L. 299.  >
À Charles Spon,
le 20 décembre 1652

Monsieur, [a][1]

Ma dernière fut du vendredi 22e de novembre, laquelle je délivrai moi-même à M. Caze, [2] lequel me promit de vous la faire rendre en main propre. Je crois que l’avez reçue et espère que quelque jour j’en aurai quelque petit mot de réponse, mais je vous prie que ce soit à votre aise, sans aucunement vous incommoder. Il me suffit, lorsque je pense à vous, que vous et toute votre famille soyez en bonne santé, plurima non quæro. Cetera nil curæ mihi sunt, modo vivat amicus incolumis[1]

Les nouvelles de Champagne portent que le Mazarin [3] est à Châlons [4] pour venir bientôt de deçà, où il est fort attendu des uns et désiré des autres ; j’entends les courtisans et les partisans qui espèrent de réparer leurs affaires qui sont en très mauvais état par son moyen ; ajoutez-y les deux premiers vers du quatrième de l’Énéide de Virgile, [5] etc., par ce moyen-là, vous savez tout le nœud de l’affaire. [2]

L’évêque d’Amiens [6] est mort depuis trois jours, [7] il était fils de feu M. de Caumartin [8] qui mourut garde des sceaux de France l’an 1622 ; autrefois fort débauché, mais réformé depuis quelques années et grand janséniste. [3] On lui donne pour compagnon de voyage en l’autre monde un autre prélat qui est M. de Fenouillet, [9] évêque de Montpellier, il était le plus ancien évêque de France. Tant d’évêques qui se lairront mourir seront autant de bonnes chape-chutes pour le Mazarin. Il fera de nouvelles créatures avec ces évêchés vacants. La cour, qui est le lieu le plus corrompu du monde, abonde de telles gens qui sont fort habiles à succéder à tels bénéfices. En voici un autre troisième qui fera le nombre impair, c’est l’évêque de Carcassonne ; [10] et un quatrième, qui est celui de Fréjus en Provence. [4][11]

Je vous prie de dire à MM. Huguetan [12] et Ravaud [13] que j’ai reçu leur présent des mains de M. Huguetan [14] l’avocat, savoir le troisième tome des relations de Vittorio Siri, [15] et que je les en remercie de toute mon affection. [5]

Ce 2d de décembre. M. Huguetan l’avocat, en même temps, m’a chargé de vous écrire qu’aujourd’hui au Palais, en pleine audience, un médecin de Noyon nommé M. Cordelier [16] a été condamné par arrêt de prendre une tutelle de deux enfants, de laquelle il avait été déchargé par sentence du bailliage de Noyon. [17] Il est cousin des deux mineurs, douze marchands de la même ville étaient parents en même degré, qui ont gagné contre lui. Sa qualité de médecin et son exercice perpétuel, ni le grand emploi qu’il a dans la ville ne l’ont pu garantir de cette vexation. M. Bignon, [18] avocat général, a fort été contre lui et a dit en pleine audience que si ce médecin était si fort employé, qu’il gagnait tant plus et par conséquent qu’il pouvait tant mieux vaquer à la tutelle de ses parents, étant si riche et accommodé. Je pense que c’est pour cause que savez bien que notre ami M. Huguetan m’a tant recommandé que je vous mandasse cette particularité. [6]

Ce 8e de décembre. Enfin, tant de troupes tirées de Picardie et de Normandie, et d’ici alentour ont été envoyées au maréchal de Turenne [19] qu’il s’est trouvé de beaucoup le plus fort ; de sorte que le prince de Condé [20] n’osant plus paraître de si près, a retiré ses troupes dans le Luxembourg [21] où il les fera hiverner ; et lui s’en va à Bruxelles [22] où il a un palais préparé. On dit ici que le Mazarin s’en va reprendre Rethel, [23] Château-Porcien [24] et Sainte-Menehould, [7][25] et puis après qu’il reviendra à la cour. M. le duc d’Orléans [26] est toujours à Blois [27] où il se promène en attendant le bon temps que nous ne verrons peut-être jamais ; et véritablement, il n’y a pas ici de quoi beaucoup l’espérer tandis que les prêtres, moines, jésuites, cardinaux et autres ecclésiastiques se mêleront des affaires d’État et du cabinet de la reine. [28] Toute la politique n’a jamais rien valu entre les mains de ces gens-là, qui n’aiment rien que leur profit et qui n’ont pitié que personne. Adde quod Eunuchus nulla pietate movetur, nec generi natisque cavet : [8][29][30] voilà la nature des prêtres et des moines.

Ce 8e de décembre. Enfin, voilà que la vôtre m’est rendue, datée du 3e de décembre, laquelle j’ai reçue avec grande joie et, more solito[9] comme venant de la part du meilleur ami que j’aie au monde. J’apprends joyeusement par icelle que vous avez reçu mes trois lettres et que vous êtes en bonne santé, sic fiat multos annos[10]

Je vous plains bien de la peine que vous avez eue de transcrire des cahiers du manuscrit de M. Hofmann. [11][31] C’est un horrible travail de transcrire, je ne saurais du tout m’y accoutumer, pas même pour une lettre. C’est pourquoi je m’estime bienheureux d’avoir des amis de bon naturel comme vous qui me dispensent de polir et de transcrire mes missives. [32] Faites-moi la faveur de faire mes recommandations à M. Rigaud, [33] et de lui dire que je le prie de commencer cet ouvrage au plus tôt et de nous faire garder toute la vieille copie comme il m’a promis. [12] J’ai fort grande envie de voir le livre du P. Théophile [34] de bonis et malis libris[13] tâchez de m’en envoyer un dès qu’il sera mis en vente si vous trouvez quelque occasion de me le faire tenir en assurance. Je vous en ferai autant pro talionis lege adimplenda[14] dès que la Vie de M. Dupuy [35] sera achevée.

Ne vous étonnez point si j’ai si tard reçu le paquet de livres que M. Cramoisy [36] m’a rendu : c’est la guerre qui est en cause, toutes les balles de marchandise ont été fort longtemps à Roanne [37] et à Orléans, [38] et me semble que les facteurs de ces balles ont mieux fait de les laisser là en attendant le beau temps que de les hasarder au désordre des gens de guerre. Pour les deux Couronne des rois d’Arles[15][39] vous avez oublié de m’en coter le prix. Je vous prie de m’en tenir compte afin que je vous les paie, vous avez assez d’autres peines et corvées de moi sans qu’il soit besoin que vous vidiez votre bourse pour mes fantaisies et ma capricieuse bibliomanie, [16][40] laquelle ne devrait faire peine qu’à moi seul. [41]

Je vous supplie de faire mes très humbles recommandations à M. Gras, [42] notre bon ami, et de lui dire que je le remercie très humblement du livre des deux ministres, lequel est fort beau et encore plus du bel herbier de Jean Bauhin, [17][43] et même de la bonne volonté qu’il a pour les deux autres volumes qui sont à venir.

