L. française reçue 2.  >
De Samuel Sorbière,
non datée (printemps 1651)

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Samuel Sorbière, non datée (printemps 1651)

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9021

(Consulté le 29/04/2024)

 

Monsieur, [a][1][2]

Vous pouvez bien vous plaindre de ce qu’en quelques-unes de mes lettres il m’arrive de parler selon les sentiments que j’ai de votre rare mérite, et je ne trouve pas mauvais que votre modestie me défende de m’en expliquer aussi souvent que je vous écris ; mais je ne saurais vous obéir lorsque vous m’ordonnez de ne dire jamais ce que je pense d’une personne que j’estime infiniment et de laquelle je prends un singulier plaisir de me représenter toutes les actions. Quoi ! Monsieur, vous voudriez que je ne disse rien de l’amitié que vous avez témoignée au bonhomme Caspar Hofmannus, [3] professeur en médecine en l’Université de Nuremberg, [4] du secours que vous lui avez donné sans qu’il vous le demandât, du soin que vous avez pris de ses œuvres et de l’ouverture que vous lui avez faite de votre bourse, qui est une chose que plusieurs tiennent plus soigneusement fermée que leur cœur. Je ne puis point me taire de cette générosité, ni de la dépense que vous faites tous les jours en vos doctes correspondances, ni de mille autres choses qui font rechercher votre conservation en pleine santé presque autant que l’on souhaite vos visites lorsque l’on est malade. Néanmoins, ce ne sera pas maintenant que je vous ferai de la peine par la liberté de mes discours et je m’abstiendrai ici de faire autre chose que désigner les titres des chapitres sur lesquels je pourrais vous incommoder. Il suffit de vous avoir montré que je vous connais bien et que je puis parler pertinemment de votre vertu, que j’en ai les actes en main et que je puis vérifier tout ce que j’en aurais à dire. Il reste que je réponde à vos questions curieuses aussi bien qu’à vos plaintes injustes et que je vous informe de ce que vous désirez savoir. Les animadversions de feu mon oncle [5] sur Josèphe [6] sont entre les mains de sa veuve qui les garde comme un trésor, [1][7][8] duquel elle espère de retirer une bonne somme d’argent. Je ne sais s’il se trouvera quelque docte curieux assez riche pour acheter des écritures indigestes qui demanderaient beaucoup de loisir et d’érudition talmudique afin qu’elles pussent être mises en état de voir le jour. Quas vero author ipse cum non absoluisset, moriens pro non inchoatis haberi voluit[2] Je ne crois pas non plus que nous ayons jamais aucun ouvrage posthume de Walæus [9] qui nous promettait entre autres un Celsus[10] mais qui se tua de mon temps en se traînant vers ses malades tout indisposé qu’il était et en éprouvant sur lui-même les remèdes qu’il préparait pour les autres. La mort de cet homme, qui a été deux ans à Leyde mon plus proche voisin, et celle de Veslingius, [11] tous deux décédés en la fleur de leur âge, pleins de savoir et d’industrie, sont une perte irréparable pour la médecine. Celle de Barlæus, [12] de laquelle vous me demandez quelques circonstances, n’est pas de ce rang, quoiqu’il fût très galant homme, car il se trouvera toujours plus d’excellents poètes que d’excellents médecins. Lorsque j’étais à Amsterdam, [13] on parlait diversement de la fin de sa vie, comme s’il y avait eu de la mélancolie qui l’eût avancée. [3][14] Il est vrai qu’ayant fait une oraison funèbre en vers sur la mort du prince d’Orange [15] et que le docteur Spanheim [16] en ayant prononcé une en prose, il supporta très impatiemment l’inégalité de leur récompense. [4] Car, comme disait plaisamment M. de Saumaise, [17] on fit une étrange bévue, donnant la paye de cavalier au fantassin et celle de fantassin au cavalier : [5] Barlæus n’eut que 500 livres et l’autre eut 500 écus. De ce dernier, je ne vous puis dire que ce que l’on publiait lorsqu’il fut décédé, [6] que Saumaise l’avait tué et que Morus [18] avait été le poignard. L’histoire est longue et pour la toucher en peu de mots, je n’ai à vous dire, si ce n’est que M. de Saumaise n’aimait point feu M. Spanheim par quelque jalousie d’esprit et de réputation dans l’École ; que pour le mortifier, il fit appeler en Hollande M. Morus, duquel il ne connaissait que le nom, mais qui était le fléau et l’aversion de son collègue ; que le docteur remua ciel et terre pour l’empêcher de venir, et qu’il mourut lorsqu’il eut nouvelles que son adversaire était en chemin. [7] Cependant, il faut rendre cette louange à la mémoire de ce docte Allemand, je dis même de l’aveu de M. de Saumaise, qui ne prodiguait pas les siennes, Qu’il avait la tête forte et bien remplie d’érudition, qu’il était propre aux affaires, ferme et adroit, ardent et laborieux. Il faisait des leçons publiques en théologie quatre fois la semaine, il en faisait de plus d’une sorte de privées à ses écoliers ; il écoutait les proposants ; il prêchait en deux langues, la sienne et la nôtre ; il visitait les malades ; il écrivait une infinité de lettres ; il composait en même temps deux ou trois livres sur des sujets tout différents ; il assistait tous les mercredis au Conseil de Son Altesse qui l’attirait à La Haye ; [19] il était recteur de l’Université ; [20] et parmi toutes ces occupations, il ne laissait pas de faire la recette et la dépense de sa maison qui était pleine de pensionnaires. Je ne puis pas porter mon jugement de son antagoniste sans vous le rendre suspect pource qu’il est mon intime ami depuis le collège, c’est-à-dire depuis plus de 25 ans, et que j’ai livré pour lui des batailles où le P. Jarrige [21] s’est rencontré ; [8] mais il est certain et tout le monde avoue qu’il a l’esprit tout de feu, qu’il a de vastes pensées, qu’il brille et qu’il éclate extraordinairement. Le R.P. Denis, [22] duquel je vous ai parlé en mes lettres précédentes, est un bon père capucin d’Avignon fort rompu en la lecture des saintes Écritures. [23] Il les a lues depuis trente ans sept fois toutes les années, le Nouveau Testament en grec et le Vieil en hébreu. Or, comme il est prodigieusement versé dans l’Histoire ancienne, il a entrepris un docte travail de Personis et locis Scripturæ sacræ, comme d’autres ont déjà fait de Animalibus[9] Il n’y a aucun lieu dont il soit fait mention qu’il ne décrive exactement, ni aucune personne de laquelle il ne donne la généalogie ou ne dise tout ce qu’on en peut apprendre. Vous avez vu l’Onomasticon Glandorpii sur l’Histoire romaine, [10][24] le dessein de ce docte religieux est tout semblable sur un sujet différent. Quant au Cornelius ab Hoghelande[25] duquel vous avez Cogitationes de œconomia animalis[11] c’est un gentilhomme catholique grand ami de M. Descartes. [26] Lorsque je demeurais à Leyde, il exerçait une médecine charitable et ne demandait des pauvres gens qu’il traitait qu’un fidèle rapport du succès de ses remèdes ; et comme il était ravi d’entendre que les affaires succédaient bien, qu’on se portait un peu mieux ou qu’on était entièrement guéri, il ne se rebutait point aussi de sa pratique lorsqu’on lui disait que la maladie était empirée, qu’un tel symptôme était survenu et qu’à la quarantième selle le pauvre patient était expiré. Car il était fort homme de bien, il louait Dieu de toutes choses ; et voyant, par le moyen de ses trois éléments, des raisons de tous les phénomènes, desquelles il se satisfaisait, il ne désespérait jamais de remédier une autre fois aux plus fâcheux inconvénients de sa pharmacie. J’ai été souvent dans son laboratoire, et je l’ai vu plusieurs fois au vestibule de son logis en pantoufles et en bonnet de nuit, distribuant de huit à neuf heures du matin et de une à deux heures après midi des drogues qu’il tirait d’un cabinet qui en était bien pourvu. Son père [27] avait travaillé au grand œuvre [28] et même il en a écrit, si je ne me trompe. [12] Mais le fils ne se servait de la chimie que pour la médecine, et il n’employait les remèdes de cet art qu’au défaut des communs et des galéniques qu’il mettait premièrement en usage. Et en voilà assez, Monsieur, pour ce courrier. Je vous entretiendrai une autre fois plus à loisir des autres savants dont vous me demandez des nouvelles, car je sais un peu mon Heinsius, [29] mon Jehan de Laet, [13][30] mon Beverovicius, [31] mon Heereboord, [14][32] mon Triglandius [33] et mes autres gens de lettres de la nouvelle Attique. [15] Je nomme volontiers de ce nom les Pays-Bas [34] puisque les sciences s’y étaient transportées, chose étrange ! lorsqu’ils devinrent le champ de la guerre, comme si Pallas s’était piquée d’y retenir le nom de Minerve [35] et d’être la maîtresse de ces Provinces à plus de titre que Mars n’en avait de s’en dire le maître. [16][36][37] Je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Sorbière.

