Séance du mercredi 5 avril 2017

L'ÉCHINOCOCCOSE HÉPATIQUE
14h30-17h00, Les Cordeliers
Modérateurs : Georges MANTION, Dominique A VUITTON (Besançon)

 

 

Introduction générale de la séance

FRANCO D, MARRE P, LE FLOC PRIGENT P, JOHANET H

 

Évolution des résultats de 1500 transplantations hépatiques effectués à la Chaire et à la Clinique de chirurgie générale, de transplantation et du foie de l’université de médecine de Varsovie

NYCKOWSKI P (Varsovie)

Résumé
La transplantation hépatique est une méthode bien reconnue dans le traitement opératoire des malades présentant une insuffisance hépatique en phase terminale ou des tumeurs sélectionnées du foie. Au cours des dernières années, nous avons pu remarquer des progrès considérables concernant presque tous les aspects de la transplantation. Le but de l’étude c’était d’analyser l’évolution des résultats à long terme après les transplantations hépatiques effectuées à la Chaire et à la Clinique de Chirurgie Générale, de Transplantation et du Foie de l’Université de Médecine de Varsovie.
Les données et la méthodologie. Les données de 1500 transplantations effectuées entre 1989 et 2014 étaient analysées de manière rétrospective. Les transplantations ont été divisées en 3 groupes : le Groupe 1 constitue les 500 premières transplantations, le Groupe 2 – les 500 suivantes et le Groupe 3 - ce sont les transplantations les plus récentes. La survie générale et celle du greffon à 5 ans ont été prises en considération pour évaluer les résultats à long terme du traitement opératoire.
Les résultats. Le nombre grandissant des transplantations effectuées dans notre Centre était lié à l’augmentation de l’âge des donneurs (p<0,001) et des receveurs (p<0,001), ainsi qu’à l’augmentation du pourcentage des donneurs mâles (p<0,001) et des transplantations effectuées grâce à la technique du piggyback (p<0,001), de même qu’à la baisse de MELD (p<0,001) chez les receveurs et de la transfusion intra-opératoire du sang (p=0,006) et du plasma (p<0,001). Nous avons pu observer une amélioration de survie générale de l’ordre de 71,6% dans le Groupe 1, dans le Groupe 2 – 74,5% de survie à 5 ans et dans le Groupe 3 – 85,0% de survie à 2,9 ans (p=0,008). L’augmentation du pourcentage de survie générale était surtout observée dans le groupe des receveurs primaires (p=0,004). L’amélioration des résultats se rapportant à la survie du greffon n’a pas atteint le niveau de la signification statistique (p=0,136).
Les conclusions. Les résultats à long terme des transplantations hépatiques effectuées à la Clinique de Chirurgie Générale, de Transplantation et du Foie sont comparables à ceux obtenus dans les plus grands centres internationaux de transplantation et s’améliorent constamment. Nous avons pu constater l’augmentation du pourcentage de survie générale et ceci malgré l’augmentation de l’âge des receveurs et le fait de se servir des organes des donneurs plus âgés.

 

Introduction thématique de la séance

MANTION G

 

Du kyste Hydatique à l'échinococcose kystique: impact de l'histoire dans la nomenclature.

MENEZES DA SILVA A (Lisbonne) Président du Collège de Chirurgie Générale de l’Ordre des Médecins Portugais ; past-president of the World Association of Echinococcosis ; Coordinateur du Group “CE Surgery” – WHO-Informal Working Group on Echinococcosis

