L. 311.  >
À Claude II Belin,
le 3 mai 1653

Monsieur, [a][1]

Pour répondre à la vôtre, je ne refuse pas le bien que vous me voulez faire de la Princesse charitable de M. Luyt [2] (cet homme n’a-t-il pas été jésuite ?). [1] Pour le P. Théophile, [3] je sais bien qu’il est à Lyon. Je n’ai jamais lu les deux livres de lui que vous m’indiquez, ni même vu : Indiculus sanctorum Lugdunensium et episcoporum et le Symbola Anthoniniana. Obligez-moi de me mander en quel an et en quelle ville ils ont été imprimés afin que je les fasse chercher. J’ai bien céans un in‑12 ;de lui imprimé à Lyon l’an 1629, intitulé Index sanctorum Lugd., mais il n’y est point parlé d’episcoporum[2] Monsieur votre fils [4] m’est venu voir, je lui ai offert, comme au fils de mon bon ami, tout le service que je pourrais lui rendre. Je vous prie de présenter mes très humbles baisemains à M. de Blampignon, [5] votre collègue. J’ai céans depuis six mois Historiam Mexicanam[6] le Nardius sur Lucrèce [7] et le Baccius de thermis : [8] ce dernier a fait aussi de Vinis qui est excellent, comme le vin [9] vaut mieux que l’eau. Il y a deux volumes Iulii Cæs. Benedicti a Guelfalione[10] savoir Consilia et Epistolæ, tous deux in‑4o ; ce même auteur fait encore imprimer quelque chose à Rome. [3]

Le dessein du siège de Bellegarde [11] est rompu, nos troupes sont nécessaires ailleurs. [4] Le second fils [12] du prince de Condé est mort d’une hydrocéphale [13] à Bordeaux où il y a de la peste [14] de nouveau, aussi bien qu’à Toulouse. [5][15] Le livre de lacteis thoracicis [16][17] de Bartholin [18] est imprimé à Londres et est ici fort rare, il n’y a que cinq feuilles de papier. Dès que celui que M. Riolan [19] a fait là-dessus sera imprimé, je vous en enverrai deux, l’un pour vous et l’autre pour M. de Blampignon. [6] Peut-être même que l’on < le > réimprimera ici pour y ajouter celui de Bartholin, duquel on voit deux épîtres de circulatione sanguinis [20] à la fin de son Anatomie in‑8o des deux dernières éditions de Leyde. [7][21][22] Le livre de Chartier, [23] de l’antimoine, [24] est indigne d’être lu, avez-vous bien eu de la patience d’aller jusqu’au bout sans vous ennuyer ! Celui de M. Germain [25][26] est plus raisonnable. [8] Ce Chartier en a été chassé de notre Compagnie [27] et ne jouit plus de rien. Il nous a fait procès pour cela, [28] mais il est pendu au croc et n’est pas en état de gagner ni d’être restitué. C’est un petit safranier qui ne sait de quel bois faire flèche, qui a tout mangé son bien qui n’était pas grand, qui a trente procès contre des créanciers et qui n’a jamais fait ce misérable libelle que pensant flatter Vautier, [29] que le Mazarin [30] installa en la place de M. Cousinot, [31] encore vivant, pour la somme de 20 000 écus qu’il prit de lui en beaux louis d’or ; lequel Vautier mourut ici le 4e de juillet 1652 de trois prises d’antimoine [32] dans une fièvre continue. [33] Ce Chartier doit ici à tant de monde qu’il est à la veille d’être mis en prison. Si vous avez regardé les approbations du livre de M. Germain, vous y verrez une restriction du gilla, [9][34] etc. Notre Faculté n’a jamais reconnu le vinum emeticum [35] de l’antidotaire. [10][36] L’antimoine [37] a été condamné comme poison par deux décrets solennels de la Faculté, tous deux autorisés de la Cour de Parlement par arrêt, l’un en 1566 et l’autre l’an 1615. [11][38][39] Il fallait premièrement casser ces deux décrets par trois assemblées tenues exprès. On n’a rien fait de tout cela et ainsi, l’antimoine demeure poison et l’est bien encore par le grand nombre de ceux qu’il a tués ici ; mais aussi faut-il vous avertir qu’il est ici merveilleusement décrédité et même [rend] odieux tous ceux qui en ont par ci-devant donné. Tout ce que fait M. de Launoy [40] est fort bon. Le scapulaire des carmes [41] n’est qu’une supercherie de moines et une momerie pour attraper de l’argent a mulierculis quas ducent in captivitate ; [12] et tout ce qu’en disent les carmes [42] n’est qu’une vision et une fable controuvée par gens oiseux.

