L. 372.  >
À Charles Spon,
le 9 octobre 1654

Monsieur, [a][1]

Ce 17e de septembre. Depuis ma dernière datée du 15e de septembre, laquelle était de deux pages et demie, je vous dirai que notre compagnon M. Brayer [2] est toujours bien malade et qu’aujourd’hui au matin, il a été derechef saigné [3] pour la 18e fois : vous voyez par là que nous ne nous épargnons pas les uns les autres. Le cardinal Mazarin [4][5] a été malade quelques jours : laboravit podagra et gonagra, sed non laborat chiragra car il prend toujours bien ; [1][6][7][8] il a été saigné deux fois. M. de Joyeuse [9] est toujours fort malade. [2] On ne sait pas au vrai où est aujourd’hui le cardinal de Retz, [10] en Espagne ou en Italie. On dit que notre armée s’en va assiéger Rocroi. [11] Il y a eu ici arrêt de la Cour, dans la Chambre des vacations, [3][12] à la requête du procureur général, portant que l’on informera contre le cardinal de Retz, prétendu criminel pour s’être sauvé des prisons du roi ; on a saisi tout son revenu et même son patrimoine, afin qu’il n’en touche aucun denier[4]

Le roi, [13] la reine, [14] le Mazarin et toute la cour sont partis d’ici le 23e de septembre pour aller à La Fère [15] et à Châlons. [16]

Je vous supplie de m’apprendre si M. Borde [17] a imprimé depuis trois ans le deuxième tome des Commentaires de Redanus [18] sur les Maccabées [19], il vous le dira, afin que je l’achète s’il est imprimé. C’est un jésuite irlandais espagnolisé qui a enseigné à Madrid et qui a quelque chose de bon. Ces livres servent quelquefois de lieux communs assez heureusement, mais il y a horriblement des fautes, principalement aux noms propres. [5]

Le même M. Borde a imprimé un commentaire d’un certain Salinas, [20] jésuite espagnol, in Ionam[6][21] lequel a cité en divers endroits, et particulièrement page 96, un certain Ioannes Solorzanus, de iure Indiarum[7][22][23] Je vous prie de vous enquérir de ce livre et si vous le trouvez à vendre, de me l’acheter ; il y a de l’apparence que c’est quelque Espagnol.

Ce matin 27e de septembre, enfin est ici mort M. de Joyeuse. Ce même jour, M. Pecquet [24] m’est venu voir, qui m’a apporté en présent son livre de la nouvelle édition, où il y a quelque chose de bien rude contre M. Riolan. [25] Il m’a dit que dans environ trois semaines il s’en retournera en Languedoc avec son maître M. l’évêque d’Agde, [26][27] qui est frère de M. Fouquet, [28] procureur général et surintendant des finances, qui s’en retourne pour assister aux états du Languedoc, [29] en espérance de revenir de deçà dans six ou sept mois. M. Pecquet a dessein de vous saluer à Lyon dans leur retour en Languedoc et de vous présenter son livre. M. Sorbière [30] sera avec lui, car il est domestique de cet évêque, avec 400 livres de gage par an et bouche à cour. [8]

M. de Joyeuse ne laisse qu’un fils bien petit [31] et deux belles charges, savoir celle de grand chambellan [32] et celle de colonel de la cavalerie légère ; [9] on dit que ces deux charges sont de grande bienséance au Mazarin et à son neveu, [33] le petit Mancini. [10][34]

Le maréchal d’Estrées, [35] âgé de 80 ans passés, a été taillé [36] de la pierre le 25e de ce mois ; on lui en a tiré une grosse de la vessie, du poids de trois onces et demie. [11]

Pour votre lettre que je viens de recevoir, je vous dirai que l’on nous a dit ici qu’il y a ordre du roi à M. le maréchal de La Meilleraye [37] de remettre notre collègue Vacherot [38] en liberté. Toute l’astrologie [39] judiciaire n’est qu’une fourberie, Vacherot y avait étudié et n’y avait pu prévoir son malheur. Il avait eu aussi la chimie [40] dans la tête, puis après, la dévotion, l’histoire ecclésiastique, la controverse, etc. Enfin, étant devenu veuf, il s’était mis avec le cardinal de Retz, espérant obtenir de lui quelque jour un canonicat de Notre-Dame, [41] mais l’en voilà bien éloigné.

Celui à qui M. de Fontenettes [42] en veut est un vieux médecin de Poitiers [43] nommé de Lugné, [44] grand chimiste ; ils ont fait des libelles depuis trois ans l’un contre l’autre, lesquels ont été imprimés à Poitiers. [12]

J’ai connu en cette ville M. Bernier. [45] C’est un fort bon garçon, mais peu savant en médecine. J’apprends que, n’ayant pu s’arrêter à Montpellier pour la cause que vous me mandez, il a envie d’aller s’habituer à Marseille ; [13] lui-même me le dit céans l’an passé. M. d’Épernon [46] est donc bien fourni de ce sexe qu’il aime tant et qui est cause de tous les mouvements de Bordeaux. [14][47] Vous me mandez que M. Ravaud [48] s’est offert de me faire tenir cette dernière vôtre, je pense pourtant que vous me l’avez envoyée car je l’ai reçue par la voie ordinaire sans aucune des siennes. Je vous baise les mains et à lui aussi, et vous recommande à tous deux le paquet de livres que M. Musnier [49] m’envoie de Gênes ; [50] je ne sais auquel de vous deux il aura été adressé.

On commence ici à imprimer quelque chose des œuvres de feu M. Roland Desmarets, [51] in‑8o, en quoi l’on gardera l’ordre qu’il a prescrit par son testament. Je pense que c’est un recueil d’épîtres philologiques dont il nous a donné autrefois un échantillon in‑12 que je pense vous avoir envoyé. [15]

Je vous avertis que M. de Joyeuse, trois jours auparavant que de mourir, témoigna ressentir quelque amendement. Aussitôt, les médecins qui le traitaient prirent résolution de lui donner de l’antimoine [52] afin de tâcher d’attribuer son soulagement à ce remède qui ne peut être que très dangereux ; ce qu’ils firent à son grand dommage, car il s’en trouva si mal qu’il en mourut le lendemain. On avait déjà même dépêché un billet pour faire mettre dans la Gazette [53] que ce prince avait pris de l’antimoine et qu’il en avait été soulagé, qu’il avait vidé un abcès, que ce remède était excellent, etc. [54] Voyez-vous comme le fait de ces gens-là n’est que fourberie ?