À Orange < sans date >.


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L. française reçue 38.  >
De Charles Spon,
le 15 mai 1657

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Charles Spon, le 15 mai 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce 15e de mai 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Je vous donne avis de la réception des deux vôtres, l’une du 24e d’avril et l’autre du 8e du courant, dont je vous remercie avec tous les ressentiments que la gratitude peut inspirer à une personne accablée de vos courtoisies, vous suppliant de ne vous dégoûter jamais de m’honorer de ces agréables visites que vous me rendez de loin par un mouvement de bonté que vous avez pour moi sans que je l’aie mérité. C’est par votre moyen que je sais une grande partie de ce qui se passe par le monde, de quoi je vous ai des obligations infinies, ne souhaitant rien avec plus de passion que de m’en pouvoir acquitter quelque jour. Ce matin est parti de cette ville, avec le messager de Paris, un brave jeune homme écossais nommé M. Brusius, [3] lequel vient de se faire recevoir docteur en médecine en l’Université de Valence, [4] où il a été reçu avec grand applaudissement, à ce que m’en a mandé M. Le Bon, [5] doyen de ladite Université. Je lui ai baillé un mot de lettre pour vous afin qu’il se puisse donner l’honneur de vous aller faire la révérence et jouir de quelque moment de votre entretien pendant le séjour d’une année qu’il fait état de faire à Paris. Je l’ai aussi chargé d’un petit paquet de livres qu’il m’a promis de vous rendre de ma part. Tout présentement, j’ai rencontré fortuitement par < la > ville M. Le Gagneur [6] votre collègue, lequel m’a salué et fait excuse de ne m’être venu voir, disant n’en avoir eu la commodité et qu’il partait d’ici demain matin avec son patron. [7][8] Dieu le veuille bien conduire et détourner le mauvais pronostic de sa belle-sœur, qui n’est pas peut-être sans fondement. [1] Il s’en va en un pays qui est assez souvent le cimetière des Français, mais particulièrement quand les maladies épidémiques se mettent de la partie, comme elles font aujourd’hui en ces quartiers-là.

M. Guillemin, [9] mon collègue, est toujours à Turin [10] au service de Madame Royale, [11] de laquelle on nous assure qu’il est très bien vu, par-dessus tous les autres médecins de cour qui sont auprès d’elle. S’il peut réussir dans la cure de sa maladie, je ne doute point qu’il ne soit très bien satisfait de ses peines. L’on dit déjà que l’autre jour, elle lui fit présent d’une belle plaque d’argent du prix de 100 pistoles. Le sieur D’Aquin, [12] que M. Vallot [13] y a dépêché, y est bien aussi arrivé, mais il n’a pas encore fait parler de soi comme l’autre. Peut-être n’est-il pas si raffiné, ou bien il est venu plus tard qu’il ne fallait. La cour de Savoie [14] passe aujourd’hui pour être l’une des plus délicates en fourberie qui soit au monde. Les dupes n’y sont pas les bienvenues, cela ne serait pas mon élément, qui n’ai pour partage qu’une simplicité sans artifice.

Le sieur Fourmy [15] libraire n’a point encore obtenu le privilège de ses Mémoires du maréchal de Tavannes, [2][16] ce qui l’empêche de débiter ledit livre. On lui en fait espérer un, de quoi je doute fort, mais il s’en faut encore donner un peu de patience. Les lettres des jansénistes [17] que vous m’avez envoyées sont d’excellentes pièces, je suis bien aise que les Hollandais se soient avisés de les faire réimprimer. [3] Peut-être trouvera-t-on moyen d’ajuster les différends de cette Nation-là avec cette Couronne ; ce que j’ai quelque intérêt de souhaiter, ayant un frère capitaine en ce pays-là qui s’en pourrait trouver mal, [18] quoiqu’à la vérité il soit dans Breda, [19] ville qui appartient à la Maison d’Orange, et non à Messieurs les États. [4] Il y a de quoi déplorer la calamité de notre siècle, plein de malheurs et de confusions de toutes parts, qui semblent plutôt se devoir accroître que diminuer vu la désunion des grands et la malice de ceux qui les gouvernent. L’on nous assure ici que, depuis le décès de M. Mestrezat le ministre[20] l’on avait résolu d’envoyer quérir en Hollande le sieur Alexandre Morus, [21] qui est natif de Castres [22] au haut Languedoc et non de Genève comme l’on vous a donné à entendre. Il a bien été ministre dans Genève, mais il n’en est pas. Il me semble qu’il serait bien tantôt temps que l’Assemblée du Clergé se séparât : [23] ils ont bien assez mangé les pauvres curés de village et ont bien assez fulminé contre les pauvres religionnaires. [5][24][25] Ces jours passés, se tint en cette ville un synode de tous les curés d’ici autour pour être avertis chacun en son particulier de la contribution qu’ils ont à fournir pour le roi et pour les dépens des supérieurs qui ont tenu leurs assises à Paris. Je ne doute point que les Mémoires de la vie et fortune du défunt cardinal de Richelieu ne soient des pièces pleines de flatterie puisque c’est de la part de Mme d’Aiguillon [26] qu’elles doivent être imprimées. [6][27] Je vous prie me mander quand vous m’écrirez si vous n’avez point pu retirer quelque ouvrage ni mémoire de feu M. Riolan. [28] Je ne sais comment on pourrait faire pour mettre au jour les traités de M. Hofmann qui vous restent. [29] Celui de Humoribus me semble très beau, [30] je crois que si l’on pouvait trouver à le faire imprimer séparément, que cela réveillerait l’envie à plusieurs de voir les deux autres traités du même, de Spiritibus et de Partibus similaribus[7] Notre M. Cellier [31] est allé en quelque voyage, au retour duquel il m’a dit qu’il imprimerait les Observations de Rivière, [32] ses Institutions se vendant fort bien. [8] Je pensais d’aller plus loin, mais le jour commence à faillir et il est temps de prendre congé de vous, comme je fais, vous assurant d’être inviolablement, toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Spon, D.M.


