L. 519.  >
À Charles Spon,
le 12 mars 1658

Monsieur mon bon et cher ami, [a][1]

Je vous écrivais ma dernière de cinq grandes pages le 26e de février. Depuis ce temps-là, je vous dirai que l’on fait ici courir un bruit touchant le premier voyage du roi : [2] qu’il commencera par la Normandie pour faire vérifier à Rouen [3] des édits que le parlement refuse ; et par après, que delà il s’en ira vers la mer, à Calais, etc. [1] On dit que nous sommes toujours fort mal avec le pape, [4] à cause quoi il a mandé à Rome le cardinal de Retz [5] qui s’y en va ; on dit qu’il était à Cologne, [6] ou au moins en ce pays-là, chez quelqu’un de ces électeurs catholiques.

Ce 27e de février. La rivière est ici tellement accrue, [7] que l’on ne va que par bateaux dans la moitié de la ville. On dit qu’elle a fait d’étranges désordres à Rouen, je ne doute pas qu’elle n’en fasse pareillement ailleurs. Cromwell [8] a cassé le Parlement d’Angleterre [9] dans lequel il ne s’est pas trouvé si absolu qu’il pensait, et en a fait autant au régiment de ses gardes qui ne lui a pas voulu obéir ; il n’est donc pas encore le maître de tout le monde. [2] Les eaux sont si grandes de tous côtés que la plupart des courriers ordinaires ne sont pas venus cette semaine : ni celui de Hollande, d’Angleterre, ni d’Allemagne ; celui de Champagne a été noyé dans un certain passage. On dit ici qu’il est entré un grand chien noir dans la chambre de Son Éminence, [10] qui est cru être enragé ; il n’a mordu personne, mais il a jeté de la bave et de l’écume si fort qu’il les a tous épouvantés ; et pour la conséquence que ces Messieurs en soupçonnent, sept officiers de ce lieu s’en sont allés se faire laver dans la mer à Dieppe. [3][11][12] M. de Bellebrune, [13] gouverneur d’Hesdin, [14] est ici mort en quatre jours entre les mains des médicastres de la cour. [15] Son gouvernement fut aussitôt donné au comte de Moret, [16] jeune gentilhomme de fort bonne grâce et qui est fort dans les intérêts du Mazarin, moyennant 40 000 écus qu’il a donnés à la veuve [17] pour récompense. [4] Il est aussitôt parti pour en aller prendre possession, mais le lieutenant [18] qui est dedans ne lui a pas voulu ouvrir les portes. Il demande une forte récompense ; autrement, qu’il sait bien ce qu’il a à faire. [19] L’Espagnol lui offre 100 000 écus s’il veut lui rendre la ville. Le comte de Moret est à Montreuil, [20] à cinq lieues d’Hesdin, où il attend le progrès de son affaire et les ordres de la cour. [5] J’ai vu aujourd’hui Guénault [21] par la ville, il n’est que pâle et défait.

Ce 1erde mars. La nuit passée, entre minuit et une heure, une bonne partie du Pont-Marie, [22] qui va dans l’île Notre-dame, [23] est chue dans la rivière avec environ 50 personnes (quelques-uns pourtant en disent moins). Cela est arrivé tandis que le roi, la reine de Suède [24] et la plupart de la cour étaient au bal et ballet chez M. de La Bazinière, [6][25] trésorier de l’Épargne. [26] Ce sont deux arches du dit pont, du côté de l’île, qui se sont enfoncées, lesquelles soutenaient 22 maisons, onze de chaque côté, qui sont chues dans l’eau. Les débordements de l’eau ont fait d’étranges ravages à Compiègne, à La Fère, [27] à Amiens [28] et à notre pauvre ville de Beauvais, [29] laquelle a pensé être submergée, et n’y a eu que trois rues qui n’ont point été inondées. Pareil malheur est arrivé à Troyes [30] et peut-être encore par ailleurs.

On dit ici que le roi de Suède [31] est entré dans le pays du roi de Danemark [32] et qu’il y a pris l’île de Fyn [33] par le moyen de son lieutenant général Wrangel, [34] et qu’il s’en va à Copenhague [35] y assiéger le roi même, duquel tous les vaisseaux sont glacés, et que le roi de Suède peut brûler. [7][36]

Ce 4e de mars. On ne saurait chasser d’ici la reine de Suède. Elle admire Paris et toutes les raretés de la ville, mais elle a dit au roi qu’elle a bien envie de profiter tout ce carême prochain des sermons du P. Le Boux, [37][38] Angevin, jadis prêtre de l’Oratoire[39] qui doit prêcher le carême prochain à Saint-Germain-l’Auxerrois, [40] notre paroisse, près du Louvre. Il était jadis janséniste, sed tandem homo factus est, ut adipiscatur Episcopatum[8] Ceux qui sont dans Hesdin se font bien prier, cela fait peur à Son Éminence qui est au lit de la goutte, [41] la reine le fut voir hier au soir. Les Normands parlent très haut et ne veulent pas que le roi commence sa campagne par leur province.

Ce 5e de mars. L’Éminentissime est au lit, malade de douleur et de fièvre, il y en a qui disent aussi de regret. Quelques-uns ont cru que c’était à cause de la reine de Suède qui ne s’en va point. Les autres disent que c’est pour une méchante nouvelle, laquelle arriva hier au soir à la cour, savoir que M. le maréchal d’Hocquincourt [42] a été appelé dans Hesdin par le lieutenant de feu M. de Bellebrune, d’où il a chassé tous ceux qui ont protesté d’obéir aux ordres du roi ; on a peur qu’il ne se laisse emporter aux promesses des Espagnols et que, moyennant quelque grosse somme, il ne leur remette cette ville, laquelle ferait contribuer jusqu’à Amiens si elle était entre les mains de nos ennemis. [9] Il y en a néanmoins quelques-uns qui disent qu’il y a là-dessous quelque rouze italienne, [10] que le temps futur nous découvrira. Mais en attendant et par provision, le Mazarin a été saigné ce matin pour la deuxième fois ; [43] c’est ce que je viens d’apprendre chez un de nos échevins [44] qui est malade. Depuis peu de jours, trois divers marchands ont offert bien de l’argent de la charge vacante de premier président, mais on n’a pas encore résolu de celui à qui on la vendra.

