L. 386.  >
À Charles Spon,
le 22 décembre 1654

Monsieur, [a][1]

Je vous écrivis ma dernière le vendredi 18e de décembre, [1] laquelle je donnai à mon hôte M. Moreau, [2] avec ordre de vous la faire rendre en main propre par M. Hubet [3] marchand de Lyon, comme aussi l’argent qu’avez donné à M. Huguetan pour mon ballot, savoir 11 livressolsdeniers, en vertu d’un petit billet écrit de ma main.

Ce samedi 19e de décembre[2] Je viens de visiter notre bonhomme M. Riolan [4][5] que j’ai trouvé assis près de son feu. Nous avons devisé ensemble près d’une heure, il m’a dit que M. Guillemeau [6] le visita hier au soir, et qui lui dit qu’il faisait imprimer une deuxième réponse au libelle dernier de Courtaud [7] intitulé Lenonis Guillemei, fuste et poste sublimis Apotheosis, etc. ; [3][8] que quelque chose que l’on fasse contre lui à Montpellier, il y répondra toujours ; qu’il a traduit en français son Cani miuro fustis[4] et qu’il le fera par ci-après imprimer et en enverra divers paquets à Montpellier à fin de faire du dépit à un homme qui l’a si maltraité sans que jamais il lui en ait donné occasion ; duquel il n’a presque point entendu parler depuis près de 40 ans qu’il est retourné à Montpellier, et avec lequel il n’a eu nul commerce en aucune façon. En suite de ces deux livres, il a dessein de faire imprimer in‑4o un livre latin, par chapitres contre l’antimoine, [9] De venenata Stibii natura[5] où il parlera bien hardiment contre ceux qui en donnent et qui manifestement en abusent. Il soupçonne que Courtaud n’est pas si fort son ennemi, mais qu’il permet d’être haré contre lui par ces bourreaux antimoniaux de deçà qui lui envoient de très mauvais mémoires. [6] En ce cas-là et his positis[7] il me semble que vous auriez bonne grâce d’avertir (si vous le jugez ainsi à propos avec moi) ledit sieur Courtaud qu’il prenne dorénavant garde à ce qu’il prétend faire ; que quoi qu’il écrive à l’avenir, au moins qu’il prenne garde à ce qu’il dira du fait et qu’il examine mieux les mémoires qui lui seront envoyés de deçà par les ennemis cachés de M. Guillemeau, lesquels il connaît bien, quelque bonne mine qu’ils lui fassent. Voilà mon avis, jugez-en vous-même et faites ce qu’il vous plaira. Ut ut sit, ce sieur Courtaud excitavit et irritavit crabronem ; [8][10][11] M. Guillemeau est habile et savant homme, riche et courageux, qui a grand crédit, beaucoup de bien et beaucoup d’amis, et qui même a les mains bien longues et peut nuire à M. Courtaud jusque dans Montpellier. Ce n’est point l’intérêt que je prends en cette querelle qui me fait ainsi parler, je n’y en prétends nul. Soit qu’il me dise des injures ou non, je suis au-dessus de toutes ces médisances, on me connaît bien de deçà, lui-même n’en a pas si mauvaise opinion (comme il paraît par ses lettres dont vous m’avez communiqué la lecture) ; [9] soit que ce bon avis lui vienne de vous, comme je me le veux bien persuader ; soit aussi de quelques-uns de mes amis qui lui ont parlé de moi, ou de quelques-uns de mes écoliers qui sont allés à Montpellier y prendre leurs degrés ; même M. Pecquet [12] m’en a parlé de la sorte. Je vous dirai en un mot sans parler de moi davantage : il ne fait pas bon être ennemi d’un tel homme, fougueux, colère et violent, et qui a de quoi répondre et faire mauvais parti à ses ennemis ; et surtout, qu’il reconnaisse que, n’ayant eu par ci-devant rien à démêler avec lui, il se rend instrument de la colère d’autrui et minister alienæ libidinis[10][13] Au nom caché de tel ou de tel, il chante injure à un honnête homme qui a assez de crédit pour lui en causer du repentir. Qu’il laisse vider les querelles à ceux qui les ont faites sans s’en mêler du tout à l’avenir, et il fera fort bien.

