortie sur les gens du chevalier de La Valette {a} dans le temps qu’ils attaquaient une barricade avancée, et les repoussa vivement après en avoir tué deux à trois cents ; sur quoi, ce chevalier les ayant ralliés et s’étant mis à la tête pour faire une seconde attaque, fut encore repoussé, et blessé à la cuisse et l’épaule si dangereusement qu’on le croit mort à Castres. » {b}


  1. V. note [91], lettre 166.

  2. La Valette mourut en effet, et la cour quitta Libourne pour Cadillac. La Meilleraye reprit l’Isle-Saint-Georges le 11 août.

48.

Journal de la Fronde (volume i, fo 272 ro, 12 août 1650) :

« Hier l’évêque de Vabres {a} proposa dans l’Assemblée du Clergé de songer aux moyens d’obtenir la liberté de M. le prince de Conti, disant qu’il était dans un pitoyable état à cause de son infirmité ; que l’Assemblée était obligée de travailler pour lui puisqu’il était du corps du Clergé ; sur quoi l’on délibéra et il fut arrêté qu’au retour de la cour, par la harangue qui serait faite au roi après que l’Assemblée serait finie, on ferait des remontrances au roi là-dessus. Cependant, il fut remarqué que les députés des provinces de Lyon, Sens, Vienne, Narbonne et Bourges furent d’avis de députer présentement en cour pour demander sa liberté, et que l’avis de ceux de Rouen fut caduc ou partagé à cause que l’évêque de Bayeux {b} opina à ne parler point du tout de cette affaire. »


  1. Isaac Habert (1598-1668) était évêque de Vabres (aujourd’hui Vabres-l’Abbaye dans l’Aveyron) depuis 1645.

  2. Édouard Molé (v. note [52], lettre 280).

49.

La lettre g est la signature (inscrite en bas des pages impaires [ou recto]) de la septième feuille (cahier) d’un volume. Comme celui d’Alexandre More « sur Calvin » est in‑4o (Genève, 1648, v. note [11], lettre 226), huit « lettres » étaient mal imprimées dans les deux exemplaires que Charles Spon avait envoyés à Guy Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 16 août 1650

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0240

(Consulté le 30/04/2024)

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