Séance du mercredi 12 décembre 2012

SEANCE COMMUNE AVEC LA SOFCOT : LE TRAUMA DAMAGE CONTROL
14h30-17h00 - Les Cordeliers
Modérateur : Alain-Charles Masquelet

 

 

Introduction de la séance

BEAULIEU A

 

Historique et démembrement de la notion de Damage Control
Damage Control concept. Historical evolution and break of the concept

MASQUELET AC (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (1), 060-062

Résumé
Le Damage Control est une stratégie séquentielle de prise en charge en urgence des traumatisés graves. Le principe est de « contrôler » les lésions de façon à assurer la survie du patient en maîtrisant les hémorragies et le risque infectieux. La réparation définitive des lésions est réalisée lors d’une deuxième intervention chirurgicale après stabilisation des désordres physiologiques. Cette démarche s’est inscrite en réaction aux complications observées lors des prises en charge en un temps. Le concept de Damage Control, qui était initialement limité aux lésions abdominales et à l’acte chirurgical de sauvetage en urgence, a été étendu à toutes les lésions traumatiques mettant en jeu la vie du patient mais également aux lésions non vitales recélant des risques importants de complications dans le cadre d’un traitement en urgence qui serait conçu comme complet et définitif. A l’heure actuelle, le Damage Control est entendu comme l’ensemble des étapes de prise en charge du blessé et non pas seulement le traitement en urgence. C’est ainsi que le Damage Control a pris une importance notable dans les traitements des lésions traumatiques de l’appareil locomoteur, comme les fractures ouvertes et les fractures multiples.

Abstract
Historical evolution of Damage Control surgery shows that it emerged in years 80 of the last century to treat patients arriving with multiple abdominal penetrations caused by automatic weapons and for which the traditional approach was not effective. A combination of acidosis, hypothermia and coagulopathy, known as the « lethal triad », was commonly seen in these patients and often precluded the completion of the operation. Damage Control surgery initially refers to the temporary maneuvers designed to ensure patient survival. Once hemodynamic stability was restored and the coagulopathy corrected, definitive surgical repairs were later completed.
Nowadays, Damage Control is considered as a true strategy including all stages of the treatment: initial resuscitation – surgery on emergency – post operative reanimation – secondary surgery. The concept of Damage Control has been extended to vital lesions of other parts of the body and to non-vital lesions which yet require a sequential strategy as the open fractures stage Gustilo 3C.

 

Le concept de damage control ressuscitation (DCR) en quelques questions
The Damage Control Resuscitation Concept at a Glance

AUSSET S, MION G, LE NOEL A (Clamart)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (2), 041-044

Résumé
Le concept de Damage Control est devenu le standard de soin en médecine de guerre. Il succède au concept de Damage Control Surgery ou chirurgie écourtée dont l’efficacité avait été établie chez des patients de traumatologie chez qui l’existence de troubles du milieu intérieur engageait fortement le pronostic vital et rendait délétère un geste chirurgical trop long. C’est chez ces mêmes patients qu’est venue l’idée d’associer une prise en charge agressive de ces troubles à une chirurgie écourtée. Ces troubles du milieu intérieur peuvent être résumés sous le vocable de « triade létale » associant coagulopathie, hypothermie et acidose dont l’origine est schématiquement une abondante perte sanguine non contrôlée.
Bien que simple à exposer sous une forme aussi résumée, cette triade létale pose aussi bien des problèmes diagnostiques que thérapeutiques. Les problèmes thérapeutiques découlent du fait que la correction de la triade létale réclame une organisation logistique et une discipline collective rigoureuse qui imposent une anticipation afin de pouvoir être menés à bien. La question de l’identification précoce de ces patients est donc primordiale. Le diagnostic est cependant difficile car tant l’évaluation des pertes sanguines que le diagnostic précoce du choc hypovolémique sont des problèmes très délicats réclamant une grande expérience.