J’avais oublié à vous dire qui sont les médecins qui ont vu M. de Joyeuse et qui avaient dessein de faire triompher l’antimoine dans la Gazette : [16] ces Messieurs sont celui qui est aujourd’hui Comes Archiatrωn [17][55] et qui n’en est jamais venu jusque-là pour rien, il en a tiré de sa bourse et de celle de ses amis plus de 69 000 livres ; ensuite, c’étaient le grand patriarche de l’antimoine, Guénault, [56] des Fougerais, [57] D’Aquin, [58] qui est médecin par quartier, du pays de David et par ci-devant garçon apothicaire de la reine mère, [18][59] et un nommé Du Fresne, [19][60] qui est valet de chambre de Mme de Guise [61] la mère. N’ayant encore fait autre métier que de valet de chambre à l’âge de 30 ans, étant en Italie avec très peu de latin, il prit ses degrés à Padoue [62] lorsque M. de Guise [63] y était. [20] Il est depuis revenu ici avec sa maîtresse, où il a tâché de passer pour médecin de Montpellier, [64] disant qu’il avait de beaux secrets ; mais son office de valet de chambre et son ignorance ont tout gâté. On dit qu’il est fils d’apothicaire de Nancy : [65] c’est assez pour commencer à faire un charlatan, [66] et jamais un bon et sage médecin ; l’air de la boutique gâte tout. C’est celui que je ne vis jamais ; hoc tamen possum affirmare [21] que j’ai vu des malades où il avait tout gâté ; venæ sectionis dignitatem non intelligit[22] aussi tâche-t-il de ne s’en point servir ; il purge [67] dès le commencement et dans les maladies aiguës, et même avec du diaphénic, [68] et tôt après il leur donne du vin émétique, [69] ne non iugulet[23] Ne voilà pas un brave champion pour un médecin de Montpellier, de genere eorum qui [24] savent tant de secrets que les médecins de Paris ne savent pas ? Sic luditur populus, sic decipiuntur Principes et Magnates qui volunt decipi a paucis, dum tam multos alios decipiunt phaleratis suis pollicitationibus[25] Et néanmoins, il est toujours valet de chambre de Mme de Guise.

Ce 30e de septembre. On dit ici que le roi est à La Fère et que le Mazarin y est au lit de la goutte ; [70] que Cromwell [71] fait tout ce qu’il peut pour établir son crédit, sa domination et sa tyrannie en Angleterre.

Le roi d’Angleterre [72] est parti d’ici il y a environ trois mois. Il a passé par l’Allemagne et est de présent à Vienne [73] chez l’empereur. [74]

Il faut que je vous annonce une bonne nouvelle de laquelle vous ne serez pas marri, si peut-être ce n’est que vous ayez pitié de moi comme on a quelquefois de ceux que l’on aime, voyant que ce que je m’en vais vous dire me fera bien de la peine : [26] c’est que M. Riolan, le bonhomme se sentant fort vieux et presque accablé d’un fardeau que l’on dit être ipso Ætna gravius[27][75] m’a considéré par-dessus et plus près que tous les autres ; il m’a choisi inter alios multos [28] pour me faire avoir sa charge de professeur royal, [76] ce qui est heureusement accompli. M. Auvry, [77] évêque de Coutances et grand vicaire de M. le cardinal Antoine [78] qui est grand aumônier de France, a reçu et agréé la nomination que M. Riolan lui a faite de moi et nous a donné son approbation sur nos lettres en beaux termes. [29] Delà, nous avons été à M. de La Vrillière, [79] secrétaire d’État, qui nous les a signées de grand cœur et de bonne sorte. Aujourd’hui, elles sont entre les mains d’un secrétaire du roi pour les faire sceller, ce qui se fera au premier jour que M. le garde des sceaux [80] scellera. Et puis après, je ferai le serment de fidélité entre les mains du dit évêque de Coutances ; mais ce qui reste à faire ne sont que cérémonies, qui même pourront être faites avant que vous receviez la présente. [30] Totum meum negotium erit in re Botanica, Pharmaceutica et Anatomica[31] J’en choisirai divers traités, tantôt de l’un tantôt de l’autre, et apporterai de soin tout ce qui me sera possible pour tâcher de faire de bons écoliers qui soient éloignés de la forfanterie des Arabes [81] et des impostures des chimistes, qui sont les venins ordinaires dont les jeunes gens sont aujourd’hui empestés et empoisonnés. J’ai dessein [82] de donner un traité de medicamentis purgantibus simplicibus et compositis [32][83] où je ferai une belle rafle de tant de sottes et ineptes, [33] et même inutiles compositions qui se trouvent dans ceux qui ont fait de grands antidotaires, [84] et dont le nombre n’est encore que trop grand dans les boutiques. Puis après, j’ai envie de donner de simplicibus alterantibus[34][85] desquels je choisirai les principaux pour en dire quelque chose de bon, de gentil et de plus particulier. Après cela, je pourrai venir à un traité fort copieux de Venenis[35] où je n’oublierai pas l’antimoine et le traiterai comme il mérite, et même ceux qui en donnent, tanquam veneficos et impostores[36]

Enfin, M. Brayer en est réchappé après 18 saignées et plusieurs médecines, il n’a plus qu’à se fortifier en se purgeant tout doucement. Il a été horriblement malade, c’est un petit corps atrabilaire [86] que cette fièvre maligne [87] avait fort maltraité. Maintenant il n’a plus besoin que de repos, de repas et de réjouissance. On dit ici que le pape [88] est mort le troisième jour d’une apoplexie ; [89] et on le tient certain sur ce que l’on dit qu’il en est arrivé un courrier exprès et que le nonce du pape [90] en débite la nouvelle publiquement. [37]