Il me semble que M. Moreau [44] se porte un peu mieux, au moins il est in statu neutro ; [18] mais j’avoue qu’il ne faut pas grand’chose pour l’abattre, et puis l’hiver auquel nous touchons du bout du doigt est fort à craindre aux vieillards qui sont si fort abattus. Utinam diu perennet[19] Pour la dédicace des trois traités manuscrits que doit imprimer M. Rigaud, [11] je vous prie vous-même d’y penser. Il me semble que ledit sieur Rigaud m’en dit quelque chose alors que je lui mis la copie entre les mains, mais ce qu’il m’en dit alors m’est échappé de la mémoire. Je vous prie aussi de le faire souvenir d’un livre qu’il m’a promis, intitulé Opus logicum Scheibleri[45] lequel est in‑4o imprimé à Yverdon [46] et que je ne puis avoir que par son moyen. Je chéris et aime tendrement cet auteur, duquel j’ai céans plusieurs ouvrages, et entre autres sa Métaphysique in‑4o[20] Je vous prie aussi de solliciter M. Ravaud pour le défaut d’un demi-alphabet des Consultations de M. Julius Cesar Benedictus à Guelfalione, [21][47][48] et de lui dire que, à lui et à M. Huguetan son associé, je suis leur très humble serviteur. La Vie de M. Dupuy n’est point achevée pour la difficulté que M. Rigault [49] y apporte. C’est qu’il veut qu’on lui envoie les épreuves d’ici là ; [22] on lui en avait envoyé deux feuilles il y a fort longtemps, après avoir attendu plus d’un mois sa réponse, on lui a écrit de nouveau et < il > a mandé qu’il n’avait point reçu lesdites deux feuilles, si bien qu’il a fallu les lui renvoyer ; et pour cet embarras, il y a six semaines que l’ouvrage n’a point avancé ; on dit aussi qu’à ce qu’y a fait M. Rigault, on y ajoutera autre chose qui grossira le livre.

Ce 10e de décembre. La Chambre des comptes, la Cour des aides[50] les trésoriers de France [23][51] et les secrétaires du roi ont aujourd’hui matin envoyé prier Messieurs du Parlement de vouloir leur prêter secours et adjonction pour, étant tous assemblés d’un commun consentement, demander audience au premier président [52] et lui faire remontrances pour le paiement de leurs gages, de leurs rentes, etc. Je ne sais pas ce que fera à cela le Parlement, mais c’est chose certaine que ces Messieurs mêmes, qui demandent aujourd’hui adjonction, ont par ci-devant refusé secours au Parlement qui était bien avant embarqué dans les affaires publiques, à qui ces Messieurs n’ont voulu donner aucun secours lorsqu’ils en avaient grand besoin, et même, lorsque l’intérêt public les y devait obliger.

On dit ici qu’il y a sur le tapis un accord entre le Mazarin et le prince de Condé, et que le duc d’Orléans a mandé au duc de Damville [53] qu’il l’allât trouver. Cela fait ici penser le monde à quelque accord et ce duc de Damville se prépare pour s’en aller à Blois y recevoir les propositions de l’oncle du roi ; mais l’on dit que ce duc [24] a protesté de ne venir jamais à la cour tant que le Mazarin y sera ; ainsi, il demeurerait à Blois ou Orléans, ou s’en irait en son gouvernement de Languedoc. [54] D’ailleurs, il faudrait que le prince de Condé, de peur d’être arrêté à la cour et n’y trouvant point d’assurance, se retirât aussi en son gouvernement de Guyenne, [55] ou peut-être dans Bordeaux même, pour être assuré de sa personne contre la violence du principal ministre [25] et contre les intrigues, les cabales, et les imposteurs de la cour et du cabinet.

Ce 12e de décembre. Hier mourut ici le P. Petau, [56] le plus savant de la Société. Il avait dans la tête divers desseins de livres qu’il avait même commencés, mais malaisément trouvera-t-on quelqu’un qui les achèvera : Manent opera interrupta minæque murorum ingentes[26][57] M. de Saumaise [58] est pareillement bien malade à Leyde, [59] et bien cassé aussi. On dit ici que la peste [60] est encore bien rude en Languedoc et qu’il en est mort à Toulouse 25 conseillers du parlement ; [61] mais de plus, on dit aussi que la guerre d’Espagne s’y échauffe fort devers Leucate [62] et le comté de Roussillon. On m’a dit aujourd’hui que le P. Petau avait laissé et commis tous ses papiers et desseins à un sien disciple nommé le P. Cossart [63] qui aura soin de continuer le grand travail de son maître de la Théologie des Pères, dont il y a déjà cinq volumes d’imprimés in‑fo[27] Le Mazarin, avec ses armées royales du maréchal de Turenne et du maréchal d’Aumont, [64] n’a pu encore reprendre ni Saint-Menehould, ni Rethel, ou autre place de celles que le prince de Condé a occupées ; et lui sera dorénavant très malaisé d’en venir à bout à cause du mauvais temps, joint que ces deux maréchaux sont tous deux fort mal avec lui et qu’à la cour même, il y a grabuge d’importance, et contre le Mazarin et touchant les moyens d’accorder avec les deux princes, la reine voulant attirer de son côté le duc d’Orléans pour tâcher de perdre le prince ; et le Mazarin, tout au contraire, étant d’avis de s’accorder avec ledit prince pour reculer le duc d’Orléans. [28] C’est pour cela et pour l’évêché de Montpellier que le duc de Damville a été envoyé à Blois par la reine pour y conférer avec le duc d’Orléans ; où la reine a donné ordre que Mademoiselle, [65] fille du duc d’Orléans, laquelle était à Saint-Fargeau, [66] eût aussi à se rendre afin de pousser et tâcher de faire condescendre son père à l’accord désiré par la reine ; et en récompense, on fait espérer à ladite demoiselle qu’elle pourra épouser le roi. [67]

On dit ici que le mal est fort grand à Bordeaux ; [68] que les deux lieutenants de M. le Prince, savoir Marsin [69] et Balthazar, [70] sont maîtres de la campagne presque en toute la Guyenne, et qu’ils tiennent toutes les places qui sont sur la Garonne et la Dordogne ; [29] que cela obligera le roi d’y aller faire un grand voyage et d’y mener force troupes, mais il faut auparavant en avoir ; et que pour trouver de l’argent, on parle de faire deux parlements, l’un à Lyon et l’autre à Poitiers, [71] et trois bureaux de trésoriers de France, l’un à Chartres, [72] l’autre à Angers [73] et le troisième à La Rochelle. [74]

