Séance du mercredi 30 mars 2016

LE BLOC OPÉRATOIRE DE DEMAIN : Séance commune avec la FONDATION de l’AVENIR
14h30-17h00, Les Cordeliers
Co-Présidence : Henri JUDET (ANC), Dominique LETOURNEAU (FDA) Modérateurs : Guy VALLANCIEN (ANC), Guy MAGALON (ANC et FDA) et Catherine LEVISAGE (FDA)

 

 

Introduction générale de la séance

JUDET H, MARRE P

 

Introduction thématique de la séance

VALLANCIEN G, MAGALON G, LEVISAGE C

 

Quelle modélisation pour quelles interventions ?

CINQUIN P, VOROS S, MOREAU GAUDRY A (Grenoble)

Résumé
Qu’est-ce que le Service Médical Rendu par un dispositif d’aide à la chirurgie ? La réponse à cette question peut-elle guider la conception de dispositifs permettant de réaliser un geste optimal ? Serait-il possible de détecter en temps réel l’écart entre un geste et les « bonnes pratiques chirurgicales » ?
Peut-on espérer ainsi réduire la courbe d’apprentissage de procédures chirurgicales complexes, voire apporter une aide en temps réel à un opérateur expert ?
Les réponses à ces questions impliquent toutes la capacité à modéliser les interventions chirurgicales.
Cette modélisation passe d’abord par la capture d’informations de haut niveau conceptuel sur le geste chirurgical lui-même : quels outils sont à l'oeuvre, à quelle distance des organes cibles ou à éviter sont-ils, sont-ils mobilisés selon une stratégie adéquate ? Nous montrerons que les méthodes d’analyse des
images de chirurgie endoscopique, complétée par les méta-données générées par les dispositifs de GMCAO (Gestes Médico-Chirurgicaux Assistés par Ordinateur), commencent à permettre de capturer de telles informations. Il devient donc possible de traiter toutes ces données, et de les représenter au moyen de méthodes dites « d’ontologie », pour concevoir des modèles d’interventions chirurgicales complexes. Ces modèles devraient permettre de définir de « bonnes pratiques chirurgicales », sur la base de l’observation systématique des interventions pratiquées. Le calcul, en temps réel ou différé, d’une « distance conceptuelle », entre le geste effectivement réalisé sur un patient particulier et ces bonnes pratiques, ouvrira la voie à la conception d’un véritable « compagnon numérique », capable de
contribuer à mieux garantir le meilleur niveau de qualité dans la pratique d’interventions chirurgicales complexes.

Commentateur : Dominique FRANCO (Paris)

NB Ces travaux ont été soutenus par un financement de l’État français géré par l’ANR dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (Labex CAMI), sous la référence
ANR-11-LABX-0004.

Philippe Cinquin1, 2, 3, Sandrine Voros1, 3, Alexandre Moreau-Gaudry1, 2, 3
Philippe.Cinquin@imag.fr 1
TIMC-IMAG, UMR5525 Université Grenoble Alpes - CNRS 2
CIC-IT, CIT803 Centre Hospitalier Université Grenoble Alpes – INSERM – UGA 3
Laboratoire d’Excellence CAMI

 

QUELS ROBOTS ET POUR QUOI FAIRE ? Avec quelles nouvelles technologies d’imagerie ?

PESSAUX P, SOLER L, MARESCAUX J (IHU de Strasbourg - IRCAD)