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L. française reçue 39.  >
De Charles Spon,
le 8 juin 1657

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Charles Spon, le 8 juin 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce 8e de juin 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Voilà un prurit qui me prend tout à coup de vous écrire, ne pouvant mieux célébrer, à mon avis, la Saint-Médard [3] que par cette petite débauche ; [1] outre que je ne me suis pas donné l’honneur de vous écrire depuis le 15e du passé, si j’ai bonne mémoire ; auquel jour je remis entre les mains d’un brave jeune homme écossais nommé M. Brusius, [4] docteur médecin tout frais émoulu de Valence, [5] un petit paquet < de > livres pour vous délivrer. Vous me donnerez s’il vous plaît avis de la réception quand vous l’aurez faite. Vous y trouverez entre autres un livre nouveau imprimé en cette ville sous le titre de Gabrielis Fontani de Medicina antihermetica[6] lequel livre vous est envoyé en présent par le sieur Fourmy, [7] marchand libraire de cette ville, gendre et héritier du sieur Champion, [8] autre libraire décédé depuis peu, pour lequel vous serez mémoratif que vous obtîntes il y a un an le privilège de l’impression des œuvres de Varandæus ; [9] duquel ledit Champion a cédé le droit à sondit gendre le sieur Fourmy qui a fait continuer et fait encore la susdite impression, laquelle tend à sa fin. Mais en visitant le privilège du roi obtenu par votre moyen pour ledit livre, il s’est aperçu qu’il est porté là-dedans que ledit privilège doit être enregistré dans les registres des syndics des marchands libraires et imprimeurs de Paris, [10] à peine de nullité ; ce qui n’ayant (peut-être) encore été effectué par mégarde du défunt, le sieur Fourmy désire de s’assurer de ce côté-là. C’est pourquoi il m’est venu trouver et vous supplie de vouloir lui faire la grâce de faire enregistrer (comme dit-est) ledit privilège, s’il ne l’était déjà, sur les registres de ces Messieurs les syndics ; pour lequel effet il m’a remis entre les mains copie du dit privilège et de plus, une expédition du transport que lui en a fait feu son beau-père le sieur Champion, avec promesse de vous rembourser incontinent de tous les frais que vous aurez faits pour ce sujet et mêmement du port de la présente, dont il vous prie de lui tenir compte avec le reste. Enfin ce livre est achevé, excepté l’indice et la première feuille, de sorte qu’en peu de temps le public en pourra jouir. [2] Au reste, j’ai des baisemains à vous faire de la part du sieur Joan. Daniel Horstius, [11] lequel témoigne d’être extrêmement joyeux de savoir que vous êtes établi successeur d’un si grand homme qu’était feu M. Riolan, [12] ce qui fera moins regretter la perte de sa personne. Voici ses termes : Ab obitu Cl. Riolani Artem nostram nil damni accepisse nunc demum statuo, cum succenturiatum scribas Magnum Dn. Patinum, Virum longe celeberrimum, cuius favorem ipse non intermittam literis officiosissimis ambire ; [3] à quoi vous pouvez vous préparer par avance. Il serait bien aise que je fisse imprimer ici son Manuductio ad Medicinam, mais je ne sais si j’en pourrai venir à bout. Il y a là-dedans quelque invective contre le bonhomme M. Hofmannus à cause de ce qu’il a drapé, entre autres dans les Institutions[13] le père du dit sieur Horstius ; [14] mais lui ayant représenté qu’il devait laisser en repos les mânes d’un si grand personnage qu’a été le sieur Hofmann et qu’il ne lui pouvait reprocher que d’avoir usé d’une chose permise, qui était la liberté philosophique et la recherche de la vérité, il m’a donné parole qu’il lui pardonnait de bon cœur et qu’il consentait que j’ôtasse de sondit livre tout ce qui pouvait choquer la mémoire du défunt. [4] Il me mande que le bruit court dans la cour de son maître, le landgrave de Darmstadt, [15] que le roi [16] est en volonté de s’aller poster à Metz [17] et que le Suédois [18] a dessein d’entrer en Allemagne, pour mugueter l’un et l’autre la couronne impériale à présent vacante ; [5] ce qui pourrait peut-être bien arriver. L’on avait fait ici courir le bruit d’une grande défaite des Polonais par les Suédois et Transylvains, lequel s’est enfin trouvé imaginaire et controuvé à plaisir. [19] L’on nous assure ici que la ville de Valence [20] dans le Milanais se trouve investie par les Espagnols, mais que nos gens s’assemblent pour les repousser et recoigner bien loin. [6] L’on nous fait aussi entendre que Madame Royale de Savoie [21] se porte mieux et que notre M. Guillemin [22] est fort bien venu auprès d’elle, vu qu’elle se confie entièrement à lui. Pour le sieur D’Aquin, qui y est allé, [23] il ne s’en parle non plus que rien. [7] Portez-vous toujours bien et croyez que je serai toute ma vie, après mille salutations que je vous fais, et à Messieurs vos fils, Monsieur, votre très humble, très obéissant et très passionné serviteur,

Spon, D.M.


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De Charles Spon,
le 10 juillet 1657

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De Lyon, ce mardi 10e de juillet 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Quoiqu’il ne se présente guère rien qui mérite de vous être mandé de ces quartiers, je ne lairrai pas de vous tracer quelques lignes en reconnaissance de vos deux belles et amples missives, l’une du 8e, l’autre du 19e de juin, pour lesquelles je vous rends grâces infinies, ne pouvant assez admirer tant de bontés que vous avez pour moi, tout chétif et indigne que j’en suis. Je serais bien aise de savoir de vous que vous a fait ce sieur Chesneau [3] de Marseille, [4] parce que vous m’en parlez avec quelques termes de ressentiment, < ce > qui me fait croire qu’il vous a désobligé en quelque chose. Je n’ai point grande habitude avec lui, mais il m’avait recommandé ce Suffren, [5] que je vous adressai dernièrement et qui a été quelque temps son domestique. [1] Il est vrai qu’en général, ceux de cette nation-là sont des humeurs dangereuses et matoises, aussi ne sont-ils guère en bon prédicament dans Lyon, et les marchands ne veulent leur vendre qu’à beaux deniers comptants quand ils viennent ici aux emplettes.

