L. 91.  >
À Charles Spon,
le 17 août 1643

Monsieur, [a][1]

Le petit paquet qu’avez reçu ne mérite pas vos remerciements, je suis bien marri qu’il ne vaut mieux. Des Considérations sur la Sagesse de Charron[2] le vrai auteur, qui n’aime pas d’être connu, est M. P. Chanet, [3] médecin de La Rochelle. [4] J’ai eu le livre manuscrit entre les mains fort longtemps pour en avoir le privilège. Les imprimeurs, [5] au lieu de P. C., qui serait Pierre Chanet, ont failli en mettant P. G. Il est âgé d’environ 40 ans, il est fort savant, sanguin, mélancolique, [6][7] qui a fort voyagé. Il est fils d’un ministre de Marans, [8] qui est encore vivant. Il est de la religion de son père, qui médite autre chose. [1] Il est ici fort loué, on dit qu’il écrit presque aussi bien que Balzac. [9]

On a mis ici au jour deux petits livrets qui sont rares et précieux en leur sorte, dont l’un est la Rome ridicule du sieur de Saint-Amant, [2][10] et l’autre est Clarissimorum virorum Antonii et Vidi Loisellorum, patris ac filii, vitæ[3][11][12][13] Le cardinal de Richelieu [14] est étrangement sanglé dans ce petit livre. [4] L’un < des Loisel > était avocat au Parlement et l’autre était conseiller de la Grand’Chambre. On fait ici plusieurs harangues funèbres, mais tout cela est indigne de vous. Quand je vois ce galimatias si laudatif de diverses personnes mortes, je me souviens de ce beau passage de saint Augustin : [15] Cruciantur ubi sunt, laudantur ubi non sunt[5][16] Les livres qui furent faits l’an 1606 et l’an 1607 contre le pape Paul v [17] pour la défense des Vénitiens ont fait plus de tort à la papauté que les armes des Vénitiens n’eussent pu y faire, si notre grand roi Henri iv [18] ne s’en fût heureusement mêlé et n’en eût fait faire l’accord par son autorité. Voyez ce qu’en a dit Barclay [19] en son Euphormion, parte 2[6] Je ne puis attendre de nos imprimeurs rien de bon, sunt enim mera aucupia crumenarum, et impuri lucriones, solo reipublicæ litterariæ incommodo nati[7] Les bons Estienne, [20][21] Plantin, [22] Vincent [23] et Gryphe [24] sont morts : Vixque superest alius qui tantorum heroum semen suscitare dignus sit[8] Je vous prie de pardonner à ma liberté. Je vous baise très humblement les mains et après vous avoir derechef remercié de tous vos beaux présents, je vous prie de croire que je suis et serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 17e d’août 1643.

Le livre de M. de Launoy, [25] contre le P. Guesnay [26] et sa Marseillaise prétendue, [27] est imprimé. J’en ai céans pour vous, il ne se vend que depuis hier ; c’est un in‑8o, il est avec les deux autres qui vous sont dédiés. [9] On achève les Opuscules de M. de Baillou. [28] Dès qu’ils seront en état, j’y en joindrai un en blanc et vous l’enverrai par quelque voie sûre.

Ce 18e d’août 1643. [10]


a.

Triaire no xciii (pages 322‑324) ; Reveillé-Parise, no clxviii (tome i, pages 295‑296) ; Ms BnF no 9358, fo 88 pour le seul post‑scriptum.

1.

Marans (Charente-Maritime) est une ville du Pays d’Aunis, au milieu du Marais poitevin, à 20 kilomètres au nord-est de La Rochelle. C’était un port maritime sur une île que des digues, construites du temps de Henri iv, avaient rattachée au continent. V. note [2], lettre 86, pour Pierre Chanet et son livre sur la Sagesse de Charron. Il s’apprêtait à abjurer le protestantisme pour le catholicisme.