Abstract
The Damage Control Resuscitation concept has become the standard of care in military medicine. This concept is the results of the Damage Control Surgery or staged laparotomy concept whose efficiency was assessed for trauma patients with physiologic derangements threatening the vital prognosis and making harmful a long surgical procedure. The idea arose in these very affected patients to address physiologic derangements in the same time of a staged surgery. These physiologic derangements can be summed up as “lethal triad” associating hypothermia, coagulopathy and acidosis basically due to a massive uncontrolled hemorrhage.
Although simple to depict in such a sketchy way, this lethal triad raises both therapeutic and diagnosis issues. Therapeutic issues come from the need of a thorough logistic and a strict discipline to address the lethal triad. Thus the anticipation is of paramount interest and an early identification of exsanguinated patients is mandatory. Nonetheless, the diagnosis is difficult since both the evaluation of blood loss and the diagnosis of hemorrhagic shock need a great expertise.

 

Le Trauma Damage Control « Viscéral » dans les urgences vitales

PONS F, GONZALEZ F, MOCELLIN N, HORNEZ E (Clamart)

Résumé
A l’ origine le terme de « damage control » est un terme de la marine de guerre des Etats Unis désignant le protocole de prise en charge d’un bâtiment ayant subi des avaries au combat. Cette prise en charge se fait en trois temps : 1 : réparation des avaries les plus graves : éteindre les feux et colmater les brèches, 2 : maintenir le bâtiment à flot jusqu’au port , 3 : une fois au port et en sécurité débuter les réparations définitives.
A la fin des années 80 a été développée dans les Trauma Center US une tactique de prise en charge des blessés hémorragiques graves reposant sur le constat que chez ces blessés la mort survenait quasi inéluctablement une fois qu’avait débuté la « triade létale » faite de l’hypothermie, des troubles de coagulation et de l’acidose provoquées par l’hémorragie et se potentialisant mutuellement. Pour prévenir l’apparition de cette triade a été définie une prise en charge en trois temps :
1 : un premier temps chirurgical le plus rapide possible (une heure) visant uniquement à faire l’hémostase (éteindre les feux) et à contrôler les fuites des organes creux (colmater les brèches) sans faire de geste de réparation
2 : un deuxième temps qui est un temps de réanimation visant à corriger les différents désordres (réchauffer le patient, corriger les troubles de la coagulation en particulier par des transfusions, corriger l’acidose),
3 : un troisième temps qui est le deuxième temps chirurgical débuté lorsque les constantes sont jugées satisfaisantes (en général entre 24 et 72 heures après le premier geste). Au cours de ce temps sont réalisés ou débutés les gestes définitifs de réparation qui peuvent parfois (souvent) être itératifs.
En 1993 Rotondo, par analogie avec la prise en charge des bâtiments a donné à cette tactique le nom de « damage control » Cette tactique initialement décrite pour les traumatismes hémorragiques de l’abdomen a été élargie progressivement à toutes les lésions hémorragiques graves et en particulier chez les polytraumatisés et polyblessés. On a ainsi décrit un « damage control » orthopédique , vasculaire, neurochirurgical et même thoracique. Cette tactique a prouvé son efficacité en diminuant la mortalité de ces traumatismes très graves et est devenue la règle pour ce type de traumatisme. Initialement les termes de abreviated ou staged laparotomy ont été proposés en anglais et « laparotomie écourtée » en français. Ils ne correspondent pas totalement au concept car ils le limitent aux seuls traumatismes de l’abdomen. D’autres termes ont été utilisés tels que « bailout surgery » (chirurgie de sauvetage), planned reoperation (réintervention programmée). Le terme de « damage control » est maintenant international et consacré par l’usage.
Au plan technique le Damage Control en chirurgie « viscérale » impose un certain nombre de règles.
Lors du premier temps chirurgical : l’ensemble des gestes ne doit pas dépasser 60 à 90 mn avant le retour en réanimation : le chirurgien doit être rapide non seulement pour faire l’hémostase mais aussi pour terminer l’intervention sans chercher à tout réparer
-les gestes en chirurgie viscérale sont :
- packing pour les traumatismes du foie, splénectomie pour ceux de la rate, néphrectomie pour les lésions hémorragiques du rein (pour lesquels le packing est rarement efficace) …
- fermeture des brèches digestives sans réparation ni stomie (suture ou agrafage)
- pas de drainage (sauf le cas particulier des lésions pancréatiques)
- abdomen systématiquement laissé ouvert avec un procédé type pansement à pression négative
-les gestes en chirurgie vasculaire sont : contrôle et mise en place de shunt associée éventuellement à des fasciotomies
-les gestes en chirurgie thoracique sont plus rares compte tenu de la nécessité d’un geste d’hémostase complet d’emblée ; néanmoins des techniques de tractotomies, packing de lésions pariétales, torsion du hile du poumon, thorax laissé ouvert ont été décrites.
Lors du deuxième temps chirurgical (12 à 72h après) en fonction des lésions et de l’état du blessé il faut assurer la réparation des différentes lésions
- une hémostase complémentaire éventuelle,
- la réparation des lésions du grêle
- le traitement (encore débattu) des lésions coliques : stomie ou anastomose différée?
- la fermeture de l’abdomen dès que possible
- la réparation de lésions vasculaires (ou thoraciques)…

