L. 216.  >
À Charles Spon,
le 4 février 1650

Monsieur, [a][1]

Je vous envoyai ma dernière le 21e de janvier, laquelle contenait en deux pages l’emprisonnement de M. le prince de Condé et de ses deux frères. [1][2][3][4] Maintenant je vous dirai que le samedi 22e de janvier, MM. le duc de Beaufort, [5] le coadjuteur, [6] de Broussel [7] et le président Charton [8] ont été en plein Parlement purement et entièrement absous de l’accusation que leur avait fait susciter, par de certains malheureux et peut-être faux témoins, M. le prince de Condé. [2] Ce même samedi, M. le duc de Beaufort vit la reine [9] après midi dans son cabinet, laquelle le pria uniquement d’embrasser le cardinal Mazarin, [10] qui était son ami et non pas, comme il pensait, son ennemi ; ce qui fut fait tout à l’heure, autant par bienséance qu’autrement. C’est la coutume de ce pays de cour, de feindre et dissimuler. [3] M. le coadjuteur fut le lendemain saluer le cardinal Mazarin et furent trois heures enfermés ensemble. [4] Le dimanche au soir, 23e de janvier, l’abbé de La Rivière [11] voyant qu’il n’avait plus le crédit dans l’esprit du duc d’Orléans, [12] son maître, comme auparavant, qu’on lui faisait mauvaise mine, qu’il était fort haï dans la maison de son maître, qu’il n’avait rien su de l’emprisonnement des trois princes, vu qu’il avait coutume de présider au Conseil de son maître, avisa de lui demander son congé, qui lui fut accordé tout à l’heure ; et le lendemain lundi, dès le grand matin, le compagnon délogea de Paris où il était bien haï, et sans bruit s’en alla en sa maison des champs qui n’est qu’à huit lieues d’ici. [5] Si cela eût été su de Paris, si sa disgrâce eût été connue du peuple, quo nomine non solum tunicatos, sed etiam togatos intelligo[6] on lui eût sans doute couru sus comme sur un loup gris et affamé ou sur une bête enragée. [7][13] Voilà comment la reine a été contrainte de devenir frondeuse elle-même contre le prince de Condé, et M. le duc d’Orléans contre La Rivière ; et voilà comment sont traités les misérables et pernicieux auteurs du siège de Paris où ils n’ont fait que du mal et n’ont rien gagné, sinon la haine publique. On dit que M. Perrault [14] pleure et se lamente de se voir prisonnier dans le Bois de Vincennes, [15] et le prince de Conti aussi. Pour M. le Prince, il a demandé qu’on lui apportât des livres afin de s’y désennuyer.

Le dimanche 23e de janvier, MM. Du Prat [16] et Musnier [17] me visitèrent tous deux céans et nous y entretînmes près d’une heure ensemble ; un de nos docteurs arriva qui les fit lever. [8]

L’emprisonnement du prince de Condé n’a pas apaisé les affaires ; au contraire, elle les a émues. Mme la duchesse de Longueville, [18] sœur du dit Condé, s’en alla vite à Rouen [19] pour tâcher d’y être la maîtresse et de s’en servir contre la reine ; mais le parlement [20] assemblé conclut qu’il fallait tenir pour le roi et lui obéir en tout, sauf à elle de se retirer et sortir de la ville, ce qu’elle fit bien vite ; delà, elle est allée à Dieppe [21] où elle est encore et où elle veut tenir bon. [9] Il y a quatre places en Normandie qui font mine de tenir pour M. de Longueville, savoir le Pont-de-l’Arche, [22] Caen, [23] Le Havre-de-Grâce [24] et Dieppe. La reine y a envoyé les ordres du roi, [25] mais faute d’une bonne et prompte obéissance, on dit ici qu’elle y mènera le roi et son Mazarin la semaine qui vient. Le jeune duc de Richelieu, [26] qui est dans Le Havre, a promis toute fidélité dans sa place au roi et à la reine ; mais quand il a été mandé et intimé de venir à la cour, il n’a pas obéi. [10] Le gouverneur de Caen, nommé La Croisette, [27] que je connais, fait mine de vouloir tenir pour M. de Longueville et a pointé tout le canon de son château sur la ville, en cas que les habitants entreprennent quelque chose contre lui, et les a menacés de les foudroyer ; la reine lui a envoyé ses commandements, mais il n’a pas obéi. [11] Mme de Longueville et le lieutenant de son mari, nommé M. de Montigny, [28] se veulent défendre dans Dieppe ; [12] et en cas qu’elle s’y voie trop pressée, on dit qu’elle se sauvera en Hollande pour delà gagner Stenay [29] en Lorraine, [30] où est le maréchal de Turenne [31] (sans vouloir passer par la France où elle pourrait être arrêtée). [13] On tient ici que la reine sera obligée d’aller faire un voyage à Rouen où elle mènera le roi, M. le duc d’Anjou [32] et le Mazarin, avec le plus qu’elle pourra de gardes et de gens de guerre, tant afin de faire en sorte que le Mazarin y soit en assurance qu’afin aussi d’y avoir de la force en cas qu’il faille y faire quelque entreprise. Néanmoins je doute si elle ira, voyant le mauvais temps qu’il fait, qui est bien rude et pour elle et pour le roi ; peut-être qu’en donnant quelque récompense à ces lieutenants, qu’aussitôt ils obéiront. [14] Au cas qu’elle y aille, on lairra Paris à la garde de M. le duc d’Orléans ; si cela est, n’aurons-nous pas un vaillant gardien ? M. le duc de Mercœur [33] est, ce dit-on, parti pour aller être vice-roi en Catalogne. [34] Vous en saurez la vérité lorsqu’il passera par votre ville. On parle de son mariage avec l’aînée des mazarinettes, [35][36] mais je ne sais pas quand il s’accomplira. [15] Il est vrai que le Mazarin s’est déchargé de trois ennemis, mais il en a encore beaucoup d’autres, et ce dernier emprisonnement me semble lui en avoir encore fait de nouveaux ; soit pour ce qu’il n’oblige personne de l’aimer, soit qu’on lui porte envie du bonheur qu’il a eu de se défaire de ces trois princes ses ennemis, tout d’un coup. On dit aussi que dès le lendemain que les princes furent arrêtés on envoya en Catalogne ordre d’y faire arrêter M. de Marsin, [37] qui y avait été laissé pour commander par M. le prince de Condé et qui était sa créature. [16] Les Provençaux qui sont ici se réjouissent fort de la prison des princes, d’autant qu’ils espèrent venir plus aisément à bout de leur tyran, le comte d’Alais. [38] Le maréchal de Turenne, qui est à Stenay, fait mine de vouloir faire la guerre pour M. le Prince et est assuré, ce dit-on, de plusieurs Allemands, auxquels si tous les mécontents se joignent, sans doute que son armée sera grosse. On ajoute que l’Archiduc Léopold [39] lui offre de l’argent s’il en a besoin, à la charge qu’il fera tout de bon la guerre au Mazarin. Le maréchal de Turenne et M. le duc de Bouillon, [40] son frère, n’ont point grand intérêt à la liberté de M. le Prince, mais ils sont malcontents de ce que depuis qu’on leur a ôté Sedan, [41] ils n’en ont eu nulle récompense, qu’on leur a toujours promise. Personne ne parle ici pour M. le Prince, mais aussi on y parle toujours bien haut contre le Mazarin, qui y est fort haï et méprisé sans y être craint du tout, combien qu’il ait eu le crédit d’avoir fait arrêter prisonniers trois princes tout d’un coup.