Résumé
Dans le cycle d’Echinococcus granulosus, le tænia adulte vit dans l'intestin des hôtes définitifs, et la larve ("métacestode") qui se développe chez les hôtes intermédiaires, dans lequel les humains sont inclus. «Kyste hydatique» est la dénomination historiquement donnée à la forme larvaire, qu’il est préférable de nommer échinococcose kystique.
La terminologie anglaise de l’échinococcose et de certaines interventions chirurgicales qui lui sont dédiées comporte des désignations erronées, qui correspondent à de mauvaises traductions de descriptions, initialement en français, et/ou à des concepts incorrects.
Un kyste hydatique, définie par Dévé au début du siècle dernier, est composé de: 1) le parasite, ou «hydatide» (du grec ‘vésicule aqueuse’), remplie d’un liquide d’origine parasitaire et formée de la membrane germinative, interne, et de la cuticule, externe, et 2) l'adventice, périphérique qui résulte de la réaction de l'organe hôte. Partie intégrante du kyste, l’adventice est donc une couche «périparasitaire» ou «périhydatique», mais pas “pericystic”, comme le sous-entend le terme «pericystectomy» pour l'excision d'un kyste comportant l’ablation de l'adventice. Soutenu par les auteurs anglo-saxons, le terme "daughter cyst" est également incorrect: ce n’est pas le kyste qui produit des ‘filles’, mais la vésicule parasitaire... En effet, dans l’évolution d'un kyste, la vésiculation de certains protoscolices est une tentative de préserver l'espèce; ces vésicules ne comportent pas d’adventice; ce sont donc bien des ‘vésicules-filles’.
La terminologie n’est pas le seul héritage français dans le domaine des échinococcoses: techniques chirurgicales, classification échographique des kystes, ponction à visée thérapeutique (la ‘PAIR’), sont issues de la tradition médico-chirurgicale francophone.
Président du Collège de Chirurgie Générale de l’Ordre des Médecins Portugais ; past-president of the World Association of Echinococcosis ; Coordinateur du Group “CE Surgery” – WHO-Informal Working Group on Echinococcosis

 

L’imagerie de l’échinococcose alvéolaire, base de la décision thérapeutique

DELABROUSSE E, AZIZI A, RICHOU C, BRESSON HADNI S, VUITTON DA, MANTION G (chef de service de radiologie viscérale CHU de Besançon)

Résumé
L’imagerie possède aujourd’hui un rôle central et multiple pour le dépistage, le diagnostic, la caractérisation lésionnelle, le bilan d’extension, le bilan d’opérabilité, le suivi, le guidage des gestes interventionnels, et celui de l’analyse de l’activité parasitaire. L’échinococcose alvéolaire (EA) est un diagnostic de spécialiste pour lequel l’imagerie permet un diagnostic d’évocation tandis que la sérologie permet un diagnostic de présomption, le diagnostic de certitude reposant sur l’histologie. L’évocation du diagnostic en imagerie repose sur la recherche des éléments sémiologiques calqués sur l’aspect macroscopique de l’EA. Les aspects en imagerie sont variables selon les types de modalité. En échographie, il peut s’agir d’une forme infiltrante de type pseudo-néoplasique. Parfois, il peut exister une forme pseudo-kystique avec une plage de nécrose centrale dominante et parfois la lésion est principalement calcifiée. Au scanner, la forme infiltrante pseudo-néoplasique présente des caractéristiques assez évocatrices à type d’absence de rehaussement, de contours mal définis, et de macro et micro-calcifications multiples. Certaines formes jeunes ont un aspect plutôt nodulaire avec des éléments microkystiques évocateurs. La forme la plus fréquente est la forme mixte associant une infiltration tissulaire non rehaussée à de la nécrose et à des calcifications. Les formes séquellaires sont souvent massivement calcifiées. En IRM, tout repose sur la classification de Kodama qui propose 5 types lésionnels distincts. Sur le plan stratégique, l’échographie hépatique correspond à l’examen de dépistage tandis que le scanner permet le plus souvent un simple diagnostic d’évocation compte tenu de la découverte majoritairement fortuite des lésions d’EA. La caractérisation lésionnelle repose sur l’IRM et la classification de Kodama tandis que le bilan d’extension repose sur l’angioscanner thoraco-abdomino-pelvien et la classification PNM. L’activité parasitaire peut être appréhendée en imagerie par l’activité métabolique retrouvée au TEP-scanner à 3 heures. De manière intéressante l’absence de microkystes notée en IRM semble corrélée à l’absence d’activité métabolique au TEP-scanner. Si une chirurgie est envisagée, le bilan pré-chirurgical doit alors reposer sur l’écho-Doppler mais surtout sur l’angioscanner. Il est à noter un dernier rôle important de l’imagerie dans le guidage interventionnel des gestes de biopsie, de drainage ou de stenting vasculaire lorsque ceux-ci sont indiqués.