Ce 7e de mars. J’ai à vous donner avis que M. Dinckel, [45] notre bon ami, partit hier au matin pour s’en aller en Poitou y demeurer avec un gentilhomme près de Lusignan, [46] qui veut s’entretenir avec lui d’allemand et d’espagnol. Il dit qu’il ne peut pas ici apprendre à bien parler français à cause qu’il y rencontre trop d’Allemands et trop de gens qui savent du latin. Il m’est venu dire à Dieu et m’a bien chargé de vous faire ses recommandations. Il est fort honnête homme, optimus et sapiens ; [11] j’ai pourtant regret qu’il soit parti si tôt, d’autant que dans huit jours je commencerai mes leçons [47][48] au Collège royal puisque le temps est bien doux et les jours un peu plus longs ; il aurait pu apprendre là ce qu’il ne sait pas et ce qu’il n’apprendra pas en Poitou, principalement dans la campagne.

Je n’avais par ci-devant pour voisin et bon ami depuis 30 ans qu’un conseiller de la Cour nommé M. Miron [49] (j’ai toujours été médecin de la famille depuis l’an 1628), j’ai maintenant un président : il est reçu président en la cinquième des Enquêtes, tout fraîchement ; cela ne lui coûte que 120 000 écus, c’est de la vanité du siècle et du Palais, et de la fumée d’honneur. Feu Monsieur son père [50] avait autrefois été président aux Requêtes, et depuis il fut prévôt des marchands, ambassadeur en Suisse, conseiller d’État ordinaire et enfin intendant de justice en Languedoc par deux diverses fois, et mourut ici l’an 1641 d’une inflammation de poumon, [51] âgé de 75 ans, homme de bien, d’honneur et de grand mérite. Celui d’aujourd’hui est son dernier fils, âgé de 33 ans. [12]

La Seine est ici fort diminuée, elle est bien retirée dans son lit, elle ne déborde plus nulle part ; elle est même retirée des caves où elle s’était épandue en grande abondance, mais elle a causé bien du désordre au général et au particulier.

La révolte, ou au moins la désobéissance du lieutenant d’Hesdin continue : il demande d’une part, et le maréchal d’Hocquincourt de l’autre, chacun 200 000 livres. L’Espagnol d’ailleurs demande aussi à traiter avec eux pour leur ville et leur offre deux millions, argent comptant. Si les autres gouverneurs des places frontières voulaient faire la même chose, il faudrait bien de l’argent pour les assouvir.

Je ne reçois point de nouvelles de M. Fourmy [52] touchant notre Erastus[53][54] Je vous supplie de lui faire mes recommandations et sans lui parler de l’Erastus, je vous prie de lui dire que M. Henry [55] est fort en peine de ses nouvelles touchant le petit in‑4o qu’il lui a donné pour mettre en suite des Mémoires du maréchal de Tavannes[13][56] qui sont des mémoires du fils [57] de ce même maréchal ; et après cette touche, j’aviserai de lui écrire un mot touchant notre Erastus.

Ce 9e de mars. On dit ici que le cardinal de Retz est allé à Rome où le pape l’a mandé et qu’il était caché à Münster [58] chez l’évêque de ladite ville, et qu’étant embarqué en Italie, il s’en est peu fallu qu’il n’ait été pris par les Turcs, c’eût été dommage. [14] On dit ici que Cromwell a perdu un de ses gendres [59][60][61] et qu’il y a du bruit contre lui dans Londres. [15] La reine de Suède a tant fait qu’enfin elle s’est fait donner de l’argent par le Mazarin ; et en récompense, elle a promis de partir bientôt et de s’en aller en Avignon ; [62] on dit qu’il y a du bruit en Provence. Le chapitre de Notre-Dame de Paris [63] a député le doyen de Notre-Dame et quelques chanoines pour aller trouver le cardinal Mazarin sur quelque affaire qui les touchait ; ils en ont traité et accordé avec lui, mais entre autres discours, il leur a dit que le cardinal de Retz était à Bruxelles, [64] déguisé, où il se fait appeler M. du Mesnil, où, sous ombre de travailler à la conversion du roi d’Angleterre, [65][66] il traite avec les ennemis de l’État, le prince de Condé [67] et les Espagnols ; et leur a dit, afin d’être cru, que cela est aussi vrai qu’il est vrai qu’il est chrétien ; et comme si cette première preuve n’était pas bien vraie, il a encore ajouté et comme il n’y a qu’un Dieu. Pour moi, je ne doute ni de l’un, ni de l’autre, mais je doute fort que le cardinal de Retz soit à Bruxelles, le mémoire qu’on en a donné au Mazarin peut être faux. En matière politique, la plupart des nouvelles sont suspectes, ou fausses ; et ne leur importe (j’entends ces Messieurs qui rerum potiuntur), [16] vrai ou faux, pourvu que les bruits qui courent leur puissent être utiles et servir à quelque chose. Aussi, les nouvelles que le Gazetier [68][69] débite viennent-elles bien plutôt du Cabinet que des provinces étrangères ; aussi est-ce leur devise, Nisi utile est quod feceris, frustra niteris. Cum labor in damno est, crescit mortalis egestas[17][70] Ces gens-là disent tous les jours en s’aboutonnant le matin, Nil moror officium quod me gravat ; [18][71] et comme disait Néron [72] à son Tigellinus, [73] Demus operam ne quisquid habeat[19][74] Ils voudraient tenir le dernier écu de leurs sujets ; et néanmoins, si cela était, ils seraient bien empêchés car tous leurs sujets seraient au désespoir, qui est une espèce de gens avec lesquels il ne se faut point frotter. On dit aussi que l’élection de l’empereur [75] est encore différée par quelque mandement du roi et quelque opposition que nous y avons faite à cause des victoires du roi de Suède en Danemark.