M. Musnier de Gênes m’a mandé qu’il m’envoie par Marseille un petit ballot de livres que je vous recommande s’il s’adresse à vous. Vous m’obligerez d’en payer le port depuis Marseille à Lyon, que je vous ferai rendre tout à l’heure ; sinon je vous prie de le recommander à MM. Huguetan [91] et Ravaud qui, l’ayant reçu, me l’enverront enfermé dans une de leurs balles à quelque libraire en cas qu’ils en fassent alors, ou bien par la voie du coche, selon que vous le jugerez plus à propos, s’il vous plaît, d’en accorder avec eux ; comme aussi de l’édition de deux manuscrits de M. Liceti, [92] savoir Hydrologia peripatetica et de Lacu asphaltite[38] Je n’ai pas mauvaise opinion du premier. Pour le second, il est très beau, je l’ai céans depuis un an et suis tout prêt de l’envoyer à Lyon si ces Messieurs le veulent imprimer. Je vous supplie de leur en vouloir parler un mot et de savoir leur volonté afin que, s’ils sont en disposition d’imprimer ces deux livres in‑4o, que j’en avertisse ledit M. Musnier et que l’on trouve moyen de leur faire tenir sûrement ces deux manuscrits. Je pense que leurs deux plus grands labeurs sont le Theatrum vitæ humanæ [93] et le Sennertus [94] en deux volumes. [39] Y a-t-il apparence que ces deux labeurs soient bientôt achevés ? Je vous supplie de leur faire mes très humbles recommandations et de les assurer que je suis leur très humble serviteur, et à notre bon ami M. Huguetan l’avocat [95] pareillement. Je vous prie aussi, dans l’occasion, de faire souvenir M. Rigaud [96] de sa promesse touchant notre manuscrit de feu M. Hofmann, [97] afin qu’il le commence bientôt ou que nous rompions enfin avec lui sans plus nous y attendre. [40]

Le comte de Duras, [41][98] qui commande pour le prince de Condé [99] dans Rocroi, a pris un gros prisonnier à la chasse, qui est le comte de Grandpré, [100] grand seigneur de la Champagne qui a autrefois été du parti du dit prince. [42] On dit que l’on va assiéger le Catelet, [101] mais on ne parle point d’autre siège d’importance. Le roi est à La Fère, on dit qu’il ira à Sedan [102] avant que de revenir de deçà.

On tient ici pour certain que le pape est mort d’une apoplexie le 25e de septembre. Quelques-uns disent que le cardinal de Retz est à Rome, mais la plupart croient qu’il est encore dans Belle-Île. [43][103]

Enfin il y eut hier séance à la grande chancellerie, mes lettres de provision furent présentées à M. le garde des sceaux, lequel dit qu’il n’avait point ouï parler de cette affaire, que cela était nouveau, qu’il voulait retenir lesdites lettres pour les lire et voir ce qu’elles contenaient : voilà ce que me vient d’apprendre M. Riolan, qui m’a dit qu’il le faut aller voir.

Ce 9e d’octobre, à dix heures du matin. Aujourd’hui, à deux heures de relevée, [44] nous avons été saluer M. le garde des sceaux. M. Riolan lui a allégué ses raisons. M. le garde des sceaux nous a dit qu’il n’avait hier refusé nos lettres que parce qu’il n’avait vu personne de nous deux, qu’il voulait savoir qui était celui à qui M. Riolan donnait sa survivance, qu’il connaissait fort bien M. Riolan et son mérite, et que, pour moi, il me connaissait bien maintenant ; que lundi prochain il y aurait sceau, qu’on lui présentât nos lettres et que nous y fussions, qu’il nous expédierait, et de bon cœur. Là-dessus, M. Riolan l’a prié de nous excuser et que si nous ne l’avions été saluer auparavant que de lui présenter nos lettres, que ce n’avait point été par mépris, mais de peur de l’importuner ; qui statim regressit : [45] Gens de bien comme vous n’importunent jamais, ce sont les méchants qui importunent ; allez, venez lundi, votre affaire est faite. Sic me servavit Apollo[46][104] M. Riolan avait quelque soupçon que le parti antimonial n’eût voulu empêcher cette survivance pour nous faire dépit à tous deux, mais il n’y a guère d’apparence après une telle ingénuité d’accueil, [47] et des paroles si douces et si agréables. Quoi qu’il en soit, nous verrons lundi et je pense que tout ira bien, je n’y puis dorénavant soupçonner aucune embûche. Utut sit, sortes nostræ in manibus Domini [48] qui fera réussir l’affaire s’il veut ; sinon, je demeurerai ce que je suis et serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 9e d’octobre 1654.

Il y a encore six feuilles à imprimer du livre de M. Perreau, [49][105] on < n’ >en peut ici rien achever faute d’ouvriers, qui font ici fort les mauvais. On dit que ceux de Lyon en font de même. Si cela est, ne pressez point, s’il vous plaît, M. Rigaud, personne n’a de pouvoir sur la nécessité. Je baise très humblement les mains à MM. Guillemin, Falconet, Gras et Garnier, et ne leur dites encore rien de notre affaire de lecteur du roi que je ne vous en aie mandé le reste.

Je me recommande à vos bonnes grâces et à Mlle Spon.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 86‑87, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 131 (tome ii, pages 1277‑1284). Note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1654./ Paris, 9 octob./ Lyon 14 dud./ Risp. adi 16 ditt. »

Le passage sur le Collège de France est tout ce qui a été gardé de cette lettre dans Du Four (édition princeps, 1683), no lv (pages 180‑182) et Bulderen, no xcii (i, pages 244‑245).

1.

« il a souffert de podagre et de la gonagre, mais pas de la chiragre » : c’est-à-dire de la goutte aux pieds et aux genoux, mais pas aux mains (v. note [30], lettre 99), avec sarcasme sur la capacité préservée du cardinal à se saisir de tous les bénéfices qui passaient à sa portée pour s’enrichir (« prendre bien ») sans relâche.

2.

V. note [24], lettre 371.

3.

La Chambre des vacations expédiait les affaires criminelles et urgentes pendant une partie (du 9 septembre au 27 octobre) des vacances du Parlement de Paris (du 7 septembre au 12 novembre). Des magistrats de la Grand’Chambre et des Enquêtes y siégeaient à tour de rôle.

4.