J’ai reçu le 31e de janvier, de la part de M. Ravaud [42] et des mains du garçon de Mme Buon, [17][43] veuve d’un libraire de la rue Saint-Jacques, [44][45] quatre cahiers contenant la table des auteurs et des chapitres du premier tome de l’Alstedius[18][46] dont je vous prie de le remercier du soin qu’il en a eu. Les quatre cahiers sont pour deux exemplaires ; je prends les deux pour le mien et je crois que les deux autres sont pour M. Mauger. [47] Il est de présent à Beauvais [48] chez son père, je ne manquerai point de les lui envoyer. Mon Alstedius est relié, mais je les y ferai coller et accommoder.

Les trois princes sont nourris dans le Bois de Vincennes aux dépens du roi et sont servis par les officiers du roi ; ou au moins jusqu’à présent, cela a été de la sorte, mais la reine leur a tout fraîchement mandé qu’elle ne les voulait plus nourrir et qu’ils eussent à se nourrir à leurs propres dépens. Elle l’a pareillement mandé à Mme la Princesse la mère, [19][49] laquelle s’y est offerte à la charge que la reine en retirera les officiers du roi qui y sont et que lesdits princes seront servis de leurs propres officiers ; le reste n’est pas encore arrêté.

Les trois capitaines des gardes qui avaient été dépossédés il y a deux ans sont enfin rétablis en leurs charges, savoir M. le comte de Tresmes, [50][51] M. le comte de Charost [52][53] et M. le marquis de Chandenier. [20][54] On leur a dit qu’ils eussent bien plus tôt été rétablis, n’eût été que M. le Prince l’avait jusqu’alors empêché, si bien que ce prince a tout le tort du monde. Il est vrai qu’il n’est pas innocent mais pour les fautes passées, il est à la veille d’en payer une bien dure amende. Ils sont dorénavant dans trois chambres à part et n’ont été séparés que le samedi 29e de janvier : M. le Prince est tout en haut, le prince de Conti au milieu et M. de Longueville au premier étage ; le président Perrault tout en bas, sans jour et où il ne voit presque goutte. M. le prince de Conti a demandé pour se consoler des livres, savoir la Bible, saint Augustin, [55] saint Bernard, [56] et quelques livres espagnols et italiens. La reine avait envoyé à Stenay vers le maréchal de Turenne un honnête homme nommé M. de Paris [57] pour l’inviter de revenir, et l’attirer de deçà[21] Il a dit et a mandé à la reine qu’il ne veut aucun autre accord que de voir les trois princes en liberté. Il parle bien haut et se veut faire craindre. On croit ici qu’il est assuré du secours du prince d’Orange, [58] qui est son cousin, et de l’Archiduc Léopold, qui tous deux lui fourniront hommes et argent ; et si Dieu n’y met la main, nous verrons bien de la besogne dans un mois en Champagne ou Bourgogne.

Je viens d’apprendre que la reine de Suède [59] a de nouveau invité M. de Saumaise [60] de l’aller voir, par une belle lettre qu’elle lui a envoyée. Enfin, il lui a accordé sa demande et a promis de partir bientôt. Elle lui envoie un train de prince pour l’accompagner en son voyage et lui fait faire des honneurs partout où il passera sur les terres de son obéissance, non plus ni moins que si c’était un monarque ; aussi l’est-il vraiment, solus enim pæne regnare tantus vir in studio bonarum literarum[22] Dieu le veuille bien conserver, quelque part qu’il ait ; et M. le prince de Condé en sa maison à quatre murailles, ne amplius ferociat[23]

Le mardi 1er de février à onze heures du matin, le roi et la reine sont sortis de Paris pour aller coucher à Pontoise [61] où la reine doit passer la fête et faire ses dévotions (on parle ainsi à la cour, et nous autres le croyons comme nous l’entendons), pour en partir le lendemain et arriver à Rouen samedi au soir. [24] La reine a renvoyé derechef à M. le maréchal de Turenne celui qui n’en arriva que depuis trois jours : on tâche de le regagner afin qu’il ne soit pas cause de nouveaux malheurs dont la Champagne et la Bourgogne sont grandement menacées. On dit qu’Erlach [62] se meurt et que ledit maréchal de Turenne lui demande sa fille en mariage, à la charge qu’il lui donnera Brisach. [25][63] D’autres disent que la reine envoie un bâton de maréchal de France à Erlach afin qu’il ne se range point du parti du maréchal de Turenne, comme a fait un grand seigneur de Champagne nommé le comte de Grandpré. [64] Le gouverneur de Mouzon [65] s’était pareillement déclaré pour ledit M. de Turenne, mais sa garnison l’a arrêté prisonnier et s’est déclarée pour le roi. [26] Il y a environ 18 mois que M. le duc d’Orléans chassa de sa Maison un sien secrétaire nommé Goulas. [66] Aujourd’hui il est rétabli en sa place et cela fait croire que La Rivière ne reviendra pas chez M. le duc d’Orléans, vu que c’était lui qui en avait fait chasser ce M. Goulas. [27] M. Gaston ne bouge d’ici et ne va point au voyage de Rouen, non plus que tout le Conseil qui ne bougera de Paris.

Le même jour que le roi est sorti de Paris, le Parlement a donné arrêt en faveur de M. Joly, [67] conseiller au Châtelet, lequel a été absous tout entièrement : permis à lui de poursuivre ceux qui l’ont voulu assassiner, etc. ; tout le reste de cette affaire renvoyé à la Tournelle [68] pour l’instruction du procès, [28] tandis que la Grand’Chambre se remettra à juger les procès des particuliers, pour quel effet elle s’en va commencer les audiences publiques. M. Belot, [69] avocat au Conseil qui était un syndic des rentiers, a été élargi à sa caution juratoire. [70] Il faudra que les trois témoins se représentent à la Cour quand le procès sera instruit à la Tournelle ; mais on croit ici que s’ils sont sages, qu’ils n’y viendront point, vu que tout leur procédé sent fort les faux témoins. [29] Enfin voilà les frondeurs du Parlement glorifiés et la Fronde couronnée puisqu’il a fallu que la reine et le Mazarin aient pris ce même parti pour abattre M. le Prince et tous ceux de son parti, avec lesquels il tramait quelque conspiration dangereuse et maligne, dont Dieu nous a délivrés. Pour les prisonniers, ils sont fort bien là ; y puissent-ils bien être encore 30 ans tout entiers, et par delà ; il n’y a ici personne qui témoignera avoir envie de les en vouloir retirer.