Ce dimanche 20e de décembre, à six heures du soir. Je viens tout présentement de chez M. Gassendi [14] que j’ai trouvé dans une chaise auprès du feu, sain et gaillard, Dieu merci, sans fièvre et sans douleur. Il ne tousse presque point, qui est néanmoins un symptôme qui lui est fort familier à cause de son mauvais poumon, mais il expectore fort aisément, ac educit a bronchiis pulmonum viscida multa et glutinosa, quæ si diutius illic subsisterent ac supprimerentur, rationem haberent carbonis desolatorii[11] qui brûlerait le poumon de cet incomparable philosophe. Je suis ravi de sa guérison car il me semble être le meilleur homme du monde. J’ai trouvé là-dedans un jeune homme provençal nommé M. Du Périer, [15] lequel m’a récité quelques vers latins d’un poème qu’il a fait sur la maladie de M. Gassendi ; dès qu’il sera achevé, il le fera imprimer et nous en donnera. [12] M. Gassendi s’est remis au lit en ma présence, mais en fort bon état. Il commencera demain à user d’aliments un peu plus solides, i. à sucer d’un peu de volaille de son pot à dîner[16] Il n’a plus besoin d’être saigné, il l’a été sept fois en tout ; il a été assez purgé[17] nec ullo cathartico indiget[13][18][19] Si bien que, Dieu merci, le voilà garanti et délivré d’une funeste maladie sans antimoine, ex quo tam multi perierunt hactenus, pessimo suo fato ; [14] mais ce poison est encore ici décrié plus que jamais par le scandale qu’il a reçu en la mort de Guérin, [20] gendre de Guénault [21] qui, pensant gagner davantage en se donnant du renom dans les familles ex præconio pharmacopœorum quorum est infame mancipium[15] s’est lui-même fort décrié et mis en exécration de tous les gens de bien. Le livre nouveau de M. Perreau, [22] contre ce prétendu Triomphant du Gazetier [23][24] (qui n’est qu’un malheureux poison) se débite ici heureusement et avec applaudissement de plusieurs, [16] ayant par ci-devant fait porter le deuil dans tant de familles qu’il en a perdu son crédit, ex quo amisit gratiam novitatis ; [17] outre qu’il y a encore dans notre Faculté plus de 60 docteurs craignant Dieu, viri boni et eruditi[18] qui empêcheront que dorénavant on ne l’emploie et qu’il ne revienne en crédit.

Je viens de recevoir lettre de M. Le Bon, [25] médecin de Valence, [26] par laquelle j’apprends la mort d’un de mes bons amis, feu M. Froment, [27] le bonhomme, que j’avais ici connu et gouverné plusieurs années. [19] Je pense que vous vous en souvenez, il était docteur en droit en l’Université de Valence, fort honnête et fort savant homme. J’en ai sérieusement grand regret, combien qu’il fût fort vieux et merveilleusement tourmenté d’une méchante goutte, [28] très bilieuse [29] et presque atrabilaire. [30] Eius manibus bene precor, cum fuerit optimus[20]

Il a aussi couru un bruit de deçà de la mort de M. Des François, [21][31] notre collègue, qui demeure au Puy-en-Velay après avoir eu une bonne succession de son frère, [32] plus jeune que lui, qui était un riche bénéficier : pinguis est caro Christi[22] Vous nous en manderez quelques nouvelles si vous en savez.

Le bruit était venu de la mort de M. le maréchal de Schomberg [33] à Metz, [34] mais d’autant qu’il n’a pas été confirmé par les lettres suivantes, on le tient faux. [23]

Ce lundi 21e de décembre. M. Gassendi est debout, en bonne santé, Dieu merci. M. de Montmor, [35] son hôte, lui a offert en ma présence de l’essence d’ambre gris [36] pour lui fortifier son estomac. [24] Je lui ai fait signe qu’il n’en usât point, ce qu’il fera : ces essences sont le plus souvent trop chaudes ; il est en un état qu’il n’a besoin d’aucuns remèdes altératifs ni purgatifs, [37] solis indiget alimentis et somno, quæ sunt optima et proprie dicta cardiaca[25]

Je me recommande à vos bonnes grâces, et M. Du Prat [38] aussi, lequel je viens de rencontrer, et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Guy Patin.