Ce 18e de décembre. M. le duc d’Anjou, [75] frère du roi, a été à la Chambre des comptes aujourd’hui au matin y faire casser un article de la déclaration du mois d’octobre de l’an 1648, par lequel les comptants de l’Épargne étaient réduits à trois millions. Le Mazarin, qui est un bon ménager, les avait réduits et fait monter jusqu’à 58 millions l’an 1646 ; et néanmoins du temps de Henri iii[76] ils n’étaient que de 10 000 écus par mois. [30]

On travaille à finir la Vie de feu M. Dupuy. J’ai céans un paquet tout prêt à vous envoyer, que je ne ferai pourtant point emballer que je ne vous y en mette quelques exemplaires, M. Cramoisy m’ayant assuré que le tout sera bientôt achevé et que l’on n’envoie plus d’épreuves en Lorraine. [22] On n’imprime maintenant que quelques autres pièces que l’on met à la fin du livre, qui ne sont pas de M. Rigault, mais d’autres amis de feu M. Dupuy qui firent quelque chose en sa mémoire au temps de sa mort. Je vous en enverrai par même moyen un autre que fait ici imprimer un jésuite nommé le P. Labbe : [77] c’est un recueil de livres manuscrits en toute sorte de matières qu’il a découverts être en diverses bibliothèques ; il m’en a fait demander si j’en avais, j’y ai fait mettre un article des manuscrits de notre bon ami M. Hofmann. Ce livre sera curieux, le libraire dit qu’il n’y a plus que trois feuilles pour achever. [31]

Le pape [78] a refusé les bulles [79] au cardinal Mazarin pour l’évêché de Metz, [32][80] au cardinal Antonio [81] pour celui de Poitiers, [33][82] et à un docteur de Sorbonne [83] nommé M. Bourlon, [84] fils d’un maître des comptes, pour la coadjutorerie de Soissons. [34][85] Le Mazarin avait traité de l’évêché de Metz avec M. le marquis de Verneuil [86][87] qui est abbé de Saint-Germain-des-Prés, [88] mais le voilà arrêté par une puissance supérieure, saltem ad tempus[35] On parle ici de la guerre des Anglais contre les Hollandais, ils sont très forts les uns et les autres, et fort animés, voire même acharnés chacun pour leur parti. Il est venu depuis trois jours quelque bruit que les Anglais avaient eu du pis, ayant voulu attaquer des vaisseaux des Hollandais qui appartenaient à des marchands lorsqu’ils passaient par la Manche d’Angleterre, mais on n’en dit plus rien. Les Anglais y ont perdu deux vaisseaux. [36]

La reine hier, jeudi 19e de décembre, sur le midi, fit arrêter dans le Louvre [89] prisonnier par M. de Villequier, [90] capitaine des gardes, M. notre coadjuteur, cardinal de Retz, [91] pour être tôt après mené sous bonne garde dans le Bois de Vincennes, [37][92] qui est le lieu où on met ordinairement de tels prisonniers. [38] Le temps nous en découvrira quelques causes ; et en attendant, je suis de grande dévotion, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Guy Patin.

De Paris, ce vendredi 20e de décembre 1652.

Le vieux archevêque, [93] le chapitre de Notre-Dame [94] et autres ecclésiastiques (mais non pas tous) se trémoussent ici très fort de la détention du cardinal de Retz, vereor tamen ne minæ illæ sint tantum minæ, et dumtaxat lautum fulmen[39]

Je crois que vous aurez reçu mes deux dernières lettres. Maintenant, je vous dirai que l’on nous promet ici un jubilé [95] pour le commencement du carême. [96] C’est une consolation spirituelle que le pape nous veut donner en récompense des malheurs que le cardinal Mazarin nous fait souffrir. Si pourtant l’on ne l’envoie pas, on tâchera le mieux qu’on pourra de s’en passer ; mais les médecins y perdraient le plus, car il leur vient toujours en aprtage quelque malade qui s’est morfondu, courant d’église en église. [40]

Quelque mine que l’on fasse et quelque déguisement que les hommes apportent dans leur vie, ils ne sauraient pare ce dernier coup. La mort lève le masque et fait connaître que la vanité de la vie n’est qu’une comédie assez chétive, qu’une farce assez courte, qu’une ombre, ou le songe même d’une ombre. Juvénal n’a-t-il pas bien dit dans sa dixième Satire, qui est un ouvrage admirable : [97][98]

                    Mors sola fatetur
Quantula sint hominum corpuscula
[a][41]


a.

Ms BnF Baluze no 148, fos 53‑54, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 81 (tome ii, pages 994‑1003). Note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1652./ Paris 20 Xbre [décembre]/ Lyon 25 ditto/ Rispost./ Adi 21 janv./ 1653 ».

J’ai ajouté à la fin (v. infra notes [40] et [41]) deux paragraphes orphelins qui appartiennent à une lettre fabriquée, elle aussi datée du 20 décembre 1652, publiée dans Du Four (édition princeps, 1683), no xlii (pages 142‑145), Bulderen, no lxxi (i, pages 201‑203), et Reveillé-Parise, no ccccviii (tome iii, 6‑8).

1.

« je n’en demande pas plus. Le reste m’importe peu, pourvu que mon ami vive en bonne santé. »

2.

Ce sont les vers de l’Énéide (chant iv, vers 1‑4) sur la tristesse de Didon [Anne d’Autriche] se languissant d’amour loin de Thésée [Mazarin] :

At regina, gravi iamdudum saucia cura,
volnus alit venis, et cæco carpitut igni.
Multa viri virtus animo, multusque recursat
gentis honos : hærent infixi pectore voltus
.

[Mais la reine, blessée par l’angoisse oppressante de l’amour, entretient son mal en ses veines, se consume en un feu secret. Sans cesse lui reviennent à l’esprit la grande valeur, l’immense prestige de la race du héros dont les traits et les paroles lui restent fixés dans le cœur].

3.

La fin de la phrase, malhabilement construite, concerne l’évêque d’Amiens, François Le Fèvre de Caumartin, mort le 27 novembre (v. note [8], lettre 298), et non son père, le garde des sceaux Louis de Caumartin (v. note [8], lettre 197).

4.

V. note [9], lettre 298, pour Pierre Fenouillet, évêque de Montpellier (mort le 24 novembre après 44 ans d’épiscopat), Vital de L’Estang, évêque de Carcassonne (mort le 28 septembre), et Pierre Camelin, évêque de Fréjus (dont la mort était une fausse nouvelle).

5.

V. note [38], lettre 286, pour le Mercurio de Vittorio Siri.

6.

Un décès survenu dans la famille de Charles Spon avait dû laisser des orphelins dont on aurait pu vouloir lui imposer la charge, mais je manque d’arguments pour étayer cette hypothèse.