Guy Patin devait être un de Ceux dont Chanet parlait au début de son avis Aux lecteurs :

« Ceux à qui j’ai communiqué cet ouvrage m’en ont toujours promis de si petites louanges que je serai satisfait de les ouïr donner à tout autre. Aussi bien n’écris-je pas pour acquérir de la réputation ni pour me faire connaître, mais seulement pour donner à quelque autre la curiosité de bien étudier ces matières et les expliquer avec plus de soin qu’elles n’ont été jusqu’à présent. Ainsi, il ne faut point s’étonner si le peu d’honneur qu’on m’a fait espérer de ce livre ne m’a pas empêché de le faire imprimer. Et je l’eusse fait il y a plus de six ans {a} si mes amis me l’eussent voulu permettre, s’ils ne m’eussent dit que ceux qui ne me connaissaient pas m’accuseraient de vanité ou de malice ; que quelques-uns ne prendraient ceci que pour un attentat fait à la réputation de Charon ; que ceux mêmes qui me connaissaient trouveraient étrange qu’un homme de mon âge entreprît au sortir de l’École de dire son avis des sentiments d’un auteur qui est mort {b} plusieurs années devant que je fusse né et qui se peut vanter qu’en sortant de ce monde, il y a laissé beaucoup d’honnêtes gens qui sont admirateurs de ses écrits et partisans de sa doctrine. Cet avertissement supprima ce livre et en fit mourir pour quelque temps le dessein. Enfin, je me suis imaginé que, pourvu qu’on n’en connût point l’auteur, il pourrait plaire à quelques-uns et qu’il y avait trop de sortes d’esprits au monde pour n’y rencontrer pas des approbateurs. »


  1. Avant 1637.

  2. En 1603.

2.

Marc-Antoine Gérard, sieur de Saint-Amant (Rouen 1594-Paris 1660) est resté moins fameux pour ses poésies que pour ses débauches, sa goinfrerie et son ivrognerie. Membre de l’Académie française dès sa fondation (1635), il avait été dispensé du discours d’usage à condition qu’il écrirait la partie comique du Dictionnaire et l’enrichirait du vocabulaire grotesque, ce qu’il ne fit jamais. En 1637, il avait accompagné le comte d’Harcourt qui commandait la flotte envoyée contre l’Espagne et chanté en vers, tantôt sérieux, tantôt badins, les exploits de son protecteur. Il l’avait aussi suivi en Piémont, puis dans ses deux ambassades à Rome et à Londres. Plus tard, Saint-Amant se mit au service de la reine de Pologne, Marie de Gonzague, qui lui alloua une pension de 3 000 livres et le nomma gentilhomme de sa Maison. Lors des premiers troubles de la Fronde, il sentit sa verve satirique se réveiller et fit circuler ses Triolets sur les affaires de mon temps et une chanson satirique sur le prince de Condé. Le prince le fit bâtonner sur le Pont-Neuf par ses valets, et Saint-Amant se dépêcha de gagner Varsovie de peur d’accidents plus sérieux. Après une vie aux innombrables aventures, Saint-Amant mourut dans la misère (G.D.U. xixe s.).

Guy Patin citait ici l’une des meilleures de ses productions, La Rome ridicule, Caprice (sans lieu ni nom, ni date [1643], petit in‑fo de 54 pages), qui est un recueil de 101 dizains où le poète accable de sarcasmes orduriers tout ce qui se voit et se fait à Rome, « la chiasse des nations ». L’ouvrage fut condamné dès sa parution, et ne circula plus que sous le manteau. Patin en a plusieurs fois parlé de manière neutre, mais devait en priser certains vers, comme ce dizain lix :

« Que vois-je là dans ce carrosse ?
Quoi, moine, vous venez ici ?
Et quoi, vous saluez aussi
Ces chiennes qu’il faut que je rosse ?
Ha ! c’est trop, vous en abusez,
Nous sommes tout scandalisés
De vos œillades libertines.
Retirez-vous, pères en Dieu,
Ni les vêpres, ni les matines
Ne se chantent point en ce lieu ».

Le virulent scazon latin de Joseph Scaliger In Romam [Contre Rome] (v. note [24], lettre 207) conclut l’assaut.

3.

« Vies d’hommes très brillants, Antoine i et Guy Loisel, père et fils » (Paris, sans nom, 1643, petit in‑4o de 55 pages, sans nom d’auteur). La Vie de Guy (pages 12‑54) occupe la plus grande partie de l’opuscule.