De Paris, ce mardi 22e de décembre 1654.

Je viens tout présentement de chez M. Gassendi, il est debout et gaillard, et se porte aussi bien que moi. Je lui ai dit que j’avais une lettre faite pour vous, qu’il n’y avait plus qu’à y ajouter sa parfaite santé. Il m’a prié de vous saluer de sa part et de vous assurer qu’il est votre très humble serviteur. [39] Je vous supplie de me faire acheter à Genève le livre nommé L’Alcoran des cordeliers [40][41][42] de la meilleure impression qui se pourra trouver, je vous en rendrai le prix. [26][43][44] On dit que M. de Guise [45] est arrivé à Marseille [46] dans une chaloupe, il est bienheureux de n’être point tombé entre les mains des Espagnols, qui l’auraient infailliblement maltraité. Je vous recommande les deux lettres incluses. Vale et me ama[27]

Je vous dis adieu pour cet an et vous souhaite le prochain tout plein de prospérités, et à mademoiselle votre femme. Vale.

Ce mardi 22e de décembre 1654, à six heures du soir.


a.

Ms BnF Baluze no 148, fo 101, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; Jestaz no 143 (tome ii, pages 1323‑1326). Note de Charles Spon au revers de l’enveloppe : « 1654./ Paris, 22e X[décem]bre/ Lyon, 27e dud./ Risp. adi 1er janv./ 1655 ».

1.

Celle-ci est la septième lettre adressée par Guy Patin à Charles Spon en décembre 1654. Une cadence si effrénée traduisait les grandes inquiétudes de Patin sur la santé de leurs deux amis, Pierre Gassendi et Jean ii Riolan.

2.

Guy Patin avait ici écrit par mégarde 21 au lieu de 19 : le 21 décembre fut un lundi.

3.

V. note [2], lettre 380, pour l’« Apothéose du maquereau Guillemeau, célèbre et par son poteau et par son gourdin, etc. » de Siméon Courtaud.

4.

« Bastonnade pour le chien dont on a coupé la queue » : v. note [14], lettre 358, pour ce Cani miuro… latin de Charles Guillemeau ; pour la traduction française, Guy Patin en a donné le début du titre, Le chien courtaud étrillé, etc., dans sa lettre du 26 mars 1655 à Charles Spon), mais je n’en ai trouvé la trace dans aucun catalogue.

V. note [3], lettre 390, pour la Defensio altera… [Seconde défense…] que préparait alors Guillemeau.

5.

« Sur la nature vénéneuse de l’antimoine », ouvrage resté à l’état de projet.

6.

Harer : « vieux mot [pour] inciter contre quelqu’un » (Trévoux) ; « harer les chiens après le loup, latin instigare canes. Je crois qu’on a dit harer pour haler et qu’haler a été fait d’agulare, diminutif d’agere [pousser, mener] » (Gilles Ménage).

Guillemeau avait l’idée de tourner Courtaud en dupe des antimoniaux de Paris, car ils prenaient la dignité bafouée de Montpellier comme prétexte naïf pour exciter son doyen et le faire écrire contre leurs ennemis antistibiaux. Par son industrie polymorphe, Théophraste Renaudot avait de fait réussi à agréger et embrouiller les deux causes, de Montpellier et de l’antimoine.

7.

« et ces raisons étant posées ».

8.

« Quoi qu’il en soit, ce sieur Courtaud a irrité le frelon », c’est-à-dire « jeté de l’huile sur le feu ».