Je vous ai très grande obligation d’avoir daigné aller rendre visite [6] à M. Marion, [7] mon beau-frère, et de lui avoir départi vos bons avis sur son indisposition. Je souhaiterais bien qu’il vous crût et se rangeât à vivre plus réglément par ci-après qu’il n’a fait jusqu’à présent, peut-être sortirait-il encore du labyrinthe où il se voit aujourd’hui. M. Sorbière, [8] qui me vint voir céans le 16e du passé, allant en Avignon, [9] m’assura qu’il avait laissé mondit beau-frère en fort mauvais état, atrophié et en chartre. [2][10] J’en suis fort en peine, pour n’en point mentir, et plains non seulement lui, mais aussi sa famille, qu’il eût peut-être mieux fait de laisser ici que non pas de la faire transmarcher à Paris. Je ne sais si vous trouveriez bon qu’il usât des eaux de Forges [11] pendant quelques jours devant que de prendre du lait d’ânesse, [12] afin que cetui-ci trouvât les passages plus libres et se distribuât facilement, sans hésiter autour des hypocondres [13] et y former des nouvelles obstructions. Je ne doute point que cette 18e lettre du Port-Royal [14][15] dont vous me parlez ne soit excellente puisqu’elle a pour sujet l’infaillibilité [16] d’un homme mortel comme nous, qui ne doit pas être malaisée à combattre par plusieurs raisons invincibles. Je m’attends à voir cette pièce avec plaisir, dont vous m’avez fait venir l’eau à la bouche par l’approbation que vous lui donnez. Quant à l’impression des œuvres de Cardan, [17] dont vous me demandez des nouvelles, il ne s’en parle point encore et ai peine à croire qu’elle s’entreprenne de longtemps, [3] vu les fléaux qui affligent le monde et troublent le commerce : je dis la peste d’Italie, [18] les guerres d’entre les couronnes et le mépris des lettres, plus général que jamais. Mais en tout cas, si elle a à se faire, ce ne sera qu’après le retour du vénérable M. Ravaud, [19] lequel on dit être à présent en Portugal. J’ai fait récit au sieur Fourmy [20] de tout ce que vous me mandez touchant son privilège du Varandæus[21] dont il vous remercie, et m’a dit que puisque M. Béchet [22] était maintenant syndic de la librairie, duquel il avait l’honneur d’être connu assez particulièrement, il voulait lui écrire un mot pour savoir de lui s’il voulait qu’il lui envoyât l’original de son privilège pour l’enregistrer ; et que s’il lui mandait que oui, il le lui enverrait et vous enverrait aussi un exemplaire des Mémoires de Tavannes, [23] quoiqu’il n’en ait pas encore obtenu le privilège, ne doutant point que vous ne ménagiez ses intérêts, ne les faisant voir qu’à personnes non suspectes, de peur qu’on ne lui fasse pièce. [4]

Depuis avoir écrit ceci, le sieur Fourmy étant venu me voir, m’a appris qu’il vous avait envoyé il y a huit jours par le messager de Lyon l’original de son privilège et les Mémoires de Tavannes, qu’il vous prie de faire retirer et en payer le port, dont vous lui tiendrez compte, et prendrez soin de faire enregistrer sondit privilège par M. Béchet. [5]

J’ai eu lettre la semaine passée de M. Melchior Sebizius, [24] professeur de Strasbourg, qui me recommande un de ses compatriotes écolier en médecine venant de Padoue. [6][25][26] C’est un brave jeune homme qui a demeuré quelque temps à Vérone chez le sieur Petrus à Castro, [27] praticien renommé de ladite ville. [7][28] Il m’a dit que les sieurs Silvaticus, [29] Fortun. Licetus [30] et Joan. Rhodius [31] sont toujours vivants ; qu’un nommé Marquetus [32] et un autre, nommé Molinettus, [33] étaient en grande réputation dans Padoue ; [8] que la circulation du sang [34] passait en ce pays-là pour article de foi et qu’un médecin de Vérone ayant fait un livre pour la réfuter, s’était fait moquer de lui, quoiqu’en ayant fait la dédicace au duc de Mantoue ; [35] ce prince, en reconnaissance de cet honneur, l’avait anobli, lui et sa race, et honoré du titre de comte palatin. [9] Les grands en France ne sont point si généreux à récompenser les gens de lettre, les Mæcenas [36] y sont des oiseaux très rares au temps où nous sommes plus que jamais. J’ai fait réponse au dit sieur Sebizius et lui ai donné avis de la mort de MM. Moreau [37] et Riolan, [38] si peut-être il ne l’a déjà sue d’ailleurs. Je pense que ce M. Sebizius est aujourd’hui le plus vieux professeur en médecine qui soit en Allemagne. Il avait un collègue aussi fort vieux qui s’appelait M. Saltzmannus, [39] mort seulement depuis peu de mois en çà[10] J’ai aussi eu lettres de Montpellier, du sieur Mazuray, [40] lequel me mande qu’il n’a pu encore faire aucun acte public pour prendre ses degrés, mais que M. Courtaud [41] lui faisait espérer que devant les vacations, [11] il ferait son acte de baccalauréat ; [42] de quoi je doute fort, ayant appris de bonne part que les professeurs de Montpellier désertent fort les Écoles, le sieur de Soliniac [43] étant encore à Paris, le sieur de Belleval [44] à Uzès, proche M. le duc d’Uzès [45] malade, [12] et le sieur Sanche [46] quelque autre part ; si bien que M. Courtaud demeure solus in præsepi equus, pour parler avec le docteur Zacutus. [13][47] Je suis bien aise de ce que le sieur Brusius [48] vous a vu et vous a remis mon paquet. Je ne vous ai pas encore renvoyé le reste de vos manuscrits de Hofmannus [49] ni votre Sennertus[14][50] parce que M. Devenet [51] m’avait fait espérer de faire quelque balle dans laquelle il les pourrait mettre, ce qui n’est pas encore arrivé. Si je ne puis rien faire de ce côté-là, hasard de le bailler au coche de Paris. J’ai aussi encore céans les deux livres que vous m’avez envoyés pour faire tenir à M. Volckamer, [52] afin qu’il les fasse aller plus loin vers M. Rolfinckius, [53] nos marchands n’ayant fait de longtemps aucune balle pour Allemagne. L’on me fait espérer que dans la foire [54] prochaine d’août, il partira quelques balles pour Nuremberg [55] dans lesquelles je prétends de les mettre et de les bien recommander, ayant au reste beaucoup de regret de ce retardement auquel je n’ai pu trouver du remède. Ce que vous me mandez de la peste [56] de Gênes n’est que trop véritable, elle y est furieuse et l’on m’a dit qu’ils manquaient de gens de service dans cette extrémité, et qu’ils demandaient à Messieurs de Marseille [57] des médecins et des chirurgiens ; ce qui met en peine jusqu’à notre ville à cause de la foire de Beaucaire [58] prochaine où l’on voulait empêcher que nos marchands n’allassent, de peur de s’infecter parmi le grand abord d’Italiens et marchandises d’Italie qui s’y amènent ; mais ceux de Marseille ayant promis d’empêcher qu’aucune marchandise de ce pays-là ne fût déchargée sur leurs côtes, l’on souffrira que ladite foire soit fréquentée à l’ordinaire par nos marchands et négociants.

À peine avais-je achevé d’écrire cette page qu’il m’a fallu sortir pour aller voir un malade qui pressait, et voilà une crie qui se faisait tout de nouveau, par laquelle il est défendu d’aller à ladite foire de Beaucaire sous grosses peines, de sorte que l’on n’y ira pas. [15]

Je voudrais bien savoir < ce > que fait le pauvre M. Musnier [59] dans cette désolation publique où il se trouve enveloppé. Je n’ai pu encore apprendre au vrai qu’était devenu à Naples le brave Marcus Severinus, [60] quelques-uns m’assurant qu’il était mort et d’autres disant le contraire. [16] Je n’ai point su encore trouver en cette ville d’autre Introductio ad medicinam que celle que l’auteur (c’est-à-dire, le sieur Jo. Daniel Horstius) [61] m’a envoyée, toute corrigée de sa main et pleine de petites apostilles pour la faire imprimer de nouveau s’il s’en trouvait occasion ; [17] dont je doute fort, nos libraires n’ayant jamais battu plus froid pour l’impression des livres qu’ils font à présent, si l’on ne promet de leur graisser la main et de foncer aux frais de l’impression. [18] Nous n’avons point encore vu ici les livres d’Italie dont vous me faites mention, à savoir : Comment. Phrygii in Hist. epidem. Pars posterior ; Consilia medica Silvatici ; Ochus de Febrib. cum paradox. ; Franciscus de Francisco de Venæ sect. abusu[19][62][63][64][65] Si par ci-après il en peut venir quelqu’un à ma connaissance, je ne manquerai à vous en donner avis. Raynaldus [66] ne s’imprime point chez M. Borde, [67] à ce qu’on m’a assuré. [20] Ledit sieur Borde a été derechef grièvement malade, mais on m’a dit qu’il y a de l’amendement depuis quelques jours en çà.