4.

Il est amplement question de Richelieu dans la Vie de Guy Loisel, que Claude Joly écrivit dans l’année même qui suivit la mort du cardinal. Les phrases les plus cinglantes à son encontre du cardinal se lisent aux pages 20‑26 :

Ab Anno vero 1617, quo cum Patribus majoris, quam vocant, Cameræ, suo ordine consessum habere cœpit, in publicis negotiis rite tractandis, ac salubriter constituendis adeo prudentem, ac generosum ubique se præstitit, ut si quid inopinati, vel adversi contingeret, ad ipsum oculos plerique Collegæ converterent : ab eo præsertim tempore, quo Cardinalis Richelius, rerum clavum tenent, sub optimi Regis nomine atque auctoritate Senatum lacessere cœpit, eiusque vim ac robur paulatim adeo concussit, ut consiliis, quibus ille tandem occupavit universum Imperium, nusquam obsistere valuerit.

His igitur de causis Loisellus, qua flagrabat in Patriam, ac Senatum charitate, cum amicis calamitatem sæculi, et imminentem tempestatem frequenter deplorabat, et in Richelium non modo tanquam in hominem sceleratum, sed etiam qui pentis parum compos erat, paulo liberius quam tempora ferebant, invehebatur. Quid enim iniquius, aiebat, quam novis quotidie vectigalibus et exactionibus populum expilare ? Regis Matrem, cui omnia debebat, unicum quoque Fratrem non tantum ex aula, sed etiam e regno secretis artibus eiecisse ? Principes ac Magnates omnes invisos Regi facere ? Quoslibet absque ulla iudiciali formula perpetuis acrceribus includere ? Alios delectis et affectatis iudicibus condemnandos tradere ? Singulis Senatoribus, de rebus quæ proponerentur sententiæ dicendæ libertatem eripere, si quid mussitarent, interdicere, relegare, proscribere ? Quid autem insanius, quam hominem privatum Imperia perpetua meditari ? Unumquemque velle sibi cum tremore subiici ? Periculosa quæque, non prævisis eventibus aggredi ? Fastu plusquam regio vivere ? Dumque universa plebs egestate confecta tabesceret, in rebus non modo inutilibus, sed etiam Ecclesiastico viro prorsus indignis, veluti comædiis, atque convivis, impensas immoderatas facere ?

Eiusmodi multa Loisellus Richelio iam tum imputabat : et quamvis bellum Hispanicum, atque alia quæ sequentibus undecim annis confecta sunt, morte præventus non viderit, ea nihilominus omnia, qua fuit animi sagacitate, prædixit. Ex præcendentibus enim aiebat facile coniici posse, Richelium regnandi causa, nihil non moliturum, nec ideo dubitaturum pro viribus ubicumque bellum accendere, cunctos qui contra se niterentur quoquo modo opprimere, ipsi Regi, si quandoque obsisteret, Sceptrum eripere, omnia denique divina, humanaque iura confundere ; Richelium quippe, dum dominetur, ad omnia paratum esse. Quibus conficiendis, si dolis, si versutia, si fraudibus opus fuerit, vix ullum reperiri posse, qui norit audacius imponere, vafrius simulare, subtilius deique Circulatorem agere. Nimirum id ipsum erat, quod Clemens viii. Pontifex Maximus iam tum augurabatur cum de Richelio adhuc adolescente legitimam ætatem, ut citius Presbyter fieret, mentito, et postea, quo tenerioris conscientiæ videretur, veniam periurii postulante, venaculo sermone palam hæc verba pronunciavit Questo Giovane sara un gran Fourbo.