Le bruit avait couru du siège de Bellegarde, mais on délibère d’envoyer nos troupes du côté de l’Italie. Calais [43] a été menacé du siège par les Espagnols, on y avait envoyé de deçà quelques troupes et munitions. On dit maintenant que les Espagnols ont changé de dessein et ont affaire ailleurs. [13]

M. de Bellièvre [44] est premier président et M. de Champlâtreux [45] président au mortier en sa place. Le bonhomme [46] retient les sceaux, mais plusieurs croient qu’il ne les gardera pas longtemps. L’archevêché de Lyon n’est point encore donné, M. le maréchal de La Meilleraye [47] le demande pour M. l’évêque de Rennes, [48] son parent qui est frère du maréchal de La Mothe-Houdancourt ; [49] mais on croit qu’enfin M. le maréchal de Villeroy [50] l’aura pour son frère, l’abbé d’Aisnay. [51] La charge de grand aumônier a été donnée au cardinal Antonio [52] qui s’en va, ce dit-on, ambassadeur à Rome pour nous, en qualité d’extraordinaire. [14] Le cardinal Grimaldi [53][54] demeure ici, n’osant retourner à Rome de peur du pape [55] et du roi d’Espagne [56] qui lui en veulent. [15]

On ne dit ici rien de nouveau du prince de Condé, sinon qu’il est à Stenay [57] et qu’il menace Châlons. [58]

Le Conseil, repugnante Senatu[16] a nommé deux commissaires pour interroger M. de Croissy-Fouquet, [59] savoir MM. de Lezeau et de Bezons. Le premier est un conseiller d’État âgé de près de 80 ans qui a toujours fait tout ce que l’on a voulu de lui et qui est fort propre à être commissaire. [17][60][61] Le second n’a jamais été juge, mais seulement, paucis annis[18][62] avocat général au Grand Conseil. Ce sont des gens qui cherchent à gagner et à avoir de l’emploi ad nutum dominantium[19] Ils sont allés au Bois de Vincennes [63] pour interroger leur prisonnier qui a refusé de leur répondre et leur a chanté leurs vérités ; d’autres disent qu’il les a appelés bourreaux et dit d’autres injures, et qu’il répondrait aussitôt au bourreau de Paris si le roi, [64] qui est son maître, lui avait envoyé. [20]

Le 25e d’avril. On dit ici que le roi s’en va faire un voyage pour huit jours à Fontainebleau, [65] au bout desquels il reviendra à Paris. L’accord des Anglais et des Hollandais n’est point encore fait, on y travaille, ils ont pris un médiateur pour les accorder qui leur a été donné de la part des Vénitiens, mais plusieurs grandes difficultés s’y sont rencontrées jusqu’à présent, qui en a empêché la conclusion ; on doute encore s’ils se pourront enfin accorder. [21] Le cardinal Barberin, [66] qui est à Rome, a fait mettre sur sa porte les armes d’Espagne et a fait publier un manifeste dans lequel il invective fort contre le cardinal Mazarin et entre autres, d’avoir vendu aux Espagnols Piombino [67] et Porto-Longone. [22][68] M. le cardinal de Retz [69] est malade d’un érysipèle [70] à la jambe. On lui a envoyé un médecin de la cour, c’est Vallot, etc., [71] à qui il a refusé de montrer son mal et lui a dit qu’il n’était point malade pour lui, que si on voulait lui envoyer son médecin ou celui de Monsieur son oncle, [23][72] qu’il prendrait leur conseil. On dit que le fils [73] de M. de La Meilleraye s’en va épouser une des nièces [74][75][76] du Mazarin et que l’évêque de Rennes aura par le même marché l’archevêché de Lyon. Cet évêque est frère du maréchal de La Mothe-Houdancourt. [24] On dit qu’il vient encore d’Italie deux autres nièces du Mazarin et un neveu ; nec miror[25] puisqu’on le souffre : tendunt ad summum fortunæ apicem[26]

Depuis ce que dessus écrit, monsieur votre fils demeurant chez un procureur de la Cour nommé M. Le Moine, [77] rue Saint-Victor, [78] m’a envoyé quérir pour le voir. Il est malade d’une fièvre tierce [79] dont les deux premiers accès ont été fort longs et bien rudes. Præscripsi necessaria[27] je ne manquerai point de le voir tant qu’il aura de besoin ; au moins je ferai ce qu’il me sera possible, tant à cause de vous qu’à cause de lui ; j’ai seulement regret qu’il soit si fort éloigné de notre quartier.