M. Gras [68] m’a prié de vous faire ses baisemains et vous dire qu’il vous envoie par le sieur Basset [69] (qui est cet aspirant à notre agrégation, lequel ayant été refusé, plaide contre notre Collège à Paris) [70] le livre du sieur Restaurand [71] qu’il vous avait promis, intitulé De Monarchia microcosmi, où vous verrez à foison des maturinades dignes d’entrer en parallèle avec celles des habitants des Petites Maisons. [21][72] Je fis il y a 15 jours un petit voyage de quatre jours à Mâcon [73] pour affaires de tutelle et à mon retour, je sus que notre doyen, le sieur Claude Pons, [74] était fort malade d’une fluxion sur la poitrine à laquelle il était sujet depuis fort longtemps, et de laquelle enfin il mourut le dernier du passé et fut enterré le lendemain à l’hôpital dont il avait été le médecin ordinaire l’espace de 22 ans. Nous avons maintenant en son lieu et place de doyen M. de Rhodes [75] et pour vice-doyen M. Gras. Dieu nous les conserve longuement !

Enfin, M. Guillemin notre collègue revint sain et sauf en cette ville, [76] le 6e du courant, de son voyage de Piémont, [77] ayant mis trois mois (moins huit jours) à ce voyage, car il était parti d’ici le 13e d’avril ; et a laissé Madame Royale en parfaite santé, [78] à ce qu’il m’a dit lui-même dans le court entretien que j’eus dernièrement avec lui en son logis où je l’étais allé complimenter comme les autres. Il me dit en passant que les médecins de Turin [79] sont d’étranges praticiens et qu’ils lui avaient fait plus de peine pour les mettre à la raison que n’avait pas fait la maladie de Son Altesse Royale ; qu’il avait été fort mal secondé par D’Aquin, [80] qui n’était pas médecin, et qui bégayait et de l’esprit, et de la langue, delirat linguaque mensque[22][81] Au reste, il paraît bien satisfait des honnêtetés reçues dans cette cour-là. Je lui ai présenté vos baisemains sur ce qu’il m’a le premier demandé de vos nouvelles. Il vous écrira sans doute amplement de toute son aventure quand il se sera un peu reposé et < aura > repris ses esprits.

Voilà bien prou d’histoires pour un coup. Je ne pensais pas, quand j’ai commencé, d’en avoir la moitié tant dans ma gibecière. Il n‘y a que d’y fouiller hardiment, il en sort toujours quelque chose, vaille qui vaille. Je vous supplie de prendre le tout en bonne part et me faire la grâce que je tienne toujours rang parmi ceux qui vous sont tout acquis, en qualité, Monsieur, de votre très humble et très obéissant serviteur.

Spon, D.M.

La date est en tête, si vous en avez faute.

J’avais oublié de vous dire que M. Sauvageon [82] vous baisait les mains et m’avait assuré qu’il n’avait point fait imprimer la Pharmacopée de Bauderon en cette ville depuis son retour. [83] M. Huguetan [84] s’est fort plaint à moi du dit sieur Sauvageon pour avoir laissé passer quantité de fautes insupportables dans le Zacutus qu’il fait réimprimer et dont il lui avait confié la correction. [23] Pour Belaître, [85] que M. Gras nommait ici Bel estron, MM. Guillemin et Garnier vous en pourront dire plus de nouvelles que moi. Merus est nebulo, omniumque ignarissimus. Vale[24]


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De André Falconet,
le 17 juillet 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

À Lyon, le 17e juillet 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Il y a si longtemps que je n’ai point reçu de vos nouvelles que j’ai peur que vous ne m’ayez oublié. Je me le persuaderai pourtant < que > malaisément puisque vous m’avez promis avec fidélité l’honneur de votre amitié. Il est temps, je vous prie, que vous m’en donniez des preuves puisque je vous les demande, s’il vous plaît, et au nom de notre Collège [3] et en mon particulier. Il m’a chargé de vous supplier de nous donner quelques sollicitations auprès de vos amis, Messieurs nos juges, et particulièrement auprès de Monsieur l’avocat général, [4] ou par vous ou par quelque de Messieurs vos confrères. Notre cause est d’honneur et il nous est important de n’être pas maltraités par un petit potiron, et un jeune homme aussi téméraire qu’il y en ait au monde. [1][5] Vous voulez bien que j’aie assuré par avance mes collègues que nous devions tout attendre de vous. M. Spon, notre bon ami, vous en doit écrire de la même encre, et M. Alleaume, [6] notre procureur, et qui a l’honneur de vous être allié, vous instruira de tout puisqu’il nous a déjà témoigné que vous nous vouliez obliger en ce rencontre et que nous commencions à vous en remercier par avance.

M. D’Aquin [7] a passé par ici et m’est venu voir. Il n’a pas oublié à me raconter ce qu’il a fait à Turin [8] auprès de Madame Royale. [9] Il en emporte une chaîne d’or et un chapelet qui valent bien 4 500 livres. J’ai connu en lui ce que vous m’en avez mandé, et quoi qu’il m’ait dit de M. Guillemin [10] et qu’ils aient été bons amis, je vois bien que non depuis son retour, car il ne l’estime du tout point. M. Le Gagneur, [11] médecin de M. le prince de Conti, [12] me dit en passant qu’il verrait Madame Royale, mais que ce ne serait avec M. D’Aquin ; aussi fut-il vrai, car M. Guillemin m’a dit que ce fut lui qui le présenta à Madame. C’est une étrange chose que la cour, et des étranges gens ceux qui la fréquentent. Nous avons ici un de nos richards libraires nommé Borde [13] qui a été extrêmement malade. [2] Champion, [14] un autre qui faisait imprimer le Varanda[15] est mort ces jours passés d’un miséréré. [16] Viget enim nunc plenus æstivus[3] et plusieurs en meurent. MM. Guillemin et Garnier vous assurent de leurs très humbles services, je leur ai promis ce matin en consultant que je vous le manderais. [17] Je suis pour toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Falconet.


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De Charles Spon,
le 13 août 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce 13e d’août 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Le procès intenté contre notre Collège [3] par le sieur Basset, [4] duquel je vous ai ci-devant écrit, ayant obligé notredit Collège de députer à Paris M. Sauvageon, [5] j’ai cru que vous ne seriez pas marri qu’il vous présente ces lignes, avec les assurances de mes très humbles services, pour vous supplier de le vouloir assister de votre bon conseil et de votre crédit dans cette affaire que nous avons sur les bras contre un étourdi que la présomption et bonne opinion de soi-même, jointes à l’appétit de la vengeance (j’ai failli à dire de vendange, aussi l’aime-t-il passionnément), font agir brutalement contre une Compagnie qui ne l’a pu ni dû flatter comme il prétendait que l’on fît. Ses griefs sont d’avoir été renvoyé pour six mois et du depuis, d’avoir été constitué prisonnier à notre requête. Quant au premier, on l’a traité comme on en a traité plusieurs autres qui en savaient plus que lui ; et les soufflets fréquents qu’il donnait à Priscian, [1][6] l’ignorance du grec, la bassesse de ses pensées, la mauvaise méthode de tout son discours ne permettaient pas qu’on lui fît autre grâce. Quant à l’emprisonnement, qu’il ne s’en prenne qu’à lui-même, κιχλα χεζει αυτη κακον. [2][7][8] Pourquoi écrivait-il injurieusement contre le Collège ? Cur irritabat crabrones ? [3][9] On ne lui demandait rien, et que ne nous laissait-il en paix ? Voilà où nous en sommes, et si la Cour n’est prévenue par quelques artifices, notre bon droit ne peut manquer d’être conservé à la confusion de notre partie, quoiqu’il ait eu l’effronterie de défier à la dispute toute notre Compagnie par une rodomontade des plus ridicules ; sur quoi il suffirait de lui dire ce que disait Théocrite, [10] υς ποτ’ ’Αθηναιαν εριν ηρισε ; [4] mais le pauvre garçon ne l’entendrait pas car du grec, il n’en casse point. Je vous baise très humblement les mains et demeure, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

Spon, D.M.