Retz était encore en Espagne, qu’il allait quitter pour l’Italie le 16 octobre (v. note [10], lettre 367). Son statut de cardinal archevêque de Paris ouvrait l’épineuse question de qui pouvait le juger : tribunal civil ou ecclésiastique, français ou romain ? Dans sa fureur contre l’évasion de Nantes, Mazarin commit une lourde erreur en faisant signer au roi la commission du 21 septembre 1654 qui chargeait le Parlement de Paris d’instruire le procès du fugitif. « Les magistrats parisiens n’eurent garde de laisser passer une pareille aubaine : le roi leur confiait le procès d’un archevêque ! Ils s’empressèrent, le 22 septembre, d’enregistrer l’édit de la commission » (Bertière b, pages 392‑393).

En 1657, cette irrégularité de procédure a servi de motif à l’Arrêt du Conseil d’État portant que les immunités et exemptions acquises aux cardinaux, archevêques et évêques seront inviolablement gardées, et qu’en cas qu’ils soient accusés de crime de lèse-majesté, leur procès sera instruit et jugé par des juges ecclésiastiques : {a}

« […] Néanmoins, au préjudice de ces droits, il a été expédié au grand sceau une commission du 21e septembre 1654, laquelle a été adressée à la Chambre des vacations du Parlement de Paris, qui a donné l’enregistrement, afin que par les conseillers de la Cour qu’elle commettrait, il fût informé sur certains chefs contre le sieur cardinal de Retz, archevêque de Paris, et que les informations seraient rapportées au Parlement lorsqu’il tiendrait < séance > pour être procédé à l’instruction du procès criminel, pour raison du crime de lèse-majesté ; ajoutant que ce cas notoirement privilégié fait cesser toute exemption et privilèges. Cette commission pour instruire et informer le procès, et la cause qui n’a jamais été mise dans aucun édit ni arrêt contre les évêques, savoir que le crime de lèse-majesté fait cesser toute exemption, assujettissent ouvertement la personne d’un cardinal et d’un archevêque à la juridiction du Parlement, au préjudice des immunités qui les exemptent en tous crimes de juridiction séculière. À ces causes requéraient lesdits députés de l’Assemblée qu’il plût au roi, comme protecteur et défenseur desdits droits, révoquer ladite commission comme contraire auxdites immunités, maintenir les cardinaux, archevêques et évêques de son royaume en la possession et jouissance paisible desdites exemptions et privilèges canoniques, et faire défense à ses Cours de parlement et à tous autres juges séculiers de prendre aucune juridiction ni connaissance contre leurs personnes pour raison du crime de lèse-majesté dont ils pourraient être accusés, sauf d’en faire la poursuite pour la punition des coupables par devant les juges ecclésiastiques, auxquels il appartient d’en connaître suivant les saints décrets et constitutions canoniques. Le roi étant en son Conseil […] a déclaré et déclare que ladite commission du 21 septembre 1654 demeurera nulle et comme non avenue […].

Fait au Conseil d’État du roi, Sa Majesté y étant. Tenu à Paris le 26e jour d’avril 1657. Signé, de Guénégaud. »


  1. Publié dans le Commentaire de M. Dupuy sur le Traité des libertés de l’Église gallicane de M. Pierre Pithou… (Paris, 1715, v. notule {d}, note [29], lettre 324), tome ii, pages 467‑468.

5.

Servir « de lieux communs » veut dire être une source de citations.

R.P. Petri Redani, e Societate Iesu, Theologi Hiberni Medensis, quondam Salamanticæ, in Seminario primum Hibernorum controversiarum fidei adversus hæreticos Professoris : deinde in Regio Societatis Iesu Collegio sacrarum litteratum Interpretis, Commentaria in Libros Machabæorum Canonicos, Historica, Ætiologica, Analogica, quibus sacer contextus et accurate exponitur, et peculiari methodo ad mores expenditur. Tomus prior Indicibus necessariis illustratus. Nunc primum prodit.

[Commentaires historiques, étiologiques, analogiques {a} sur les livres des Maccabées, dont le contexte sacré est exactement exposé et moralement jugé à l’aide d’une méthode particulière : par le R.P. Petrus Redanus, {b} théologien irlandais de la Compagnie de Jésus natif du comté de Meath, naguère et d’abord professeur de controverses irlandaises pour la foi contre les hérétiques, à Salamanque ; ensuite commentateur de littérature sacrée au Collège royal de Compagnie de Jésus. {c} Tome premier, enrichi des index nécessaire. Première édition]. {d}


  1. Portant sur l’observation et la cause des choses, et leurs relations entre elles.

  2. Petrus Redanus, Peter O’Redan (1607-1651).

  3. À Madrid, v. notule {b}, note [7], lettre 279.

  4. Lyon, Philippe Borde, Laurent Arnaud et Claude Rigaud, 1651, in‑fo de 704 pages ; seul le premier des deux tomes prévus a été publié (sans doute en raison du décès de l’auteur).

6.

R.P. Francisci Salinas de La Viñuela Navarrensis, Societatis Iesu theologi, Commentarii litterales et morales in Ionam Prophetam, quatuor indicibus illustrati, quorum i. Quæstiones litterales et suasorias indicat ; ii. est ad Conciones sacras conficiendas ; iii. Locorum Scriptura sanctæ ; iv. et ultimus Rerum et Verborum. Nunc primum in lucem prodeunt.

[Commentaires littéraires et moraux du R.P. Franciscus Salinas de La Viñuela, {a}, théologien de la Compagnie de Jésus natif de Navarre, sur le prophète Jonas, {b} enrichis de quatre index, dont : le ier relève les questions littérales et persuasives ; le iie est destiné à élaborer les prêches sacrés ; le iiie traite des passages de l’Écrture sainte ; le ive et dernier, des sujets et des mots. Publiés pour la première fois]. {c}


  1. Francisco Salinas de La Viñuela (La Rioja 1601-Madrid 1689).

  2. Le nom du prophète Jonas est attaché à un livre de l’Ancien Testament. Il contient (premier des 4 chapitres) le célèbre récit de son voyage en bateau pour se rendre à Ninive (Mésopotamie) sur l’ordre de Dieu (v. note [40], lettre Borboniana 6 manuscrit) : dans une tempête, les marins jettent Jonas à l’eau pour apaiser la colère divine ; un « gros poisson » (une baleine) l’avale, puis le vomit vivant sur le rivage au bout de trois jours et trois nuits.

