L. 244.  >
À Charles Spon,
le 30 septembre 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai deux lettres enfermées ensemble le vendredi 16e de septembre, toutes deux datées du même jour ; et depuis ce temps-là, je vous dirai que nouvelles nous sont venues qu’il y a une surséance à Bordeaux [2] pour six jours, durant lesquels on traite de la paix ; nos députés y sont des plus employés. C’est chose certaine que le Mazarin [3] ne saurait prendre la ville, les habitants y sont trop résolus. Outre les secours qu’ils ont de divers endroits, l’armée de Mazarin est même bien délabrée et diminuée de plus de 5 000 hommes depuis qu’ils ont commencé à faire des attaques. MM. de La Force [4][5] leur amènent du secours des Cévennes et le comte de Tavannes, [6] de plusieurs autres endroits. Cela obligera le Mazarin de lever ce siège s’il n’est pas déjà levé, puisqu’il n’y a nulle apparence qu’il puisse prendre la ville ; et même, je ne doute point que M. d’Épernon [7] n’en perde son gouvernement de Guyenne [8] tout à fait à ce coup, sans y jamais revenir, ni lui, ni les siens. [1][9] Pour le livre du P. Caussin [10] que je vous ai envoyé depuis peu, je vous donne avis qu’il ne s’en vend ni ne s’en est encore vendu aucun de deçà. J’en enlevai une demi-douzaine dès qu’ils furent achevés, dont trois sont allés à Lyon ; le quatrième, je l’ai donné à M. Moreau, [11] le cinquième à M. Guillemeau, [12] et le sixième est céans. Les jésuites [13] ont fait défendre aux libraires d’en vendre, il y a quelque chose dans la première partie, qui est de Regno Dei, qui leur déplaît ; ils se plaignent qu’il y a là-dedans quelque chose de trop hardi qui pourrait leur faire tort. [2] Si on en refait quelques feuilles, je pourrai en avoir et vous en donner avis ci-après. [14]

Ce 21e de septembre. Mais pour revenir à la vôtre datée du 16e de septembre, que j’ai reçue ce matin, je vous dirai que je suis bien aise qu’ayez reçu votre paquet. Je vous supplie de faire en sorte envers M. Huguetan, [15] que celui de M. Musnier [16] lui soit envoyé à Gênes [17] par quelque voie sûre. Pour vos remerciements touchant ce que je vous ai envoyé, c’est moi-même qui vous les renvoie et vous en remercie, je vous en dois bien d’autres, solvo quod debeo, et illud ipsum quod solvo adhuc debeo[3][18] Je ferai mieux quand je le pourrai. Je me plains seulement de vous, pour le présent, d’une chose, c’est que votre dernière est trop courte. Vos lettres sont en mon endroit ce qu’étaient les oraisons de Démosthène [19] à Cicéron ; [20] et celles de Cicéron à Pline le jeune [21] et à Quintilien : [22] optimæ quæ longissimæ[4] J’espérais que dans cette lettre j’apprendrais des nouvelles de M. Gras, [23] du livre de M. de Feynes, [24] de l’Histoire de Bresse[25] etc., [5] mais rien de tout cela, d’autant qu’il vous a fallu monter à cheval pour aller au pays de M. Morin. [26] Dieu vous y conduise en bonne santé et vous ramène de même afin que par après, vous nous fassiez des lettres plus longues, et qu’il envoie aussi plus d’esprit et de modération à celui au pays duquel vous êtes allé. [6]