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De André Falconet,
le 14 août 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

Monsieur, [a][1][2]

Je ne vous saurais assez témoigner l’obligation que notre Collège [3] et moi vous aurons des bons offices que vous nous voulez rendre au procès contre Basset. [4] C’est un petit impudent, et qui nous a tretous si mal traités qu’il faudrait être sans ressentiment pour n’en pas tirer raison. Je crois que vous nous y aiderez et que, quoi que dise M. Gras [5] qu’il vous ait écrit en sa faveur, que vous préférerez tout un Collège, MM. Guillemin, [6] Spon et moi qui vous en supplions, aux prières qui ne sont ni justes, ni de saison, mais plutôt conçues pour satisfaire à sa passion et à l’animosité qu’il peut avoir contre quelques particuliers. [1] Je vous ai toujours cru et connu pour fidèle et véritable ami : que j’en reçoive, je vous prie, des effets dans une rencontre si importante ; vous verrez en quels termes M. Spon vous en écrit. Tenez pour assuré que c’est un faible personnage. [7]

M. de Narbonne [8] et M. de Rebé [9] sont à Rebé en Roannais où ils demeureront jusqu’à la fin de septembre. [2] Le dernier a été cruellement tourmenté de colique néphrétique [10] et puis de la goutte ; [11] vous en connaissez l’humeur et la manière de vivre. Je suis bien aise qu’il ait reconnu en partie votre mérite et les obligations qu’il vous a. Si vous êtes satisfait, je souhaiterais qu’il se montrât souvent des occasions de semblable nature. Je suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Falconet.

À Lyon, ce 14e août 1657.


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De Charles Spon,
le 28 août 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce mardi 28e d’août 1657.

Monsieur, [a][1][2]

J’ai reçu les deux vôtres dernières, l’une du 10e par M. Fourmy [3] et l’autre, du 21e du courant, par M. Robert, [1][4] procureur de notre Collège. [5] Je ne saurais vous exprimer avec quels sentiments de joie j’ai reçu l’une et l’autre, les voyant toutes remplies de marques visibles de votre affection dont je vous demeurerai obligé toute ma vie, sachant bien que quand j’aurais fait plus que mes forces ne portent, ce serait toujours au-dessous de ce que je vous dois et dont je ne m’acquitterai jamais. Je mets au rang de tant d’obligations les lettres et écrits derniers qui m’ont été délivrés de votre part par ledit sieur Fourmy, dont j’ai baillé sa part à M. le médecin Gras, [6] mon collègue, qui vous en remercie très affectueusement. Ce sont des pièces mémorables et élaborées qui méritent d’être conservées soigneusement. Quant à l’in‑fo intitulé Asiæ nova descriptio[2] que vous adressez à M. Volckamer [7] de Nuremberg, [8] je l’ai baillé au même marchand auquel j’avais remis, il y a trois semaines, les deux livrets in‑8o que vous m’aviez envoyés pour le même. Ce marchand, qui est facteur du sieur Fermond de Nuremberg, [3] fait balle cette semaine (à ce qu’il m’a assuré), dans laquelle il mettra tous les trois susdits livres. Je me suis amusé à visiter un peu ce dernier et ai reconnu par quelques passages, entre autres aux pages 40 et 58, que l’auteur qui l’avait compilé était jésuite. [4][9] Je ne sais si vous savez son nom, c’est bien merveille que l’auteur l’ait celé ; cette modestie est rare à ceux de cette Société, qui sonnent ordinairement la trompette pour peu de chose. [10] Demain doit partir de cette ville pour Paris un brave écolier en médecine allemand de Strasbourg nommé M. Dinckel, [11] auquel je viens de bailler un petit mot de lettre pour vous, lui ayant aussi remis un paquet qu’il m’a promis de mettre dans sa valise pour vous le rendre étant par delà ; comme aussi une feuille de l’Heurnius [12] qu’on imprime, que le sieur Huguetan [13] m’a baillée pour vous servir d’échantillon pour tout le reste de l’ouvrage. [5]

Vous trouverez dans ledit paquet vos manuscrits du sieur Hofmann [14] que j’avais entre mes mains depuis quelques années en çà[6] i. Il y a une copie, que j’ai faite, du traité de Calido innato et Spiritibus, dont je vous renvoyai l’autographe il y a quelque temps ; ii le traité de Humoribus, dont j’ai transcrit seulement les deux premiers cahiers que je vous envoie ; si j’eusse eu le loisir, je l’aurais tout transcrit afin qu’une si excellente pièce ne se vienne à perdre ; [15] iii le traité de Partibus similaribus. Outre lesquels manuscrits, je vous envoie encore un petit livret de Obsidione Fontirabiæ[7][16] fait par un jésuite. [17] Et voilà le contenu du dit paquet, lequel Dieu veuille préserver d’infortune, aussi bien que celui qui s’en charge, qui souhaite fort de vous voir, y ayant très longtemps qu’il vous connaît de réputation. Il est disciple du docteur Melchior Sebizius, [18] parent de feu le sieur Saltzmannus, [8][19] autre professeur de Strasbourg. Il vient depuis peu d’Italie, ayant le plus séjourné à Vérone [20] chez le sieur Petrus à Castro. [21] Il a eu lettres depuis quelques jours de ce pays-là, par lesquelles on lui donne avis de la mort du bonhomme Fortunius Licetus, [22] professeur de Padoue, [23] qui était en un âge décrépit. On lui mande aussi qu’un autre professeur du dit lieu, nommé Guido Anton. Albanesius, [24] âgé de 46 ou 47 ans, avait été malheureusement assassiné à la porte d’une église par un certain écolier en médecine auquel il avait refusé sa voix en quelque rencontre[9] Ô l’abominable pays où l’on ne fait pas plus de difficulté de tuer un homme qu’une mouche ! Gardez-vous bien, mon cher ami, de penser d’aller jamais là, quelque belles offres que l’on vous fasse. Dites-leur, comme fit saint Pierre à Simon le Magicien, [25] Pecunia tua tecum sit in perditionem[10][26] pour parler aux termes de la Vulgate, [27] ou, pour parler avec Bèze, [28][29] Pecunia tua tecum pereat ! [11] Heu fuge crudelis terras ! [12][30] Mais vous êtes bien à Paris, grâces à Dieu, n’en bougez point ; mais vous êtes trop sage pour faire autrement et mes conseils sont hors de saison sur ce point-là. Toutefois, vous permettrez bien, s’il vous plaît, que je vous témoigne par là l’affection que je vous ai vouée. Res est solliciti plena timoris amor ! [13][31] Je tremble quand je pense à la barbarie qui règne en ce climat-là, et nous trouve encore heureux en France au prix de ces lieux-là, nonobstant toutes les autres misères que nous y voyons. Non obtusa adeo gestamus pectora Galli, Nec tam aversus equos nostris Sol iungit ab oris, Speramusque Deum memorem fandi atque nefandi[14][32] Je ne doute point qu’un jour la vengeance divine ne se réveille pour faire périr toute cette maudite nation, avec d’autant plus de sévérité qu’elle l’a plus attendue à repentance. Consuevere nimirum, (disait César) dii immortales interdum hominibus diuturniorem impunitatem concedere, quos pro scelere eorum ulcisci parant[15][33] Malis (disait Lactance) quanto serius, tanto vehementius mercedem scelerum exolvit Deus[16][34] Mais trêve de lieux communs, avez-vous point encore reçu votre Sennertus [35] que M. Devenet [36] a envoyé à Paris dans une de ses balles ? [17] Si cela n’est fait, il ne doit guère plus tarder. Je soupai le 20e du courant chez M. Gonsebac, [37] mon compère, où était un marchand de Marseille [38] nommé M. David [39] qui a longtemps demeuré à Gênes [40] et qui en partit seulement au commencement de la peste [41] de ladite ville. Je lui demandai s’il ne connaissait point M. Musnier, [42] le médecin, et qu’est-ce qu’il était devenu. Il me dit qu’il le connaissait fort bien, qu’il avait appris que mademoiselle sa femme était morte de la contagion ; [18][43] mais que pour sa personne, il n’en avait rien pu apprendre. Je crains fort que le pauvre homme n’ait passé le pas s’il ne s’est sauvé de bonne heure, comme ont fait la plupart des meilleurs bourgeois de cette pauvre ville qui est dans une désolation épouvantable. J’estime bien fort avec vous la générosité de ceux de Rotterdam [44] de vouloir faire imprimer à leurs dépens toutes les œuvres de leur compatriote, le grand et incomparable Érasme. [45] J’ai su de ceux qui y ont été qu’ils lui ont érigé, il y a longtemps, une statue de bronze dans une place publique. [19][46] À ce que je recueille de votre lettre, nous ne manquerons pas de Celse [47] à l’avenir puisque le sieur Vander Linden, [48] le sieur Rhodius [49] et le sieur Mentel [50] en promettent chacun une édition. [20][51][52]