Dans son Traité des minorités, des tutelles et des curatelles, des gardes, des gardiens… (Paris, P.D. Maréchal, 1752, in‑4o, page 800), Jean Meslé a cité en exemple l’affaire de tutelle que Guy Patin évoquait ici :

« Jugé le lundi 2 décembre 1652, plaidant Adam et Chesnuot, et conformément aux conclusions de M. Bignon, que la qualité de médecin n’était une excuse légitime pour s’exempter de la tutelle : c’était un nommé Cordelier, médecin de la Faculté de Reims, {a} qui résidait à Noyon, qui s’était fait décharger par sentence du juge de Noyon, sur les conclusions du substitut, dont les parents étaient appelants, et disaient pour moyens par Adam l’aîné, leur avocat, qu’il n’y avait aucune lettre patente, édit ou déclaration qui accordât ce privilège aux médecins, qu’il ne se voyait non plus que par aucun titre, ce privilège fût accordé aux suppôts {b} de l’Université de Reims, que la disposition de droit était pour les médecins, mais qui étaient dans le nombre, {c} et que c’était tout autre chose que ne sont pas ceux qui exercent à Troyes, {d} étant permis à ceux qui avaient été reçus médecins de résider où bon leur semblait, même que sous ce nom et qualité, plusieurs pourraient prétendre cette exemption, ce qui serait tout à fait extraordinaire et d’ailleurs, de périlleuse conséquence. L’arrêt infirma la sentence et ordonna que le médecin demeurerait tuteur, sans dépens. {e} La cause fut jugée dans la thèse et ainsi, il ne faut pas dire que toutes les excuses de droit pour être déchargé de tutelle soient bonnes en France. »


  1. Guy Patin a correspondu avec ce médecin (lettre latine, datée du 4 février 1665).

  2. Membres.

  3. Au nombre des médecins à qui le fait d’exercer dans la ville où ils avaient été gradués exonérait de l’obligation de tutelle.

  4. Obligatoirement docteurs de Paris ou de Montpellier : v. notes [1], lettre 52, et [2], lettre 362.

  5. Frais que la partie perdante doit payer à la partie gagnante.

7.

Château-Porcien (Ardennes) se situe sur l’Aisne, une vingtaine de kilomètres en aval de Rethel.

8.

« Ajoutez-y qu’étant eunuque, il n’est mû par aucune affection naturelle et n’a cure de famille ou d’enfants » (Claudien, Invective contre Eutrope, livre i, vers 187‑188).

9.

« comme d’habitude ».

10.

« et qu’il en soit ainsi pour de nombreuses années. »

11.

Transcrire : établir la copie nette et lisible d’un manuscrit difficile à déchiffrer. Il s’agissait toujours des Chrestomathies et des traités manuscrits de Caspar Hofmann, en cours de préparation à l’édition à Lyon chez le libraire Pierre Rigaud, sous la surveillance de Charles Spon (v. note [12], lettre 293).

12.

Guy Patin tenait absolument, une fois l’édition faite, à récupérer ses originaux qu’il avait payés 50 écus à la fille de Caspar Hofmann (v. note [11], lettre 186).

13.

« des bons et mauvais livres », v. note [7], lettre 205.

14.

« pour que la loi du talion soit dûment accomplie » ; la loi du talion (talionis lex, de talis, tel en latin) prescrit une peine égale et semblable au crime commis (“ œil pour œil, dent pour dent ”).

V. note [7], lettre 307, pour la Vie de Pierre Dupuy par Nicolas Rigault.

15.

V. note [9], lettre 273, pour ce livre de Jean-Baptiste Bouis.

16.

Bibliomanie : mot dont on a attribué la paternité à Guy Patin, pour dire « passion, fureur d’avoir des livres » (Trévoux).

Vigneul-Marville (Mélanges, volume 1, pages 55‑56) :

« La bibliomanie (comme disait feu M. Patin) a été une des maladies de ce siècle. Chacun, par un luxe curieux, studiosa luxuria, a voulu avoir des livres et former de grands corps de bibliothèques : Inumerabiles libros, et bibliothecas, quarum dominus vix tota vita sua indices perlegit. {a} Jam enim inter balnearia et thermas, bibliotheca quoque, ut necessarium domus ornamentum expolitur. {b} On a envoyé pour cela, non seulement dans toute l’Europe, mais aussi dans l’Orient, pour découvrir des livres très anciens et des manuscrits rares ; ce qui a donné lieu à bien des fourberies et des bévues. Il y a quelques années que des ignorants ou des fourbes envoyèrent ici, du bout du monde, des manuscrits arabes très bien conditionnés et d’un parfaitement beau caractère. Ils furent reçus avec respect par ceux qui n’y entendaient rien ; mais les connaisseurs ayant jeté les yeux dessus, on sut bientôt que ces manuscrits, qu’on avait pris pour des livres très curieux, n’étaient que des registres et des livres de compte mis au net par des marchands arabes : Risum teneatis amici ? » {c}


  1. « Livres innombrables et bibliothèques débordantes, dont le propriétaire a à peine assez de sa vie entière pour n’avoir lu que les titres » (Sénèque le Jeune, La Tranquillité de l’âme, chapitre 9, § 4).

  2. « Aujourd’hui bains et thermes sont aussi garnis d’une bibliothèque, c’est l’ornement obligé de toute maison » (ibid. supra § 7).

  3. « Comment n’en pas rire, mes amis ? » (Horace, L’Art poétique, vers 5).

La conférence que j’ai donnée à l’École des chartes, le 13 octobre 2015, était consacrée à la Bibliomanie de Guy Patin.

17.

V. notes [12] et [13], lettre 297, pour les livres des deux ministres protestants contre le jésuite Jean-Baptiste La Barre, et pour l’Historia plantarum universalis… de Johann Bauhin.

18.

« en état stable ».

19.

« Dieu fasse qu’il vive encore longtemps » : vœu largement exaucé, René Moreau ne mourut que le 17 octobre 1656.

20.

Christophori Scheibleri, in Libera Imperiali Tremonia Superintendentis et Gymnasiarcha, Opus Metaphysicum, duobus libris universum hujus scientiæ systema comprehendens ; tum omnium facultatum : tum inprimis Philosophiæ et Theologiæ Studiosis utile et necessarium. Præmissa est summaria methodus, sive dispositio totius scientiæ. Et accessit proœmium de usu Philosophiæ in Theologia et prætensa ejus ad Theologiam contrarietate… Editio novissime ab ipso Autore recognita.

[Ouvrage métaphysique de Christoph Scheibler, {a} surintendant et gymnasiarque en la ville libre de Dortmund ; embrassant en deux livres le système complet de cette science, il est utile et nécessaire aux étudiants de toutes les facultés, et surtout celles de philosophie et de théologie. Il est précédé par une méthode sommaire, ou disposition de tout le savoir, avec un préambule sur l’utilité de la philosophie en théologie, et sur sa prétendue opposition à la théologie… Édition que son auteur a tout récemment revue]. {b}


  1. V. note [12], lettre 279.

  2. Marbourg, Nicolaus Hampelius, 1637, in‑4o de 403 pages.

21.