Mais enfin, voilà que je reçois votre belle et agréable lettre datée du 28e de janvier, laquelle m’a consolé en bien des façons, tant parce que j’apprends par icelle que vous avez reçu toutes les miennes, que parce que j’apprends amplement de vos nouvelles qui me causent une réjouissance tout entière. Je vous remercie du bon avis que me donnez en la première page de la vôtre quand il y aura quelque secret dans mes lettres. [71] J’ai grand regret de la mort du bonhomme M. Huguetan, [72] je souhaite que toute sa famille en puisse être consolée. [30] Mon beau-père [73][74] a pensé mourir ce dernier mois de janvier pareillement, en même âge que feu M. Huguetan ; mais il a encore obtenu quelque terme de la Parque. [31][75] En cette dernière attaque, il a été saigné huit fois [76] des bras et chaque fois je lui en ai fait tirer neuf onces (je ne sais si M. Garnier [77] pourrait croire cela, il croirait plutôt quelque fable ou événement fabuleux d’un julep cordial [78] de quelque apothicaire ; il me semble qu’il est d’humeur à cela). [32] Mon beau-père a 80 ans, il est homme gras et épais, pas fort éloigné de la démence (cui senes sunt obnoxii). [33][79] Il avait une inflammation de poumon [80] cum delirio phrenetico[34][81] Il est asthmatique [82] il y a 15 ans et presque orthopnoïque, [83] et outre plus, a la pierre dans les reins et dans la vessie. [35][84] Après les huit saignées, je l’ai purgé [85] quatre bonnes fois avec du séné [86] et du sirop de roses pâles, [87] unde adeo fuit levatus, ut Deus aliquis medicinam ei fecisse videatur, et asthmaticus quoque esse desierit[36] La saignée a ôté le sang très pourri qui était dans les veines, a éteint le feu des viscères et a délivré le poumon. La purgation a désempli le ventre si heureusement qu’il est tout autrement qu’il n’était et paraît en quelque façon rajeuni, même aux siens. Il m’en témoigne bien du contentement, mais combien qu’il soit fort riche, il ne donne rien, non plus qu’une statue de pierre. La vieillesse et l’avarice s’accordent fort bien ensemble : quominus vitæ superest, eo plus viatici colligunt[37][88][89] Ces gens-là ressemblent à des cochons qui laissent tout en mourant et en leur vie ne font aucun bien. J’aurai patience jusqu’à sa mort, comme j’ai eu depuis 22 ans ; [38] joint que grande apparence y a qu’il ne la saurait pas faire fort longue ; et quoiqu’il vive encore longtemps, il ne m’ennuiera jamais de sa longue vie : Dieu m’a donné le moyen de me passer du bien d’autrui et de vivre content jusqu’ici sans avoir jamais pensé à mal. Les moines, qui sont gros et gras, disent en louant leur profession et la bonne chère qu’ils y font, Pinguis est caro Christi[39] Et moi, j’ai toute occasion de dire, Dieu merci, Parisiis optimus est Hippocrates in viro bono, cui perspectæ sunt chymicorum technæ et pharmacopolarum officinæ[40] Dieu soit loué de tout.

Je vous remercie des beaux vers que vous m’avez envoyés. Tout m’est bon quand il vient de votre part, vous en ferez tout ce qu’il vous plaira ; mais enfin, quand sera-ce que ce beau Sennertus [90] sera achevé ? pouvons-nous espérer qu’il sera fait à Pâques ? sera-t-il tout en trois tomes ? chaque tome aura-t-il sa table des chapitres au commencement, et des matières à la fin ? y en a-t-il en tout l’œuvre quelque chose d’ajouté des manuscrits, præter Paralipomena ? [41][91]

Pour les deux portraits de Grotius [92] et de Salmasius, j’ai grand peur qu’ils ne soient perdus. Je vous jure que je les y ai mis ; j’envoyai le tout à un jeune garçon lyonnais nommé Christophe Fourmy [93] qui gardait alors la boutique de M. Roger, [94] rue des Amandiers, lequel me promit d’en faire le paquet et de le délivrer à M. Devenet [95] qui vous les a rendus à Lyon ; je lui en ai payé le port et lui donnai encore quelque chose pour sa peine. Il faut que ce Fourmy nous ait enlevé ces deux portraits, ou qu’ils lui aient été dérobés par quelqu’un en sa boutique avant que d’en avoir fait le paquet. Ledit Fourmy n’est plus ici, il s’en est retourné à Lyon, M. Devenet vous le pourrait enseigner. C’est lui qui en a fait la faute, j’entends ledit Fourmy, soit par malice ou par négligence. Le prix qu’ils ont coûté ne me fâche point, mais bien la peine que cela vous a donnée, et que je n’en aie pu recouvrer ici ni pour or, ni pour argent ; mais néanmoins donnez-vous patience, j’en ferai venir tout exprès de Hollande pour vous et pour moi, qui en avons autant < désir > l’un que l’autre. Ce petit larcin me confirme dans l’opinion que j’ai, il y a longtemps, de l’infidélité des hommes, et que les gens de bien ont beaucoup à souffrir en ce monde, vu qu’à peine trouvent-ils à qui se fier. Pour le paquet de M. Volckamer, [96] il se faut donner patience, ne vous en incommodez point s’il vous plaît. Si M. l’archiatre de Stockholm [97][98] repasse ici et que j’ai le moyen de le voir, je tâcherai de le bien sonder et vous manderai ce que j’aurai découvert du personnage. [42] M. Bourdelot [99] n’est pas ici, on dit qu’il est à Seurre [100] en Bourgogne avec le petit duc d’Enghien, [43][101][102][103] que le maréchal de Brézé [104] son grand-père enleva d’ici à la nouvelle de l’emprisonnement du prince de Condé. Je ferai tout ce que je pourrai au monde pour MM. Huguetan [105] et Ravaud ; et si je les puis servir contre Piget [106] pour leur Sennertus, ce sera de tout mon cœur. J’ai vu le livret de M. de Samblançat, [107] archidiacre en l’église cathédrale de Toulouse. [108] Il est intitulé Rerum Gallicarum liber 6[44] ce n’est qu’un extrait d’un plus grand œuvre ; les noms de l’auteur et de l’imprimeur [109] sont à la fin du livre. Cet auteur est mal informé, et a failli en beaucoup de circonstances et de particularités sur le fait de MM. les deux frères de Marillac, j’entends le garde des sceaux [110] et le maréchal de France. [111] J’ai donné avis de ce livret à M. de Marillac, [112] maître des requêtes, qui est petit-fils du garde des sceaux. [45] Je suis son médecin et son bon ami. Il tâchera d’en faire venir de Toulouse et fera aussi écrire des mémoires afin de les envoyer à M. de Samblançat. Je suis bien aise que M. Guichenon [113] ait rencontré, pour l’édition de son livre, Messieurs vos deux libraires. J’espère qu’il n’aura pas oublié dans son Histoire de Bresse l’éloge d’un savant homme que j’ai autrefois vu et connu ici, nommé M. Gaspard Bachet de Méziriac, [114] qui a traduit et commenté le Diophante, [115] auteur grec, les Épîtres d’Ovide, [116] et qui maximo operi est immortuus[46] il y a environ 13 ans, savoir sur une nouvelle version du Plutarque, [117] qu’il nous eût donnée bien meilleure que celle d’Amyot. [118] Je l’ai hanté et fréquenté en cette ville, en deux voyages qu’il y a faits. C’était un grand homme, délicat, fort doux et fort civil ; il me semble que je le vois, et si j’étais peintre, il me semble que je le peindrais bien encore. Étant fort jeune, il se fit jésuite ; ces maîtres mouches l’avaient attrapé [119] parce qu’il avait bel l’esprit et le firent régenter à Milan dans la première classe ; [47] mais il retira son épingle du jeu de bonne heure et les quitta là. Si jamais vous voyez M. Guichenon, prenez la peine de lui en parler : M. Méziriac mérite bien un éloge, les hommes savants sont les ornements des provinces ; je fais plus d’état de la Picardie, qui a porté Fernel, [120] Sylvius, [121] Tagault, [122] Riolan le père, [123] Jacobus Carpentarius [124] et autres, que de six maréchaux de France comme M. de La Mothe-Houdancourt. [48][125] In herbis, verbis et lapidibus est magna virtus [49] est un proverbe hébreu qui n’est point dans la Bible, je l’ai vu cité quelque part comme un dire ridicule. [126] Les Hébreux et les Arabes n’ont pas rencontré en proverbes comme ont fait autrefois les Grecs et les Latins, et comme font encore aujourd’hui les Espagnols et les Italiens, qui y réussissent heureusement. Je vous remercie du soin qu’avez eu du billet de M. Challine, [127] comme aussi de la lettre que M. de Barancy [128] vous a donnée pour moi Je vous en ai bien de l’obligation, et à lui aussi qui n’en a point voulu prendre d’argent. S’il se présente occasion de le servir de deçà, je le ferai de tout mon cœur ; je vous prie de l’en assurer et de le remercier pour moi de sa lettre. [50] Vous pourrez pareillement l’assurer que je suis très humble serviteur de M. Gassendi [129] et que je suis bien assuré d’avoir bonne part en ses bonnes grâces. Quæ sunt eadem uni tertio, sunt eadem inter se[51] c’est pourquoi ledit sieur Barancy peut bien me croire, comme aussi se servir de moi, s’il m’en juge capable en quelque occasion. J’aurai tout ce qu’on imprimera là-dessus. M. Courbé [130] est mon ami et suis son médecin, [52] je l’ai quelquefois retiré de mauvais pas. J’ai vu la lettre que M. de Barancy a faite contre Morin, [131] qui est un fou. Ladite lettre est fort belle et bien faite et m’a réjoui ; on en vend ici une réponse de Morin, mais tout y est plat, sunt mera mapalia ; [53] je n’aime point les injures ni le mensonge. On dit ici qu’Erlach, gouverneur de Brisach, est mort. Le maréchal de Turenne lui avait demandé en mariage sa fille et son gouvernement ; s’il a accordé cela avant que de mourir, voilà M. de Turenne bien avantagé pour nous faire du mal. [54] Je vous baise les mains et suis de toute mon affection, Monieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Patin.