  3. Lyon, Philippe Borde, Laurent Arnaud et Claude Rigaut, 1652-1655, in‑fo de 646 pages.

7.

D. Philipp. iv, Hisp. et Ind. Regi Opt. Max. Ioannes de Solorzano Pereira, I.V.D. ex primariis olim Academiæ Salmanticensis antecessoribus, postea Limensis prætorii in Peruano regno Novi Orbis senator, nunc vero in supremo Indiarum consilio regii Fisci patronus, Disputationem de Indiarum iure, sive de iusta Indiarum Occidentalium inquisitione, acquisitione, et retentione, tribus libris comprehensam D.E.C.

[Ioannes de Solorzano Pereira, {a} docteur en l’un et l’autre droit, {b} jadis l’un des premiers maîtres de l’Université de Salamanque, ensuite conseiller au parlement de Lima dans le royaume du Nouveau Monde au Pérou, et maintenant président du fisc royal au Conseil suprême des Indes, a dédié à Philippe iv, tout-puissant roi des Espagnes et des Indes, la Discussion sur le droit des Indiens, ou sur la juste manière de soumettre les Indiens d’Amérique à l’enquête, à la capture et à la détention, rassemblée en trois livres].


  1. Juan Solorzano Pereira (Madrid 1575-ibid. 1655).

  2. I.V.D., Iuris Vtriusque Doctor, droits civil et canonique.

  3. Madrid, Francisco Martinez, 1629, in‑8o de 752 pages.

Les Commentarii de Francisco Salinas sur Jonas (v. supra note [6]) citent en effet cet ouvrage, question xxvi sur le chapitre i (pages 95‑96), De navi quam invenit Ionas [Du navire que trouva Jonas] :

Sed illa difficultatem maxima in hac navigationis arte : an scilicet apud antiquos Acu Magnetica navigationes conficerentur. Cum enim Magnetis, et Acyculæ inventum tribuatur Flavio a Gidia Melfensi Flandro anno a nativitate Domini 1303. sicuti habes apud P. Theophylum Reynaudum in suo Brevario Christianæ Chronologiæ parte secunda. Et Ioannem Solorzanum de iure Indiarum lib. i. cap. 12. a n. 77. et cap. 12. num. 42. cum Iusto Lypsio lib. i. Phisiologiæ diser. 19. et aliis. Qui fieri potuerit ut tot maria, et insulæ, navigationibus perviæ fuerint ? cum modo vix, ne vix quidem sine acus auxilio ulla aliqua licet brevissima navigatio tuto perfici possit ! Et navis, quæ ibat in Tharsis, vel in Indiam, vel in Hispaniam, vel in Africam cursum dirigebat ; et consequenter aliquorum aliquando mensium spatio iter conficiebat.

[Mais voici la plus grande des difficultés qui soit en cet art de naviguer : pouvait-on dans l’Antiquité s’y aider d’une aiguille magnétique ? Car en effet on attribue la découverte de l’aimant et de la boussole à l’Amalfitain Flavio Gojia, l’an 1303, en Flandre, comme vous verrez dans : la seconde partie du Brevarium Christianæ Chronologiæ du P. Théophile Raynaud ; {a} le livre i, chapitre xii (nos 42 et 77), De iure Indiarum de Juan Solorzano ; {b} le livre ii, Dissertatio xix, de la Physiologia de Juste Lipse ; {c} et dans d’autres auteurs. Comment aura-t-il pu se faire qu’on ait parcouru tant de mers et d’îles, quand il est à peine croyable, voire inimaginable, que quelque navigation que ce fût, même la plus courte, ait pu s’accomplir en toute sécurité sans le secours de la boussole ? Pourtant, un navire qui allait à Tarsis, ou en Inde, {d} ou en Espagne, ou en Afrique suivait une route et finissait parfois, au bout de quelques mois, par parvenir à bon port].


  1. Breviarum Christianæ Chronologiæ R.P. Theophili Raynaud Societatis Jesu Theologie. Pars posterior [Abrégé de la Chronologie chrétienne du R.P. Théophile Raynaud, {i} théologien de la Compagnie de Jésus. Seconde partie] (Innsbruck, Michaël Wagnerus, 1661, in‑12, pour la réédition que j’ai consultée), avec cette mention (page 317) :

    Insigne inventum acus nauticæ, per Flavium a Gloria Melfensem, 1303.

    [Remarquable invention de la boussole en 1303 par Flavius a Gloria, natif d’Amalfi]. {ii}

    1. V. note [8], lettre 71.

    2. Le nom aujourd’hui retenu pour cet inventeur (contesté, sinon fictif) est Flavio Gioja, v. infra.
  2. En tête des chapitres de son ouvrage, Solorzano a placé un sommaire qui annonce leur contenu. Dans le chapitre xii du livre i (pages 145‑148), les intitulés des articles cités sont :

    • no 42, Magnetica acus usum veteribus omnino ignoratum probatur [Il est prouvé que les anciens ignoraient complètement l’emploi de la boussole] ;

    • no 43, Magnetica pyxidi Novi Orbis detectio debetur [On doit la découverte du Nouveau Monde à la boussole] ;

    • no 44, Taprobanenses qua industria in navigando uterentur [Techniques de navigation employées par les habitants de Taprobane (Ceylan)] ;

    • no 45, Magnetica acus nullum extat nomen apud antiquos [Ceux de l’Antiquité n’avaient pas de mot pour désigner la boussole] ;

    • nos 76‑77, Seneca quo sensu et modo Novos Orbes detegendos esse prædixerit ? [De quelle manière et par quel savoir Sénèque a-t-il prédit qu’on découvrirait de nouveaux mondes ?].

  3. Iusti Lipsii Physiologiæ Stoicorum Libri tres : L. Annæo Senecæ, aliisque scriptoribus illustrandis,

    [Trois livres de Juste Lipse {i} sur la Physiologie {ii} des stoïciens, pour mettre en lumière Sénèque et d’autres auteurs], {iii}

    Dissertation xix, livre ii, Stabilis ea, an moveatur ? itemque de Novo orbe, sive America, an veteres gnari fuerint ? [Est-elle {iv} immobile ou bouge-t-elle ? Et aussi, les Anciens auraient-ils eu connaissance du Nouveau Monde, ou Amérique ?], avec ces deux questions posées à la fin (page 103 ro) :

    At quam vasta ea navigatio est ? et quis olim tentarit aut perfecerit, usu magnetis nondum reperto ?