On parle ici de la paix de Bordeaux, mais ceux qui veulent faire croire qu’elle est faite et que le roi [27] est entré dedans passent pour infâmes et pour mazarins. [1] Les Bordelais sont les plus forts, ils sont secourus des Espagnols, du parti des princes prisonniers et de MM. de La Force qui ont des troupes prêtes. Il y a aussi du bruit en Languedoc, et particulièrement à Nîmes, [28][29] d’où l’évêque [30] a été chassé. [7] Ceux de Bordeaux demandent la liberté des princes, [31][32][33] et la perte du Mazarin, à quoi la reine [34] ne consentira jamais, elle a trop peur du premier et chérit trop le second. Les autres articles ne sont point si griefs et sont plus aisés à accorder ; [8] de sorte que tout est encore douteux. Il faut attendre le boiteux pour savoir la décision de cette grande affaire. [9] L’Archiduc Léopold [35] avait fait du bruit sur la frontière et avait menacé d’entrer bien avant de deçà si on ne voulait entendre à la paix générale. On l’avait pris au mot, on lui avait promis de lui envoyer des députés qui avaient été nommés, savoir MM. le nonce du pape [36] et le Vénitien Contarini [37] pour médiateurs, avec M. d’Avaux [38] pour député ordinaire ; sauf à y envoyer par ci-après pour extraordinaire, quand il serait besoin et que la chose serait fondue, [10] M. le garde des sceaux [39] ou M. le premier président[40] ou M. Servien. [41] On espérait ici la paix par cette voie, mais tout est rompu, l’Archiduc Léopold a avoué au nonce du pape qu’il n’avait point charge d’en traiter. M. d’Avaux était à moitié chemin où il attendait les passeports. Je pense que c’est une finesse espagnole de dire qu’il n’a point charge de traiter de la paix lorsqu’il voit les cartes si fort brouillées à Bordeaux. La réponse qu’en a faite l’Archiduc Léopold au nonce du pape a été écrite par lui-même à M. le garde des sceaux, qui en a reçu la lettre ce matin par un courrier venu tout exprès. Ledit Archiduc Léopold se retire de la frontière de Champagne où il était et fait mine de vouloir rassembler ses troupes pour en faire un corps d’armée afin d’assiéger quelque ville, comme Rocroi [42] ou Guise, [43] qu’ils manquèrent à prendre il y a quatre mois. [11] M. le duc d’Angoulême, [44] père du comte d’Alais, [45] gouverneur de Provence, [46] est ici mort le 24e de septembre, âgé de 77 ans. [12] Il était fils naturel du roi Charles ix [47] (Charles de Valois, duquel l’anagramme [48] portait Va chasser l’idole) et de Marie Touchet, [49] laquelle fut depuis mariée à M. d’Entragues, [50] seigneur du château de Marcoussis [51] où est aujourd’hui retenu en prison M. le Prince avec ses deux compagnons. [13] Ce M. le Prince, depuis qu’il y est, s’y ennuie et y devient fort mélancolique. [52] Il a les jambes enflées, il y a été saigné trois fois, et purgé [53] aussi pour cet effet. Aujourd’hui 27e de septembre, sur les onze heures du matin, est arrivé de la cour un courrier à M. le duc d’Orléans [54] qui l’a assuré que la paix de Bordeaux est faite. Le bruit en a été aussitôt épandu par toute la ville et tout le monde l’a cru, comme tout le monde la désire. Les conditions de ladite paix ne se disent point encore, mais enfin cela se saura. C’est toujours beaucoup que la paix soit faite, que toute la province de Guyenne soit pacifiée et que le roi revienne à Paris avec toute la cour, qui est ce que je vois être ici particulièrement désiré par les marchands qui ont besoin que les courtisans soient ici pour débiter leurs denrées. La même nouvelle porte que le roi et la reine seront ici le 21e du mois prochain ou, s’ils ne sont à Paris, que tout au moins ils seront à Fontainebleau. [55] Amen.

Voilà que je viens de recevoir (ce 28e de septembre) une lettre de M. Garnier, [56] votre confrère, par laquelle il me donne avis que l’on imprime à Lyon contre moi et que vous lui avez dit. Voilà que je lui fais réponse à sa lettre, je vous prie de la lui envoyer et d’aviser aussi avec lui et nos autres amis (j’entends MM. Gras et Falconet) s’il ne serait point à propos de présenter requête à mon nom à monsieur votre lieutenant général pour faire par son autorité saisir ce libelle diffamatoire, soit qu’il soit achevé d’imprimer ou non. Je l’appelle ainsi à cause du titre sans en savoir davantage, à la charge que les dépens seront en mon nom et que je vous les rendrai au plus tôt. J’écris une partie de ce que je pense de ce libelle et du dessein de cet écrivain [57] à M. Garnier, pour réponse à la sienne. Je vous prie d’en conférer avec lui et qu’il vous montre ma lettre, combien que l’auteur et l’ouvrage < ne > méritent peut-être point que tant d’honnêtes gens s’en mettent en peine. J’aurais bien envie de savoir qui est la mouche qui a piqué cet homme et qui l’a porté de m’attaquer, vu que je ne sais qui il est. Imo nesciebam natum hominem, dies diem docebit[14] L’archevêque et électeur de Cologne [58][59] est mort. Le fils [60] du duc de Bavière, [61] neveu du défunt, [62][63] lui veut succéder en tant de beaux bénéfices, en vertu de quelque provision. Le chapitre de Cologne [64] s’y oppose, voulant conserver ses privilèges et libertés anciennes. Ils veulent prendre pour leur électeur l’évêque de Verdun, [65][66][67][68] parent du duc de Lorraine, [69] qui sera le plus fort s’il s’en mêle, quand même l’empereur [70] et le duc de Bavière voudraient s’en remuer. [15]