Résumé
La chirurgie robotique représente une des innovations technologiques marquante de ces 15 dernières années. Le terme robot est issu des langues slaves signifiant « esclave » ou « travailleur », initialement utilisé par l’écrivain tchécoslovaque Karel Čapek dans sa pièce de théâtre R. U. R. (Rossum's Universal Robots) en 1920. Alors que les « robots » de Karel Čapek étaient des humains organiques artificiels, le mot robot fut emprunté pour désigner des humains « mécaniques » : une machine capable de travailler de façon autonome avec une structure physique similaire à celle humaine. En fait, l’idée originelle de « Robot » peut être attribuée à Leonardo Da Vinci, artiste et innovateur italien, qui en premier avait décrit et construit un modèle de combattant en métal avec une apparence humaine.
La chirurgie robotique a exploité les champs ouverts par la chirurgie mini-invasive représentée par l’avènement de l’abord laparoscopie. La laparoscopie a des contraintes techniques (vision 2D, 5 degrés seulement de liberté, ergonomie précaire....Le concept de la robotique naît de la nécessité de outrepasser les contraintes techniques de la laparoscopie tout en conservant ses avantages permettant ainsi d’en augmenter les indications.
Le système chirurgical Da Vinci (Intuitive, Sunnyvale, California) permet au chirurgien de moduler l’amplitude de ses gestes avec une réduction de l’échelle des mouvements (de 1 pour 1, 1 pour 3, à 1 pour 5), fonctionnalité adaptée aux procédures les plus fines et précises. Le tremblement naturel de la main humaine est éliminé totalement par un système de « tremor filtering ». La vision du champ opératoire est obtenue par l’intégration de deux différents systèmes optiques assurant ainsi une vision tridimensionnelle et magnifiée par l’utilisation d’un « zoom ». Les instruments utiisés assurent les mêmes degrés de liberté que la main humaine c'est-à-dire 7 degrés de liberté. Les avantages techniques du système robotique ont permis la diffusion de l’abord mini-invasif à des interventions avec une complexité technique importante.
Des améliorations techniques et ergonomiques peuvent encore être apporté aux futurs robots chirurgicaux. Mais la chirurgie robotique est à ce jour qu’à ses rudiments et c’est le concept de la chirurgie robotique qu’il faut repenser. Il faut concevoir et imaginer le robot tel la puissance d’un ordinateur interposer entre le patient et le chirurgien permettant un flux d’information et d’analyse de donnée au cours du geste opératoire. Une des applications est la réalité augmentée qui est la synthèse en temps réel d’images issues directement du patient, capturées par la caméra lors d’une intervention mini-invasive et d’images virtuelles du même patient, reconstruites à partir de l’imagerie médicale. Cela permet de voir des structures cachées (vaisseaux, ganglions, etc.) en « transparence virtuelle » durant l’opération
La chirurgie a progressé de façon très significative avec le développement des approches mini-invasives et plus récemment robotiques. Elle conserve cependant des limites intrinsèques parmi lesquelles la connaissance et la vision de l’anatomie propre au patient restent des difficultés opératoires fortes. Des travaux ont ainsi montré que la découverte fortuite d’une variation anatomique en cours d’intervention était non seulement assez fréquente mais plus encore entrainait une augmentation de la morbidité. Le rêve pour un chirurgien serait d’avoir un don de vision en transparence des organes, lui permettant de découvrir avant l’opération les particularités anatomiques et pathologiques de son patient pour mieux définir l’acte, et durant l’opération de localiser ces variations pour atteindre plus rapidement les structures ciblées sans endommager les structures voisines. Ce rêve est aujourd’hui en passe de devenir une réalité par le biais des technologies découlant directement de l’application de l’imagerie médicale à la chirurgie qui devient alors hybride. Avant l’opération, une modélisation 3D fidèle et personnalisée du patient est extraite de l’imagerie Tomodensitométrique ou IRM. A partir de ce clone numérique, le chirurgien peut suivre l’évolution d’une pathologie ou définir et simuler sa stratégie thérapeutique optimale sans risque pour le patient. Durant l’intervention, une image médicale plus rapide est réalisée pour recaler précisément cette modélisation 3D sur la vidéo opératoire du patient, le rendant ainsi virtuellement transparent aux yeux du chirurgien. Un tel bénéfice explique pourquoi les nouvelles technologies de l’imagerie seront un outil incontournable et indispensable à la chirurgie de demain.

Commentateurs : Éric ALLAIRE, Gérard MORVAN (Paris)

 

Quelle formation initiale et continue pour les chirurgiens de demain ? Certifications ? Re-certifications ?

BAQUE P (Doyen Faculté de Médecine de Nice - Université Nice Sophia-Antipolis - Responsable du service de chirurgie générale et urgence chirurgicale CHU de Nice)

Résumé
Il n’existe aucune certification réelle, aucune vérification objective du niveau de connaissances et de compétences pour la délivrance du diplôme de chirurgien en France, en 2016, que ce soit en fin de formation ou au cours de la carrière.
Le diplôme s’obtient, selon les règles administratives actuellement en vigueur, par une assiduité de l’interne aux stages (en règle 10 stages de 6 mois) qu’il doit effectuer pour obtenir son Diplôme d’Etude Supérieur, puis son Diplôme d’Etudes Supérieures Qualifiant de type II.

Les professeurs des Universités, coordonnateurs locaux et régionaux de ces DESC, se réunissent une fois par an, auditionnent les candidats en fin de cursus, jugent le travail de mémoire obligatoire que le candidat doit écrire, évoquent ensemble le parcours général du candidat qu’ils ont, la plupart du temps, côtoyé, et la qualification avec l’autorisation d’opérer est réellement délivrée par l’Ordre des médecins après l’obtention du DESC et le passage de la Thèse d’exercice.