De Paris, ce 4e de février 1650.

Les deux princesses de Condé, mère et femme, et le petit duc d’Enghien, sont à Chantilly, [132] et M. Bourdelot aussi. [43] Les trois princes sont encore ensemble ; le roi les nourrira encore huit jours et après cela, ils se nourriront eux-mêmes à leurs dépens, mais ils auront leurs propres officiers et non plus ceux du roi. Ils ont eux trois avec leurs gardes 500 francs tous les jours à dépenser ; quand M. le duc de Beaufort y était, il avait tous les jours 30 écus[55] La reine a fait arrêter prisonnière Mme de Bouillon [133] avec ses deux enfants. [56] Je vous recommande la lettre ici enfermée pour M. Falconet et vous prie de faire mes très humbles recommandations à M. Gras, [134] duquel je vis il y a quelques jours le nom avec joie dans les œuvres de Stupanus, [135] médecin de Bâle [136] qui a été en son temps un savant homme. [57]


a.

Ms BnF no 9357, fos 75‑76 ; Jestaz no 26 (tome i, pages 590‑602).

1.

Cette lettre du 21 janvier 1650 n’a été malheureusement ni conservée, ni transcrite ; mais la précédente lettre de Guy Patin à André Falconet (dont la date a été rectifiée au 1er février) nous a laissé sa brève relation à chaud de l’événement (v. notes [2] et [4], lettre 215).

2.

Louis Charton (mort doyen du Parlement en 1684), seigneur de La Douze, avait été reçu en 1626 conseiller au Parlement de Paris en la troisième des Enquêtes, puis président en la première des Requêtes en 1647 (Popoff, no 901). Frondeur, il avait été l’un des syndics des rentiers de l’Hôtel de Ville et s’était cru visé dans le faux attentat contre Guy Joly (v. note [6], lettre 210). Retz le disait « peu moins que fou » (Mémoires, page 346).

Le Parlement, majoritairement condéen (v. note [17], lettre 214), fut contraint de tourner casaque sur-le-champ.

3.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 211, 22 janvier 1650) :

« Ce soir, le duc de Beaufort et < le > coadjuteur furent menés par M. le duc d’Orléans voir le roi et la reine, laquelle prit ledit duc de Beaufort par la main et le réconcilia avec M. le cardinal, ce qui avait été concerté et promis dès les jours précédents. Autres disent, et est plus vrai, que ce fut le duc d’Orléans qui mena le duc de Beaufort vers M. le cardinal qui vint et se tint au passage comme ils < s’en > allaient, et les reçut. » {a}


  1. Mme de Motteville est restée vague sur cette entrevue.

4.

La première (ou ancienne) Fronde s’achevait paradoxalement par l’emprisonnement de Condé, généralissime des troupes royales qui avaient mis la capitale à genou, et par l’élévation du coadjuteur, trait d’union entre les trois frondes parisiennes (Parlement, nobles, bourgeois). Mazarin avait accompli ce tour de force par son génie politique ou, ce qui revient à peu près au même, par son intime intelligence des ambitions qui mènent les hommes. Les conférences de réconciliation entre le coadjuteur, la reine et Mazarin avaient commencé dès le début de janvier par l’entremise de Mme de Chevreuse.

Trois phrases des Mémoires de Retz (page 606) donnent le ton :

« Je crois qu’elle {a} me répéta vingt fois ces paroles : “ Le pauvre M. le cardinal ! ” en me parlant de la guerre civile et de l’amitié qu’il avait pour moi. Il entra une demi-heure après. Il supplia la reine de lui permettre qu’il manquât au respect qu’il lui devait pour m’embrasser devant elle ».


  1. La reine.

On était convenu de ramener les frondeurs au service du roi pour isoler Condé et pouvoir l’incarcérer sans heurt. Les bénéfices du marchandage allaient bientôt arroser les ralliés : une amnistie générale ; la surintendance des mers pour Vendôme, avec survivance pour Beaufort, son fils ; pour le coadjuteur, le chapeau de cardinal, le même qu’on avait déjà fait sauter de la tête du prince de Conti sur celle de l’abbé de La Rivière ; etc.

5.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 211, lundi 24 janvier) :

« L’abbé de La Rivière, disgracié et chassé de chez M. le duc d’Orléans, en est parti à six heures du matin et est allé à Petit-Bourg, sienne maison près Essonne {a} où il doit être jusqu’autre ordre de Son Altesse Royale. »


  1. V. note [11], lettre 223.

Faute de flair dans la ronde infernale de la première Fronde déliquescente, l’abbé avait trop servi les intérêts de Condé auprès du duc d’Orléans ; Mme de Motteville (Mémoires, pages 322‑323, et 334) :

« Ce favori, trop assuré de la chose du monde qui par sa nature doit être la plus incertaine, agissait comme s’il lui eût été presque impossible de perdre les bonnes grâces de son maître, et hasardait de lui déplaire en prenant des liaisons qui lui pouvaient être suspectes. Les intérêts l’aveuglèrent, et cette conduite fut cause que le duc d’Orléans lui cacha toujours les hardis desseins de ceux qui le haïssaient et qui surent donner à toutes ses actions une mauvaise explication. Ce demi-ministre s’aperçut alors qu’il y avait un grand refroidissement dans l’âme du duc d’Orléans pour M. le Prince ; et ne voyant point la grandeur de ce mal, ses causes, ni ses effets, bien loin de suivre les sentiments de son maître, il voulut s’y opposer ; il le fit tant pour obliger M. le Prince que pour détruire le pouvoir de la cabale frondeuse dont il était haï. Il disait alors à ses amis, pour se justifier de ce qu’il paraissait avoir des sentiments contraires et différents de ceux de Monsieur, qu’il était incapable de se séparer de son devoir, mais qu’il ne voulait pas laisser arriver de la division entre ces deux princes parce que la cour n’était pas en état de faire un grand coup qui pût abattre la puissance de M. le Prince ; qu’il craignait que celle du duc d’Orléans ne se trouvât anéantie sous l’éclat de l’autre, et qu’elle ne fût mal soutenue de l’autorité royale qui paraissait sans force et sans vigueur ; mais la vérité est qu’il espérait toutes les semaines sa promotion au cardinalat. […] Les choses qui se passaient, et qu’on lui cachait soigneusement, allaient anéantir en lui toute son ambition par la fin de son crédit et de sa faveur ; il aurait été heureux si, par un sage détrompement de toutes ces choses, il eût appris à connaître ce qu’elles sont en effet. […]
Il perdit en même temps la faveur, le chapeau et l’espérance qu’il avait eue qu’au défaut de chapeau, il pourrait être archevêque de Reims ; mais en résignant à un autre {a} l’espérance d’être cardinal, il sembla aussi perdre son ambition et en vouloir laisser les inquiétudes à son successeur. Il fut trahi, dans la Maison du duc d’Orléans, de ceux qu’il avait obligés et qui lui devaient leur fortune, et suivi seulement de quelques-uns de ceux qui ne lui devaient rien ; ce qui arrive quasi toujours à ceux qui se sont vus en état d’obliger. »


  1. En se démettant en faveur du coadjuteur, Gondi.

6.