Ce 10e de mars, à onze heures du matin. Mais Dieu soit loué, et son saint nom béni à toute éternité, pour parler dans le langage des moines [76] que feu M. l’évêque de Belley, [77] qui a été leur fléau, appelait ordinairement les gens de l’autre monde : comme j’étais dans ma cour et que je voyais partir notre jardinier avec des poiriers de bon-chrétien [78] pour planter en mon jardin de notre maison de Cormeilles, [79] j’ai reçu votre agréable lettre datée du 5e de mars. Je suis ravi d’apprendre par icelle l’état de votre santé et de toute votre famille ; mais auparavant que je vous y réponde, je vous supplie de me dire < une chose >, savoir si vous avez reçu ma pénultième lettre datée du 5e de février, vu que vous ne parlez dans votre dernière, que je viens de recevoir, que de celle du 26e.

Le traité de Marcus Aurelius Severinus [80] qui a été quelquefois mis devant le Fabr. Hildanus [81] in‑fo, avait pour titre de Medicina efficaci ; [20] il n’est pas dans le mien, mais je l’ai à part. Pour cet auteur, j’ai appris que la peste [82] de Naples [83] l’avait dévoré comme plusieurs autres, mais je n’en ai point d’autre assurance. Il y a longtemps que je n’ai eu de nouvelles du sieur Thomas Bartholin, [84] mais néanmoins je pense qu’il est à Copenhague où j’ai appris depuis peu que l’on imprime une belle Anatomie in‑fo avec de grandes figures ; [21] mais voilà le roi de Suède dans le pays, qui y fait une rude guerre. Il y a tantôt deux ans que je n’ai reçu aucune lettre de M. Bartholin. Pour le sieur Nic. Heinsius, [85] il est greffier ou secrétaire de la ville d’Amsterdam [86] à fort bons gages, et est là fort à son aise, nondum coniugatus[22] Si jamais je trouve le Pronostic [87] de Bravus [88] in‑4o, je l’achèterai pour vous ; ou si vous en avez besoin, je vous enverrai le mien. J’ai céans le Phrygius [89] sur le Pronostic d’Hippocrate in‑8o, c’est le père de celui [90] qui a fait sur les Épidémies d’Hippocrate [91] in‑4o que vous m’avez de votre grâce envoyé. [23]

Il est vrai que M. Rhodius [92] travaille sur les Coaques[93] il y a longtemps car dès l’an 1632, on en a parlé de delà ; mais comme il est long à faire tout ce qu’il entreprend, je ne sais quand nous l’aurons. J’en ai pourtant bonne opinion et voudrais qu’il l’eût fait. M. Vander Linden [94] le désire aussi fort passionnément car cela lui servirait, mais je pense que la guerre et la peste d’Italie ont bien aidé jusqu’à présent à l’empêcher dans son dessein. Je voudrais que nous l’eussions in‑4o et qu’il y eût autant heureusement travaillé comme il a fait au Scribonius Largus que j’ai céans. [24][95]

Pour votre collègue M. Robert, [96] je pense que vous l’avez dorénavant à Lyon car il me semble qu’il y a longtemps qu’il m’a dit adieu et qu’il devait partir le lendemain. Les juges sont des moqueurs, il coûte trop à plaider ; aussi n’y a-t-il tantôt plus que des fous et des obstinés qui s’y amusent et aheurtent. [25] Que sert aux sages de demander justice puisqu’on ne la rend point, et même qu’on ne la vend point ? Car ce sont ordinairement les méchants qui gagnent par corruption de présents et de recommandations, qui sont des moyens dont les gens de bien ne se servent guère. Si Basset [97] eût été sage, tout cela ne fût pas arrivé ; mais c’est que ce garçon bouffe d’orgueil, de vanité et bonne opinion de soi-même. Dieu sait comment il tâchera de s’en faire accroire lorsqu’il sera retourné à Lyon. C’est un autre M. Sanche le jeune, [26][98] fier et glorieux, et tous deux encore bien ignorants. Et à cela, je n’y sais point d’autre remède, c’est l’impudence du siècle qui règne ; aussi sont-ce les impudents qui gouvernent le monde.

Pour M. de La Poterie, [99] vous m’obligerez de terminer l’affaire que vous avez si bien conduite jusqu’à présent et lui direz seulement que je le remercie de la bonne affection qu’il a pour moi ; que je serai bien aise que mon épître latine soit imprimée en l’ordre qu’elle a été mise par M. Henry ; qu’au reste, je n’en ai pas si mauvaise opinion. J’espère qu’elle ne fera pas de déshonneur à ce recueil de lettres écrites par plusieurs particuliers à feu M. Gassendi, [100] son maître. La phrase dont il doute est belle et bonne ; néanmoins, changez-la comme il vous plaira, si d’aventure il en parle davantage, pour nous accommoder, comme vous dites très bien, à son infirmité latine et intellectuelle. [27][101]

Feu M. Moreau, [102] de bonne et heureuse mémoire, avait beaucoup de choses dans son étude pour enrichir une belle édition du Celsus[103] et même m’avait chargé d’écrire à M. Vander Linden [104] qu’il lui offrait tout ce qu’il en avait ; et l’eût infailliblement fait, mais sa maladie étant survenue là-dessus et la mort ayant succédé, M. Vander Linden n’en a pu tirer aucun secours. Tout cela est demeuré aux libraires qui l’ont envahie et enlevée ; [28][105] et puis après cela, a passé à M. Fouquet, [106] procureur général, qui pour 10 000 livres a eu tout ce qui en appartenait à la médecine ; et cela demeure caché chez lui, en possession seulement d’un jésuite qui est un peu son parent, qui en a la clef et où personne n’entre que lui. [107] Je ne sais s’ils n’ont pas dessein de la rendre quelque jour publique comme est celle de Saint-Victor, [108][109] trois fois la semaine. Feu notre bon ami M. Naudé [110] en disait autant de la Bibliothèque mazarine, [111][112] et je crois que cela fût arrivé s’il eût vécu plus lontemps, mais depuis ce temps-là, personne n’en a eu le courage ; même, nous eussions eu le catalogue, bien fait et bien divisé en ses parties, de cette grande et riche bibliothèque, laquelle contenait plus de 40 000 volumes. L’avarice de l’un et la mort de l’autre ont empêché ce bon effet, Mors omnia solvit[29]

Je suis bien aise que M. Ravaud [113] achève le Heurnius [114] en telle diligence, mais il est bien à souhaiter qu’il soit bien correct. Pour leur Sennertus, [115] je ne m’étonne pas qu’il ait eu bon débit car c’est un grand recueil qui le mérite. Mais imprimeront-ils Cardan ? [116] Le Varandæus [117] est un bon livre et souhaiterais de bon cœur que M. Fourmy, pour le mal que je lui veux, n’en eût pas un de reste afin qu’il en refît vitement une nouvelle édition.