Cette expression utilisée par Plaute (Irritabis crabrones, Amphitryon, vers 707) et devenue proverbiale, Irritare crabrones (Érasme, Adages, no 60) :

Id dictum est a poeta in mulierum ingenium : quibus iratis si repugnes, magis provoces, neque sine tuo malo discedas. Est autem Crabro insecti genus, affine vespis, pertinacissimum, aculeoque pestilentissimo.

[Le poète a dit cela contre le tempérament des femmes : si tu leur tiens tête quand elles sont en colère, tu les irriteras plus encore et ne t’en tireras pas sans dommage. Le frelon est un type d’insecte proche de la guêpe, très agressif et pourvu d’un dard dont la piqûre est fort pernicieuse].

9.

V. note [12], lettre 384.

10.

« et serviteur de l’envie d’autrui », Valère Maxime (Faits et dits mémorables, livre iv, chapitre v, ext. 1), à propos d’un jeune homme nommé Spurina dont l’extrême beauté rendait les maris jaloux :

oris decorem vulneribus confudit deformitatemque sanctitatis suæ fidem quam formam inritamentum alienæ libidinis esse maluit.

[il détruisit toute la grâce de son visage par des mutilations et préféra cette laideur qui attestait la pureté de ses mœurs à une beauté capable d’exciter l’envie d’autrui].

11.

« et fait sortir de ses bronches quantité de matières visqueuses et gluantes qui, si elles y subsistaient et y étaient arrêtés trop longtemps, seraient la cause d’un charbon destructeur ».

12.

Charles Du Périer (Aix-en-Provence 1622-Paris 1692) était neveu de François Du Périer à qui François de Malherbe {a} avait adressé ses célèbres stances de consolation : « Ta douleur Du Périer sera donc éternelle ? etc. ». Ces vers auraient inspiré à Charles son penchant pour la poésie. Venu vivre à Paris, il se lia avec le milieu littéraire. Ses vers français furent couronnés par l’Académie en 1681 et 1683, mais ses odes latines lui valurent le titre de Prince des poètes lyriques que lui donna Ménage. Nicolas Boileau-Despréaux n’était pas de ses amis et l’a éreinté en trois vers (L’Art poétique, 1674) :

« Gardez-vous d’imiter ce rimeur furieux,
Qui, de ses vains écrits lecteur harmonieux,
Aborde en récitant quiconque le salue. »

Du Périer mourut à Paris en 1692 (Michaud). Il est entre autre l’auteur du :

In Morbum Petri Gassendi, ad Ægidium Menagium et Ioannem Capelanum, Carmen.

[Poème sur la maladie de Pierre Gassendi, pour Gilles Ménage et Jean Chapelain]. {b}


  1. V. note [7], lettre 834.

  2. Paris, Julien Jacquin, 1655, in‑4o de 9 pages ; v. note [15], lettre 349, pour Jean Chapelain.

Guy Patin y est encensé dans le 2e paragraphe (pages 3‑4), comme le plus éminent des médecins qui ont soigné Gassendi :

Cernitis, o Vatum par nobile, cernitis illo
Ex luctu, tristes socios, cunctamque reliqui
Aonidum curam, dum se omni corpore febris
Exoluat, surgensque toro Gassendus inerti
Instauret studia, et vento det vela ferenti.
Cernitis hæc ? crebrosque metus, longumque dolorem
Monmorii ? ut sacris primum de more litatis
Artis Pæoniæ eximios usque anxius ardet
Consulere ! ut varios medentum expendere sensus !
Iamque, æger quondam præsentem expertus Aquinum
Ipsum ad se, celebremque vocat tota urbe Moræum,
Martinum, Pratæumque, et iam rebus egenis,
Egregii socios curarum amat esse Patini,
Cui mentem superis inspirat Phœbus ab astris,
Seque aperit dudum, et Medicinæ arcana retexit.
Inter quos claro Pecquetus lumine fulget,
Dum iecoris furta haud ulli deprensa priorum
Ostendit solers, et certo fœdere sanguinem
Arcano sub corde unus dat cernere tingi.
Monmorium chorus ille frequens solatur, et ægri
Gassendi curas mulcet, dirum ! hospite tanto
Hospes si tantus iam extrema in morte careret
.