« par qui j’entends non seulement ceux qui portent une tunique [le bas peuple], mais aussi ceux qui portent une toge [les bourgeois] ».

7.

« On dit qu’on a couru un homme comme un loup gris pour dire qu’il a été vivement poursuivi » (Furetière). Le loup gris, ou loup blanc, est le symbole du vieux loup renommé pour ses déprédations.

8.

Alcide Musnier, médecin d’origine lorraine, exerçait à Gênes. Il ne nous reste qu’une lettre de son abondante correspondance avec Guy Patin, datée du 9 février 1656.

9.

Journal de la Fronde (volume i, fo 165 ro) :

« Mme et Mlle de Longueville partirent d’ici avec le petit comte de Dunois après minuit {a} à cheval et trouvèrent MM. de Matignon et de Beuvron, de Fort, Chambon et autres qui les attendaient avec 30 ou 40 chevaux hors la ville pour les escorter. Depuis l’on a eu avis qu’elles se sont jetées dans le Vieux Palais de Rouen avec le marquis de Beuvron qui en est gouverneur ; et d’autres assurent qu’elles sont à Dieppe. »


  1. Nuit du 18 au 19 janvier 1650.

Dieppe (Seine-Maritime), dans le Pays de Caux, à l’embouchure de l’Arques dans la Manche, était le grand port de mer (pêche et commerce) le plus proche de Paris (170 kilomètres). L’archevêque de Rouen en était seigneur temporel et spirituel.

10.

L’accommodement entre la reine et le duc de Richelieu, après son mariage du 26 décembre (v. note [12], lettre 214), avait eu lieu dès les derniers jours de 1649 (Mme de Motteville, Mémoires, page 321) :

« Deux jours après, {a} les nouvelles arrivèrent que le duc de Richelieu avait été reçu au Havre, que Bar {b} l’avait vu et lui avait persuadé qu’il fallait pour son propre intérêt qu’il gardât cette place au roi et qu’il se détachât de M. le Prince. Ce jeune duc envoya à la reine un gentilhomme et lui écrivit pour lui faire des excuses de son action. La reine lui répondit qu’il était vrai qu’elle l’avait blâmé et dit à ce gentilhomme que son maître portait un nom {c} qui devait toute sa grandeur au feu roi {d} son seigneur et que par conséquent, il avait eu grand tort de manquer au respect qu’il lui devait ; mais que si à l’avenir il réparait sa faute par une grande fidélité, il n’était pas impossible d’en obtenir le pardon. »


  1. Noël.

  2. Capitaine aux gardes.

  3. Condé.

  4. Louis xiii.

11.

Robert Le Blanc de La Croisette commandait le château de Caen « avec cinquante mille livres de rente que le duc de Longueville, son maître, lui avait données » (Mme de Motteville, Mémoires, page 336) ; il se rallia au parti du roi en février suivant.

12.

Philippe de Montigny (mort en 1689), gouverneur pour le roi des ville, château et citadelle de Dieppe, offrit les clefs et entrées du château au roi vers le 10 février suivant, après que Mme de Longueville eut quitté la ville pour tenter de fuir en Hollande (Dubuisson-Aubenay, Journal des guerres civiles, tome i, pages 221‑222).

13.

Une fois le traité de Rueil signé, Turenne était revenu en France, partageant son temps entre Compiègne et Paris, à la cour et à la ville. Très proche de Condé, il avait résisté aux efforts de Mazarin pour le rallier à la cause royale. L’arrestation de Condé avait de nouveau mis Turenne en opposition avec la cour. Il avait quitté Paris dans la nuit du 18 au 19 janvier pour Stenay (v. note [18], lettre 39) dont le gouverneur, le marquis de La Moussaye, était de ses parents, lui aussi lié à Condé. Aidé par l’archiduc Léopold, gouverneur des Pays-Bas espagnols, Turenne œuvrait alors à lever des troupes pour forcer à la libération des princes.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 216, 1er février 1650) :

« Placard affiché en aucuns endroits de Paris {a} portant que s’il y a quelques-uns qui veulent emploi, ils aillent à Stenay et y en auront. »


  1. Partout dans Paris.

Le 5 février, le Parlement avait en enregistré une déclaration du roi contre Turenne, le duc de Bouillon, le maréchal de Brézé et le prince de Marcillac (ibid. pages 218‑219). Une vive passion amoureuse liait alors Turenne à Mme de Longueville.

14.

Le roi et sa mère allaient quitter Paris pour la Normandie le 1er février, suivis, le 3, par Mazarin et force troupes.

Mme de Motteville (Mémoires, page 336) :

« Le comte d’Harcourt, qui avait eu les provisions du gouvernement de Normandie, commandait l’armée du roi qui était faible. Sa personne royale ne fut pas suivie à son ordinaire : il n’avait que quarante gardes, trente chevau-légers et trente gendarmes. Il avait peu d’argent et peu de troupes ; mais l’autorité de la puissance légitime égale souvent la force des plus gros bataillons. Le roi et la reine furent reçus à Rouen {a} avec de grandes marques de joie, telle que le méritait un jeune roi dont la beauté et l’innocence devaient plaire à ses peuples. […] Le 7 du mois, Chambroi, qui commandait dans Le Pont-de-l’Arche et qui avait ordre de Mme de Longueville de rendre la place à la première sommation du roi, la remit aussitôt moyennant deux mille pistoles qu’il demanda pour les frais de la garnison. »


  1. Le 3 février.

15.

Le contrat de mariage entre le duc de Mercœur et Laure Mancini ne fut signé que le 29 mai 1654.

16.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 220 et 223) :

« Avis {a} que le lieutenant général Marsin, Liégeois qui commandait en Catalogne et était créature du prince de Condé, ayant su sa détention et soupçonnant sa dépossession, est dans Tortose. […]

Le lieutenant général Marsin arrêté en Catalogne par le président de Marca qui y est intendant ; {b} il était dans Barcelone et non à Tortose, dont il est gouverneur. Il l’était aussi de Seurre, autrement Bellegarde-sur-Saône en Bourgogne, place appartenant au prince de Condé, où il a pour lieutenant le nommé Saint-Micaut. » {c}


  1. Le mardi 8 février 1650.

  2. Nouvelle du 13 février.

  3. V. note [7], lettre 221.

Jean-Gaspard-Ferdinand de Marsin (Marchin ou Marcin, vers 1601-1673), avait fait ses premières armes durant la guerre de Trente Ans aux côtés de Johan t’Serclaes van Tilly contre les Suédois puis dans l’autre camp, avec le duc d’Enghien contre les Impériaux. Nommé maréchal de camp en 1647, il servait alors en Catalogne contre les Espagnols. Fidèle à Condé, il l’accompagna tout au long de sa rébellion contre la Couronne. En 1653, la Fronde finie, Marsin prit du service en Espagne en qualité de capitaine général. Il s’attacha par la suite à Charles ii, roi d’Angleterre, alors réfugié aux Pays-Bas, et reçut de lui l’Ordre de la Jarretière (v. notule {d}, note [86] du Faux Patiniana II‑7). Créé comte du Saint-Empire en 1658, il continua à se battre contre la France après la paix des Pyrénées (novembre 1659).