Pour les manuscrits de feu M. Hofmann, [118] tant de Partis similibus [30] que pour les autres traités, vous saurez bien qu’il n’a pas tenu à moi : à Paris, cela ne se peut faire ; je l’ai espéré de Lyon, mais en vain ; je les avais baillés à M. Elsevier, [119] mais c’est hors du royaume, où je n’aurais eu droit d’aucune action contre lui s’ils gardent les copies neuf ou dix ans sans les imprimer ; et nonobstant tout cela, je ne lui ai rien refusé, je me suis offert de lui délivrer mes manuscrits quand il aura imprimé le premier tome des œuvres jà imprimées de cet auteur. [31] C’est une condition qu’il m’a offerte, à laquelle je me suis tenu ; s’il la veut exécuter, je tiendrai encore ma parole, mais je me défie de ces Hollandais qui sont si glorieux ; Tacite [120] l’a jadis remarqué, v. Histor., lorsqu’il a dit per insitam genti vanitatem[32] en parlant d’eux.

M. Dinckel est parti, ne lui écrivez point car je ne sais nul moyen de lui faire tenir aucune lettre. Il m’a dit, lorsqu’il est parti, que son voyage ne serait que pour six mois, qui seront bientôt passés. Je baise les mains de tout mon cœur à cette incomparable et excellente femme [121] que vous avez chez vous, et ne la prie que d’une chose, savoir de croire que je l’honore de toute mon affection, supra omnes natas mulierum[33] Ha ! que vous êtes heureux d’avoir une si bonne femme, j’en connais bien qui n’en peuvent pas dire de même ; c’est que Dieu s’est mêlé de vos affaires lorsque vous avez été à marier : a Domino datur uxor prudens[34][122] le Saint-Esprit s’en doutait bien lorsqu’il a dit Mulierem fortem quis inveniet ? [35]

Vous dites que la fonte des neiges, laquelle est arrivée presque subitement, a grossi cet an les rivières et qu’elle a causé des débordements. Je ne doute pas que cela ne soit vrai, mais croyez-vous que les neiges seules, qui tombent dans deux rivières qui viennent de Champagne et de Bourgogne, [36] puissent faire ce grand déluge et cette effroyable quantité d’eaux que nous avons ici vues. Certes, il me semble qu’il y faut encore quelque autre chose, je pense qu’il y a des eaux souterraines en grande abondance mêlées parmi. Je vous en demande votre avis et a sole tuo lucem expecto in tam difficili controversia[37]

Ce 11e de mars. On dit aujourd’hui que tout ce qu’on a dit par ci-devant du cardinal de Retz, et qu’il allait à Rome, est faux ; mais on dit aussi que le pape est fort malcontent du cardinal Mazarin qui emploie l’argent du Clergé de France à faire venir les Turcs en Hongrie et à soutenir les ennemis de la religion catholique, tels sont Cromwell et le roi de Suède ; sur quoi l’on dit que le pape veut envoyer un bref aux évêques de France pour les dispenser de payer de l’argent au Mazarin puisqu’il l’emploie si mal à propos. M. le président de Mesmes [123] a ce matin fait dire aux Chambres des enquêtes qu’il n’y avait point lieu de délibérer touchant l’affaire de M. Garnier [124] pour le recevoir conseiller de la Cour, d’autant que le roi en désire prendre connaissance ; ainsi voilà une affaire étourdie et peut-être étouffée pour toujours. On croit que c’est un expédient que M. le président de Champlâtreux, [125] son beau-frère, a inventé pour retirer du jeu son épingle avec moins de honte et de n’en plus parler à l’avenir. [38] Les curieux de nouvelles et les politiques spéculatifs qui se mêlent de raisonner sur tout ce qui arrive attendent impatiemment ici des nouvelles d’Angleterre, et surtout de Londres où l’on dit que l’on s’est barricadé contre Cromwell qui voulait y faire entrer son armée et se faire donner de l’argent par force pour continuer la guerre. Si Cromwell en toutes ces affaires avait du pis, nos affaires n’en iraient pas mieux ; et même, l’on dit que le Mazarin en serait si fâché qu’il en mourrait de regret. Ô la grande perte ! O pia cura Deum ! prodest crudelior uxor, Et cum fata volunt, bina venena iuvant[39][126]

On commence ici l’histoire des cardinaux qui ont été éminents en sainteté. Cet ouvrage fera deux volumes in‑fo en latin, on l’imprime aux dépens de l’auteur qui est M. Dony d’Attichy, [127] aujourd’hui évêque d’Autun, jadis évêque de Riez ; [128] il était auparavant frère minime[129] de ordine Francisci de Paula[40] Le cardinal de Richelieu [130] ne sera pas dans ce livre, d’autant qu’il a fait couper la tête en Grève, [131] l’an 1632, au maréchal de Marillac [132] qui était oncle de cet auteur. Il y a ici un certain Gascon du Mont-de-Marsan, [133] nommé Marcassus, [134] qui faisait l’an 1617 la troisième au Collège de Boncourt, [135] qui depuis a été précepteur d’un neveu du cardinal de Richelieu nommé de Pont-de-Courlay, [136] frère de Mme d’Aiguillon [137][138] (autrement la Combalet) et père putatif des trois frères neveux qui sont aujourd’hui nommés duc, [139][140] marquis [141] et abbé de Richelieu. [41][142] Environ l’an 1627, ce Marcassus pensa être pendu pour plusieurs vols qu’il avait faits (ces Gascons sont merveilleusement friands d’argent), et l’eût été sans le secours et le crédit qu’il eut du côté de Mme de Combalet. Cet homme, n’ayant rien autre chose à faire, a composé une Histoire grecque en trois volumes in‑fo, dont le premier est imprimé, mais les deux autres demeurent là quia non habent hominem[42] nul libraire ne les veut imprimer sans argent. Il a recours à M. le chancelier [143] et a fait un poème français où il introduit l’Histoire grecque, laquelle implore le secours de ce grand magistrat afin qu’il fasse imprimer ces deux autres volumes. C’est ce même Marcassus qui a fait des commentaires sur Ronsard. [43][144] Je ne sais ce qui en arrivera. Vale et me ama. Tuus in extremum, G.P.