V. notes [43], lettre 280, pour les Consultations médicales de Giulio Cesare Benedetti à Guelfalione, et [48], lettre 297, pour le demi-alphabet manquant dans l’exemplaire que Guy Patin avait reçu de Lyon.

22.

Nicolas Rigault (v. note [13], lettre 86) résidait à Metz, où il était doyen du Parlement.

23.

Trésorier de France était synonyme de trésorier de l’Épargne (v. note [9], lettre 118).

Un arrêt du Conseil daté du 22 août 1642 avait décidé de nommer des intendants pour les substituer aux trésoriers de France, vidant ainsi presque complètement leur office (qui était vénal, c’est-à-dire acheté) de sa substance.

24.

Le duc d’Orléans.

25.

Mazarin.

26.

« Les travaux interrompus restent en suspens, et les hautes murailles menaçantes » (Virgile, Énéide, chant iv, vers 88‑89 ; fin de la lamentation de Didon sur l’absence de Thésée, v. note [2], lettre 299).

27.

V. note [15], lettre 298. Tout ce que ce passage sur Denis Petau, père de la Compagnie de Jésus, se trouve dans une lettre datée du 20 décembre 1652, adressée à Charles Spon dans Du Four (xli, pages 139‑141) et Bulderen (lxxi, tome i, 201‑203), et à André Falconet dans l’édition Reveillé-Parise (ccccviii, tome iii, 6‑8), qu’il faut considérer comme fabriquée (v. notes [29], lettre 295, supra [a] et [1], lettre 304). Il en va de même pour le passage sur la faible santé de René Moreau un peu plus haut.

28.

Reculer : éloigner, écarter.

29.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 186 ro et vo, Paris, 12 décembre 1652) :

« Les lettres de Bordeaux du 5 confirment la conspiration que vous avez sue et portent que l’exécution s’en devait commencer par un capitaine nommé Magdelaine, que M. de Marsin avait mis pour commandant dans Casteljaloux. {a} Ce capitaine s’était chargé de se défaire de M. le prince de Conti et de MM. de Marsin et de Balthazar ; et pour cet effet, il avait prié ce prince de venir dîner chez lui avec les deux autres et avait engagé quelques personnes qui lui étaient affidées d’assister à l’exécution de ce dessein ; entre autres, un sergent de sa compagnie, lequel, touché de quelques remords, alla déclarer ce secret à M. de Marsin le jour que l’affaire se devait exécuter, à huit heures du matin, ce qui obligea celui-ci d’aller d’abord chez ce capitaine qu’il trouva couché avec une femme ; et dès qu’il l’aperçut, lui tira un coup de pistolet dans l’estomac, et lui en ayant voulu tirer un autre, cette femme le reçut dans la cuisse, s’étant mise devant lui. Ce capitaine vécut encore sept ou huit heures, pendant lequel temps il avoua tout le dessein et dit qu’en même temps on devait exciter sédition dans Bordeaux pour s’y assurer de Mme la Princesse, < de > Mme de Longueville et du petit duc d’Enghien ; dont M. de Marsin donna promptement avis à M. le prince de Conti, lequel ayant fait les plaintes que vous avez sues au parlement, le conseiller Massiot, qu’il accusa comme principal auteur de cet attentat, lui répondit qu’il n’avait jamais conspiré contre des personnes dont la conservation était si chère, mais qu’il était vrai qu’il avait fait tous ses efforts pour prendre les principaux auteurs de l’Ormée, qu’il avait cru que l’honneur et l’intérêt du parlement l’y devaient obliger et que toute la Compagnie s’y devait employer à exterminer cette faction. Les contestations furent si grandes là-dessus et le parlement s’y trouva si divisé que depuis le matin jusqu’à la nuit, on ne put rien délibérer, et il fallut se séparer sans rien faire. On pria seulement M. le prince de Conti de ramener Massiot en sûreté dans sa maison ; ce que ce prince ayant promis, le fit mettre dans son carrosse et lui dit que, pour être plus en sûreté, il serait mieux à l’hôtel de ville, de peur que l’Ormée n’allât assiéger sa maison. Néanmoins, ses confrères s’étant plaints de cette action, comme s’il l’eût voulu mettre en prison, il l’alla tirer le lendemain au matin et le ramena au Palais, où l’on ne prend encore aucune résolution à cause qu’il ne s’y trouva que 12 conseillers de reste, n’ayant osé s’y trouver, crainte d’insulte de l’Ormée. À même temps, il se fit une assemblée des notables des bourgeois de la ville, où ceux-ci signèrent une nouvelle union avec ce prince ; mais l’Ormée étant survenue là-dessus et ayant fait grand bruit, ils ne voulurent jamais s’unir avec elle ; et cette affaire y était encore dans la même confusion lorsque l’ordinaire en est parti. Cependant, M. de Marsin avait repris Le Mas d’Agenais {b} d’où l’on mande que le duc de Candale était arrivé à Montauban, dont les lettres ne sont pas encore venues. »


  1. Dans le département du Lot-et-Garonne, à mi-chemin entre Agen et Langon.

  2. Dans le même département.

30.

Comptant : « ordonnance que le roi donne pour faire payer comptant à son trésor une certaine somme qui passe ensuite dans les comptes, sans qu’il y soit fait mention de sa destination et sans avoir besoin d’autres formalités, supposant que c’est pour les affaires secrètes et importantes de l’État » (Furetière).

Journal de la Fronde (volume ii, fos 187 vo‑188 vo, Paris, 17 et 20 décembre 1652) :

« M. le duc d’Anjou doit entrer cette semaine à la Chambre des comptes pour y faire vérifier quelques édits, entre autres celui qui doit révoquer ou changer l’article de la déclaration de 1648 qui parle des comptants de l’Épargne, dont la restriction était faite à trois millions pour les dépenses secrètes, lesquelles se montent plus haut cette année à cause des remises qu’on a faites pour avoir de l’argent dans le fort des troubles. On les veut faire passer plus haut cette année. […]