 

Indications du concept de Damage Control en orthopédie
Indications of Trauma Damage Control Orthopaedics (TDCO)

RIGAL S, BARTHELEMY R, MATHIEU L, BARBIER O (Clamart)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (2), 045-049

Résumé
Le concept de Trauma Damage Control Orthopédique (TDCO), issu d’une meilleure compréhension de la physiopathologie du traumatisé grave, s’oppose à la fixation définitive précoce des fractures des membres. A la phase initiale, l’objectif est de limiter l’agression chirurgicale en renonçant à l’ostéosynthèse idéale pour une stabilisation temporaire des fractures, de façon rapide et peu invasive, le plus souvent par fixateur externe. Ecourter le temps opératoire diminue l’importance du « choc chirurgical » et permet une prise en charge réanimatoire efficace en évitant le cercle vicieux hypothermie - acidose lactique – CIVD et diminue la réponse inflammatoire.
Le TDCO comporte ainsi trois étapes systématiques :
- En urgence, contrôle de l’hémorragie et de l’infection par débridement et parage des lésions ouvertes puis stabilisation des fractures par fixation externe ;
- Réanimation en soins intensifs ;
- Réintervention pour traitement chirurgical définitif quand le patient est physiologiquement stabilisé (reprise ou complément du fixateur externe ou conversion en synthèse interne).
Tous les patients et tous les contextes ne justifient pas une prise en charge par un TDCO. Certaines indications sont maintenant bien identifiées :
- Polytraumatisé avec lésions vitales associées. C’est l’indication princeps du TDCO. Quatre tableaux cliniques (stable, limite, instable, moribond) sont décrits à partir de trois principaux indicateurs cliniques (état de choc, hypothermie, coagulopathie). Les patients dits stables doivent et les patients limites peuvent bénéficier d’une ostéosynthèse définitive d’emblée alors que cette dernière n’est pas recommandée chez les patients instables ou moribonds ;
- Traumatismes des membres isolés mais graves. Trois situations correspondent à ce TDCO d’indication régionale : le polyfracturé sans lésion vitale avec lésions étagées et fracture du fémur, les fractures ouvertes isolées avec lésions pluritissulaires graves, les fractures impossibles à aborder en urgence pour des raisons de souffrance cutanée ;
- La limitation en moyens techniques et/ou humains. Le TDCO est applicable en situation de précarité qu’elle résulte d’un plateau technique limité, d’un contexte d’insécurité ou d’un afflux massif de blessés. Le « TDCO de guerre » en est l’exemple type. C’est aussi une solution d’attente, dans une structure où l’ensemble des compétences n’est pas disponible avant transfert vers une structure plus spécialisée.