La reine de Suède [53] est toujours en notre voisinage, au faubourg de la Guillotière, [54] où elle < est > visitée de diverses personnes de toutes conditions. [21] Je n’ai pas eu la curiosité d’y aller perdre quelque heure de temps, crainte de revenir de là tout aussi savant que j’y serais allé. L’on croit ici qu’elle a envie de retourner encore à Paris et qu’elle n’attend là-dessus que la volonté des puissances. Le sieur Meyssonnier [55] m’a fait présent de son livret intitulé Medicina spiritualis, aussi bien qu’à vous ; [22] mais je suis comme vous, je le trouve trop long et ennuyeux, tout court qu’il paraisse, et crois qu’il ferait beaucoup mieux s’il s’abstenait de tant gratter et gâter le papier. Je vous remercie de ce que vous avez tâté le pouls à notre partie, le sieur B. < Basset >, [56] touchant quelque accommodement entre notre Collège et lui. Je crois que si, au lieu de faire offre de faire son acte de pratique, il offrait de faire un autre acte de théorie comme le Collège le lui ordonnait, et qu’il témoignât être marri de ce qu’il a publié contre le Collège et qu’il remboursât au Collège de bonne grâce les frais auxquels il l’a mis de gaieté de cœur, que son affaire serait tantôt vidée et que, tout bien compté, il trouverait d’avoir plus gagné à en user de la façon qu’à obtenir un arrêt à sa poste, [23] qui ne lui causerait un jour que des déplaisirs continuels et une haine implacable de tout un Corps considérable et (si j’ose dire) formidable à tout particulier. [24] Si vous lui en voulez encore toucher quelque chose et continuer à lui offrir votre entremise envers le Collège pour le mettre bien avec lui, vous le pouvez faire ; et je sais que, s’il se relâche de son orgueil, le Collège fera pour lui tout ce qu’il pourra. Je souhaiterais que vous eussiez assez de bonheur pour ramener cet esprit à son devoir, mais je doute fort qu’il sera assez docile pour cela. En tout cas, M. Sauvageon [57] ne manquera point, à son ordinaire, à lui montrer les dents, qu’il a belles, grandes et déchaussées. À propos des déchaussés, il y a 15 jours que le général de l’Ordre des capucins[58] après qui le pauvre monde court comme il ferait après saint Pierre pour le pouvoir seulement toucher, passa par cette ville, d’où il a pris le chemin de Bourgogne par eau. [25][59] L’on va imprimer en cette ville l’Histoire généalogique des maisons de Savoie faite par le sieur Guichenon, [60] avocat de Bourg-en-Bresse, [61] où il y aura plus de 500 figures. [26] C’est le sieur Barbier [62] qui doit y travailler, à ce qu’il m’a dit.

Je suis bien aise que vous ayez eu des lettres du sieur Horstius [63] et que vous ayez reçu son Manuductio ad medicinam, dont le bonhomme se fait fête. Il n’est plus à présent professeur, il est médecin ordinaire et courtisan du landgrave de Darmstadt, [64] lequel il a mené cet été aux bains d’Ems, [65][66] à ce qu’il m’a mandé. [27] Les sieurs Huguetan et Ravaud menacent toujours qu’ils feront imprimer le Cardan ; [28][67] mais de savoir quand cela sera, il en faudrait aller au devin. Voilà tout ce que j’ai à vous dire pour cette heure. Si quelque chose a échappé à ma mémoire, pardonnez-le, s’il vous plaît, à ma précipitation, n’ayant pas beaucoup de temps de reste pour le présent. Je vous baise très humblement les mains, et à Messieurs les docteurs vos fils, vous suppliant de m’aimer toujours et d’être très persuadé que je suis de toute mon âme, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Spon, D.M.

Mes baisemains, s’il vous plaît, à MM. Sauvageon et Du Prat.


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De Charles Spon,
le 11 septembre 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce mardi 11e de septembre 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Je prends fantaisie de m’aller divertir en votre compagnie quelques moments de loisir que voici, pourvu que vous le veuillez bien et que cela se puisse sans vous incommoder ; autrement j’en aurais grand regret.