    [Mais cette traversée n’est-elle pas immense ? Et qui donc aurait pu s’y aventurer et la réussir jadis, quand la boussole n’avait pas encore été inventée ?]

    1. V. note [8], lettre 36.

    2. Étude des phénomènes naturels.

    3. Paris, Hadrianus Perier, 1604, in‑4o de 304 pages.

    4. La Terre.

  4. Tarsis était, dans l’Ancien Testament, le port où Jonas devait se rendre en partant de Jaffa. Sa localisation est incertaine, peut-être Tarse en Cilicie (à l’extrême est de la côte méditerranéenne de Turquie).

    Dans l’idée de Salinas, l’Inde correspondait aux Indes Occidentales (Amérique).

Boussole (Furetière) :

« Autrement compas ou cadran de mer, c’est une boîte où il y a une aiguille aimantée qui se tourne toujours vers les pôles, à la réserve de quelque déclinaison qu’elle fait en divers endroits. Le cercle de carte {a} qu’elle soutient est divisé d’abord en 360 degrés et au dessous en 32 parties, qui marquent les 32 aires ou traits de vent, qu’on appelle aussi pointes. Jean Gira ou Goya, que quelques-uns nomment Flavio de Melphe, ou Flavio Gioia, Italien, l’inventa, dit-on, vers l’an 1302 ; {b} et de là vient que la terre de Principato qui fait partie du Royaume de Naples, dont il était originaire, a pris pour ses armes une boussole. Quelques-uns croient que Marc Paul, Vénitien ayant voyagé en la Chine, {c} en rapporta l’invention vers l’an 1260 ; et ce qui confirme cette conjecture, c’est qu’on s’en servait au commencement de la même façon que font encore les Chinois, qui la font flotter sur un petit morceau de liège. Ils disent que leur empereur Chiningus, qui était un grand astrologue, en avait la connaissance 1 120 ans devant Jésus-Christ. Mais Fauchet {d} rapporte des vers de Gayot de Provins, qui vivait en France vers l’an 1200, lequel en fait mention sous le nom de la marinette, ou pierre marinière : ce qui fait voir qu’on la connaissait en France avant le Vénitien et le Melphitain. {e} La fleur de lis que toutes les nations mettent sur la rose au point du Nord, montre que les Français l’ont inventée, ou l’ont mise dans sa perfection. L’aiguille doit être faite d’une platine fort mince de bon acier en forme de losange, et vidée en sorte qu’il n’en reste que les extrémités, et un diamètre au milieu, sur lequel la chapelle {f} doit être appuyée. Pour l’animer, il la faut faire toucher par une pierre d’aimant fort généreuse ; et la partie qu’on veut faire tourner au Nord doit être touchée par le pôle du Sud de la pierre. On peut faire aussi une boussole sans aimant, par le moyen d’une petite aiguille de fer délicatement posée sur l’eau ou suspendue en l’air ; car elle se tournera au Midi. {g} De même une aiguille chauffée au feu, et qu’on laisse refroidir sur une ligne du Midi, acquiert la vertu de la boussole, et se tourne vers les pôles. […] Ce mot vient du latin buxula {i} parce qu’elle ressemble à une boîte (Ménage). Pasquier dit qu’on l’appelle cadran à cause qu’elle est mise dans une boîte carrée. »


  1. Carton.

  2. V. supra deuxième notule {a}. Melphe et le nom français d’Amalfi.

  3. Marco Polo, v. notule {a}, note [6] du Faux Patiniana II‑6.

  4. Claude Fauchet, v. notule {a}, note [47] du Patiniana I‑4.

  5. Amalfitain.

  6. « Petit chapiteau de cuivre qui couvre le pivot de l’aiguille aimantée dans la boussole » (ibid.).

  7. Sous l’effet du champ magnétique terrestre (décrit en 1600).

  8. Ou buxtula, « petite boîte » en latin.

8.

« On dit avoir bouche à cour, pour dire être nourri aux tables et aux dépens des princes et des grands seigneurs » (Furetière).

V. note [4], lettre 360, pour la réédition des Experimenta nova anatomica… [Expériences anatomiques nouvelles…] (Paris, 1654) de Jean Pecquet, l’une des bêtes noires de Jean ii Riolan, qui était attaché à la personne de l’évêque d’Agde, François Fouquet (v. note [52], lettre 280), frère de Nicolas, procureur général et surintendant des finances.

9.

V. note [23], lettre 371, pour Louis-Joseph, le fils du duc de Joyeuse, alors âgé de quatre ans, futur duc de Guise.

Le grand chambellan était le premier officier de la Chambre du roi. « Le jour du sacre, il tire la botte et déchausse le roi ; et il est assis à ses pieds lorsqu’il tient les États ou son lit de justice » (Furetière). Henri ii de Lorraine, duc de Guise, succéda au duc de Joyeuse dans cette charge honorifique, après son ralliement à la cour, une fois revenu des prisons espagnoles.

10.

Philippe-Julien Mancini (Rome 1641-1707), cinquième des dix enfants de Geronima Mazzarina et de Michele Lorenzo Mancini, était arrivé en France en mars 1653 avec sa mère, ses deux sœurs, Hortense et Marie, sa cousine et sa tante Martinozzi, Laure et sa mère. Des frasques de jeunesse et un libertinage trop avancé en matière de religion lui valurent l’antipathie de son oncle Mazarin, qui lui acheta quand même le duché de Nevers tombé en quenouille. Philippe Julien obtint en 1676 des lettres de Louis xiv lui confirmant la duché-pairie de Nivernais, auquel le Donziais avait été incorporé. Il épousa Diane-Gabrielle de Damas-Thianges, nièce de Mme de Montespan (G.D.U. xixe s.).

11.

Soit le poids, en effet respectable, de 17,5 grammes. Le maréchal François-Annibal d’Estrées (v. note [7], lettre 26) s’en remit pourtant : il mourut en 1670, âgé de 98 ans.