Sa fièvre est revenue extrêmement forte avec un cruel accès ; nec mirum[28] c’est un corps tout bilieux [80] et déjà presque atrabilaire. [81] Il a vidé un grand ver [82] par la bouche dans son troisième accès. J’ai pris garde à tout cela et en aurai soin à l’avenir, ne vous en mettez pas en peine. Je l’ai purgé [83] une petite fois, et avec cause et cum prospero successu[29] Le roi, la reine, [84] et le Mazarin et toute la cour sont à Fontainebleau pour douze jours. On dit que le siège de Bellegarde ne se fera point cette année, [30] faute de troupes ; d’autant qu’il en faut envoyer à Pignerol, [85] et dans le comté de Roussillon pour Perpignan, [86] qui autrement se va perdre. Je vous baise les mains et à tous nos bons amis, MM. Camusat, Allen, Blampignon, Sorel, Maillet, Barat, etc., et suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce samedi 3e de mai 1653, à midi sonnant.


a.

Ms BnF no 9358, fos 141‑2 , « À Monsieur/ Monsieur Belin,/ Docteur en médecine,/ À Troyes » ; Reveillé-Parise, no cxv (tome i, pages 189‑194).

1.

Robert Luyt, chanoine et trésorier de Saint-Pierre de Tonnerre en Bourgogne, n’était pas jésuite, il est auteur de mazarinades, dont La Princesse charitable et aumônière, ou l’histoire de la reine Marguerite de Bourgogne… (Troyes, Edme Nicot, 1653, in‑8o).

2.

« d’évêques » ; phrase que Guy Patin a ajoutée dans la marge.

Le titre exact de ce traité est :

Indiculus Sanctorum Lugdunensium ; concinnatus a Th. Raynaudo Societatis Iesu theologo. Addita Mantissa de piis quibusdam Lugdunensibus, non vindicatis.

[Petit index des Saints lyonnais ; établi par Th. Raynaud de la Soc. de Jésus, théologien. Avec supplément sur certains pieux Lyonnais qui n’ont pas été revendiqués]. {a}

L’autre ouvrage recherché par Claude ii Belin était :

Symbola Antoniana ignis B. Antonio appictus multipliciter expressus. Cœtera eiusdem Imaginis hieroglyphica perstricta. A R.P. Theophilo Raynaudo, Societatis Iesu, theologo

[Symboles antonins, le feu attaché à saint Antoine {b} représenté de multiples façons. Sont effleurés les autres symboles mystérieux attachés à son image. Par le R.P. Théophile Raynaud, théologien de la Compagnie de Jésus]. {c}


  1. Lyon, Claude Landry, 1629, in‑12 de 480 pages.

  2. Saint Antoine le Grand, fondateur du monachisme, V. note [11] de la Mazarinade contre Théophraste Renaudot (1649). Le feu de saint Antoine est le nom qu’on a donné à l’intoxication par l’ergot de seigle (mal des ardents). La vignette de couverture montre le saint accompagné de son cochon, avec la main gauche en flammes et tenant une clochette.

  3. Rome, Io. Petrus Bonus, 1648, in‑8o de 213 pages.

3.

V. notes :

4.

V. note [26], lettre 310.

5.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 212 vo et 213 ro, Bordeaux, 15 avril 1653) :

« Le petit duc de Bourbon {a} mourut ici vendredi dernier {b} et la peste, qui empire tous les jours, a fait déloger M. le prince de Conti de sa maison et un de ses domestiques en a été frappé. Il est allé loger chez le président Daffis près la porte Saint-Germain {c} et a donné passeport à celui-ci pour se retirer à Lombez. Le prince a voulu essayer depuis peu de mettre des Irlandais dans Bordeaux, mais il a trouvé de la résistance, et les a mis seulement aux postes des Chartreux et de Saint-Seurin »


  1. V. note [5], lettre 310.

  2. 10 avril.