[Imaginez, vous dont le renom égale celui des devins, imaginez les compagnons attristés par ce chagrin ; et j’ai délaissé tous mes soins pour les Muses, afin que la fièvre abandonnât entièrement le corps de Gassendi ; alors, se dressant sur sa couche molle, il reprendrait ses études et tendrait la voile au vent portant. Imaginez-vous cela ? et les inquiétudes réitérées et la profonde douleur de Montmor ? {a} Alors, les oracles ayant d’abord été favorables, comme souvent, il brûle jusqu’à s’en rendre inquiet de consulter les plus éminents médecins ! de peser avec soin les avis divers de ceux qui soignent ! Et déjà le malade, qui lui-même s’y connaissait bien en médecine autrefois, réclame à ses côtés la présence de D’Aquin en personne, et celle de Moreau, réputé par toute la ville, de Martin, de Du Prat, {b} et dans la détresse, il apprécie qu’ils consultent l’éminent Patin, lui dont Apollon inspire l’esprit depuis les astres supérieurs, qui s’épanouit depuis longtemps et qui a dévoilé les arcanes de la médecine. Parmi eux Pecquet {c} luit de sa brillante lumière, lui qui a habilement montré les larcins du foie que nul autre avant lui n’avait pris sur le fait, et donné le premier à penser que par un pacte résolu le sang s’imprègne en secret sous l’empire du cœur. Cette troupe assidue réconforte Montmor et adoucit les soins de Gassendi malade, et il l’est terriblement ! Pour un si admirable invité, l’hôte serait lui-même admirable s’il ne lui faisait jamais défaut, jusque dans l’extrémité de la mort].


  1. Gassendi passait les derniers temps de son existence sous la protection de son ami Henri-Louis Habert de Montmor (v. note [13], lettre 337).

  2. Antoine D’Aquin (v. note [4], lettre 666) et René Moreau (v. note [28], lettre 6) étaient docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris ; je n’ai pas identifié de médecin dénommé Martin actif en 1654 ; Abraham Du Prat (v. note [27], lettre 152) exerçait à Lyon.

  3. V. note [15], lettre 280, pour Jean Pecquet et ses admirables découvertes sur le chyle.

13.

« et n’a besoin d’aucun cathartique ».

Cathartiques (de kathartikos en grec, de kathairein, nettoyer, purifier, de katharos, net, pur) est un synonyme de purgatifs : « il y en a de bénins, de médiocres et de violents. Les bénins sont ceux qui purgent doucement, tels sont la casse, la manne, les tamarins, la rhubarbe, le séné, etc. ; les médiocres purgent plus fortement, comme le jalap et la scammonée ; les derniers vident avec beaucoup de violence et d’émotion, tels sont la coloquinte, l’ellébore, la lauréole, etc. » (Trévoux).

14.

« dont à ce jour un si grand nombre ont péri, pour leur plus grand malheur ».

15.

« par la louange des pharmaciens dont il est l’infâme esclave ».

V. note [4], lettre 384, pour le féroce sonnet sur la mort de Jean (ou Antoine) Guérin.

16.

V. notes [21], lettre 312, pour LAntimoine justifié et l’antimoine triomphant… d’Eusèbe Renaudot (Paris, 1653), et [3], lettre 380, pour le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant de Jacques Perreau qui y répondait (Paris, 1654).

17.

« d’où il a perdu l’attrait de la nouveauté ».

18.

« hommes honnêtes et savants » : les 60 docteurs régents qui avaient refusé de signer, le 26 mars 1652, l’acte de leurs 61 collègues en faveur de l’antimoine (v. note [3], lettre 333).

19.

V. notes [18], lettre 371, pour Louis Le Bon, doyen de la Faculté de médecine de Valence, et [3], lettre 106, pour Gaspard Froment, professeur de droit civil en la même Université.