Le 17 le Conseil donna arrêt portant injonction à la Chambre des comptes d’enregistrer la nouvelle déclaration du roi qui lève la modification que la Chambre avait passée sur la déclaration d’octobre 1648, à peine de rébellion et désobéissance, et d’interdiction. Cet arrêt fut signifié, le 18 au matin par un huissier de la chaîne {a} au procureur général de la Chambre, lequel en avertit aussitôt la Compagnie qui se disposa à y répondre à l’arrivée de M. le duc d’Anjou. Ce prince y arriva sur les neuf heures, accompagné des maréchaux de Villeroy et du Plessis, et < de > MM. de La Poterie et du Mirosmenil, conseillers d’État, et y dit, avec autant de bonne grâce et de hardiesse qu’on pouvait espérer d’un prince de son âge, {b} que le roi l’avait envoyé là pour faire lire à la Compagnie une déclaration qui contenait ses volontés sur le fait des comptants, laquelle il désirait être enregistrée ; que le sieur de La Poterie expliquerait le reste des intentions de Sa Majesté. Sur quoi, celui-ci dit qu’on ne pouvait assez s’étonner que des simples arrêtants d’états {c} osassent contester l’autorité de leur souverain et empêcher qu’il ne pût pas disposer de ses finances selon le besoin de ses affaires ; que si les comptants avaient été réglés par la déclaration de 1648, ce n’avait été que par violence pendant une minorité qui avait été attaquée par la rébellion et l’audace de ceux qui devaient donner le premier exemple de soumission à leur maître ; qu’à présent, Sa Majesté, étant majeure, en voulait user autrement et selon son bon plaisir, sans qu’il y eût personne qui osât trouver à redire ; et que si la Compagnie s’y opposait, il avait charge du roi de lui dire qu’elle encourrait les crimes de rébellion et de désobéissance, et qu’elle serait interdite. Cette belle harangue fut reçue avec beaucoup de murmure et le procureur général ayant pris la parole avec vigueur, releva l’honneur de la Compagnie, disant qu’elle devait être traitée plus doucement ; et enfin, conclut à faire très humbles remontrances sur l’importance du fait. Le président Larcher en fit de même et après avoir renvoyé au sieur de La Poterie les injures, dit que le roi désavouerait un jour les violences qu’on lui faisait faire aux compagnies souveraines, et fit remarquer les grands abus qui se commettaient par ces comptants qui, depuis l’année 1637 jusqu’en 1648, ont monté à {d} 530 millions et depuis, jusqu’à 50 millions par an ; que c’était un moyen pour couvrir les voleries de ceux qui ont le maniement des finances et des partisans ; et que la Chambre se réservait encore d’en faire des remontrances en temps et lieu. Mais comme il connut qu’il fallait laisser faire ce coup d’autorité, il laissa prononcer l’enregistrement de cette déclaration par le sieur de La Poterie et y fit ajouter ces mots : “ Par délibération de la Compagnie, par très exprès commandement du roi porté par M. le duc d’Anjou, son frère. ” »


  1. V. note [8] des Décrets et assemblées dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris en 1651‑1652.

  2. 12 ans.

  3. Arrêtés comptables.

  4. Totalisé.

31.

Philippi Labbei Biturici Societati Iesu Presbyteri, Nova Bibliotheca mss. librorum, sive Specimen antiquarum lectionum Latinarum et Græcarum, in quatuor partes tributarum, cum coronide duplici, poetica et libraria, ac supplementis decem.

[Nouvelle bibliothèque des livres manuscrits, de Philippe Labbe, {a} prêtre de la Compagnie de Jésus, natif de Bourges, ou Spécimen des lectures antiques, grecques et latines, réparties en quatre parties avec une double conclusion, l’une de poétique, l’autre de librairie, et dix suppléments]. {b}


  1. V. note [11], lettre 133.

  2. Paris, Jean Hénault, 1653, in‑fo de 515 pages. L’achevé d’imprimer est daté du 2 janvier 1653.

Labbe y cite Guy Patin et ses manuscrits de Caspar Hofmann (Supplementum quintum. Ex Catalogo mss. Libb. V.C. Renati Moræi Doctoris Medici Parisiensis [Cinquième supplément. Tiré du Catalogue du très distingué M. René Moreau, docteur en médecine de Paris], pages 219‑220) :

Quorum omnium, aut saltem præcipuorum, urgebitur editio, quam primum licuerit per Bellonam, cuius furoribus tota Gallia misere iam ab aliquot annis exæstuat.

[Dont on hâtera l’édition de tous, ou au moins des principaux, dès que l’aura permis Bellone, {a} dont les fureurs agitent misérablement la France tout entière depuis déjà quelques années].


  1. Déesse de la guerre, v. note [3], lettre latine 29.

32.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 126 ro et vo, 2 août 1652) :

« Le 2, le cardinal Mazarin acheva son traité de l’évêché de Metz, pour lequel, et pour les abbayes de Saint-Vincent et de Saint-Clément que M. de Metz {a} a dans la même ville, on donne à celui-ci les abbayes d’Ourscamps, de Saint-Taurin et d’Évreux, et celle qu’avait le feu sieur Vautier, premier médecin du roi ; et outre cela, 30 000 écus qui lui étaient dus pour trois années d’arrérages d’une rente de 10 000 écus qu’il a sur les salines ; de laquelle somme, l’évêque de Lavaur, l’abbé de Corsan et Colbert, son intendant, {b} sont cautions auprès de M. de Metz. Cet abbé, qui a été le négociateur de cette affaire, donne encore l’abbaye de Saint-Simphorien à ce cardinal qui aura par ce moyen tous les bénéfices de Metz, ayant déjà celle de Saint-Arnould, lesquels se montent à 300 000 livres de rente, compris le gouvernement qu’il a aussi acheté du maréchal de Schomberg. »


  1. Henri de Bourbon, marquis de Verneuil.

  2. Jean-Baptiste Colbert, le futur ministre, était alors intendant de Mazarin.

Malgré le soutien du roi, le pape Innocent x avait refusé de donner les bulles de Metz à Mazarin. Un décret royal du 29 novembre 1653 confirma pourtant sa nomination ; mais Rome s’obstinant à lui en refuser les bulles, le cardinal se démit de lui-même de l’évêché de Metz en 1658, en faveur de François Égon de Furstemberg (Gallia Christiana).

33.

Méprise confirmée de Guy Patin à propos de l’évêché de Poitiers (v. note [12], lettre 298) : le cardinal Antonio Barberini en avait reçu les bulles papales le 16 août 1652 ; il devint archevêque de Reims en 1657 (Gallia Christiana).

34.

Charles de Bourlon (1611-1685), docteur de Sorbonne en 1640, avait été nommé coadjuteur de Soissons le 28 août 1651, mais ne fut consacré que le 2 février 1653 par Nicolas Sanguin. Il reçut le siège épiscopal de Soissons le 31 octobre 1656, trois jours après la mort de son évêque, Simon Le Gras (Gallia Christiana).

35.