  3. Actuelle place Tourny.

L’hydrocéphale (on dit aujourd’hui hydrocéphalie) est chez l’enfant une dilatation du crâne par une accumulation de liquide céphalo-rachidien, dont la cause est une malformation congénitale ou la complication d’une méningite bactérienne.

6.

V. note [16], lettre 308, pour le traité de Thomas Bartholin « sur les vaisseaux lactifères thoraciques » et pour la réponse qu’y préparait alors Jean ii Riolan, parue dans la troisième série des Opuscula nova anatomica.

7.

Sa vie durant, Thomas Bartholin n’a pas cessé d’honorer la pia memoria [pieuse mémoire] de son père, Caspar i, en enrichissant ses Institutiones anatomicæ [Institutions anatomiques] (v. note [1], lettre 306) et en les adaptant au foisonnement des découvertes anatomiques du xviie s. Ses trois rééditions successives on paru en :

Cette troisième édition (qui fut reprise trois fois du vivant de Guy Patin, en 1660 [v. note [21], lettre 519], 1666 et 1669) s’achève sur deux lettres de Jan de Wale (v. notes [6], lettre 191 et [18], lettre 192), et non de Bartholin comme écrivait ici Guy Patin :

  1. l’Epistola prima, de motu chyli et sanguinis ad Thomam Bartholinium, Casp. filium [Première lettre, sur le mouvement du chyle et du sang, à Thomas Bartholin, fils de Caspar i] (pages 531‑565) est illustrée de trois planches de dissection anatomique chez le chien et datée de Leyde le 22 septembre 1640 ;

  2. l’Altera epistola de motu sanguinis, ad eundem [Seconde lettre sur le mouvement du sang, au même] (pages 565‑576) est datée de Leyde le 1er décembre 1640.

Une quatrième édition a paru pour la première fois en 1673 : Thomæ Bartholini, archiatri Danici, Anatome quartum renovata : non tantum ex Institutionibus b.m. Parentis, Caspari Bartholini, sed etiam ex omnium cum veterum, tum rencentiorum observationibus, ad circulationem Harveianam, et vasa lymphatica directis. Cum inconibus novis et indicibus [Anatomie de Thomas Bartholin, premier médecin du Danemark, tirée non plus tant des Institutions de feu son bienheureux père, Caspar i Bartholin, que surtout des observations des auteurs anciens comme modernes orientées sur la circulation harvéenne et les vaisseaux lymphatiques. Avec de nouvelles figures et des index] (Leyde, Hackius, in‑8o). De manière inattendue, on y trouve (page 260) une mention de Guy Patin dans le chapitre xxvii (De Vasis deferentibus, imprimis tuba uteri [Les Canaux déférents, tout particulièrement les trompes de l’utérus]) du livre i (De infimo Ventre [Le Bas-ventre]) :

Hinc sicut alia animalia semper in cornubus concipiunt, ita aliquando mulieres ibidem fœtum gestarunt, quod notavit Riolanus, et vidit Harveius, quanquam testetur Guido Patinus, successor Riolani, nunquam id credidisse Riolanum, sed tantum scripsisse, ne fidem videretur derogare aulico narranti.

[Comme chez les autres animaux la fécondation se fait toujours dans les trompes, les femmes conçoivent le fœtus au même endroit la plupart du temps ; ce qu’a relevé Riolan et ce qu’a vu Harvey, bien que Guy Patin, le successeur de Riolan, ait attesté que Riolan n’a jamais cru cela, mais qu’il l’a seulement écrit pour ne pas sembler discréditer un courtisan bavard].

8.

V. notes [16], lettre 271, pour La Science du plomb sacré des sages ou de l’antimoine… de Jean Chartier, et [2], lettre 276, pour l’Orthodoxe, ou de l’abus de l’antimoine… de Claude Germain, qui lui répondait.

9.

Gilla (mot arabe signifiant sel) ou grillus (Trévoux) :

« vitriol {a} vomitif préparé par plusieurs opérations réitérées jusqu’à quatre fois. Ces opérations sont la dissolution dans de la rosée du mois de mai, {b} la filtration et la cristallisation. Si l’on n’a pas de rosée, il faut prendre de l’eau de pluie. Le gilla est bon pour les fièvres tierces et pour celles qui viennent de la corruption des humeurs de la première région ; {c} il tue les vers et résiste à la pourriture. La dose est depuis vingt grains jusqu’à une demi-drachme, qu’on prend dans un bouillon ou dans des eaux cordiales. »


  1. V. note [13], lettre 336.

  2. V. note [6], lettre 853.

  3. La première région était la tête, mais pouvait aussi désigner la partie haute et postérieure, dite sus-mésocolique, de l’abdomen : v. note [1], lettre 151.