[…] Cæterum Loisellus a probis viris eo libentius audiebatur, quo magis absque privato ullo odio, vel livore, sed ex abundantia cordis optimi, publicisque malis afflicti loqui censebatur. Et id quidem verissimum erat. Cum enim bene velle Loisello Ricleius aliquando testatus esset, Loisellus contra bene velle Richelio, si salva Republica licuisset, et tenebatur, et vehementer optabat. Huius autem mutuæ benevolentiæ occasio sic contingerat. Vacaverat in familia Loiselli munus quoddam exiguum cuius diploma pendebat ab Alexandro Vindocino magno Franciæ Priore, qui tunc in Vincennarum castro detinebatur, et ad quem absque Richelii consensu nullus admittebatur. Quapropter Dux Bellogardius qui Loisello pro sororis filio munus istud ambienti suam operam pollicitus erat, a Richelio conveniendi Vindocini copiam postulavit. Richelius autem statim audito nomine Loiselli quem ad suas partes tragere valde cupiebat, negotium agendum ipse suscepit, et missis ad Vindocinum commendatitiis literis feliciter ac brevi confecit. Loisellus igitur, ut accepti absque ambitu beneficii quas debebat gratias ageret, Richelium convenit. Qua occasione Richelius eum tanta humanitate delinivit, quanta nec tum Principes excipiebat ; Se dolere inquiens munus, istud adeo modicum esse, verum in omnibus aliis rebus maioris momenti, ipsi quem plurimi faciebat, et cuius benevolentiam modis omnibus exoptabat, inservire paratum esse. Deinde discedenti, extra cubiculum ad superiores usque gradus comes fuit, et Equitem exinde, qui ipsum ad usque currum extra limen Palatii deduceret, accesivit.

[Ce fut vraiment à partir de l’an 1617, quand Loisel commença de siéger en son rang avec les conseillers de ce qu’on appelle la Grand’Chambre, qu’il se distingua à s’occuper des affaires publiques selon les formes et à en décider sainement, en s’y montrant si compétent et si généreux que si quelque chose d’inattendu ou de fâcheux survenait, alors la plupart de ses collègues tournaient les yeux vers lui. Ce fut surtout à ce moment que le cardinal Richelieu, détenant la clé des affaires, commença, au nom et sous l’autorité du roi très bon, de harceler le Parlement ; et il mit peu à peu sa force et sa puissance en branle, à tel point que les conseillers, sur qui il exerça un pouvoir absolu, n’eurent nulle part la capacité de résister.

Pour ces raisons, Loisel, par l’amour dont il était enflammé pour la patrie et pour le Parlement, déplorait fréquemment avec ses amis la calamité du siècle et le malheur qui menaçait ; et il s’emportait contre Richelieu un peu plus librement que l’époque ne le tolérait, le considérant non pas tant comme un scélérat que comme un homme pourvu de peu de discernement. Qu’y a-t-il en effet de plus injuste, disait-il, que voler chaque jour le peuple avec de nouvelles redevances et expulsions ? qu’avoir, par des tractations secrètes, chassé non seulement de la cour, mais aussi du royaume, et la mère et le frère du roi ? que rendre les princes et les grands invisibles au roi ? qu’emprisonner qui l’on veut sans aucun procès ? que traduire les autres qu’on veut condamner devant des juges qu’on a choisis et qu’on s’est attachés ? que d’ôter à tous les conseillers du Parlement la liberté de juger des affaires qui leur seraient soumises, et s’ils murmuraient, que de les suspendre, reléguer, proscrire ? que d’aborder chaque affaire périlleuse sans en avoir prévu les conséquences ? que de vivre dans un faste plus que royal ? que d’engager sans frein des dépenses en des affaires non seulement inutiles, mais encore parfaitement indignes d’un homme d’Église, comme des pièces de théâtre et des festins, quand dépérissait tout le petit peuple accablé de pauvreté ?

Loisel avait alors déjà beaucoup de griefs contre Richelieu ; et bien que la mort {a} l’ait empêché de voir la guerre espagnole {b} et les autres qui ont été déclarées pendant les onze années suivantes, sa pénétration d’esprit les avait toutes prédites. Il disait en effet qu’il était facile de deviner sur les signes avant-coureurs que Richelieu, dans son dessein de régner, mettant tout en œuvre et ne doutant pas de ses forces, enflammerait partout la guerre, ferait fléchir tous ceux qui lui résisteraient par quelque moyen que ce soit, ôterait le sceptre au roi lui-même si d’aventure il lui faisait obstacle, embrouillerait enfin tous les droits humains et divins ; car Richelieu était prêt à tout tant qu’il ne serait pas le maître absolu. Pour y parvenir, s’il y avait besoin de ruses, de fourberie, de crimes, il se peut difficilement imaginer quelqu’un qui ait su abuser avec plus d’audace, dissimuler avec plus d’adresse, enfin agir avec plus de finesse en “ joueur de gobelets ”. {c} Sans doute était-ce bien là ce que le souverain pontife Clément viii présageait déjà en Armand Jean de Richelieu quand, encore jeune homme, il avait menti sur son âge véritable pour être fait prêtre plus vite et avait ensuite demandé le pardon de son parjure pour être considéré avec plus de bienveillance ; le pape alors dit publiquement ces mots en italien, Questo Giovane sara un gran fourbo. {d}