Les Anglais sont les maîtres en Écosse [71][72][73][74] après la grande bataille qu’ils ont gagnée. Ils ont aussi pris Édimbourg, [75] hormis le château, mais je pense qu’ils prendront tout à la fin. [16] Nous n’avons ici rien de certain de Bordeaux, on en attend demain des nouvelles par le courrier ordinaire. On est, entre autres articles, en peine de celui des princes et ce qui aura été arrêté d’iceux, savoir s’ils seront ramenés au Bois de Vincennes [76] ou mis dans la Bastille, et si on leur fera leur procès. Mais quelque chose qui arrive, je ne crois point que ceux qui les ont fait arrêter les mettent jamais en liberté, j’entends la reine, le duc d’Orléans et le Mazarin. Je vous baise les mains et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce vendredi à huit heures du soir, 30e de septembre 1650.


a.

Ms BnF no 9357, fo 102 ; Reveillé-Parise, no ccxxxvii (tome ii, pages 48‑51) ; Jestaz no 43 (tome i, pages 732‑736).

1.

V. note [56], lettre 242, pour la trêve conclue à Bordeaux. L’aveuglement de Guy Patin contre Mazarin en faisait un piètre devin : le parti du roi allait s’allier le parlement de Bordeaux contre les ducs et la princesse de Condé, et gagner la partie dans les jours qui suivirent l’écriture de ces lignes.

Le feu n’en était pas éteint pour autant. Au contraire, allait se constituer l’Ormée qui donna à la Fronde bordelaise un caractère unique de sédition vraiment révolutionnaire dont le P. Berthod a bien expliqué la genèse et le développement (Mémoires, pages 617‑618) :

« Le roi ayant fait grâce aux Bordelais en l’année 1650, dans laquelle il leur donnait une amnistie générale de leurs révoltes, il leur promit un autre gouverneur que M. d’Épernon ; mais comme la cour différait de satisfaire à ce dernier article, les frondeurs crurent que Sa Majesté le continuerait et cette pensée les obligea de faire faire diverses assemblées au menu peuple ; lequel s’étant un jour attroupé sur les fossés de l’hôtel de ville, donna sujet aux jurats de faire dire à cette canaille qu’elle ne pouvait s’assembler sans la permission des magistrats et que s’ils ne se retiraient, on tirerait sur eux. L’un des plus factieux dit à cette troupe : “ Allons à l’Ormière, nous serons en liberté. ”

Cette Ormière est une butte de terre élevée et aplanie, proche le château du Hâ, sur laquelle sont plantés quantité d’ormes pour servir de promenade. Ils allèrent donc sous ces ormes et cette assemblée grossit si horriblement qu’en moins de deux heures il s’y trouva plus de trois mille personnes, qui ne parlaient que de poignarder, de massacrer et de jeter dans la rivière les épernonistes et les mazarins, et qu’il fallait avoir un autre gouverneur que M. d’Épernon.

Sur cela, {a} le parlement s’assembla et résolut qu’on enverrait en diligence vers le roi un nommé Cazenave qui, pour rendre son voyage plus spécieux, {b} fit croire à la reine que Bordeaux était tout en feu, et le peuple prêt à se révolter et à se couper la gorge. Sa Majesté fit assembler le Conseil, dans lequel, par accommodement, on leur donna M. le prince de Condé pour gouverneur, à la charge qu’il donnerait son gouvernement de Bourgogne à M. d’Épernon pour celui de Guyenne. Après les expéditions faites, le courrier s’en retourna à Bordeaux où, dès qu’il y arriva, ce furent des réjouissances et des festins publics par les frondeurs et par les ormistes, qui couraient dans les rues avec des bouteilles et des lauriers pour faire boire ceux de leur parti auxquels M. le Prince avait écrit des lettres d’amitié et de civilité.