De Paris, ce mardi [12e de mars 1658]. [44]

La reine de Suède fait ses adieux, on dit qu’elle partira demain pour s’en aller en Provence et delà en Italie. Le courrier de Londres n’est pas encore arrivé, il est attendu fort impatiemment à cause du soupçon que l’on en a. M. le maréchal d’Hocquincourt est toujours dans Hesdin, ce qui fait peur de deçà. On a fait partir quelques troupes avec des compagnies du régiment des gardes pour aller vers Calais, on soupçonne que c’est pour faire peur à ceux qui font les mauvais dans Hesdin, vers lesquels on a envoyé un nommé Carlier [145] pour traiter de la part du roi ; et depuis lui, encore un autre nommé Langlade. La reine de Suède est aujourd’hui partie, le roi même l’a conduite jusqu’au bout du faubourg Saint-Victor. [45][146]

On dit que l’Éminentissime est fort en peine des affaires d’Angleterre, de Provence, de Poitou, de Normandie et d’Hesdin, et que toutes ces affaires sont capables de lui donner une affliction mortelle. On croit que le roi de Hongrie [147] est à Francfort, [148] qu’il sera déclaré empereur, et même retourné à Rome devant Pâques. [46] Ce matin on a condamné à être pendue une jeune femme qui a défait son enfant, [149] toute la ville court à ce misérable spectacle à cause qu’on dit qu’elle est belle. Elle a [été] exécutée et une autre femme a eu le fouet [150] et la fleur de lis [151] pour quelque autre badinerie pareille dont l’enfant n’est pas mort.

Vale et iterum vale. [47]


a.

Ms BnF no 9357, fos 300‑301 ; Reveillé-Parise, no cccxxvi (tome ii, pages 378‑383).

1.

Le premier voyage que fit le roi en 1658 commença le 25 avril ; il ne passa pas par la Normandie, mais prit directement la route du nord, par Amiens, Abbeville, Montreuil et Boulogne pour arriver à Calais le 20 mai (Levantal).

2.

De manière tout à fait inopinée, le 14 février, Oliver Cromwell avait dissous le second parlement du Protectorat, installé le 27 septembre 1656, qui était réuni pour la seconde et dernière fois depuis le 30 janvier 1658. La dispute sur la Chambre haute (v. note [17], lettre 513) s’était envenimée : républicains et radicaux religieux s’unissaient pour rédiger une pétition demandant sa suppression ; refusant un débat parlementaire sur ce sujet, qui pouvait rallumer la guerre civile, Cromwell choisit de dissoudre le Parlement. Cette même pétition réclamait qu’aucun soldat de l’armée ne pût être cassé sans être passé devant une cour martiale. Une semaine plus tard, le 21 février, le Lord Protector cassait, sans autre forme de procès, le major-général et cinq officiers de son propre régiment de cavalerie, prétextant leur hostilité inflexible au Protectorat (Plant).

3.

Guy Patin a évoqué les bains de mer comme prophylaxie (aujourd’hui ridicule) de la rage dans sa lettre à de Salins datée du 1er février 1657. La thalassothérapie n’en a pas moins eu un bel avenir.

4.

Antoine de Blondel de Joigny (vers 1588-Paris 16 février 1658), marquis de Bellebrune, avait eu de brillants états de service dans la guerre contre les Espagnols depuis 1635. Il avait été nommé gouverneur d’Hesdin (v. note [22], lettre 484) en 1639, après avoir participé à sa prise sous les ordres du maréchal de La Meilleraye, puis lieutenant-général en 1652, en récompense de ses brillants faits d’arme dans la défense de la frontière de Flandre (Jean-Baptiste de Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français). Son épouse était née Françoise de Genton.

V. note [31], lettre 508, pour Antoine du Bec-Crespin, comte de Moret, qui lui succéda dans le gouvernement d’Hesdin.

5.

Ce lieutenant rétif d’Hesdin se nommait Jacques de La Rivière, seigneur de Menou et du Coulombier.

Montglat (Mémoires, pages 328‑329, année 1658) a donné les détails de cette grave affaire :