[…] D’ailleurs les hommes intègres écoutaient d’autant plus volontiers Loisel qu’ils l’estimaient s’exprimer moins par haine ou par jalousie personnelle que par générosité d’un cœur très bon et affligé par les malheurs publics. Et certes cela était profondément vrai. Bien que Richelieu eût parfois témoigné lui vouloir du bien, Loisel persévéra et s’attacha avec ardeur à ne pas vouloir de bien à Richelieu aussi longtemps que la bonne conservation de la chose publique l’y incita. Il survint pourtant une occasion permettant à cette bienveillance mutuelle de s’exprimer : une petite charge était vacante pour quelque membre de la famille de Loisel, dont le brevet dépendait d’Alexandre de Vendôme, {e} grand prieur de France, qui était alors détenu dans le château de Vincennes et auprès de qui personne n’était admis sans la permission de Richelieu ; alors le duc de Bellegarde, {f} qui avait promis d’aider Loisel à solliciter cette charge pour le fils de sa sœur, demanda à Richelieu l’autorisation de rencontrer Vendôme ; Richelieu, à l’instant même où il entendit le nom de Loisel, qu’il désirait fort attirer dans son parti, se chargea lui-même d’arranger l’affaire, et la conclut rapidement et favorablement en envoyant des lettres de recommandation à Vincennes ; Loisel rendit donc visite à Richelieu pour le remercier, comme il le devait, du bénéfice qu’il avait reçu sans brigue ; en cette occasion, Richelieu le charma d’une affabilité aussi grande que s’il avait reçu un prince, lui disant que cette charge, si modeste fût-elle parmi toutes les autres affaires de plus grande importance, le préoccupait et qu’il était prêt à se mettre au service d’une personne qui avait tant fait et dont il désirait vivement obtenir la bienveillance par tous les moyens en son pouvoir ; puis quand Loisel prit congé, il accompagna depuis sa chambre jusqu’au haut des escaliers, puis un cavalier l’escorta jusqu’à la cour et à la porte du palais].


  1. En 1631.

  2. Déclarée en 1635.

  3. Traduction de circulator fournie dans la marge.

  4. « Ce Jean-là sera un grand fourbe. »

  5. V. note [46], lettre 219.

  6. Roger de Saint-Lary, gand écuyer de France, v. note [38] des Deux Vies latines de Jean Héroard.

5.

« On crucifie, quand ils sont là, ceux qu’on couvre de louanges quand ils n’y sont plus. »

On trouve aussi cette citation dans Voltaire, qui l’attribuait pareillement à saint Augustin, mais dont nul n’a trouvé la source dans ses ouvrages. Voltaire l’aurait-il empruntée à Guy Patin, qu’il ne prisait guère ? Il le décrivait en effet comme un « médecin, plus fameux par ses lettres médisantes que par sa médecine. Son recueil de lettres a été lu avec avidité parce qu’elles contiennent des nouvelles et des anecdotes que tout le monde aime, et des satires qu’on aime davantage. Il sert à faire voir combien les auteurs contemporains qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour sont des guides infidèles pour l’histoire. Ces nouvelles se trouvent souvent fausses ou défigurées par la malignité ; d’ailleurs, cette multitude de petits faits n’est guère précieuse qu’aux petits esprits » (Catalogue du Siècle de Louis xiv, v. les Avis critiques sur les Lettres).