Vaincu par le maréchal de Créqui en 1667 durant la guerre de Dévolution, la régence des Pays-Bas lui ôta son commandement. Marsin se retira dans son château de Modave près de Liège jusqu’à sa mort.

17.

Nicolas Buon, libraire de Paris, rue Saint-Jacques, à l’enseigne de Saint-Claude et de l’Homme sauvage, était mort en 1628, laissant sa seconde femme, Marie Drouin, poursuivre ses activités (Renouard et Jestaz).

18.

V. note [11], lettre 203, pour l’Encyclopædia universa (Lyon, 1649) de Johann Heinrich Alsted (Alstedius).

19.

Charlotte-Marguerite de Condé, mère de M. le Prince ; v. note [6], lettre 193.

20.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 220, mardi 8 février 1650) :

« Retour du marquis de Chandenier, rappelé de son interdiction, ainsi que ses compagnons, capitaines des gardes, pour venir servir son quartier {a} qui commence le premier jour de janvier. »


  1. Trimestre.

En août 1648, tandis que débutait la première Fronde, les quatre capitaines des gardes qui servaient alternativement par quartier, étaient René Potier, comte de Tresmes, Louis de Béthune, comte de Charost, François de Rochechouart, marquis de Chandenier, et Antoine d’Aumont, marquis de Villequier. Mme de Motteville (Mémoires, page 184) a relaté l’échauffourée survenue le 15, « fête de Notre-Dame d’août » : le roi, accompagné du cardinal Mazarin, était allé entendre les vêpres aux Feuillants, escorté de ses gardes, placés sous les ordres de Léon Potier, marquis de Gesvres, à qui son père, le comte de Tresmes, avait confié son bâton de capitaine alors en quartier ; les archers du grand prévôt de l’Hôtel, contre tout usage, avaient pénétré dans le cloître des Feuillants, au lieu de se tenir dehors pour assurer le calme du voisinage ; le marquis de Gesvres, sans en avoir référé au cardinal, avait entrepris de les faire chasser violemment, déclenchant une altercation où un garde du prévôt avait été tué et l’autre blessé.

« Le lendemain matin, à cause que le marquis de Gesvres avait été cause du sang répandu en présence du roi, ou plutôt parce qu’il n’avait pas porté assez de respect au cardinal, on lui envoya Le Tellier lui commander de quitter le bâton et de le remettre entre les mains du comte de Charost. »

Le comte de Tresmes avait protesté contre ce mauvais traitement et convaincu Charost de refuser l’ordre qu’on lui donnait. La reine furieuse avait alors commandé à Chandenier, troisième des capitaines des gardes, alors présent à Paris, de prendre le bâton ; ce qu’il avait refusé par solidarité avec ses deux collègues. Les trois capitaines désobéissants avaient été chassés de la cour et leurs charges immédiatement confiées à d’autres : celle de Tresmes à M. d’Hocquincourt, celle de Charost au marquis de Jarzé, et celle de Chandenier au comte de Noailles. Cette triple disgrâce avait vivement ému la noblesse, mais donné un bon prétexte au cardinal pour se débarrasser en sous-main de trois anciens Importants (v. note [15], lettre 93), dont le parti, mené par le duc de Beaufort, s’apprêtait à renaître en frondant.

René Potier (1579-Paris 1er février 1670), comte puis duc de Tresmes, était le cousin germain de Nicolas ii Potier d’Ocquerre (v. note [7], lettre 686) : leurs pères respectifs, Louis et Nicolas i (v. note [51] du Borboniana 6 manuscrit), étaient fils de Jean Potier, conseiller au Parlement de Paris. René, conseiller d’État (1629) puis capitaine des gardes du roi, lieutenant général au gouvernement de Châlons, avait fait ériger sa terre de Tresmes en comté (1608) puis en duché-pairie (1648), mais on l’appelait encore comte de Tresmes car il n’était alors que duc à brevet : le Parlement n’enregistra les lettres d’érection de son duché-pairie qu’en 1663. Après la mort de René, le nom de ce duché fut commué en celui de Gesvres. Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, page 169) rapporte que Françoise Scarron, la sœur du poète, fut la maîtresse de René Potier dont elle eut trois enfants. De son mariage en 1607 avec Marguerite de Luxembourg (morte en 1645), le duc de Tresmes avait eu trois fils légitimes : Louis, marquis de Gesvres, tué au siège de Thionville (en 1645, v. note [2], lettre 89), François, tué devant Lérida (1647), et Léon, mentionné plus loin dans les lettres (v. note [5], lettre 961).

Louis de Béthune, comte de Charost (1605-1681) était le second fils de Philippe de Béthune (v. note [13], lettre 128) et donc le neveu de Sully, le ministre de Henri iv. Capitaine des gardes du roi, il avait accompagné Louis xiii à Perpignan en 1642 et avait été chargé d’arrêter Cinq-Mars à Narbonne. Lieutenant général en 1650, il devint duc de Béthune-Charost en 1672.

François de Rochechouart, marquis de Chandenier (1611-1696) avait été nommé capitaine des gardes du corps du roi en 1635. Fort apprécié de la reine, il haïssait Mazarin qui le lui rendait bien. Des trois capitaines répudiés en 1648, il eut le sort le moins heureux : revenu en charge, il intrigua auprès du cardinal de Retz, son ancien camarade de collège, et fut de nouveau et définitivement disgracié en février 1651. Il vécut en prison puis en exil à Loches avant de revenir à Paris en 1677, ayant enfin accepté la démission de la charge que Mazarin lui avait confisquée sans lui en payer le montant (Saint-Simon, Mémoires, tome i, pages 304‑306).

21.

Jacques-Auguste de Paris (ou Pâris, 1602-avril 1652) était capitaine au régiment de Turenne (Adam).

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 219, samedi 5 février 1650) :

« Le sieur Paris, retourné devers le maréchal de Turenne, n’en rapporte en cour aucune obéissance. Ledit maréchal a déjà quatre régiments allemands nommés de Turenne, Passage, la Couronne, et Fleckenstein, et attend Duras. »

22.

« un si grand homme est en effet presque le seul à régner sur l’étude des belles-lettres. »

23.

« pour qu’il ne soit plus si féroce. »

24.

Le 2 février, la reine et son fils fêtèrent la Purification de la Vierge en entendant la messe dans le château de Pontoise, puis les vêpres en l’église des cordeliers. La cour et le cardinal Mazarin quittèrent Pontoise le lendemain en début d’après-midi pour aller passer la nuit à Magny. Après une autre étape à Écouis le 4, la cour arriva à Rouen le 5 (Levantal).

25.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 217, 3 février 1650) :

« Autre bruit de la mort d’Erlach, gouverneur de Brisach, par poison. »

26.

Mouzon était une place fortifiée sur la Meuse, à présent chef-lieu de canton des Ardennes, à 17 kilomètres au sud-est de Sedan. Charles-François de Joyeuse, comte de Grandpré (mort en 1680 à l’âge de 60 ans) gouvernait alors Mouzon, ainsi que Beaumont en Argonne. Chevalier des Ordres du roi, il fut mestre de camp de cavalerie puis lieutenant général des armées du roi.

27.

Le 18 septembre 1648, Léonard Goulas (v. note [5], lettre 152) avait reçu l’ordre de se retirer à Ferrières, en même temps que Chavigny était emprisonné à Vincennes (dont il était le gouverneur) et Châteauneuf exilé à Rufec en Auvergne (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome i, page 575).