 

L’émergence des cas d’échinococcose alvéolaire chez les immunodéprimés au 21ème siècle

VUITTON DA, CHAUCHET A, DELABROUSSE E, RICHOU C, KOCH S, MILLON L, MANTION G, BRESSON HADNI S (Besançon)

Résumé
L’introduction de la transplantation hépatique pour le traitement des formes graves d’EA en 1986, en révélant les risques de dissémination métastatique et de récidive parasitaire sur le greffon hépatique, a objectivé l’influence de l’immunosuppression thérapeutique sur le développement de l’EA chez l’homme. Ces observations ont contribué à limiter l’indication d’allo-transplantation pour EA, et à développer des techniques alternatives, comme la résection ex-vivo. Réalisée à partir du Registre Français (FrancEchino), une étude systématique des cas d’EA chez les transplantés d’organe et les patients atteints de sida ou d’affections malignes et/ou inflammatoires chroniques traités pas immunosuppresseurs a confirmé l’augmentation significative de ce type de cas, rapportés en Europe depuis 2000. L’EA est généralement une découverte fortuite, à la faveur du bilan de la pathologie sous-jacente, et son diagnostic est souvent retardé et son traitement parfois erroné, du fait de la confusion avec cette pathologie, d’une sérologie parfois négative et du caractère trompeur de l’imagerie. Si l’EA est symptomatique, le caractère aigu des symptômes d’abcès hépatique est aussi source d’errance diagnostique. La stratégie thérapeutique de l’EA s’applique cependant à ce type de patients : résection hépatique complète des lésions si elle est possible et si la maladie sous-jacente le permet, et traitement à vie par albendazole chez les patients inopérables. Des études prospectives permettront de dire si la plus grande sensibilité apparente des lésions d’EA à l’albendazole et le plus grand nombre d’effets secondaires chez ces patients se confirme, et si la réactivation d’une infection ancienne est bien à l’origine de la pathologie actuelle.
Centre Collaborateur de l’OMS pour la Prévention et le Traitement des Echinococcoses Humaines, et Centre National de Référence pour les Echinococcoses ; CHRU de Besançon et Université Bourgogne Franche-Comté

 

Ecchinococcose Alvéolaire Hépatique (EAH) : de la chirurgie palliative à la transplantation –où en sommes nous ?

MANTION G, WEN H, VUITTON DA, VUITTON L, KOCH S Georges Mantion, Hao Wen, Dominique A Vuitton, Lucine Vuitton, Stéphane Koch, Carine Richou, Solange Bresson-Hadni,Eric Delabrousse et Michel Gillet (Besançon,Urumqi,Lausanne