« tout juste à temps. »

Henri de Bourbon (1601-1682), marquis de Verneuil puis duc de même nom (par lettres de 1652 enregistrées en 1663), était fils naturel légitimé de Henri iv et de Catherine-Henriette de Balzac, marquise de Verneuil. Sa carrière avait débuté dans la prélature : pourvu de nombreuses abbayes, dont les Vaux-de-Cernay et Saint-Germain-des-Prés, il avait été nommé évêque de Metz en 1621. Ayant abdiqué en 1652, il ne renonça pourtant à tous ses bénéfices ecclésiastiques qu’en 1669, après avoir épousé en octobre 1668 Charlotte Séguier, fille du chancelier, veuve de Maximilien de Béthune, duc de Sully, qui devint princesse du sang après son veuvage et mourut en 1704. Ambassadeur extraordinaire en Angleterre en 1665, le duc de Verneuil devint vice-roi du Languedoc en 1666, gouvernement où il ne se rendit jamais.

36.

Victoire de la flotte hollandaise sur celle des Anglais à Dungeness (v. note [11], lettre 298).

37.

Louis-Marie-Victor d’Aumont (1632-1704), marquis de Villequier, était le fils aîné du maréchal d’Aumont (v. note [1], lettre 248). Il avait été nommé capitaine des gardes du corps du roi en 1651 et devint gouverneur de Boulogne quand son père reçut le gouvernement de Paris (1662), puis duc d’Aumont quand le maréchal mourut (1669).

Journal de la Fronde (volume ii, fo 188 vo, Paris, 20 décembre 1652) :

« M. le cardinal de Retz ayant résolu de prêcher le jour de Noël à Saint-Germain-l’Auxerrois, qui est la paroisse du Louvre, le roi lui manda hier au matin qu’il serait bien aise de le voir auparavant ; et parce qu’il savait bien qu’on le tenait pour suspect à la cour et qu’on l’accusait de cabaler dans Paris pour les Enquêtes et les rentiers, il balança d’abord à la résolution qu’il devait prendre et quelques-uns lui conseillèrent de n’aller point au Louvre ; mais il ne laissa pas d’y aller et se trouva à la messe du roi, à la sortie de laquelle M. de Villequier, capitaine des gardes du corps du roi, l’arrêta prisonnier entre midi et une heure, et le retint dans le Louvre jusqu’à trois heures après midi qu’on le fit passer par la grande galerie du Louvre et sortir par le pavillon des Tuileries, d’où on le conduisit dans le château de Vincennes escorté de quatre compagnies des gardes des gendarmes et chevau-légers du roi. »

Retz (Mémoires, pages 1094‑1096) :

« J’allai ainsi au Louvre le 19e de décembre et j’y fus arrêté dans l’antichambre de la reine par M. de Villequier qui était capitaine des gardes en quartier. Il s’en fallut très peu que M. d’Hacqueville ne me sauvât. Comme j’entrai dans le Louvre, il se promenait dans la cour ; il me joignit à la descente de mon carrosse et il vint avec moi chez Mme la maréchale de Villeroy où j’allai attendre qu’il fût jour chez le roi ; il m’y quitta pour aller en haut où il trouva Montmège qui lui dit que tout le monde disait que j’allais être arrêté ; il descendit en diligence pour m’en avertir et pour me faire sortir par la cour des cuisines qui répondait justement à l’appartement de Mme de Villeroy ; il ne m’y trouva plus, mais il ne m’y manqua que d’un moment, et ce moment m’eût infailliblement donné la liberté. […]

M. de Villequier me mena dans son appartement où les officiers de la bouche m’apportèrent à dîner. L’on trouva très mauvais à la cour que j’eusse bien mangé, tant l’iniquité et la lâcheté des courtisans est extrême. Je ne trouvai pas bon que l’on m’eût fait retourner mes poches comme l’on fait aux coupeurs des bourses, M. de Villequier eut ordre de faire cette cérémonie qui n’était pas ordinaire. L’on n’y trouva qu’une lettre du roi d’Angleterre {a} qui me chargeait de tenter du côté de Rome si l’on ne lui pourrait point donner quelque assistance d’argent. Ce nom de lettre d’Angleterre se répandit dans la basse-cour ; il fut relevé par un homme de qualité au nom duquel je me crois obligé de faire grâce, à la considération de l’un de ses frères qui est de mes amis ; il crut faire sa cour de le gloser d’une manière qui fut odieuse, il sema le bruit que cette lettre était du Protecteur. {b} Quelle bassesse ! L’on me fit passer, sur les trois heures, toute la grande galerie du Louvre et l’on me fit descendre par le pavillon de Mademoiselle. Je trouvai un carrosse du roi dans lequel M. de Villequier monta avec moi et cinq ou six officiers des gardes du corps. Le carrosse fit douze ou quinze pas du côté de la ville, mais il tourna tout d’un coup à la porte de la Conférence. Il était escorté par M. le maréchal d’Albret à la tête des gendarmes, par M. de La Vauguyon à la tête des chevau-légers et par M. de Vennes, lieutenant-colonel du régiment des gardes, qui y commandait huit compagnies. Comme l’on voulait gagner la porte Saint-Antoine, il y en avait deux ou trois autres devant lesquelles il fallait passer ; il y avait à chacune un bataillon de Suisses qui avaient les piques baissées vers la ville. Voilà bien des précautions, et des précautions bien inutiles. Rien ne branla dans la ville. La douleur et la consternation y parurent ; mais elles n’allèrent pas jusqu’au mouvement, soit que l’abattement du peuple fût en effet trop grand, soit que ceux qui étaient bien intentionnés pour moi perdissent le courage, ne voyant personne à leur tête. L’on m’en a parlé depuis diversement. Le Houx, boucher, mais homme de crédit dans le peuple et de bon sens, m’a dit que toute la boucherie de la place aux Veaux {c} fut sur le point de prendre les armes et que, si M. de Brissac ne lui eût dit que l’on < me > ferait tuer si l’on les prenait, il eût fait les barricades dans tout ce quartier-là avec toute sorte de facilité. L’Épinay m’a confirmé la même chose de la rue Montmartre. Il me semble que M. le marquis de Châteaurenault, qui se donna bien du mouvement ce jour-là pour émouvoir le peuple, m’a dit qu’il n’y avait pas trouvé jour ; et je sais bien que Malclerc, qui courut pour le même dessein les ponts de Notre-Dame et de Saint-Michel qui étaient fort à moi, y trouva les femmes dans les larmes, mais les hommes dans l’inaction et la frayeur. Personne du monde ne peut juger de ce qui fût arrivé s’il y eût eu une épée tirée. Quand il n’y en a point de tirée en ces rencontres, tout le monde juge qu’il n’y pouvait rien avoir ; et s’il n’y eût point eu de barricades à la prise de M. Broussel, l’on se serait moqué de ceux qui auraient cru qu’elles eussent seulement été possibles. »


  1. Charles ii alors sans trône et en exil.

  2. Oliver Cromwell.

  3. Dans le Halles.

Retz cherchait à se flatter, mais l’état d’esprit du peuple n’était plus ce qu’il avait été lors de l’arrestation de Broussel au tout début de la Fronde, en août 1648. On sent d’ailleurs qu’il n’était pas vraiment dupe de cette illusion (Bertière a).