Dans ce même temps, il se forma dans le parlement de la grande Fronde une autre petite Fronde {c} qu’on attacha en forme de couronne sur les portes de ceux qui avaient frondé. L’Ormée profitant de cette division, prit de nouvelles forces, augmenta son parti et plusieurs de la grande Fronde s’étant mis parmi cette troupe, la faisaient agir selon leur caprice. Dès lors, on commença de chasser les serviteurs du roi et pour cela, on établit une chambre d’expulsion. Le parlement voyant qu’on empiétait sur son autorité, donna arrêt par lequel il défendait ces assemblées. Les ormistes l’arrachèrent des mains de l’huissier qui le voulait publier, ils assiégèrent le Palais où le prince de Conti étant allé, fit retirer la bourgeoisie et chassa ensuite quelques conseillers de la petite Fronde.

Ces conseillers de la petite Fronde se voyant maltraités par l’Ormée, soulevèrent le quartier du Chapeau-Rouge, {d} ils s’armèrent les uns contre les autres ; mais le prince de Conti, Mme la Princesse, Mme de Longueville et le duc d’Enghien s’étant promenés par les rues, calmèrent cette populace et rappelèrent des conseillers de la petite Fronde qui promirent de les servir et de défendre les assemblées. Quelque temps après, {e} l’Ormée s’assembla, se saisit de l’hôtel de ville, en tira du canon et marcha au Chapeau-Rouge. Les bourgeois de ce quartier-là se barricadèrent et se défendirent ; on se battit tout le long du jour ; l’Ormée poussa ceux du Chapeau-Rouge, brûla leurs maisons et demeura victorieuse.

Le prince de Conti l’établit plus fortement, {f} s’en déclara chef, chassa ceux qui lui étaient suspects, et fit changer d’état et de forme à la ville. L’Ormée se voyant appuyée d’un chef de telle importance, établit une Chambre de justice qui était composée de bourreliers, corroyeurs, pâtissiers, cordonniers, menuisiers, gentilshommes, apothicaires, violons et notaires, procureurs, et de toutes sortes de gens qui présidaient chacun leur jour et donnaient des arrêts qui étaient exécutés souverainement. » {g}


  1. Vers octobre 1651.

  2. Éblouissant.

  3. Ces deux frondes étaient rivales mais, l’une comme l’autre, favorables aux princes.

  4. Quartier du centre de Bordeaux qui longe au sud l’actuel opéra et aboutit sur l’actuel quai du maréchal Liautey.

  5. Juin 1652.

  6. En décembre 1652.

  7. Ces « beaux juges » sévirent avec plus ou moins de crédit parmi la population jusqu’à la fin de la Fronde bordelaise en août 1653.

2.

V. note [50], lettre 176, pour le Regnum Dei [Règne de Dieu] du P. Nicolas Caussin, dont existent deux éditions in‑fo de Paris en 1650, l’une chez Jean du Bray et l’autre chez Denis Béchet (Sommervogel).

3.

« j’acquitte ce que je dois, et ce que j’acquitte, je le dois même encore » ; saint Augustin (Lettres, cxciii) :

Proinde, domine frater, mutuam tibi caritatem libens reddo, gaudensque recipio : quam recipio, adhuc repeto ; quam reddo, adhuc debeo.

[C’est pourquoi, seigneur mon frère, j’ai du plaisir à vous rendre les devoirs de la charité et à en recevoir de vous les témoignages : ce que je reçois de vous, je vous le redemande encore ; ce que je vous rends, je vous le dois toujours].

4.

« les meilleures sont les plus longues. »

Démosthène, homme d’État athénien et grand orateur attique du ive s. av. J.‑C., a écrit les Philippiques contre son grand adversaire, Philippe ii de Macédoine, père d’Alexandre le grand (v. note [61], lettre 336) ; Cicéron lui rendit hommage en donnant le même nom à ses quatorze discours contre Marc Antoine.

Quintilien (Marcus Fabius Quintilianus), rhéteur romain du ier s. apr. J.‑C., eut pour élèves Pline le Jeune, Tacite et les neveux de Domitien ; il résuma son expérience de l’enseignement dans son Institution oratoire (De Institutione oratoria) en 12 livres. Deux séries de discours (Declamationes maiores et minores), qui ne sont probablement pas de lui, sont attribuées à un auteur inconnu, dénommé Pseudo-Quintilien.

5.