Augustin (Tagaste 354-Hippone 430), évêque d’Hippone (l’actuelle ville de Bone en Algérie), saint, docteur et Père de l’Église catholique, eut une jeunesse païenne et brillante de rhéteur à Carthage, puis à Rome et à Milan. En 387, il se fit baptiser par saint Ambroise, rentra en Afrique pour s’y faire prêtre et être nommé évêque en 396. L’immense et durable influence d’Augustin sur la théologie chrétienne est centrée sur un précepte : Dieu est le destin de l’homme, perdu par le péché, sauvé par la grâce. La querelle des jansénistes sur le libre arbitre, qui agita le xviie s., a pris ses sources dans l’interprétation de saint Augustin (v. note [50], lettre 101).

6.

Allusion à l’intervention de la France pour apaiser, en 1607, la « guerre de l’interdit » qui opposait le pape Paul v à la république de Venise (v. note [6], lettre 25).

Dans la seconde partie de son Euphormion (publiée à Paris en 1607), Jean Barclay (v. note [20], lettre 80) consacre, sur le mode allégorique, un long passage à ce différend (pages 125‑133 de la réédition parue à Paris en 2000 chez Klincksieck). Venise y est nommée Marcia :

« Quand j’aperçus premièrement ses hautes tours dans la mer, bien loin de penser qu’il y eût une ville en cette place, je les prenais pour des navires de pierre ou pour quelque autre chose de plus admirable ».

L’hôte d’Euphormion lui explique par le menu tous les méfaits du pape (Gephyrius) :

« Ils {a} sont à l’heure que je parle meublés et vêtus si richement, ils ont une cour et une suite si pompeuse qu’ils sont contraints de rougir quand ils se souviennent avec combien de modestie les premiers géphyriens ont usé de ces choses. Pour celui qui tient le siège à présent, {b} encore qu’il soit d’une humeur fort douce, il s’est laissé gagner par des gens {c} qui ont jusqu’ici fait toujours leurs affaires aux dépens du repos de toutes les nations. Ils lui ont persuadé qu’il y allait de son honneur que les magistrats de cette ville ne prissent point connaissance de certaines affaires, qu’ils eussent les bras liés pour les autres, et que nul que lui n’eût pouvoir d’en connaître et de les punir. Comme ils s’y sont opposés, on nous a menacés d’une nue qui devait venir du côté de l’Occident et enfanter les foudres qu’il prétendait lancer sur nos têtes, de sorte que pour la détourner nous nous sommes jetés dans les bras de nos alliés. […] Protagon {d} se promet de nous accorder {e} et d’éteindre dès le commencement le feu d’une discorde si dangereuse, sans que l’honneur des uns et des autres y soit engagé. Nos seigneurs se moquent tacitement de la vaine arrogance de Liphippe. {f} Ils sont résolus de ne point guérir des plaies notables qu’ils ont reçues de Gephyrius que ce ne soit par les mains du sage Protagon. »


  1. Les papistes, surnommés géphyriens.

  2. Paul v.

  3. Les Espagnols.

  4. Le roi de France, Henri iv.

  5. Réconcilier.

  6. Philippe iii, roi d’Espagne.

7.

« ce ne sont en effet que chasseurs de bourses et infâmes vautours, uniquement nés pour porter préjudice à la république des lettres. »

Guy Patin s’inspirait partiellement de l’Exercitatio xxiii (page 46 ro) de Jules-César Scaliger contre Jérôme Cardan et les chimistes (Paris, 1557, v. note [5], lettre 9) :

Sunt enim noctuæ ad aucupia crumenarum, a quibus aurum, quod postea pollicentur aliis, sibi captent prius.

[Ce sont des chouettes qui chassent les bourses, dont ils s’accapareraient d’abord l’or qu’ils promettent ensuite à d’autres].

8.

« À peine en subsiste-t-il un autre par qui la race de si grands héros soit digne de lever à nouveau. »

Christophe Plantin, imprimeur flamand d’origine française (Saint-Avertin près de Tours 1514-Anvers 1589), installé à Anvers, avait pour marque une main tenant un compas ouvert avec l’exergue Labore et Constantia [Par le Travail et la Constance]. Il était beau-père de Franciscus Raphelengius (v. note [3], lettre d’Eberhard Vorst, datée du 7 février 1664), qu’il installa à Leyde.