L’Approbation des docteurs vient juste après le Privilège du roi dans les pièces liminaires de l’Orthodoxe… de Claude Germain :

« Nous soussignés, docteurs régents en la Faculté de médecine de l’Université de Paris et anciens doyens d’icelle, députés par son décret du 7e jour de mars dernier pour examiner un livre intitulé Orthodoxe ou Dialogue très nécessaire contre l’abus de l’antimoine, composé par Maître Claude Germain, docteur régent en ladite Faculté, nous l’avons jugé très digne d’être mis au jour après l’avoir lu avec grande satisfaction et examiné avec attention, et trouvé rempli de bonne et solide doctrine, laquelle lui acquiert autant légitimement la qualité ou nom d’iatrophile {a} que celui de philalèthe {b} lui est dû, ne dissimulant ses sentiments touchant les abus de l’antimoine ; lesquels étant reçus et considérés sans passion par ceux qui s’en servent avec trop de liberté, nous osons espérer qu’ils les réduiront à suivre la vraie, sûre et ancienne méthode de pratiquer la médecine, laquelle il enseigne comme vrai orthodoxe {c} et digne nourrisson de cette Faculté, qui a de tout temps conservé la pureté de la bonne médecine, l’a pratiquée suivant les préceptes d’Hippocrate et Galien, et < a > généreusement condamné les erreurs qu’on a tâché d’y introduire. Pour une entière recommandation de ce livre, il serait à désirer que notre auteur eût modéré la chaleur de sa plume, et n’eût recommandé le tartre vitriolé, le gilla vitrioli, le mercure précipité, non plus que l’antimoine ; ceux-là, ainsi que cetui-ci, empruntant leur malice de la chimie, laquelle il semble vouloir rendre plus recommandable qu’elle n’a été estimée ou recommandée par les plus célèbres personnages qui nous ont précédés en cette nôtre Faculté, la mémoire desquels ne périra jamais, quoique leurs noms aient perdu leurs places dans le catalogue de ses docteurs. Fait à Paris, ce lundi 8e jour d’avril 1652.

Merlet, Moreau. » {d}


  1. Celui qui aime la médecine.

  2. Celui qui aime la vérité.

  3. Conforme au dogme, contraire à l’hérésie.

  4. Jean Merlet et René Moreau.

10.

L’antidotaire de la Faculté (Codex medicamentarius, v. note [7], lettre 122) avait pourtant bel et bien approuvé le « vin émétique » d’antimoine en 1638, mais la fureur de Guy Patin là-dessus était aussi aveugle qu’inamendable.

11.

V. note [8], lettre 122, pour la censure de la Faculté de médecine prononcée contre l’antimoine le 30 juillet 1566.

Reveillé-Parise a donné une transcription partielle du décret de 1615, qui était plus généralement dirigé contre les médicaments chimiques, sans mention de l’antimoine. L’original se lit en deux endroits du tome xi des Comment. F.M.P. rédigés par le doyen Quirin Le Vignon (v. note [3], lettre 1).

12.

« aux donzelles qu’ils mènent en captivité. » Le mot supercherie a été caviardé sur le manuscrit, mais pa suffisamment pour qu’on ne puisse plus le déchiffrer ; une plume anonyme l’a remplacé par invention.

Le nouvel ouvrage de Jean de Launoy {a} sur le scapulaire des carmes {b} avait pour titre :

De Simonis Stochii Viso, de Sabbatinæ Bullæ Privilegio, et de Scapularis Carmelitarum Sodalitate dissertationes v. Editio tertia correctior, et multis partibus auctior…

[Cinq dissertations sur la Vision de Simon Stock, sur le privilège de la bulle sabbatine et sur la confrérie du scapulaire des carmes. Troisième édition. Troisième édition, plus correcte et augmentée de nombreux suppléments…]


  1. V. note [9], lettre 91.

  2. V. note [22], lettre 207, pour la double dissertation de Launoy sur le sujet (Leyde, 1642), qu’il tenait pour une première édition partielle de ses cinq dissertations.