Vous recevrez bientôt, Dieu aidant, une lettre que vous doit rendre de ma part une de mes bonnes voisines, [3] laquelle je vous supplie de bien considérer, et lui faire voir mon portrait [4] pour voir si elle le reconnaîtra. [1] Vous recevrez aussi dans peu de temps, si vous ne l’avez déjà fait, des mains d’un médecin allemand de Strasbourg nommé M. Dinckel, [5] non seulement un mot de lettre que je lui ai baillé, mais de plus, le reste des manuscrits de Hofmannus [6] que j’avais rière moi et qui vous appartiennent, [2] étant en peine jusqu’à ce que j’aie appris qu’ils vous auront été délivrés. J’ai aussi baillé, par maxime d’état, [3] une autre lettre de recommandation pour vous à un certain frater de la petite spatule, [4][7] autrement chirurgien, [8] qui se fait nommer le sieur Mondragon ; [9] mais à laquelle lettre je vous supplie de n’avoir aucun égard parce que ce jeune homme, aussi bien que le reste des confrères de Saint-Côme, ne sont pas personnes (à mon avis) pour qui les médecins se doivent aujourd’hui guère employer, vu que ce sont des vipères qui tâchent de nous nuire en tout et partout, des gâte-métiers et des affronteurs[5][10] Je n’en connais que très peu qu’on puisse excepter de cette généralité, Vix sunt totidem quot Thebarum portæ[6][11][12] Laissons-les tels qu’ils sont et ne nous mêlons de leurs affaires que le moins que nous pourrons. Celui-ci est de la patrie et peut-être même de la trempe des Renaudot ; [13][14] et si ce n’eût été pour faire plaisir à M. Gras [15] qui le porte quelque peu, je me serais bien défendu de lui avoir donné votre adresse. Au reste, vous avez eu le contentement de voir le bonhomme M. Sauvageon [16] par delà lorsque vous l’attendiez le moins. M. Gras dit plaisamment que quand le Collège [17] s’est avisé de l’envoyer à Paris, il a envoyé Noctuam Athenas[7] faisant allusion à ses yeux qui ne ressemblent pas mal à des chouettes. Cependant, je viens d’apprendre qu’il est parti de Paris en intention de se retirer dans le Nivernais pour aller mourir dans son gîte natal, à l’imitation des lièvres. [8] Je n’ai pas encore pu savoir au vrai quelle issue a eue sa sollicitation dans l’affaire contre le sieur Basset, [18] sinon que l’on m’a dit que la sentence de Lyon avait été confirmée concernant le criminel. [9] Si vous en avez appris quelque chose de sa bouche devant son départ, vous m’obligerez de me le communiquer. Le seigneur Basset aurait (ce me semble) mieux fait de songer à s’accommoder que de pousser plus avant l’affaire, de laquelle il ne sera jamais bon marchand, de quelque côté que tourne la chance. Le 4e du courant me vint voir céans un honnête homme auquel je ne songeais pas, venant fraîchement de Paris : c’est le bon M. Lyonnet [19] du Puy en Auvergne, [20] lequel je n’avais encore jamais vu, ne le connaissant que par lettres que nous nous étions souvent écrites l’un à l’autre. [10] Il reconnut d’abord votre portrait [21] dans ma salle et m’assura de vous avoir laissé en bonne disposition, ayant eu le bien de vous voir quelquefois pendant son séjour dans Paris qui a été de neuf mois entiers. J’ai su de lui qu’il avait obtenu grâce pour son fils, professeur à Valence [22] qui était embarqué dans une mauvaise affaire où il s’était commis quelque meurtre, lui étant dans la compagnie. Il m’a aussi entretenu de la mort du pauvre M. Des François, [11][23] votre collègue, lequel s’était donné, devant que mourir, par un effet de légèreté d’esprit, quelques coups de couteau dans les flancs ; [24][25] de quoi pourtant il ne mourut pas, mais pour lesquels la justice parlait de le faire appréhender et punir, ce qui n’arriva pas, à la considération du dit sieur Lyonnet qui s’y employa fortement. Ledit sieur Lyonnet est parti d’ici pour son pays et m’a chargé de vous assurer de ses très humbles services. Le sieur Ravaud [26] vous en fait autant, lequel songe tout de bon (à ce qu’il dit) à imprimer les œuvres de Cardan [27] quand il aura achevé d’imprimer son Athénée [28] et son Heurnius[12][29] À propos du premier, M. de La Poterie [30] s’étant ressouvenu qu’étant à Paris il avait ouï parler de quelques animadversions sur Athénée faites par un conseiller de Toulouse [31] qui passe pour habile homme, nommé M. Fermat, [13][32] s’avisa de lui écrire dernièrement et lui donner avis de la nouvelle impression que l’on faisait ici du dit auteur, afin de savoir s’il aurait pour agréable qu’on y ajoutât ses animadversions ; ce que ce conseiller a trouvé bon et les a envoyées, mais il n’y en a qu’une feuille écrite à la main ; encore n’y a-t-il de lui qu’une seule petite remarque, le reste étant d’une autre main, à savoir d’un autre conseiller au dit parlement, nommé M. Jaussaud, [14][33] qui est aussi fort habile homme en fait de critique et qui a eu autrefois correspondance avec le savant Casaubon. [34] J’ai tiré de M. Devenet [35] le mémoire des livres derniers imprimés chez lui et M. Anisson, [36] que vous désiriez de lui, et lequel je vous envoie ci-joint de sa part, avec ses très respectueux baisemains. Il ne croit pas qu’il y ait rien là-dedans qui vous puisse être propre, au moins pour en fournir votre bibliothèque.

L’on m’a fait voir ici depuis peu le Duret [37] du sieur Meturas [38] qui est richement laid, de mauvais papier et de caractère usé. [15] Il s’en faut bien qu’il n’approche de la beauté des impressions précédentes, Quantum mutatus ab illo ! [16][39] C’est dommage d’avoir ainsi profané ce bel ouvrage, digne de n’être tenu que dans le cyprès. [17][40] Vos livres pour M. Volckamer [41] sont dès à présent bien avant en chemin pour Nuremberg. Je vous supplie de vouloir assurer M. Nicolas Picques, [42] quand vous le verrez, de mes très humbles respects. Je vous prie d’être très persuadé, en votre particulier, que je vous honore de tout mon cœur, n’ambitionnant rien avec plus de zèle que d’être toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Spon, D.M.

Vous m’obligeriez de me dire un peu ce qui vous semble du livre nouveau du sieur Restaurand, [43] du Pont-Saint-Esprit, [44] intitulé De Monarchia microcosmi[18] Le sieur Le Bon, [45] doyen des professeurs de Valence, m’en a demandé ces jours passés mon sentiment ; mais je ne puis goûter cet auteur qui donne trop la géhenne (à mon avis) au bon Hippocrate, [46] lui voulant faire dire des choses auxquelles il n’a peut-être jamais pensé. Adieu, Monsieur, voilà la nuit qui tombe, par où je quitte votre charmant entretien jusqu’à une autre fois, Dieu aidant.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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De Saumaise, Claude II, sieur de Saint-Loup,
le 8 novembre 1657

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Saumaise, Claude II, sieur de Saint-Loup, le 8 novembre 1657

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(Consulté le 29/04/2024)

 

De Lyon, ce mardi 28e d’août 1657.

À Saint-Loup, [1] le 8 novembre 1657. [1][2]

Monsieur, [a]

Quand j’ai été revenu de Paris, j’ai appris que M. de Salins, [3] sur la passion qu’il a vue en moi pour le bien de votre connaissance, vous avait écrit que je me donnerais l’honneur de vous y voir ; et j’ai vu dans la réponse que vous lui avez faite, un témoignage de votre bonté qui m’oblige plus que je ne mérite. [2] J’eusse aussitôt mis la main à la plume pour vous en remercier et réparer ma faute si mon esprit confus ne se fût représenté qu’il serait de mauvaise grâce de vous écrire sortant de Paris, où je n’avais pas eu le bien de vous voir. Je n’ai pas jugé que la cause qui m’en a empêché fût une excuse recevable puisque c’est plutôt une marque de ma faiblesse d’embarrasser mon esprit dans le soin des affaires jusqu’à ne pouvoir rendre visite à des personnes de qui la conversation doit être préférée à toutes sortes d’affaires ; et j’ai cru que, devant retourner bientôt à Paris, j’attendrais ce temps-là avec plus de bienséance pour vous demander une part de l’amitié dont vous avez honoré feu mon père. [4] Mais le redoublement de votre courtoisie, que M. de Salins vient de me faire voir, me rendrait tout à fait inexcusable si je différais plus longtemps à vous en rendre grâces et à vous assurer que le plus passionné de mes desseins ne sera satisfait que quand je pourrai vous témoigner que je suis avec passion, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Saumaise.


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