Le verbe gouverner, c’est-à-dire instruire et élever, est ici surprenant pour un homme que Guy Patin disait être bien plus âgé que lui. Il a fait suivre ce mot d’un appel de note explicative [˙/.], mais qui ne renvoie à rien sur le manuscrit. Le plus probable est que Froment avait régenté Patin au Collège de Boncourt, et non l’inverse.

20.

« Je prie bien pour son âme parce qu’il fut un excellent homme. »

Pétri d’humorisme hippocrato-galénique, Guy Patin est devenu incompréhensible aujourd’hui quand il associe la goutte à un excès de bile ou pire, d’atrabile (bile noire, humeur qui n’a jamais eu d’existence matérielle) ; à moins d’assimiler (fort acrobatiquement) l’acide urique, dont l’excès cause ce qu’on appelle aujourd’hui la goutte (v. note [30], lettre 99), à une forme de bile jaune, voire de bile noire (par transformation de l’une en l’autre ?).

21.

Nouvelle prématurée : François Des François (v. note [43], lettre 223) mourut à Sancerre le 22 octobre 1655 (Comment. F.M.P., tome xiv, fo 124), comme Guy Patin l’a annoncé dans ses lettres de novembre 1655 à Charles Spon et à Hugues ii de Salins.

22.

« la chair du Christ est nourrissante » : Pinguis est panis Christi est un verset de l’office du Saint-Sacrement (début du 3e psaume des laudes).

Déjà célèbre pour ses dentelles, Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) était le siège d’un évêché, mais Guy Patin n’en a jamais parlé qu’à propos des médecins qui en étaient originaires ou y vivaient.

23.

V. note [3], lettre 385.

24.

L’ambre gris (animal), produit odorant de très grand prix qu’on ramasse sur les plages, était alors d’origine débattue. On sait à présent que c’est une déjection des cachalots produite par la digestion de l’encre des poulpes.

Toujours employé en parfumerie, l’ambre gris est entièrement distinct de l’ambre jaune ou blanc (succin), fossile d’origine végétale, qui était lui aussi une source de remèdes (v. notes [6], lettre 60, et [10] de l’observation x).

25.

« il a seulement besoin de nourriture et de sommeil, qui sont les meilleurs et les mieux nommés des cardiaques. »

26.

Érasme Albert ou Albère (Erasmus Alberus), né près de Francfort, avait suivi les cours de Martin Luther à l’Université de Wittemberg et y fut reçu docteur en théologie. Il recueillit dans le livre des Conformités de saint François avec Jésus-Christ, écrit à la fin du xive s. par Barthélemy de Pise (Albizzi), les inepties les plus remarquables pour en composer l’Alcoran des cordeliers, imprimé pour la première fois en allemand en 1531, puis en latin en 1542.

Luther honora d’une Préface (livre premier, pages 319‑324) la compilation de son disciple. Conrad Badius l’augmenta d’un second livre, la traduisit en français et la fit imprimer :

L’Alcoran des Cordeliers. Tant en latin qu’en français. C’est-à-dire recueil des plus notables bourdes et blasphèmes impudents de ceux qui ont osé comparer saint François {a} à Jésus-Christ : tiré du grand livre de Conformités, jadis composé par frère Barthélemy de Pise, cordelier en son vivant. Parti en deux livres. Nouvellement y a été ajoutée la figure d’un arbre contenant par branches la conférence de saint François a Jésus-Christ. {b} Le tout de nouveau revu et corrigé. {c}


  1. François d’Assise (Giovanni di Pietro Bernardone, 1181-1226), saint fondateur de l’Ordre des frères mineurs, apôtre de la pauvreté et de l’évangélisation catholique, canonisé en 1282.

  2. Un plan écrit ( et non un dessin), sous la forme d’un poème français, signé V. C.C.

  3. Genève, Guillaume de Laimarié, 1578, in‑8o en deux livres de 338 et 382 pages ; première édition ibid. Conrad Badius,1556, avec un sous-titre différent : C’est-à-dire la Mer des blasphèmes et mensonges de cette idole stigmatisée qu’on appelle saint François. Recueilli par le docteur M. Luther du livre des Conformités de ce beau saint François, imprimé à Milan l’an 1510 et nouvellement traduit.