« Bellebrune, gouverneur d’Hesdin, mourut le 16e de février dans Paris. Le cardinal fit donner son gouvernement au comte de Moret, cadet de Vardes. Aussitôt Fargues, {a} major de la place, lui fut rendre ses respects, croyant qu’il serait bien aise de s’instruire de lui de l’état de la ville, et pour le prier de se servir de lui et le continuer dans sa charge. Le comte de Moret le reçut fort froidement et lui fit connaître par ses discours qu’il voulait mettre dans Hesdin de ses créatures, et qu’il irait bientôt prendre possession du gouvernement où il lui ferait savoir les volontés du roi. Fargues, mal satisfait de cette réponse et encore plus, de la petite espérance qu’il avait d’être maintenu dans sa charge, fit résolution de s’y conserver par force ; et sachant que le maréchal d’Hocquincourt était retiré en sa maison en Picardie, mal satisfait de la cour, il passa chez lui en retournant à Hesdin et lui ouvrit ses sentiments, et la pensée qu’il avait de se saisir de la place et s’en rendre maître pour traiter après de ses intérêts à loisir. Le maréchal le fortifia dans ce dessein et l’assura qu’il serait bientôt avec lui. Fargues, confirmé dans sa résolution, s’en alla droit à Hesdin où il découvrit son projet à La Rivière, lieutenant de roi, son beau-frère, qu’il attira facilement de son côté par la crainte qu’il lui donna de la perte de sa charge et des discours du comte de Moret. Ils en parlèrent en même temps aux officiers, qui étaient tous à eux, et leur promirent de grands avantages s’ils voulaient s’embarquer dans leurs intérêts. Ils les trouvèrent disposés à ce qu’ils désiraient et ainsi, étaient assurés de toute la garnison. Le comte de Moret arriva bientôt après, pensant que tout serait soumis à ses volontés ; mais il trouva les portes fermées. Il se nomma et demanda à parler à La Rivière, lieutenant de roi, lequel ne voulut point l’aller trouver et lui manda qu’il ne le pouvait recevoir dans la ville ni le reconnaître pour gouverneur, et qu’il le priait de se retirer. Il s’opiniâtra encore à la porte et les menaça de les faire châtier ; mais on lui cria qu’on allait tirer sur lui s’il ne s’en allait ; tellement qu’il fut contraint d’aller coucher à Abbeville d’où il fit savoir cette mauvaise nouvelle à la cour, qui en fut fort troublée ; et le cardinal envoya de sa part à Hesdin pour négocier, et offrir de grands avantages à Fargues et La Rivière pour les tirer de là ; mais le maréchal d’Hocquincourt, qui arriva dans le même temps à Hesdin, rompit tout commerce avec le cardinal, duquel il se voulait venger ; et fut cause qu’on envoya au prince de Condé pour traiter avec lui. Le prince reçut avec grande joie la proposition qui lui fut faite et il fit un traité avec eux, par lequel il promit de faire payer la garnison d’Hesdin par le roi d’Espagne, laquelle ne pourrait être changée, ni augmentée ou diminuée, que du consentement de La Rivière et Fargues qui demeureraient maîtres de la place, et promettraient de fidèlement servir le prince et de ne se raccommoder jamais avec la cour que de concert avec lui ; et réciproquement, il s’obligeait de ne point faire de traité avec la France sans les y comprendre. Dès que ces articles furent signés, ils commencèrent à faire des courses devers Abbeville et Montreuil, et à établir des contributions en France. Pour le maréchal d’Hocquincourt, voyant qu’il ne pouvait être maître d’Hesdin, et quoiqu’on l’y eût fort bien reçu, que Fargues, le plus fin et le plus habile des deux, tenait le bon bout de son côté et se conservait toute l’autorité, il alla trouver le prince de Condé à Bruxelles ; et le cardinal Mazarin fit arrêter la femme de Fargues {b} et ses enfants, pour servir d’otage de ses actions. »


  1. V. note [7], lettre 521.

  2. Née Marie-Madeleine de La Rivière.

6.

Macé ii Bertrand de La Bazinière (mort en 1688), fils aîné de Macé i (v. note [15], lettre 405), nommé trésorier de l’Épargne en 1643, en succession de son père, était l’un des très riches financiers de Paris. En 1644, il avait épousé Françoise de Barbezières, demoiselle de Chémeraud (v. note [19], lettre 484).

La Chambre de justice (1661-1664) allait condamner Macé ii à la ruine et à la prison parce qu’il était mêlé aux malversations dont on accusait Nicolas Fouquet, le surintendant des finances ; puis, comme dit Saint-Simon (Mémoires, tome ii, page 348), il « revint sur l’eau mais sans emploi ».

Toute à ses futilités de cour, Mlle de Montpensier a consigné ce bal dans ses Mémoires (première partie, volume 3, chapitre xxx, pages 210‑211), mais sans se soucier le moins du monde de la catastrophe du Pont-Marie :

« Mme de La Bazinière donna une assemblée, où la reine de Suède vint, et un souper fort magnifique ; elle dansa d’une manière assez ridicule et qui fit rire la compagnie. […] La relation que nous fîmes à la reine de la danse de la reine de Suède lui donna envie de la voir danser ; et pour en rire avec plus de liberté, on ne voulut pas faire une grande assemblée ; de sorte que le roi envoya un soir savoir s’il lui plaisait de descendre, car il dansait tous les soirs, et la reine me commanda de venir. Mais elle n’eut pas le plaisir qu’elle s’était proposé, car M. Bregis, par un zèle à contretemps, donna avis à la reine de Suède que l’on s’était moqué d’elle et qu’il ne fallait point qu’elle dansât ; ce qui fut cause qu’elle ne fit que des révérences, et le bal finit fort promptement. »

7.

Carl Gustaf Wrangel (Skokloster, Upland 1613-île de Rügen 1676) avait brillé au service de la Couronne suédoise pendant la fin de la guerre de Trente Ans et tout au long des campagnes qui la suivirent (1646-1658) en Bavière, en Bohême, en Silésie, en Pologne, au Danemark, etc. Après la paix de 1660 il fut nommé maréchal du royaume, commandant général des troupes, président du Collège de la guerre, et désigné par Charles x-Gustave comme un des régents et tuteurs de son fils Charles xi (G.D.U. xixe s.).

L’île de Fyn, ou Fionie, est la seconde plus grande île du Danemark, située entre la péninsule du Jutland à l’ouest et l’île de Sjæland (où se trouve Copenhague) à l’est ; sa principale ville est Odense. La Traversée des Belts a été l’un des épisodes militaires les plus spectaculaires du xviie s. De nouveau en guerre contre les Danois, l’armée suédoise commandée par Wrangel, accompagné du traître Ulfeldt (v. note [11], lettre 263), avait envahi le Jutland en novembre 1657. Le rigoureux hiver avait gelé les deux détroits (belts) qui séparent le Danemark continental de la Fionie (Petit Belt, Lillebælt, 800 mètres de moindre largeur), et celle-ci du Sjæland (Grand Belt, Storebælt, 16 kilomètres). Le roi Charles-Gustave fit hardiment mettre son armée en ordre pour les traverser afin de menacer directement le cœur du royaume danois. Le 10 février 1658, ses quelque 9 000 cavaliers et 3 000 hommes de pied franchissaient sans encombre le Petit Belt et venaient aisément à bout des 3 000 Danois qui les attendaient sur l’île de Fyn. Beaucoup plus hasardeuse encore, la traversée du Grand Belt eut lieu avec un égal succès entre les 15 et 18 février, en passant par les îles de Langeland et Lolland, au sud du détroit. Une fois Sjæland atteinte, Copenhague était à portée des Suédois ; échec et mat, le roi du Danemark, Frédéric iii, dut accepter une paix humiliante (traité de Roskilde, le 8 mars), qui donnait à la Suéde les provinces de Scanie, Halland, Drontheim, Bornholm, etc., et vingt vaisseaux de ligne.

8.