V. notes [12], lettre 252, pour la Medicina practica de François Feynes, et [7], lettre 214, pour l’Histoire de Bresse de Samuel Guichenon (ouvrages qui ont tous deux été publiés à Lyon en 1650).

6.

Jean-Baptiste Morin (v. note [4], lettre 185) était originaire de Villefranche dans le Beaujolais.

7.

Hector d’Ouvrier (ou Douvrier, mort le 20 juin 1655) avait été nommé évêque de Nîmes en 1644.

Journal de la Fronde (volume i, fo 297 ro et 298 vo) :

« Il y a eu rumeur dans la ville de Nîmes, où le collège des étudiants est mi-parti, la moitié étant catholique et l’autre huguenote, sur ce qu’un jeune écolier huguenot ayant résolu de se faire catholique, son professeur, qui était un jésuite, en avertit l’évêque, qui prit ce jeune écolier chez lui ; sur quoi, {a} un ministre fut à l’évêché accompagné de 40 ou 50 huguenots qui enfoncèrent la porte, tuèrent le suisse, blessèrent quelques domestiques et enlevèrent cet écolier ; dont il y eut aussitôt des informations et des plaintes à la Chambre de l’édit ; mais cette affaire s’accommoda. […]

Du bas de Languedoc on mande que l’affaire de Nîmes a fait grand bruit dans la province, et que l’évêque a transféré son siège à Beaucaire et a envoyé députés du chapitre qui arrivèrent hier ici {b} pour se plaindre à l’Assemblée générale de la violence des huguenots ; et la ville {c} deux autres, savoir un catholique qui doit faire les mêmes plaintes à Son Altesse Royale, et l’autre huguenot qui doit justifier l’action des huguenots et se plaindre des autres. »


  1. Le 4 septembre 1650.

  2. Le 22 septembre à Paris.

  3. De Nîmes en a envoyé.

La Gallia Christiana ne parle que de cinq domestiques blessés dans l’attaque du palais épiscopal par les huguenots. Le 11 septembre, l’évêque et le chapitre de Nîmes s’en étaient allés à Beaucaire dans l’archevêché voisin d’Arles ; ils revinrent à Nîmes le 23 juin 1651.

8.

Grief (adjectif, griève au féminin) : douloureux.

9.

Journal de la Fronde (volume i, fo 304 ro et vo) :

« De Bourg du 30 septembre. La paix fut hier confirmée dans le parlement de Bordeaux. Elle passa de 49 à 28 voix. Ces derniers étaient d’avis de demander quelque sûreté touchant le changement du gouverneur. Cette délibération alla plus tôt que Messieurs du parlement ne faisaient état parce qu’il survint environ 2 000 bourgeois dans la grande salle du Palais, faisant grand bruit et criant que si le parlement ne voulait publier la paix, ils la publieraient eux-mêmes ; que si M. de Bouillon la voulait empêcher, il fallait l’aller assiéger dans son quartier. Ainsi la chose fut résolue et la paix publiée par toute la ville qui se prépare avec beaucoup de démonstration de joie à recevoir le roi mardi prochain. {a} Les conditions de cet accommodement sont : l’amnistie générale ; la révocation de M. d’Épernon qui sera énoncée dans la déclaration ; l’infanterie de notre armée demeurera dans son poste de Saint-Seurin et sera maîtresse d’une porte de la ville proche l’archevêché où le roi logera ; les régiments des gardes et les compagnies des gendarmes, et chevau-légers du roi et de la reine seront dans la ville, et tout le reste de la cavalerie de notre armée passera dans le pays d’Entre-Deux-Mers pour commencer sa marche. Mme la Princesse a permission de se retirer à Montrond à condition qu’elle n’y pourra tenir que 200 hommes de garnison, lesquels seront entretenus par le roi, et qu’elle fera cesser tous actes d’hostilité, renverra toutes les troupes qui y sont, et en cas qu’elle ne soit reçue de cette façon dans Montrond, elle se retirera dans une de ses maisons d’Anjou. M. de La Rochefoucauld jouira du revenu de son gouvernement de Poitou et n’en fera point la fonction que dans un an d’ici, à la fin duquel il sera rétabli au cas qu’il se conduise bien, ou il en recevra récompense. Quant à M. de Bouillon, il traite en particulier, mais il y a apparence que ce sera inutile et qu’il se retirera aussi dans Montrond. Pour les jurats {b} de Bordeaux, ils seront maintenus s’ils donnent au roi satisfaction de leur conduite. Desquels articles il en sera dressé une déclaration vérifiée au parlement. »


  1. 4 octobre 1650.