Badius explique dans sa propre préface « à l’Église de Jésus-Christ, Salut » (pages 6‑7) que :

« le S. Esprit n’a pas permis qu’un tel sacrilège fût enseveli, car il a suscité le docteur M. Luther, vrai serviteur de Jésus-Christ, lequel, pour manifester aux pauvres chrétiens l’abus, l’erreur, le mensonge, le blasphème et sacrilège de cette pernicieuse secte de diables gris, a fait un extrait des abominations plus apparentes de ce livre des Conformités sans y changer un seul mot ; et a intitulé son recueil du nom d’Alcoran, tant pour l’exécration dont il est plein que pource que ces chattemites {a} l’ont en si grande révérence, comme si c’étaient oracles et prophéties procédées du ciel, combien que le diable les ait forgées au fond d’enfer et apportées en la puante bouche de ce moine frénétique et insensé, Bartholomée de Pise, de l’ordre des diables mineurs, di-ie < sic > majeurs, pour les vomir et en infecter toute la chrétienté. »


  1. Hypocrites.

L’Imprimeur au lecteur (première partie, pages 325) explique une curiosité du titre :

« Combien qu’en la première impression de ce livre que je mis en lumière, j’attribuai l’extrait de cet Alcoran à M. Luther (selon qu’on l’a cru quasi partout), toutefois, après avoir lu l’Épître d’Érasme Albère, ci-après mise, {a} j’ai trouvé pour certain que ç’a été lui qui l’a recueilli du puant retrait {b} de ces Conformités abominables, et non M. Luther. »


  1. Extrait de l’épître d’Érasme Albère, ministre de la parole de Dieu aux pays du marquis de Brandebourg, lequel a recueilli cet Alcoran du livre des Conformités (pages 301‑307).

  2. Pot de chambre.

À titre d’illustration et pour expliquer l’empressement que Guy Patin mettait à acquérir une copie de ce livre, ce passage des Conformités avec les notes d’Albère (première partie, page 5‑ 6) :

« En quel des saints ont été miraculeusement imprimées les plaies de Jésus-Christ ? {a} Certes en nul autre qu’en notre Benoit père S. François, comme l’Église romaine {b} le certifie, et veut que tous fidèles le croient, etc. En après, le pape Benoît a permis à l’Ordre de célébrer la fête des plaies d’icelui S. François. »


  1. Page 5 : « Quant aux stigmates de cette idole, les jacobins disent que ce fut saint Dominique qui les lui fit d’une broche, étant survenu quelque différend entre eux, comme il était caché sous un lit. Et voilà comme ces sectes détestables se déchirent l’une l’autre. »

    Et à la page suivante : « Si les gueux de ce temps ne savaient faire de semblable par herbes et emplâtres, et autres drogues, on pourrait dire qu’il y aurait eu, non pas un miracle, mais de l’enchantement, car Jésus-Christ n’a point voulu que la mémoire de sa Passion fût ainsi célébrée, car il a laissé ces marques, à savoir le baptême et la cène, pour mémoriaux éternels d’icelle en son Église. »

    Comme d’autres, j’ai toujours trouvé curieux que les stigmatisés aient leurs plaies à la paume des mains, car il est impossible de tenir un supplicié sur une croix si on plante les clous à cet endroit : les bourreaus romains savaient bien qu’il faut clouer au-dessus des poignets, dans l’espace séparant le radius de l’ulna (cubitus) ; la destruction du nerf cubital (ulnaire) explique la position des doigts en griffes. La plupart des crucifix commettent la même erreur anatomique.

  2. « Il ne s’en faut ébahir car ce lui est une bonne vache à lait » (page 5).

V. note [23], lettre 387, pour l’édition latine de cet Alcoran que Charles Spon envoya à Guy Patin.

27.

« Vale et aimez-moi. »

V. note [4], lettre 382, pour la piteuse équipée napolitaine du duc de Lorraine, Henri ii de Guise, contre les Espagnols.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 22 décembre 1654

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0386

(Consulté le 28/04/2024)

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