Goulas était jugé trop ami de Chavigny et mêlé à ses intrigues (Nicolas Goulas, Mémoires, tome ii, pages 376‑377, année 1648) :

« La disgrâce de M. de Chavigny chez le roi fut suivie de celle de M. Goulas chez Monseigneur. {a} Le prétexte fut qu’étant fort son ami, il devait être et était dans les mêmes intrigues. M. de La Rivière haïssait et craignait celui-ci par la même raison que M. le cardinal {b} faisait M. de Chavigny : il était la cause de sa fortune, et il l’avait payé d’ingratitude. Ils vivaient en froideur depuis quelque temps car M. Goulas ne se pouvait soumettre à sa tyrannie, et l’autre {c} appréhendait toujours que la longue habitude qu’il {d} avait avec Monseigneur n’engageât Son Altesse royale à se découvrir à lui dans les conjonctures présentes, et qu’il n’en reçût des conseils d’homme de bien qui lui désillassent les yeux. Il se servit donc de la reine {e} et du cardinal pour le lui faire éloigner, et ils lui dirent tous, pour le persuader, que c’était un confident de Chavigny qui trempait dans toutes ses cabales, qui avait des parents dans le Parlement, qu’il lui donnait pour amis et ministres de ses desseins {f} (ils voulaient parler de M. Loisel) ; {g} qu’il était enragé de ce qu’il ne gouvernait pas et qu’il désirait de tout renverser afin de contenter son ambition. Monseigneur donc abandonna un serviteur de trente ans, n’ayant pas la force de résister à la reine et à son ministre, et ne se plaignit de la conduite de Goulas que de ce qu’il voyait souvent Chavigny, que même il couchait chez lui et lui était intrinsèque. {h} Cependant il {i} témoignait de l’estimer, il le souffrait dans le Conseil du roi et ne le rencontrait jamais qu’il ne le traitât à merveille. Ainsi Monseigneur ayant la goutte à Rueil, ou feignant de l’avoir, selon quelques-uns, M. Goulas ne manqua pas d’y aller pour voir son maître ; et descendant de carrosse, Saint-Rémy, lieutenant des gardes de Son Altesse royale, lui fit commandement de sa part d’aller chez lui, à Ferrières, et de n’arrêter à Paris que pour dîner. »


  1. Monseigneur, Monsieur et Son Altesse royale étaient les manières de nommer le duc Gaston d’Orléans.

  2. Mazarin.

  3. La Rivière.

  4. Goulas.

  5. Anne d’Autriche.

  6. Complices de ses intrigues.

  7. En 1633, Antoine-Philippe Loisel (1611-4 janvier 1652), fils d’Antoine i (v. note [3], lettre 91), avait été reçu conseiller au Parlement, en la première des Enquêtes. Une lettre de cachet du 26 août 1648 avait ordonné son exil à Mantes. Il devint l’un des exécuteurs des menées du Parlement contre Mazarin en 1651 (Popoff 1596).

  8. Intime.

  9. Monseigneur.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 216, mardi 1er février 1650) :

« Ce matin, M. le duc d’Orléans a amené à la reine le sieur Goulas, secrétaire des commandements de Son Altesse Royale, qui est nouvellement de retour depuis la retraite de l’abbé de La Rivière, qui l’avait fait chasser et retirer en sa maison de Ferrières en Brie où il a été depuis trois ans. »

Nicolas Fouquet, alors maître des requêtes, joua le rôle d’entremetteur pour le retour de Léonard Goulas, sous condition qu’il fût informateur de Mazarin auprès du duc d’Orléans (Nicolas Goulas, Mémoires, tome iii, pages 181‑182, année 1650) :

« M. Fouquet ayant su qu’il désirait ses offices auprès du premier ministre, {a} ne manqua pas de le venir trouver et de se charger de ce qu’ils jugèrent à propos pour Son Éminence ; et sa négociation réussit si bien que les difficultés de son retour furent incontinent levées. J’ai su de M. Goulas que M. le cardinal voulant tirer quelque parole {b} de lui, conformes à celles que lui avait autrefois données M. de La Rivière, et dont les gens de commerce {c} sont si prodigues, il le refusa tout franc, se servant de cette raison, dont il se paya, {d} qu’il avait souffert que La Rivière le taillant en pièces six ans durant et le ruinant dans l’esprit de son maître, {e} et que cet homme lui ayant coupé bras et jambes, il se trouvait hors d’état de le servir ; mais que Son Éminence ayant des talents admirables, devait penser à gouverner Son Altesse Royale {f} et qu’il le ferait sans doute, les bons serviteurs de Monseigneur y contribuant, puisque c’était le bonheur de leur maître ; et que pour lui, il se tiendrait heureux d’y travailler si Son Éminence voulait prendre la peine de rétablir ce que La Rivière avait gâté. M. Fouquet, ami de M. Goulas, lui fit fort valoir les bonnes dispositions où il l’avait trouvé, {g} et le résolut enfin à son retour par cette raison que La Rivière l’ayant ruiné, il n’était plus en état de traverser ses desseins, {h} et qu’étant habile et connaissant son maître, il empêcherait toujours qu’aucun de sa Maison s’emparât de son esprit, par son propre intérêt, de peur de se trouver dans sa dépendance, pendant que Son Éminence en disposerait par elle-même et n’aurait à compter avec {i} personne. »


  1. Que Léonard Goulas désirait que Fouquet intervînt en sa faveur auprès de Mazarin.

  2. Engagement.

  3. Intelligence entre particuliers pour mener des affaires, intrigue.

  4. que Goulas allégua.

  5. Gaston d’Orléans.

  6. Espionner Gaston, observer ses actions pour en rendre compte à Mazarin).

  7. Dans lesquelles il avait trouvé Mazarin à l’égard de Goulas.
  8. Faire obstacles au projet du cardinal.

  9. Sur.

28.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, page 216) :

« Mardi, premier jour de février, le Parlement < s’est > assemblé pour la dernière fois et finit ayant déclaré le sieur Joly, conseiller du Châtelet, absous de la supposition de s’être fait assassiner ; {a} et son affaire, pour la plainte et poursuite qu’il en a intentée, renvoyée, avec l’affaire entière de ce jour-là, samedi 11 décembre, à la Tournelle. »


  1. V. note [21], lettre 210.

29.

V. note [11], lettre 180, pour ce qu’était une caution juratoire.

Dubuisson-Aubenay (Journal des guerres civiles, tome i, pages 199 et 215, janvier 1650) :

« La nuit d’entre dimanche 9 et lundi 10, a été pris en sa maison l’avocat Belot, syndic des rentiers, accusé d’avoir voulu émouvoir sédition. Il était demeurant au quartier Montorgueil et avocassant {a} au Conseil. Il a une belle et jolie femme, et passe pour un fripon et homme sans honneur. Il a autrefois agi pour le roi d’Espagne au Conseil, sur le sujet qu’il répétait {b} quelques vaisseaux marchands que les nôtres avaient gagnés sur mer, et lesquels il était en question s’ils seraient jugés de bonne prise. La prise de cet avocat fit bruit en Parlement lundi matin 10, de qui M. d’Orléans s’est fâché et levé, voulant s’en aller et disant que le Parlement était jadis un sénat plein de sagesse et de gravité, et aujourd’hui une cohue. […]

Lundi matin 31, assemblée au Parlement où l’on a continué sur les informations contre les accusés de sédition : La Boulaye, des Martinaux et autres, renvoyés pour être jugés à la Tournelle ; Portail-Jouan congédié et envoyé hors de cours ; Belot, avocat au Conseil, élargi à la charge de se représenter toutes fois et quantes. Pour Joly, conseiller au Châtelet, qui d’accusateur en assassinat commis en sa personne est rendu accusé, on en a parlé et n’a-t-on pas fini si l’on décrétera contre lui. »


  1. Faisant la profession d’avocat.

  2. Plaidait pour réclamer.

V. note [18], lettre 214, pour les (faux) témoins produits contre les frondeurs.

30.