12.

Louis de Fontenettes (Blanc en Berry 1612-Poitiers 1661) avait été reçu docteur en médecine de l’Université de Montpellier en 1630. En 1636, il s’était rendu à Poitiers et y était devenu professeur de la Faculté. Il s’adonnait avec une égale passion à la médecine et à la poésie (Éloy).

Sans nommer Fontenettes, la Bibliographia Gallica universalis… [Bibliographie française complète…] (Paris, 1654, v. note [26], lettre 345) de Louis-Jacob de Saint-Charles a donné (section Medicina, page 66) la bibliographie complète des libelles anonymes qui animèrent la querelle poitevine à laquelle Guy Patin faisait allusion :

Faute d’avoir pu mettre la main sur un seul de ces neuf pamphlets, je ne saurais me prononcer sur les motifs de cette âpre dispute, dont Patin disait qu’elle opposait médecine dogmatique à la chimique. V. note [13], lettre 376 pour l’Hippocrate dépaysé de Fontenettes (Paris, 1654).

13.

V. note [69], lettre 332, pour François Bernier, dit le Mogol, docteur de Montpellier qui allait entreprendre son grand voyage en Orient.

14.

Phrase exactement fidèle au manuscrit, dont le sens est obscur (mais qui répondait sans doute à un propos de Charles Spon) ; la princesse de Condé et sa belle-sœur, la duchesse de Longueville, avaient été les deux grandes héroïnes de la Fronde bordelaise (alors éteinte depuis un an).

15.

Vnotre bibliographie pour les Rolandi Maresii Epistolarum philologicarum libri duo [Deux livres d’Épîtres philologiques de Roland Desmarets de Saint-Sorlin] (Paris, 1655). Dédié à Pomponne ii de Bellièvre, premier président du Parlement de Paris (v. note [8], lettre 26), ce recueil contient 118 lettres latines, dont trois adressées à Guy Patin, mais non datées : deux dans le premier livre (déjà paru en 1650, v. note [18], lettre 240) et une dans le second, qui est la lettre latine reçue 12, écrite pendant le décanat de Guy Patin (novembre 1650-novembre 1652), insérée à la suite de la présente à Charles Spon.

16.

Guy Patin a écrit ce paragraphe après les deux qui le suivent et indiqué à l’aide de croix qu’il fallait le lire à la suite du précédent.

17.

« le premier médecin du roi [le comte des archiatres (v. note [18], lettre 164), Antoine Vallot] » ; l’oméga (que j’ai aussi vu ailleurs) est là pour rappeler l’origine grecque du mot archiatre.

18.

Louis-Henri D’Aquin (v. note [7], lettre 297) avait été attaché à Marie de Médicis ; Guy Patin a ajouté cette précision dans la marge.

19.

Claude Du Fresne, conseiller et médecin ordinaire du roi attaché à la Maison de Guise, allait épouser le 10 août 1660 Marie-Marguerite D’Aquin, fille de Louis-Henri. Il n’était pas docteur régent de Paris et ne figure pas dans sa liste des docteurs en médecine de Montpellier établie par Dulieu. V. note [38] des Décrets et assemblées de la Faculté de médecine en 1651‑1652 pour une accusation de pratique illicite qu’elle porta, semble-t-il, contre Du Fresne.

20.

En 1611, Henriette-Catherine de Joyeuse (1585-1656), veuve de Henri de Montpensier, avait épousé en secondes noces Charles de Lorraine, duc de Guise (1571-1640). Fils aîné de Henri ier, le Balafré (v. note [1], lettre 463), Charles fut enfermé à Tours après le meurtre de son père ; il parvint à s’échapper en 1591 et vint à Paris augmenter les divisions du parti de la Ligue, en disputant l’influence à son oncle, le duc de Mayenne. Il fut un moment question, dans les états de Paris, de l’élire comme roi en le mariant à l’infante d’Espagne. Plus tard, il se rallia à Henri iv qui lui donna le gouvernement de Provence et qui lui dut la réduction de Marseille et la soumission du duc d’Épernon. Sous Louis xiii, le duc Charles soutint le parti de Marie de Médicis et fut obligé de s’exiler en Italie en 1631 où il mourut (G.D.U. xixe s.).

Tallemant des Réaux lui a consacré une historiette (tome i, pages 145‑151). Il eut trois enfants de son mariage avec Henriette-Catherine : Henri ii, duc de Guise ; Marie, demoiselle de Guise, et Louis, duc de Joyeuse, qui venait alors de mourir.

21.

« je puis cependant affirmer ».

22.

« il n’entend pas le mérite de la saignée ».

23.

« pour ne pas manquer d’assassiner. 

24.

« du genre de ceux qui ».

25.

« Ainsi se joue-t-on du peuple, ainsi trompe-t-on les princes et les grands, qui veulent être trompés par peu de chose, tout comme eux-mêmes en trompent tant d’autres avec leurs promesses dorées. »

26.

Me donnera beaucoup de travail.

27.

« plus pesant même que l’Etna » ; paroles du jeune Scipion au vieux Caton (v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot) dans le dialogue de Cicéron De Senectute [De la Vieillesse] (chapitre ii) :

numquam tibi senectutem gravem esse senserim, quæ plerisque senibus sic odiosa est, ut onus se Ætna gravius dicant sustinere.

[c’est que jamais on n’a le sentiment que la vieillesse te soit à charge, alors que la plupart des vieillards la considèrent comme un fardeau haïssable ; à les entendre on les croirait écrasés sous un poids plus lourd que celui de l’Etna].

28.

« parmi beaucoup d’autres ».

29.

Le Collège royal était placé sous la direction du grand aumônier de France, charge que détenait alors le cardinal Antoine Barberini, dont le grand vicaire était Claude Auvry (v. note [2], lettre 363), évêque de Coutances.

Les Archives nationales (an mc liasse et/xxiv/439) conservent les trois actes datés du 23 juillet 1654 par lesquels Jean ii Riolan avait cédé à Guy Patin, son élève bien-aimé, la survivance de sa charge de professeur au Collège royal.

V. note [47], lettre 487, pour l’acquittement de ces engagements, le 16 juillet 1657.

30.