Abstract
The concept of TDCO, stemming from a better understanding of the physiopathology of the serious traumatized, opposes to early total care of the fractures of the limbs. In the initial phase, the objective is to limit the surgical aggression by giving up the ideal osteosynthesis for a temporary stabilization of fractures, in a simple and quick technique, mostly by external fixation.
To shorten the operating time decreases the importance of the "surgical shock" and allows an intensive care corrects local metabolic disturbances, corrects local hypothermia, and reverses coagulopathy.
The TDCO so contains three systematic stages:
- As a matter of urgency, control of the haemorrhage and the infection by débridement and wound care of the open damage then the stabilization of fractures by temporary external fixation ;
- Resuscitation in intensive care unit and optimisation of patient’s conditions ;
- Intervention for definitive surgical treatment when the patient is physiologically stabilized (complement to the external fixation or conversion in definitive internal fixation).
All the patients and all the contexts do not justify a treatment by a TDCO. Certain indications are now identified well:
- Multiply injured patients with associated vital damage. It is the original indication of the TDCO. Four groups (stable, borderline, unstable, and in extremis) are described from three main clinical indicators (shock, hypothermia, coagulopathy). The stable patients owe and the limit patients can benefit from a definitive osteosynthesis at once while the latter is not recommended in patients unstable or in extremis ;
- Segmental limb injury that combines and addresses complex soft tissue and bony injuries. Three situations correspond to this TDCO of regional indication: the multiple long-bone injuries without vital lesion with damage staged and fracture of the femur, the open fractures with severe open wounds and the extensive closed soft tissue contusion ;
- The limitation in technical means and/or human beings. The TDCO is applicable in precarious situation. The "TDCO of war" is the prime example. A forward surgical unit, in a context of insecurity or a massive afflux of wounded persons, can provide TDCO emergent care, before transfer to a high level trauma center were additional resources are available. It is also a temporary solution, in a civilian structure where all the skills are not available before transfer towards a more specialized structure.

 

Prise en charge en urgence des pertes de substances osseuses des membres associées au Damage Control
Emergency management of severe bone losses in limb trauma linked to damage control

BEGUE T (Clamart)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (2), 050-053

Résumé
La survenue d'une perte de substance osseuse d'un segment de membre est une complication usuelle des traumatismes à haute énergie entrant dans le cadre des processus de Damage Control. Cette complication est intégrée dans les différents scores traumatiques concernant les extrémités notamment dans le score ISS (Injury Severity Score). Néanmoins, la conduite pratique à adopter, en urgence, reste discutée entre conservation de la longueur du membre au prix d'une perte de substance osseuse qu'il faudra reconstruire secondairement, et accourcissement en urgence supprimant la perte de substance osseuse mais créant une inégalité de longueur du membre qu'il faudra rallonger ultérieurement.
A partir d'une série pluricentrique de 70 patients traités par conservation en urgence de la longueur du membre traumatisé, avec comblement de la perte de substance osseuse par du ciment acrylique, les différents points clés de la prise en charge des pertes de substance osseuse des membres sont discutés.
La comparaison des résultats avec ceux de la littérature, en particulier les techniques d'accourcissement en urgence - réallongement secondaire ou greffe osseuse vascularisée, se font sur la limite des possibilités d'accourcissement en fonction du défect, le niveau de tolérance vasculaire des accourcissements en urgence, la qualité de la couverture cutanée autour de la perte de substance osseuse, la durée de consolidation de la perte de substance osseuse, et le nombre d'interventions nécessaires à la guérison. Les avantages et inconvénients des différentes techniques sont discutés et mis en parallèle pour aider les chirurgiens de l'urgence à adapter leurs pratiques en fonction de la lésion initiale. La conservation de la longueur du membre, en urgence, avec remplacement par une entretoise au ciment acrylique paraît adaptée à toutes les situations rencontrées, au prix d'une reconstruction segmentaire de bonne qualité ultérieure.

Abstract
Bone defect occurrence in the limbs is a very severe complication after high-energy traumas treated with Damage Control Management. This type of complication is included in trauma scores such as ISS (injury Severity Score). Nevertheless, what to do, in emergency management is still controversial from maintaining leg length and the bone defect that will need secondary reconstruction, to acute shortening deleting the bone defect creating some limb length discrepancy that will need secondary lengthening by different methods.
From a pluricentric retrospective study of 70 patients treated by maintaining the traumatic limb length, filling the bone defect by a cement spacer, all major technical aspects to obtain a successful outcome are presented.
Results from others studies devoted to acute shortening with secondary lengthening, or vascularised bone grafts have shown limits of acute shortening based on defect size, and vascular impairment after shortening. Skin coverage around the bone defect is a major contribution to reconstruction technique choices. Of value to compare the techniques healing time, and number of procedures to obtain fusion. All advantages and pitfalls of different techniques are discussed and compared to help surgeons choosing the best option. Best results are obtained and available in all cases with the cement spacer technique and secondary bone reconstruction.

 

Le « Damage Control » (DC) Conclusions

MASQUELET AC (Paris)
Texte intégral : E-Mémoires de l'ANC, 2013, vol. 12 (1), 063-063