Résumé
L’EAH est une parasitose évoluant comme un cancer qui infiltre et détruit les différentes structures envahies .La place de la chirurgie dans le traitement est directement liée au développement du parasite dans le foie, organe cible principal atteint dans 95% des cas. La classification PNM (1) permet de standardiser les indications : pour les lésions P1-P2 (atteinte hépatique parenchymateuse isolée) correspondant aux formes peu ou pas symptomatiques actuellement dépistées, une hépatectomie standard (mineure ou majeure) permet la guérison sans récidive au prix d’une morbi-mortalité réduite en fonction de l’expertise chirurgicale. Pour les lésionsP3-P4 (avec extension pédiculaire) +/- N(atteinte localement avancée :veine cave inférieure, diaphragme, surrénale…) souvent révélées par une complication ? Une hépatectomie plus étendue avec reconstruction +/- complexe (biliaire, portale, cave ou diaphragmatique) est nécessaire avec une morbi-mortalité plus élevée et un risque de récidive de 10 à 15 % à 10 ans.
Pour les lésions plus volumineuses symptomatiques ou compliquées, la transplantation hépatique offre une chance de guérison en l’absence de lésions à distance (M : poumons, cœur, cerveau). Cette indication concerne à l’heure actuelle moins de 5 % des cas. La contrainte du « score foie » peut rendre difficile l’accès à un greffon.
Une alternative, en dehors du donneur vivant, est la possibilité d’une autotransplantation hépatique facilitant la résection ex-vivo des lésions sur back table .Les 2 conditions de réussite de cette « hépatectomie extrême » décrite initialement par R Pichlmayr pour des cancers sont : un volume de parenchyme suffisant et les possibilités de revascularisation artérielle, portale et sushépatique. Le Professeur Hao Wen de Urumqi (RPC) nous a présenté son impressionnante série en février 2015 .Un des avantages de cette technique est l’absence de nécessité de traitement immuno-suppresseur dans le suivi.
Toutes ces interventions à visée curative s’adressent à environ 30à 40% des patients. Un traitement anti-parasitaire est indiqué en pré-opératoire et en post-opératoire pour 2 ans et en fonction de l’évolution des sérologies et du Pet-Scan .Les questions de la distance de la marge de sécurité (2cm à 1mm) et de l’intérêt d’un curage ganglionnaire restent débattues. Il est important de noter que le traitement radical de l’atteinte hépatique réalise la prophylaxie des autres localisations.
Dans les autres cas, les interventions palliatives telles que : laparotomie exploratrice,dérivation hépato-jéjunale,kysto-jéjunostomie…,ont été avantageusement remplacées par les approches mini-invasives endoscopiques ou radiologiques. Les résections partielles ou debulking ou résection du dôme saillant ou résection conditionnelle des Auteurs Russes gardent une place très limitée, après échec des procédures interventionnelles associées au traitement anti-parasitaire, avec le risque de fistule biliaire chronique de prise en charge complexe et invalidante.
En conclusion, toute lésion d’EAH, y compris dépistée, doit être traitée et suivie par une équipe pluridisciplinaire experte. Le traitement anti-parasitaire est recommandé dans tous les cas et la chirurgie est le seul traitement qui a fait la preuve de sa valeur curative à ce jour.

 

Traitements interventionnels per-endoscopiques des complications biliaires des échinococcoses

KOCH S, AMBREGNA S, RICHOU C, BRESSON HADNI S, DELABROUSSE E, VUITTON DA, MANTION G, VUITTON L (Gastroentérologie/Endoscopie digestive CHU de Besançon)

Résumé
Dans l’échinococcose alvéolaire (EA), la croissance parasitaire intra-hépatique et la fibrose sont responsables d’obstruction des voies biliaires. Les complications biliaires (cholestase chronique, ictérique ou non, angiocholites à l’origine de septicémies et de choc toxi-infectieux, cirrhose biliaire), si elles sont présentes au diagnostic, aggravent considérablement le pronostic, et si elles surviennent tardivement, représentent un tournant dans l’évolution de la maladie. Longtemps traitées par dérivation biliaire chirurgicale, ces complications ont fait l’objet de drainage percutané depuis 1984, et depuis 2000 d’interventions perendoscopiques (CPRE). Nous avons coordonné une enquête européenne sur les CPRE dans l’EA, sur la base d’un questionnaire en ligne adressé aux centres de référence de la maladie et aux spécialistes de l’endoscopie digestive. Cette enquête a permis d’analyser 129 CPRE réalisées dans 18 centres chez 35 patients, dont 85 avec pose de stents chez 30 patients, et de montrer la disparition des symptômes initiaux dans 95%, et la perméabilité à long terme des voies biliaires dans 73% des cas. Ces résultats indiquent qu’étant donné les caractéristiques particulières de l’EA (maladie ‘bénigne’ chronique, lésions proximales de l’arbre biliaire, communication fréquente avec des zones lésionnelles nécrotiques), cette technique endoscopique bien codifiée dans le cancer doit être adaptée dans l’EA : 1) un lavage intensif pour éliminer débris et calculs pigmentaires, associé à une antibiothérapie adaptée, est indispensable pour prévenir les angiocholites post-CPRE, fréquentes dans cette indication, et 2) la pose de plusieurs stents plastiques ‘side by side’ permet d’espacer les gestes interventionnels et d’assurer un calibrage à long terme de la sténose biliaire.