  3. Paris, Edmundus Martinus, 1663, in‑8o de 225 pages ; 2e édition ibid. et ibid. 1653, in‑8o de 216 pages.

Scapulaire : « Partie du vêtement d’un religieux qui se met par-dessus sa robe et qui marque une dévotion particulière à la Sainte Vierge. Il est composé de deux petits lés de drap qui couvrent le dos et la poitrine, et qui pendent jusqu’aux pieds aux religieux profès, et jusqu’aux genoux aux convers en la plupart des ordres. Il y a aussi une confrérie du Scapulaire par les gens laïques qui ont dévotion à la Vierge et qui, en son honneur, portent un petit scapulaire sous le linge ou en bracelet, qui représente le grand. Ils sont obligés à certaines prières et à observer certaines règles dans leur genre de vie. M. de Launoy a fait une docte dissertation sur l’origine du scapulaire. Ce mot vient du latin scapulare, à scapulis, parce que c’était un habit de moine qui couvrait autrefois seulement les épaules, dont ils se servaient quand ils s’appliquaient à quelque travail corporel, parce qu’il était moins embarrassant que le froc » (Furetière).

Le bienheureux Simon Stock, élu prieur général des carmes en 1245, eut en 1251 une apparition de Notre Dame entourée d’une multitude d’anges, tenant dans sa main le scapulaire. L’en revêtant, elle lui dit :

« Mon fils, reçois ce vêtement de ton Ordre, c’est le signe du privilège que j’ai obtenu pour toi et pour tous les enfants du carmel ; celui qui meurt revêtu de cet habit demeurera préservé du feu éternel. C’est un signe de salut, de protection contre le danger, une garantie de paix et d’alliance éternelle. »

En 1317, la Vierge Marie apparut au pape Jean xxii, elle lui demanda de prendre les carmes sous sa protection et lui précisa :

« Moi, leur mère, je descendrai par grâce auprès d’eux le samedi après leur décès et tous ceux que je trouverai en purgatoire, je les délivrerai et les amènerai à la vie éternelle. »

La même année, Jean xxii publia les privilèges du scapulaire de l’Ordre dans la bulle sabbatine où il étendit ce privilège à tous ceux qui recevraient le scapulaire par motif de dévotion, et s’engageraient à une règle de vie et de prière. Très vite le scapulaire du Carmel fut l’habit de la vraie dévotion mariale, sans distinction d’âge ou de condition, et l’est demeuré jusqu’à nos jours : « la dévotion au scapulaire a fait couler sur le monde un fleuve immense de grâces spirituelles et temporelles » (Pie xii, 1951). Outre les trois promesses de la Vierge Marie à Stock, l’Église accordait une indulgence plénière le jour de la réception du scapulaire et de nouveau chaque 16 juillet, fête de Notre-Dame du Mont Carmel, une indulgence partielle pour toutes les fêtes de la très Sainte Vierge et chaque fois que l’on baisait le saint scapulaire.

13.

Journal de la Fronde (volume ii, fo 218 ro et vo, Paris, 2 mai 1653) :

« Les Espagnols ne sont pas prêts à se mettre en campagne du côté des Flandres, quelque sollicitation que M. le Prince en fasse, à cause qu’ils manquent d’argent, et que leurs partisans d’Anvers et de Lille ne peuvent leur en fournir, ayant perdu les barres d’argent qui leur appartenaient de la flotte des Indes par les prises que les Anglais ont faites, lesquelles les ministres de Bruxelles n’ont pas voulu réclamer. Ils n’ont pu avoir le dessein d’assiéger Calais, leur cavalerie, qui s’était avancée de ce côté-là, n’étant pas assez forte pour l’investir et n’ayant fait que des courses ; mais ce qui en avait donné la crainte au comte de Charost était 12 ou 14 petits vaisseaux qu’ils avaient équipés en Ostende, Nieuport et Dunkerque, lesquels mouillèrent l’ancre à la vue de Calais et la levèrent de nuit pour aller à Bordeaux, M. le Prince ayant obtenu ce secours à force de crier qu’on lui faisait perdre la Guyenne qu’on lui avait promis de lui conserver. On dit même que ces vaisseaux sont déjà arrivés à l’embouchure de la Garonne et que M. de Vendôme, pour s’opposer à leur entrée, avait mandé ceux de Brouage, mais qu’ils ne se sont pas trouvés prêts pour servir. »

14.

