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Chronophotographie géométrique : hommes et animaux (1)

Marey ne pouvait pas rendre le temps et l'espace, les deux caractéristiques du mouvement, avec la même intensité. S'il voulait représenter clairement les formes musculaires, il devait enregistrer les phases du mouvement plus lentement, créant des lacunes. S'il voulait accroître le nombre des images pour rendre l'élément temporel plus manifeste, alors l'accroissement de la vitesse se traduisait par des surimpressions confuses. Sa manière de résoudre ce problème va à l'encontre de notre compréhension ordinaire de la photographie. Nous croyons que les appareils photographiques fournissent par nature tous les détails que l’œil perçoit, que la photographie est la garantie du visible. Or c'était précisément la surabondance des détails figés par l'appareil photographique de Marey qui obscurcissaient ce qu'il voulait réellement voir – l'expression claire du mouvement, ou disons sa visualisation. C'était la reproduction de la normalité apparente de la vision par l'appareil photographique que Marey devait annuler de façon à trouver une vision au-delà du visible. Opérant sur le sujet (Georges Demenÿ) cette fois, plutôt que sur l'appareil photographique, il élimina les surimpressions confuses, d'abord en recouvrant de velours noirs les membres qui gênaient,

puis en recouvrant tout le corps de noir et en marquant de blanc ses articulations. Maintenant il tenait le mouvement pur, séparé de celui qui l'effectuait, avec une forme graphique, et dans une image photographique tout à fait sans précédent. Marey appela cette méthode chronophotographie. *

* Marey continua à tester d'autres systèmes qui étaient des variantes autour de son principe de base consistant à déplacer les mouvements en avant d'un sujet sur les parties successives d'une plaque unique avec un unique appareil photographique. Tout d'abord, et peut-être parce que c'était le plus évident, il essaya de produire des images instantanées successives en faisant bouger la plaque horizontalement derrière l'objectif. Dans les exemples de cette expérience qui ont survécu (et qui sont toutes des images d'athlètes et de gymnastes, suggérant la main de Demenÿ), la distance entre une phase du mouvement et la suivante est si grande que les images individuelles sont des pauses distinctes, et non les phases d'un même mouvement. Marey n'a pas laissé d'indication sur la façon dont il bougeait la plaque, et l'expérience fut de courte durée.