V. le paragraphe intitulé « Pour ma charge de professeur du roi » dans les Leçons au Collège de France, pour d’autres détails que Guy Patin a fournis sur l’obtention de sa chaire royale.

31.

« Mon domaine entier couvrira la botanique [herbier], la pharmaceutique [simples] et l’anatomie. »

32.

« sur les médicaments purgatifs simples et composés ».

33.

« Faire rafle, enlever tout sans rien laisser » (Littré DLF). L’expression vient du jeu de dés, où rafle se dit « d’un doublet ou ressemblance des points de deux dés qu’on jette ; et rafle absolument, se dit quand tous les trois dés ont les mêmes points » (Furetière).

34.

« sur les simples altérants » (ou altératifs, v. note [23], lettre 156).

35.

« des Poisons ».

36.

« comme autant d’imposteurs et d’empoisonneurs. » L’exaltation de Guy Patin était manifeste, mais aucun des projets qu’il annonçait ici n’a abouti. Tout ce paragraphe (et ce qui s’y réfère plus loin dans la lettre), un peu altéré, fait la lettre fabriquée, datée du 9 octobre 1654, adressée à Charles Spon dans Bulderen (xcii, tome i, pages 245‑247), et à André Falconet dans Reveillé-Parise (ccccxxix, tome iii, pages 40‑41).

37.

Le nonce du pape en France était alors Nicolo Guido di Bagno (v. note [29], lettre 113). Cette nouvelle du décès du pape, déjà colportée dans la lettre du 1er mai 1654, était toujours fausse : la santé d’Innocent x déclinait fort, mais il ne mourut que le 7 janvier 1655.

38.

Ces deux traités de Fortunio Liceti {a} sont réunis dans ses :

Hydrologiæ peripateticæ Disputationes De maris tranquillitate, arte per oleum, et anchoram comparanda ; Deque fluminum ortu e montibus, in Meteorologia proposito ; Nec non de Lacus Asphaltitis in Syria stupendis proprietatibus vtcunque ad fabulas relatis. S.D.N. Alexandro vii Pontifici Maximo DD.

[Discussions d’hydrologie péripatéticienne à propos de la tranquillité de la mer, qu’on obtient par l’huile, et comparée à l’effet de l’ancre ; et de l’origine des fleuves issus des montagnes, proposée dans les Météorologiques ; {b} ainsi que des propriétés étonnantes du lac asphaltite en Syrie, {c} avec les fables qu’on y rapporte. Dédié à notre Saint Père le souverain pontife Alexandre vii]. {d}


  1. V. note [4], lettre 63.

  2. Traité d’Aristote.

  3. La mer Morte, parce que du bitume (asphalte) se détache de son fond et remonte à sa surface.

  4. Udine, Nicolaus Schirattus, 1655, in‑4o de 203 pages.

39.

Les deux libraires associés de Lyon Jean-Antoine ii Huguetan et son beau-frère, Marc-Antoine Ravaud éditaient alors le « [Le grand] Amphithéâtre de la vie humaine » de Laurens Beyerlinck (v. note [36], lettre 155) et les Opera omnia de Daniel Sennert (1656, v. note [33], lettre 285).

40.

Interminable édition des Chrestomathies de Caspar Hofmann (v. note [17], lettre 192), toujours en panne chez le libraire de Lyon, Pierre Rigaud.

41.

Jacques-Henri de Durfort, comte de Duras (1625-1704), était le fils aîné de Guy-Aldonce de Durfort, marquis de Duras, et d’Élisabeth de La Tour d’Auvergne, sœur de Turenne. Attaché au prince de Condé depuis 1651, il lui resta fidèle jusqu’en 1657, puis se mit au service du roi. Maréchal de France en 1675, il devint duc et pair en 1689. Saint-Simon, qui avait épousé l’une de ses nièces, a laissé un long et beau portrait de Duras (Mémoires, tome ii, pages 524‑530), mais sans mention de son passé condéen.

42.

Montglat (Mémoires, page 302) :

« Le roi, après avoir demeuré quelques jours à Paris, en repartit le 22e {a} et arriva le 25e à La Fère. Le cardinal Mazarin fut à Guise le 6e d’octobre, où il s’aboucha avec le maréchal de Turenne pour résoudre ce qu’il fallait faire pour achever la campagne. Ils conclurent qu’il demeurerait dans le pays ennemi pour vivre jusqu’à la Toussaint et que le maréchal de La Ferté irait mettre le siège devant Clermon-en-Argonne. Les ordres furent envoyés pour cela et dans ce même temps, le comte de Grandpré {b} étant à la chasse, rencontra un parti du prince de Condé conduit par Duras, qu’il prit pour Castelnau qui allait investir Clermont. Il alla droit à lui sans défiance, mais il fut enlevé, et même prisonnier à Luxembourg. »


  1. De septembre 1654.

  2. V. note [26], lettre 216.

43.

Parti de Belle-Île le 9 septembre (v. note [10], lettre 367), Retz était à Saint-Sébastien en Espagne, sur le chemin de Rome où il allait arriver le 28 novembre. Innocent x, dont la santé était loin d’être aussi chancelante que disait Guy Patin, l’accueillit avec affection et lui remit le chapeau de cardinal, en grande cérémonie, le 2 décembre.

44.

Il y a contradiction entre cet horaire (deux heures de l’après-midi) et celui que Guy Patin a donné en marge (dix heures du matin) : sans doute faudrait-il, au début de la phrase, remplacer aujourd’hui (vendredi 9 octobre) par hier (jeudi).

45.

« il repartit aussitôt ».

46.

« Ainsi m’a préservé Apollon » (v. note [54], lettre 183).

On admire ici le scrupule que mettait le garde des sceaux, Mathieu i Molé, à remplir les plus infimes de ses tâches ; Guy Patin, que tout ce cérémonial impressionnait fort, en donnait la raison plausible dans la phrase suivante.

47.

Ingénuité : sincérité, franchise (Furetière).

48.

« Quoi qu’il en soit, notre sort est entre les mains du Seigneur » ; v. note [1], lettre 371.

49.

V. note [3], lettre 380, pour le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant de Jacques Perreau.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 9 octobre 1654

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(Consulté le 02/05/2024)

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