V. notes : [9], lettre 310, pour le « bonhomme » Mathieu i Molé qui perdait la première présidence en gardant les sceaux ; [31], lettre 310, pour l’évêque de Rennes, Henri de La Mothe-Houdancourt ; [25], lettre 308, pour l’abbé d’Aisnay, Camille de Neufville ; et [33], lettre 310, pour la promotion du cardinal Antonio Barberini et sa mission diplomatique à Rome.

15.

Gerolamo Grimaldi-Cavalleroni (Gênes 1595-Aix 1685), de l’illustre famille génoise des Grimaldi, avait été nommé cardinal en 1643 pour récompenser les nombreux services politiques et diplomatiques qu’il avait rendus au Saint-Siège. Il avait définitivement établi sa résidence en France depuis 1646. En septembre 1648, à la mort de Michel Mazarin, cardinal-archevêque d’Aix et frère du ministre, Louis xiv avait nommé Grimaldi administrateur des affaires temporelles de l’archevêché d’Aix-en-Provence, siège qu’il obtint en 1655 (v. note [22], lettre 338). Sa grande fidélité à Mazarin lui valait l’inimitié du pape et des Espagnols.

16.

« en dépit des protestations du Parlement ».

17.

Nicolas Le Fèvre, sieur de Lezeau (1581-1680), frère cadet d’André, seigneur d’Ormesson (v. note [6], lettre 811), avait été reçu maître des requêtes en 1618 après avoir été conseiller au Grand Conseil puis au Parlement de Paris. Il était conseiller d’État depuis 1640 (Popoff, no 1183).

18.

« durant peu d’années ».

Claude Bazin, sieur de Bezons (1617-1684), avocat général (1639) puis conseiller (1648) au Grand Conseil, fut intendant du Languedoc (1653, v. note [2], lettre 335) puis premier président du parlement de Provence (1671). Il fut le successeur du Chancelier Pierre iv Séguier à l’Académie française en 1673 ; mort doyen de l’Académie, son siège fut occupé par Nicolas Boileau-Despréaux, de 1684 à 1711 (G.D.U. xixe s.).

Tallemant des Réaux lui a consacré une historiette (tome ii, pages 313‑314), qui le dit :

« fils d’un trésorier de France et petit-fils d’un médecin de Troyes qui était de basse naissance ; sa mère était Talon. {a} C’est un petit bout d’homme tout rond, joufflu comme un des quatre vents et aussi bouffi d’orgueil qu’il y en ait au monde, et qui se prend autant pour un autre. Étant avocat, mais ce n’était qu’en attendant quelque charge d’avocat général car il a toujours eu de l’ambition, il se fit je ne sais quelle société au faubourg Saint-Germain, où l’on avait la comédie quelquefois. Un jour ce petit Monsieur qui en était, à tout bout de champ venait sur le théâtre, ordonnait, décidait, parlait aux comédiennes et faisait furieusement l’empressé. Des gens de la cour qui étaient là demandèrent qui il était. Quelque femme assez simple, pensant coucher de gros, {b} leur dit : “ Messieurs, c’est M. de Bézons. — Ah ! ah !, dirent-ils tout haut, le nom est aussi plaisant que l’homme ”, et le bernèrent tout leur saoul. Ce petit Monsieur traita après de la charge d’avocat général au Grand Conseil […]. Quelque temps après, on parla de le marier avec une parente proche de M. Conrart […]. Il vendit sa charge et par le crédit de son oncle Talon, il eut un brevet de conseiller d’État et ensuite je ne sais quelle intendance de Soissons […]. Une fois, en 1648, qu’on commençait à fronder, il fut diablement relancé chez M. Dupuy : “ J’ai trouvé, disait-il, à mon retour de mon intendance, les maximes toutes changées car on dit que nos biens ne sont point au roi. — On ne l’a jamais dû dire autrement ” dit brusquement M. Dupuy l’aîné qui le traita d’ignorant et de suppôt de la tyrannie. Il eut ensuite l’intendance de l’armée de Catalogne et après, celle de Languedoc. »


  1. Suzanne Talon, épouse de Pierre Bazin et sœur d’Omer ii Talon.

  2. Épater.

19.

« au bon vouloir des puissants. »

20.