Cette qualification n’est jamais remise en cause dans le déroulement de la carrière des chirurgiens. Seules des sanctions peuvent être prises par l’Ordre des Médecins en cas de problème.

La plupart des chirurgiens formés dans les CHU français sont d’un très bon niveau, mais l’absence de certification, et d’appréciation réelle des capacités des candidats peut théoriquement produire, dans certains cas, des chirurgiens d’un niveau insuffisant.

L’absence de re-certifications au cours de la carrière pose le problème de l’acquisition des techniques nouvelles liées au progrès constants de la chirurgie, qui est laissée à l’initiative personnelle de chaque chirurgien, une fois son cursus facultaire accompli.

Pourtant, on peut distinguer clairement 4 champs d’apprentissages distincts dans la formation des chirurgiens, quelques soient leur spécialités. Ces champs d’apprentissages et de compétences pourraient théoriquement faire l’objet de certifications, voire de re-certifications régulières.
1/ Un champ d’apprentissage des fondamentaux (savoir se repérer dans le corps humain) (Anatomie et physiologie), 2/ un champ d’apprentissage des procédures (savoir opérer), 3/ un champ d’apprentissage de la décision (savoir décider), enfin, 4/ un champ d’apprentissage éthique (savoir se comporter).

Actuellement, ces champs d’apprentissages ne sont ni identifiés comme tels, ni enseignés, ni évalués séparément, l’ensemble de l’apprentissage se faisant par compagnonnage, au cours des 5 années de formation. La qualité de la formation est évaluée globalement, de façon relativement intuitive et non pas objective, en fin de cursus.
Le développement récent, dans la plupart des facultés françaises de centres de simulation, qui doivent à notre avis être couplés aux laboratoires d’anatomie (intérêt toujours d’actualité de la dissection des cadavres selon nous dans la formation chirurgicale), la réforme du 3ème cycle des études médicales en cours de gestation qui devrait être instaurée en 2017, la nécessité de « traçabilité » de la formation pour répondre aux éventuels problèmes médico-légaux pouvant survenir dans toute carrière chirurgicale, doivent pousser l’ensemble du corps chirurgical académique à se positionner sur cette question et à proposer une méthode générale de certification.


Commentateur : Jean-Pierre RICHER (Poitiers)

 

Quelle organisation du BO ? Comment résoudre la "quadrature du cercle" ?

RICHARD F (Paris)

Résumé
L’organisation des blocs opératoires est devenue un objectif prioritaire pour beaucoup d’établissements de santé car si la chirurgie est l’une des spécialités les plus rémunératrices pour un établissement elle est aussi la source de dépenses de personnels et d’innovations technologiques non négligeables. Cette organisation représente pour certains une véritable quadrature du cercle en raison du grand nombre de causes de dysfonctionnements. La variété de groupes professionnels qui doivent travailler en commun dans un espace contraint est source de conflits si l’organisation n’a pas été réfléchie et partagée. Ce risque est aggravé si l’environnement géographique des blocs opératoires est devenu non adapté du fait d’une obsolescence des structures opératoires de plus en plus rapide. Cette obsolescence est du à la fois à l’évolution historique nécessaire mais mal maitrisée de la transformation des blocs de service, parfois artisanaux, en blocs communs mal calibrés et soit disant polyvalents, à la transformation de la chirurgie devenant de moins en moins invasive et de plus en plus ciblée avec l’accroissement des abords interventionnels ou endoscopiques , à l’extraordinaire développement de nouvelles technologies aidant le geste opératoire mais complexifiant la salle d’opération, notamment l’arrivée des gestes médicaux chirurgicaux assistés par ordinateurs, au développement de la chirurgie ambulatoire, à la multiplications des contraintes réglementaires et d’encadrement du temps de travail, etc. Enfin d’autres facteurs interférent comme les tensions démographiques dans certaines spécialités, les problématiques liées au mode de fonctionnement différent entre les médecins « recruteurs » et les médecins « prestataires de services », le secteur d’exercice avec des enjeux spécifiques plutôt de rémunération dans le secteur libéral et de pouvoir dans le secteur public, enfin le pourcentage d’urgence opératoire qui est différent entre ces deux secteurs. On voit ainsi que les difficultés éventuelles ne sont pas limitées à la caricaturale opposition classique entre l’individualisme des chirurgiens et la toute puissance des départements d’anesthésie réanimation. Nous proposerons les méthodes modernes d’évaluation du fonctionnement des blocs et les solutions organisationnelles adaptées qui existent et qui doivent être proposées en faisant du sur-mesure et en impliquant l’ensemble des professionnels.

Commentateur : Guy MAGALON (Marseille)