  2. Officiers de la ville, consuls et échevins.

10.

Fondre est ici employé pour s’écrouler, sombrer.

11.

V. note [8], lettre 235, pour le siège manqué de Guise par les Espagnols fin juillet 1650 (soit deux et non quatre mois auparavant). Le 20 septembre l’accord de la cour pour entamer des négociations de paix avec l’archiduc Léopold (v. note [54], lettre 242) était parvenu entre les mains du duc d’Orléans, sous condition formelle qu’il ne cédât rien sur la liberté des princes. Monsieur ne désirant pas y participer personnellement, y avait envoyé des plénipotentiaires : le garde des sceaux Châteauneuf, le premier président du Parlement, Mathieu Molé, et le comte d’Avaux, accompagnés du nonce Bagni et de Contarini, secrétaire de l’ambassadeur de Venise à Paris (v. note [14], lettre 234).

Journal de la Fronde (volume i, fo 297 vo, 23 septembre 1650) :

« Mais toutes ces dispositions ont été inutiles parce que les Espagnols ne veulent point faire la paix et leur procédé donne bien à connaître qu’ils n’avaient envoyé faire la proposition que pour donner lieu à quelque sédition dans Paris et tâcher de ruiner par là le crédit que S.A.R. {a} s’est acquis parmi les peuples ; puisque l’Archiduc, après avoir retenu le trompette 4 ou 5 jours, pendant lesquels il a decampé de Bazoches et de Fismes et s’est retiré à Cormicy {b} avec toute son armée, l’a renvoyé avec 2 lettres, l’une adressée à S.A.R. et l’autre à M. le nonce, laquelle lui fut rendue à Nanteuil et contenait une prière que l’Archiduc lui fait de ne se donner point la peine de l’aller trouver parce que le traité de paix traînerait trop en longueur, puisque M. le duc d’Orléans envoyait des ministres et n’y venait pas lui-même, et qu’il ne pouvait pas y travailler à moins que le tout se passât de la façon qu’il avait écrite à S.A.R. ; ce qui obligea M. le nonce et M. d’Avaux à s’en revenir dès hier au soir. »


  1. Son Altesse Royale, le duc d’Orléans.

  2. Une vingtaine de kilomètres au nord de Reims.

Dans son autre lettre, l’archiduc disait au duc d’Orléans (ibid. fo 297 vo‑298 ro) :

« qu’après avoir choisi le temps, le lieu et les personnes, suivant la permission qu’elle lui en avait donnée, il avait cru qu’elle {a} se serait trouvée le 18 de ce mois au lieu nommé afin de conclure promptement la paix ; mais que son pouvoir {b} ne s’étendait pas jusque-là qu’il y pût faire travailler par des ministres qui y emploieraient un trop long temps, et que puisqu’elle n’y était pas venue, il la priait de conserver pour une autre conjoncture la bonne volonté qu’elle avait de faire la paix à cause qu’il n’avait point de temps à perdre, et avec charge de commandement d’une armée de laquelle il est obligé d’avoir soin. »


  1. S.A.R.

  2. Celui du roi d’Espagne.

12.

Charles de Valois, duc d’Angoulême (v. note [51], lettre 101), avait épousé en premières noces Charlotte de Montmorency, comtesse d’Alais.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 329, septembre 1650) :

« La nuit du vendredi 23 au samedi 24, M. d’Angoulême, qui s’était mieux porté les deux jours précédents et faisait espérer sa guérison aux siens, est décédé. […]
Le lundi 26, on porte son cœur aux Petites Filles de Saint-François où est celui de feu Mme d’Angoulême, sa femme, et son corps en la cave de la chapelle des Minimes où est celui de Diane de France, {a} sa tante et bienfaitrice, fille légitimée bâtarde de Henri ii et d’une Piémontaise du nom de Duc. Mme d’Angoulême, sa veuve, est demeurée en la maison où le scellé a été apposé, tant pour elle que pour le comte d’Alais, fils héritier unique du défunt. {b} On lui a, à elle, confié l’argenterie pour son usage et on lui donnera là-dedans sa demeure en deuil convenable à sa qualité durant quarante jours. »


  1. V. note [71] du Borboniana 4 manuscrit.

  2. Né du premier lit.

13.