Les Estienne furent une célèbre famille d’imprimeurs et de savants français, dont le chef, Henri i (1470-1520) fonda une imprimerie à Paris, et entreprit d’éditer et de composer des livres savants. Ses descendants continuèrent et développèrent son œuvre. Dans ses lettres, Guy Patin a évoqué deux des fils de Henri i, Robert i (v. note [7], lettre 659) et Charles (v. note [2], lettre 755), ainsi que Henri ii, le Grand Estienne (v. note [31], lettre 406), fils de Robert i. V. notule {a}, note [10] du Borboniana 8 manuscrit pour Robert ii Estienne, frère aîné de Henri ii, dont la veuve épousa Mamert Patisson.

V. notes [8], lettre 73, pour Sébastien Gryphe, et [8], lettre 901, pour Barthélemy Vincent, qui tous deux appartenaient à des dynasties d’imprimeurs lyonnais.

9.

Jean de Launoy (ou Launoi, Le Valdécie près de Coutances 1603-Paris 1678), licencié en théologie et docteur du Collège de Navarre en 1634, avait ensuite passé trois ans en Italie. De retour à Paris, il avait été ordonné prêtre en 1636 pour entamer son œuvre critique contre les saintes légendes. En 1643, celui qu’on surnommait le dénicheur de saints (au sens où il les expulsait littéralement de leurs niches) et qui fréquentait l’académie putéane des frères Dupuy (v. note [5], lettre 181), était nommé censeur royal pour les livres de théologie.

Launoy, homme libre et indépendant qui refusa tous les bénéfices qu’on lui offrit, mit un point d’honneur à rejeter la censure de la Sorbonne contre Antoine ii Arnauld, écrivant dans une lettre à un ami que « pour lui, il n’est pas de l’opinion de Jansenius, c’est-à-dire de saint Augustin, touchant la grâce [v. note [50], lettre 101], mais qu’il est prêt de signer que la censure est très irrégulière et détruit entièrement la liberté de la Faculté […] In hac fide vivam et moriar [Dans cette foi je vivrai et mourrai] ». Cela lui valut d’être radié de l’Université en 1656, comme une soixantaine d’autres docteurs en théologie, sans l’empêcher de poursuivre ses recherches souvent iconoclastes sur les conciles et sur le pape, dont il contestait l’infaillibilité (v. note [2], lettre 741), sur les saints et la Vierge Marie, combattant avec vigueur son assomption et son immaculée conception, ou sur l’histoire des sacrements (Dictionnaire de Port-Royal, page 601).

Bayle sur Jean de Launoy, pages 65‑66 :

« Il était difficile que ce docte théologien écrivît tant de volumes contre les maximes des flatteurs du pape, et contre les superstitions et les prétendues exemptions des moines, sans se faire beaucoup d’ennemis. Il éprouva sur ses vieux jours qu’il avait choqué un parti fort redoutable. On lui défendit de tenir des assemblées dans sa chambre, comme il faisait depuis longtemps un jour de chaque semaine, et on fit des affaires à son imprimeur. […] Il s’attira sur les bras tout l’Ordre de saint Dominique pour avoir attaqué bien librement la réputation de Thomas d’Aquin. […] Il ne trouva point d’antagoniste qui gardât moins de mesures avec lui que le P. Théophile Raynaud. Je ne veux point passer sous silence qu’il avait rayé de son calendrier sainte Catherine, vierge et martyre, et qu’il disait que sa vie était une fable ; et pour montrer qu’il n’y ajoutait aucune foi, tous les ans au jour de la fête de cette sainte il disait une messe de requiem. »

Ennemi de la bigoterie, Guy Patin prisait le scepticisme décapant de Launoy et a souvent parlé de ses ouvrages dans sa correspondance. Il faisait ici allusion à sa querelle homérique sur la sainte légende provençale de Madeleine. {a}

10.

Cette courte note orpheline forme le fo 88 du Ms BnF no 9357. Je ne lui ai pas trouvé de meilleure place qu’en post-scriptum de la lettre (seulement imprimée) qui précède.

V. note [5], lettre 89, pour les Opuscules de Guillaume de Baillou.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 17 août 1643

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(Consulté le 03/05/2024)

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