38.

Retz (Mémoires, pages 1096‑1097) :

« J’arrivai à Vincennes entre huit et neuf heures du soir, et M. le maréchal d’Albret m’ayant demandé à la descente du carrosse si je n’avais rien à faire savoir au roi, je lui répondis que je croirais manquer au respect que je lui devais si je prenais cette liberté. L’on me mena dans une grande chambre où il n’y avait ni tapisserie, ni lit ; celui que l’on y apporta sur les onze heures était de taffetas de la Chine, étoffe peu propre pour un ameublement d’hiver. J’y dormis très bien, ce que l’on ne doit point attribuer à fermeté parce que le malheur fait naturellement cet effet en moi. J’ai éprouvé en plus d’une occasion qu’il m’éveille le jour et qu’il m’assoupit la nuit. Ce n’est pas force, et je l’ai connu après que je me suis bien examiné moi-même, parce que j’ai senti que ce sommeil ne vient < que > de l’abattement où je suis dans les moments où la réflexion que je fais sur ce qui me chagrine n’est pas divertie par les efforts que je fais pour m’en garantir. Je trouve une satisfaction sensible à me développer, pour ainsi dire, moi-même, et à vous rendre compte des mouvements les plus cachés et les plus intérieurs de mon âme. Je fus obligé le lendemain < d’être > sans feu parce qu’il n’y avait point de bois pour en faire, et les trois exempts {a} que l’on avait mis auprès de moi eurent la bonté de m’assurer que je n’en manquerais pas le lendemain. Celui qui demeura seul à ma garde le prit pour lui et je fus quinze jours, < jusqu’ >à Noël, dans une chambre comme une église, sans me chauffer. Cet exempt s’appelait Croisat, il était Gascon et il avait été, au moins à ce que l’on disait, valet de chambre de M. Servien. Je ne crois pas que l’on eût pu trouver encore sous le ciel un autre homme fait comme celui-là. Il me vola mon linge, mes habits, mes souliers ; et j’étais obligé de demeurer dans le lit huit ou dix jours, faute d’avoir de quoi m’habiller. Je ne crus pas que l’on me pût faire un traitement pareil sans un ordre supérieur et sans un dessein formé de me faire mourir de chagrin. Je m’armai contre ce dessein et je me résolus à ne pas mourir, au moins de cette sorte de mort. Je me divertis au commencement à faire la vie de mon exempt qui, sans exagération, était aussi fripon que Lazarille de Tormes et que le Buscon. {b} Je l’accoutumai à ne me plus tourmenter à force de lui faire connaître que je ne me tourmentais de rien. Je ne lui témoignai jamais aucun chagrin, je ne me plaignis de quoi que ce soit et je ne lui laissai pas seulement voir que je m’aperçusse de ce qu’il disait pour me fâcher, quoiqu’il ne proférât pas un mot qui ne fût à cette intention. Il fit travailler à un petit jardin de deux ou trois toises qui était dans la cour du donjon ; et comme je lui demandai ce qu’il en prétendait faire, il me répondit que son dessein était d’y planter des asperges : vous remarquerez qu’elles ne viennent qu’au bout de trois ans. Voilà l’une de ses plus grandes douceurs, il y en avait tous les jours une vingtaine de cette force, je les buvais toutes avec douceur et cette douceur l’effarouchait parce qu’il disait que je me moquais de lui. »


  1. Gardiens.

  2. Deux personnages du roman espagnol d’alors qui sont passés dans la langue courante pour désigner le type du pícaro, antihéros, gueux sans scrupule vivant d’expédients.

39.

« Je crains pourtant que ces menaces ne soient que des menaces, et qu’un brillant coup d’éclat. »

Journal de la Fronde (volume ii, fos 188 vo et 189 ro, 20 décembre 1652) :

« Messieurs les curés de Paris s’étant assemblés là-dessus sur les quatre heures, résolurent d’aller trouver M. l’archevêque, son oncle, pour s’en condouloir avec lui {a} et recevoir ses ordres ; et y ayant trouvé le chapitre de Notre-Dame, il y fut arrêté qu’on exposerait dans toutes les paroisses le Saint-Sacrement pour ce sujet, et de retourner tous en corps trouver ce matin l’archevêque pour l’accompagner au Louvre ; où il est allé à onze heures avec une suite de cent carrosses, qui ont passé le long du pont Notre-Dame, par les rues Saint-Denis et Saint-Honoré ; et y étant arrivé et < ayant > attendu plus d’une heure l’audience, pendant lequel temps, M. Le Tellier l’ayant rencontré, lui dit qu’il s’étonnait de ce qu’ils venaient en corps sans avoir auparavant demandé audience, et que néanmoins, il allait voir si on la leur voudrait donner. Peu après, l’on le fit entrer dans la chambre de la reine où il a demandé au roi, au nom de tout le clergé de Paris, la liberté de son neveu pour faire la fonction de sa charge, à laquelle il ne pouvait pas vaquer à cause de son âge caduc et de son indisposition ; à quoi M. le Chancelier a répondu que le roi, portant le nom de très-chrétien, avait toujours beaucoup de révérence et d’estime pour les ecclésiastiques, et principalement pour ceux qui occupaient les premières dignités de l’Église tant qu’ils s’employaient aux fonctions de leur charge ; mais que quand ils quitteraient l’autel pour se mêler des affaires qui n’étaient pas de leur fait et pour brouiller l’État, Sa Majesté userait du pouvoir temporel que Dieu lui a donné contre ceux qui troublaient la tranquillité publique, dont eux-mêmes n’étaient pas exempts puisqu’ils étaient ses sujets ; que Sa Majesté croit que les prières et le vœu qu’ils faisaient pour la prospérité de sa personne et de son État avaient fait que Dieu lui avait inspiré cette résolution de s’assurer de la personne de M. le cardinal de Retz ; qu’elle ne laissait pas d’avoir agréable les instances que leur zèle et leur piété les avaient incités de faire ; après quoi, Leurs Majestés ont mené M. l’archevêque dans le cabinet, lui en particulier. Cette après-dînée, la Sorbonne et l’Université s’étant assemblés sur ce même sujet, ont résolu d’aller demain au Louvre demander la liberté de ce cardinal. On assure que le duc de Brissac, qui était fort son ami, est parti pour aller en Bretagne. La cour a envoyé dès hier un gentilhomme à Blois pour informer Son Altesse Royale de cette détention. ».


  1. Partager sa douleur.

40.

Se morfondre : « endurer du froid aprés avoir eu chaud » (Furetière).

41.

« La mort seule fait voir combien les petits corps des hommes sont peu de chose » (vers 172‑173).

Cette réflexion venait après l’annonce de la mort des évêques mentionnés dans les notes [3] et [4] supra.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 décembre 1652

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(Consulté le 26/04/2024)

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