V. note [30], lettre 211, pour cette anagramme de Charles ix de Valois (1550-1574).

Marie Touchet (Orléans 1549-Paris 1638) fut la maîtresse de ce roi et lui donna deux fils : l’un mourut en bas âge ; l’autre fut Charles de Valois, duc d’Angoulême.

En 1578, François de Balzac (1541-1613), seigneur d’Entragues, de Marcoussis et du Bois-Malesherbes, conseiller du roi en ses conseils, capitaine de 50 hommes d’armes, gouverneur d’Orléans, lieutenant général de l’Orléanais et pays adjacents, épousa Marie Touchet en secondes noces et Henri iii le fit chevalier des Ordres du roi. Deux filles naquirent de cette union : la marquise de Verneuil, Catherine-Henriette de Balzac d’Entragues (1579-1633), devint, malgré sa mère, la maîtresse de Henri iv ; l’autre, Marie-Charlotte, fut aussi maîtresse de Henri iv, puis du maréchal de Bassompierre ; elle en eut un fils (Louis de Bassompierre, 1610-1676, évêque de Saintes en 1647), mais ne put point parvenir à se faire épouser. Marie Touchet termina ses jours dans une retraite studieuse. Le fils aîné de François de Balzac, né de son premier mariage avec Jacqueline de Rohan, prénommé Guillaume, puis Charles, mourut sans descendance masculine. Ce fut une sœur de François, Charlotte-Catherine mariée en 1588 à Jacques d’Illiers, qui transmit la terre de Marcoussis à son fils Léon d’Illiers, dit de Balzac, marquis d’Entragues et de Gié, seigneur de Chantemesle, de Marcoussis, de Vaupillon et du Bois-Malesherbes, mort en 1669. Il était en 1650 propriétaire du château de Marcoussis (v. note [4], lettre 241) où l’on avait mené les princes captifs (G.D.U. xixe s. et Dictionnaire de la noblesse).

14.

« J’ignorais même qu’il existât, l’avenir nous le dira [v. note [1], lettre 232] » ; v. note [3], lettre 243, pour E.R. Arnaud et son Patinus fustigatus [Patin fouetté], resté inédit.

15.

Du temps de Guy Patin (et longtemps encore après), les archevêques électeurs de Cologne, qui étaient aussi et princes-évêques de Liège, furent tous issus de la famille ducale de Bavière (von Wittelsbach) et tous neveux les uns des autres : Ernest (de 1581 à 1612), Ferdinand (1612 à 1650) et Maximilien-Henri (1650 à 1688). Celui qui venait de mourir à Arnsberg était Ferdinand de Bavière (1577-1650), frère puîné de Maximilien ier le Grand, duc électeur de Bavière (v. note [54], lettre 150). Le successeur de Ferdinand ne fut pas Maximilien-Philippe (1638-1705), fils cadet de Maximilien ier, mais un autre de ses neveux Maximilien-Henri de Bavière (Maximilian Heinrich von Wittelsbach, 1621-1688), son coadjuteur, fils du frère cadet de Ferdinand, Albert vi, duc des deux Bavières. Ce fut Maximilien-Henri qui accueillit Mazarin à Brühl durant son exil de 1651.

Depuis 1623, l’évêque-comte de Verdun, qui briguait aussi cette succession, était François de Lorraine-Mercœur (Fougères 1599-Dieuze 1672). Il était lointain parent du duc de Lorraine, Charles iv, mais cousin germain de la duchesse de Vendôme, Françoise de Lorraine-Mercœur (v. note [36], lettre 176), épouse de César Monsieur. François de Lorraine, qui était aussi grand doyen de Cologne (où il avait été exilé de 1626 à 1648) et chanoine de Liège, abandonna son évêché en 1661 pour se marier.

16.

C’était la bataille de Dunbar (bourg maritime d’Écosse sur la mer du Nord, une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Édimbourg) où, le 13 septembre 1650, à la tête de 14 000 hommes, Oliver Cromwell (v. note [16], lettre 266) avait battu à plate couture les 27 000 Écossais ralliés à Charles ii. On compta 3 000 morts et 10 000 prisonniers du côté écossais, contre 20 tués et 58 blessés du côté républicain. Le lendemain, les troupes anglaises occupaient Édimbourg, dont le château refusa de se rendre et tint bon jusqu’en décembre, après un siège de 12 jours (Plant).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 30 septembre 1650

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(Consulté le 03/05/2024)

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