Journal de la Fronde (volume ii, fos 214 ro et 216 ro, avril 1653) :

« Le 23 du courant, le Parlement étant assemblé pour la mercuriale, M. de Bellièvre, qui avait reçu des compliments fort civils de la part de Messieurs des Enquêtes qui lui avaient envoyé des députés pour cet effet, fit un fort beau discours sur ce sujet, plein de civilités à la Compagnie qui en fut fort satisfaite ; après quoi, il se parla de délibérer sur les moyens d’obtenir le retour des nouveaux et anciens exilés ; et ce président ayant proposé de remettre cette affaire à demain, on lui représenta que la Compagnie avait un nouveau sujet de s’assembler sur les nouvelles commissions données à MM. de La Poterie et Bezons pour l’instruction du procès de M. de Croissy, dans laquelle on a subrogé un autre commissaire nommé M. de Lezeau, à cause que M. de La Poterie est malade. […]

Le 26 du courant, les députés du Parlement furent au Louvre pour faire leurs remontrances qui avaient été résolues tant pour le retour des anciens et nouveaux exilés, que pour la suppression de la commission nouvelle donnée à MM. de La Poterie et Bezons pour l’instruction du procès de M. de Croissy-Fouquet. M. le premier président de Bellièvre y porta la parole et fit un très beau discours sur ce sujet ; à quoi M. le Chancelier lui répondit que le roi lui avait commandé de leur dire qu’il ne pouvait ni ne voulait leur accorder ce qu’ils demandaient, qu’il avait exilé tous ces gens-là et donné cette nouvelle commission pour le bien de son État, et que Sa Majesté savait bien qu’il y avait encore des séditieux dans le Parlement. Le même jour, MM. de Lezeau et Bezons retournèrent au Bois de Vincennes et portèrent ordre à M. de Croissy de leur répondre, lui déclarant autrement qu’on lui ferait le procès comme à un muet ; à quoi il répondit qu’il n’était pas muet et que n’ayant pas voulu répondre à M. le Chancelier, à un président et à des conseillers du Parlement qui auraient été ses juges légitimes, qu’à plus forte raison il ne devait pas répondre à des personnes qui ne pouvaient pas être ses juges ; mais que puisqu’il voyait qu’on le voulait perdre injustement, il s’était tout disposé à mourir et qu’on n’avait qu’à lui mener un bourreau pour l’exécuter sans autre forme de justice ; sur quoi, ces deux commissaires n’ayant pas voulu passer outre sans un arrêt du Conseil d’en haut qui l’eût ordonné, on le leur devait expédier hier. » {a}


  1. 28 avril.

21.

V. note [39], lettre 309, pour la paix avortée entre les Anglais et les Hollandais.

22.

Francesco Barberini, le cardinal Barberin (v. note [7], lettre 112), était le frère aîné du cardinal Antoine. V. notes [2], lettre 234, pour Piombino en Toscane et [48], lettre 229, pour Porto Longone sur l’île d’Elbe.

23.

Jean-François de Gondi (v. note [11], lettre 19), archevêque de Paris.

24.

Des sœurs Mancini, ce furent d’abord Olympe (v. note [12], lettre 453), alors âgée de 14 ans, puis Marie (13 ans) qui furent destinées à Armand-Charles de La Meilleraye de La Porte ; mais il devint duc Mazarin en épousant en 1661 une autre sœur Mancini, Hortense alors âgée de 6 ans. « Je fus amenée en France à l’âge de six ans et peu d’années après, M. Mazarin [La Meilleraye] refusa ma sœur la Connétable [Marie] et conçut une inclination si violente pour moi qu’il dit à Mme d’Aiguillon que pourvu qu’il m’épousât, il ne se souciait pas de mourir trois mois après. Le succès a passé ses souhaits : il m’a épousée et n’est pas mort, Dieu merci. Aux premières nouvelles que M. le cardinal apprit de cette passion, il parut si éloigné de l’approuver et si outré du refus que M. Mazarin avait fait de ma sœur qu’il dit plusieurs fois qu’il me donnerait plutôt à un valet » (Mémoires d’Hortense Mancini, page 34). V. note [31], lettre 310, pour l’évêque de Rennes, Henri de La Mothe-Houdancourt.

25.

« et je n’en suis pas surpris » ; v. note [32], lettre 301, pour l’arrivée d’autres neveu et nièces de Mazarin.

26.

« ils aspirent au plus haut sommet de la fortune. »

27.

« J’ai prescrit le nécessaire ».

28.

« et ce n’est pas étonnant ».

29.

« et avec heureux succès. »

30.

Année remplace ici semaine, biffé par Guy Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 3 mai 1653

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(Consulté le 26/04/2024)

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