« mais enfin il s’est fait homme, pour parvenir à l’épiscopat. »

Guillaume Le Boux (ou Le Bouts, vers 1621-1693), prêtre oratorien issu d’une famille pauvre, avait prononcé à 22 ans l’oraison funèbre de Louis xiii et prêché plusieurs fois devant Louis xiv. Pendant la Fronde, il avait parlé en chaire sur l’obéissance due au roi. Il allait successivement occuper les sièges épiscopaux de Dax (1658-1665), de Mâcon (1665-1667), puis de Périgueux (1667-1693). Le Boux a laissé des sermons et des dissertations pieuses (G.D.U. xixe s.).

9.

Contribuer : « en termes de guerre, signifie payer à un prince ou à un gouverneur ennemi les sommes auxquelles il lui plaît de taxer les villages voisins qui sont sous sa couleuvrine, pour les exempter d’être pillés ou brûlés : le gouverneur de cette place fait contribuer tous les habitants de six lieues à la ronde » (Furetière).

Amiens se situe à quelque 80 kilomètres au sud-est d’Hesdin, ce qui donne une idée de l’importance stratégique de la place d’Hesdin à l’époque.

10.

Rouze est une transcription ironique de la manière italienne que Mazarin avait de prononcer le mot « ruse ».

11.

« excellent et sage ».

12.

Fils de Robert i Miron, François-Pierre (v. note [36], lettre 242), conseiller au Parlement de Paris depuis 1651, devenait président de la cinquième Chambre des enquêtes.

13.

V. note [5], lettre 467, pour les Mémoires du maréchal de Tavannes rédigés par son fils cadet, Jean, réimprimés sans privilège par Jean Champion et Christophe Fourmy, sans lieu, ni nom, ni date.

Dans l’intention de les faire réimprimer, François Henry avait confié à Christophe Fourmy un exemplaire des mémoires du fils aîné du maréchal, Guillaume de Saulx, comte de Tavannes (1553-1633), qui, contrairement à son frère cadet Jean, ligueur acharné, était resté fidèle à la Couronne de France durant les guerres de religion :

Mémoires de plusieurs choses advenues en France ès guerres civiles depuis l’an 1560 jusques en l’an 1596, par Messire Guillaume de Saulx, seigneur de Tavannes. Avis et conseils du maréchal de Tavannes donnés au roi sur les affaires de son temps. {a}


  1. Paris, sans nom, 1625, in‑4o de 220 pages.

14.

En exil volontaire depuis son évasion de Nantes, en août 1654, le cardinal de Retz parcourait clandestinement toute l’Europe, mais ne se rendit pas à Rome en 1658.

15.

En novembre 1657, Frances, la plus jeune fille d’Oliver Cromwell, avait épousé Robert Rich, petit-fils de Lord Warwick, amiral de la Navy de 1642 à 1649 et grand allié de Cromwell. Robert mourait de consomption trois mois plus tard (Plant et Fraser).

Gazette, ordinaire no 36 du 30 mars 1658, page 270) :

« De Londres, le même jour, 21 mars 1658. Le 14e de ce mois, le sieur Robert Rich, petit-fils du comte de Warwick et gendre de milord Protecteur, fut conduit, avec une pompe funèbre des plus belles, à Lées, dans le comté d’Essex, lieu de la sépulture de ses ancêtres, accompagné de 200 gentilshommes en trois troupes, chacune précédée de trois trompettes, avec les bannières aux armes du défunt, et suivis d’autant d’hérauts qui portaient son casque, sa cotte d’armes et ses éperons, et de son cheval caparaçonné de deuil ; après lequel venait le corps dans un chariot attelé de six chevaux, avec grand nombre de carrosses où étaient Mylord Richard Cromwell, fils aîné de Son Altesse, Mylords Falcombridge et Claypoole ses gendres, la plupart de son Conseil et quantité de noblesse. »

16.

« qui sont les maîtres des affaires ».

17.

« Si ce que tu fais n’est pas utile, ne t’échine pas en vain. Quand le travail vient à manquer, la pauvreté grandit jusqu’à devenir maladie mortelle » ; Dionysius Cato (Distiques moraux, livre i, 39) :

Conserva potius, quæ sunt iam parta, labore ;
Cum labor in damno est, crescit mortalis egestas
.

[Conserve plutôt ce que ton travail t’a déjà permis d’épargner…].

Les frères Isaac et Eusèbe Renaudot, tous deux docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, imprimaient alors la Gazette, journal largement consacré aux nouvelles des affaires étrangères, sous forme de dépêches envoyées depuis les principales villes d’Europe et des frontières françaises ; Guy Patin, non sans quelque vérité, les considérait comme accommodées par le Cabinet du roi.

18.

« Je n’ai que faire d’un devoir qui me pèse » (Horace, Épîtres, livre ii, lettre 1, vers 264) ; « s’aboutonnant » est à comprendre comme se boutonnant (s’habillant), mais dans une forme qui n’est pas attestée dans les dictionnaires.

19.

« Œuvrons à ce que nul n’ait plus rien » : expression inspirée de Suétone (v. note [42], lettre 183), mais que ni lui ni Tacite n’ont mise en relation avec Ofonius Tigellinus, cruel et pervers favori de Néron, qui dut sa fortune à sa beauté et à ses débauches. Peut-être Guy Patin a-t-il mis là le nom de ce détestable personnage pour mieux dénigrer les manigances cyniques des politiques qu’il dénonçait dans ce passage.

20.

V. note [1], lettre de Charles Spon datée du5 mars 1658, pour cette édition conjointe parue à Francfort en 1646.

21.

Cette réédition de la troisième mouture de l’Anatomie de Thomas Bartholin (v. note [7], lettre 311) ne parut pas à Copenhague en 1658 :

Anatomia, ex Caspari Bartholini parentis Institutionibus ; omniumque recentiorum et propriis observationibus tertium ad sanguinis circulationem reformata, cum iconibus novis accuratissimis. Accessit huic postremæ editioni Th. Bartholini appendix de Lacteis thoracicis et de Vasis lymphaticis.

[Anatomie tirée des Institutions de Caspar i Bartholin, le père, et améliorée pour la troisième fois par ses propres observations et celles de tous les auteurs plus récents pour prendre en compte la circulation du sang, avec de nouvelles figures très exactes. S’ajoute à cette dernière édition l’appendice de Thomas Bartholin sur les vaisseaux lactés du thorax et les vaisseaux lymphatiques]. {a}


  1. La Haye, Adriaan Vlacq, 1660, in‑8o illustré de 592 pages.

22.

« il n’est toujours pas marié. »

23.

V. notes :

24.

V. note [1], lettre 205, pour l’édition du Scribonius Largus par Johannes Rhodius (Padoue, 1655).

25.

S’aheurter : « se préoccuper fortement d’une opinion dont on ne nous peut détromper. L’homme est si naturellement jaloux de ses sentiments que, quand une fois il s’aheurte à une opinion, on ne le peut guérir de sa préoccupation » (Furetière).

26.

V. note [4], lettre 397, pour Pierre ii Sanche, ambitieux docteur et professeur de l’Université de médecine de Montpellier.

27.

V. note [12], lettre de Charles Spon, le 5 mars 1658, pour la phrase qui heurtait le sentiment d’Antoine de La Poterie dans la lettre de Guy Patin à Pierre Gassendi, datée du 24 juin 1655.

28.

Sous-entendu, la riche bibliothèque de René Moreau qui avait été dispersée après sa mort (v. note [35], lettre 469).

29.

« La mort vient à bout de tout » (v. note [21], lettre 498).

V. note [61] du Faux Patiniana II‑7 pour la Bibliothèque Saint-Victor.

30.

des Parties similairles, un des traités manuscrits des Chrestomathies de Caspar Hofmann (v. note [17], lettre 192), que Guy Patin ne désespérait toujours pas de faire imprimer.

31.

Jà : « vieux mot, au lieu duquel on se sert de maintenant ou de déjà » (Furetière).

32.

« par la vanité naturelle à ce peuple » ; Tacite, Histoires (livre v, chapitre xxiii) : {a}

Spatium velut æquoris electum quo Mosæ fluminis os amnem Rhenum Oceano adfundit. Causa instruendæ classis super insitam genti vanitatem ut eo terrore commeatus Gallia adventantes interciperentur.

[Il {a} choisit le lieu où, spacieuse comme une mer, la Meuse reçoit les eaux du Rhin et les verse dans l’Océan. {b} Le but de cet armement, outre la vanité naturelle à ce peuple, était de fermer le passage aux convois qui nous viendraient de la Gaule].


  1. Chef batave.

  2. Soit la Hollande, mais la géographie moderne tient la Meuse pour un affluent du Rhin, qui partage son delta.

33.

« par-dessus toutes les femmes qui soient jamais nées. »

34.

« c’est le Seigneur qui donne une épouse raisonnable » (Proverbes, v. note [3], lettre 452).

35.

« Une femme parfaite, qui la trouvera ? » (Proverbes, 31:10).

36.

La Marne et la Seine qui prennent toutes deux leur source sur le plateau de Langres, l’une du côté champenois (à Balesme-sur-Marne en Haute-Marne), et l’autre du côté bourguignon (à Saint-Germain-Source-Seine en Côte-d’Or).

37.

« j’attends de votre soleil la lumière en si difficile controverse. »

38.

V. note [33], lettre 514, pour ce fils de Mathieu Garnier que le Parlement refusait d’admettre dans ses rangs.

39.

« Que les dieux sont grands dans leur sollicitude ! Un bienfait résulte de l’excessive cruauté d’une épouse ; et si le sort s’en mêle, deux poisons pris ensemble deviennent secourables » (Ausone, Épigramme x, vers 10‑11 ; v. note [2], lettre 293).

Le 13 mars, en difficulté politique après la dissolution du Parlement et la mise au pas des militaires (v. supra note [2]), Cromwell allait ordonner à tous les royalistes et catholiques de Londres de quitter la ville pour résider à au moins cinq miles de leur domicile.

40.

« de l’ordre de saint François de Paule ». V. note [29], lettre 478, pour les Flores historiæ sacri Collegii Cardinalium [Fleurs de l’histoire du sacré Collège des cardinaux] (Paris, 1660), de Louis Dony d’Attichy, évêque d’Autun.

41.

François de Pont-de-Courlay (1609-1646) était le frère de Marie-Madeleine d’Aiguillon. Tous deux étaient neveux du cardinal de Richelieu par leur mère, Françoise du Plessis. De son mariage avec Marie-Françoise de Guémadeuc en 1626, François avait eu trois fils : le duc, le marquis et l’abbé de Richelieu (v. note [37], lettre 487).

Marie-Madeleine n’avait pas eu d’enfant de son court mariage, en 1603, avec Antoine de Beauvoir de Combalet (mort en 1622), et passa une partie de sa vie à s’occuper, avec plus ou moins de bonheur, de ses trois neveux. En parlant de Pont-de-Courlay comme de leur « père putatif », Guy Patin entretenait une fois de plus la médisance (de concert avec, entre autres, Tallemant des Réaux) qui en faisait les fruits des rapports coupables de la duchesse d’Aiguillon (« la Combalet ») avec son oncle, le cardinal-duc.

42.

« parce qu’ils ne trouvent pas leur homme ».

43.

Pierre de Marcassus (Gimont, Gascogne 1584-Paris 1664) était venu de bonne heure à Paris où il fut professeur d’humanités au Collège, de Boncourt, puis professeur d’éloquence au Collège de la Marche. Il a laissé de nombreux ouvrages, dont les deux que Guy Patin citait ici :

44.

« Vale et aimez-moi. Vôtre à l’extrême ».

Une déchirure du manuscrit empêche de lire la date exacte. S’agissant d’un mardi de mars 1658, la dernière date portée dans la marge de la lettre (11 mars) fait opter pour le 12.

45.

Selon la Gazette (ordinaire no 30 du 16 mars 1658, page 224), Louis xiv sortit de Paris le 12 mars avec la reine de Suède qui retournait à Fontainebleau, et l’accompagna jusqu’aux environs de Juvisy.

46.

Retourné à Rome pour y faire confirmer son élection impériale par le pape.

47.

« Encore une fois, Vale. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 mars 1658

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(Consulté le 27/04/2024)

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