Le libraire-imprimeur lyonnais Jean-Antoine i Huguetan (v. note [6], lettre 70) était le père de Jean-Antoine ii, qui prenait sa succession, et de l’avocat, Jean.

31.

Les Parques sont dans la mythologie gréco-romaine les trois filles d’Érèbe (v. notule {a}, note [7], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 1er juin 1673) et de la Nuit ; elles présidaient à la vie et à la mort des hommes. Elles filaient la laine, dont la couleur annonçait le ton de la vie : courte et infortunée pour la noire, longue et heureuse pour la blanche. Clotho tenait la quenouille, Lachésis tournait le fuseau et Atropos coupait le fil.

La Parque, au singulier, métonymie de la mort, est Atropos.

32.

V. note [12], lettre 210, pour le désaccord thérapeutique entre Guy Patin et Pierre Garnier. Le total des saignées pratiquées ici chez Pierre de Janson, le beau-père de Patin, avoisinait les deux litres (72 onces, environ 2,3 kg).

Ce passage se trouve, fort mutilé, dans les transcriptions télescopées de Bulderen (tome i, xxxii) et Reveillé-Parise (tome i, ccxxi) : v. note [a], lettre 213.

33.

« à laquelle les vieillards sont sujets ».

34.

« avec délire frénétique. »

La frénésie était alors une « maladie qui cause une perpétuelle rêverie avec fièvre. Elle est différente de la manie et de la mélancolie parce que celles-ci sont sans fièvre. Elle diffère aussi de la rêverie dans les fièvres violentes parce que celle-ci n’est pas perpétuelle et cesse au déclin de la fièvre. La vraie frénésie est engendrée au cerveau par son propre vice et inflammation [v. note [6], lettre latine 412] de ses membranes » (Furetière). Le mot vient « du latin phrenesis, du grec phrên, pensée et diaphragme, parce qu’une ancienne physiologie plaçait la pensée dans la région du diaphragme » (Littré DLF).

35.

Orthopnée : gêne respiratoire (asthme ou dyspnée) caractérisée par l’impossibilité de respirer en position allongée, ce qui force le malade à se tenir assis dans le lit (v. note [43], lettre 150) ; c’est un signe fidèle d’insuffisance cardiaque (œdème pulmonaire, dont la saignée a fort longtemps été le traitement le plus efficace). On emploie à présent le qualificatif orthopnéique, de préférence à orthopnoïque, et on en évalue la gravité au nombre d’oreillers dont le malade a besoin pour dormir.

À l’asthme qui confinait à l’orthopnée, s’ajoutaient chez le malheureux Pierre de Janson, une lithiase urinaire et une démence sénile.

36.

« et le voici à ce point soulagé qu’on juge que quelque dieu lui a prodigué sa médecine, et il aura bientôt cessé d’être essoufflé. »

37.

« moins il leur reste à vivre, plus ils accumulent de richesses » ; emprunt à l’épître dédicatoire {a} des Epigrammatum reverendi viri Philippi Melanchthonis libri vi [Six livres d’épigrammes du vénérable Philipp Melanchthon] : {b}

Facit hoc sæculum, quod deliri senes solent, quos ait Cicero, quominus vitæ superest, eo plus viatici quærere.

[Ce siècle a fait ce que les vieillards délirants ont coutume de faire, à ce qu’a dit Cicéron : moins il leur reste à vivre, plus ils recherchent les richesses]. {c}


  1. Datée du 25 mars 1563 et rédigée par Petrus Vincentius (Peter Vietz, Breslau 1519-ibid. 1581), élève de Philipp Melanchthon (v. note [12], lettre 72) et professeur d’éloquence et dialectique à l’Université de Wittemberg.

  2. Wittemberg, héritiers de Iohannes Crato, 1579, in‑8o, page A2 vo.

  3. Cicéron, La Vieillesse, chapitre xviii, § 66) :

    Avaritia vero senilis quid sibi velit, non intellego : potest enim quicquam esse absurdius quam, quo viæ minus restet, eo plus viatici quærere ?

    [Quant à l’avarice, je ne la comprends guère dans un vieillard : quoi de plus absurde qu’amasser d’autant plus de provisions de route qu’on a moins de chemin à faire ?]


38.

Guy Patin avait épousé Jeanne de Janson en octobre 1628.

39.

« La chair du Christ engraisse » : Pinguis est panis Christi, et præbebit delicias regibus. Alleluia [Le pain du Christ engraisse l’âme, et il fera les délices des rois. Alleluia] (antienne de la liturgie catholique).

40.

« à Paris le meilleur Hippocrate est un homme de bien, qui y voit clair dans les fourberies de chimistes et dans les officines des pharmaciens. »

41.

« à part les paralipomènes [v. note [10], lettre 78] » des Opera de Daniel Sennert, en cours d’achèvement à Lyon (v. note [20], lettre 150) ; v. notes [25], lettre 211, et [38], lettre 224, pour la dédicace en vers, écrite par Charles Spon à la louange de Guy Patin.

42.

Grégoire-François Du Rietz, médecin de la reine Christine.

Stockholm, capitale de la Suède « est presque toute bâtie de bois, fort marchande et fort riche, son port étant un des plus commodes et des plus sûrs de la mer Baltique. Elle est forte par la nature de sa situation, et défendue par une bonne citadelle, où il y a plus de quatre cents pièces de canon. On voit dans cette citadelle la tour de Trekronor, c’est-à-dire des trois Couronnes, au sommet de laquelle il y a trois couronnes de cuivre doré, qui représentent l’union qui s’était faite autrefois des trois royaumes du Nord, Suède, Danemark et Norvège sous un même souverain. Le palais des rois de Suède était aussi dans cette citadelle, mais il a été presque tout consumé par un embrasement l’an 1697 » (Trévoux).> V. note [44] du Borboniana 1 manuscrit pour la description que Charles Ogier en a donnée pendant l’hiver 1634-1635.

43.

Le 21 janvier, trois jours après l’arrestation des princes, la princesse douairière de Condé s’était retirée à Chantilly avec sa belle-fille, épouse de M. le Prince, et le jeune duc d’Enghien, accompagnés de l’abbé Bourdelot, leur médecin. Le bruit de leur départ pour Seurre (Bellegarde, v. note [7], lettre 221) était sans doute faux : Mlle de Montpensier (Mémoires, volume 1, page 247) les a dits avoir quitté Chantilly pour Montrond (Cher) à la mi-avril ; Guy Patin a corrigé son erreur au début du post-scriptum.

Henri-Jules de Bourbon (1643-1709) fut duc d’Enghien jusqu’à la mort de son père, le Grand Condé, en 1686, puis devint le cinquième prince de Condé. Tout enfant, sa mère lui fit jouer un rôle dans la Fronde. Plus tard, il combattit avec son père dans les rangs des Espagnols, rentra en grâce en même temps que lui, le suivit dans les campagnes de Franche-Comté, de Hollande et du Rhin, et lui sauva la vie au combat de Senef (1674). Henri-Jules épousa en 1663 Anne de Bavière, princesse Palatine (v. note [10], lettre 533). Vers la fin de sa vie, il tomba dans la plus étrange des folies, s’imaginant qu’il était mort et n’acceptant de nourriture que quand les médecins lui eurent persuadé que les morts mangeaient quelquefois (G.D.U. xixe s.).

44.

« Sixième livre des affaires françaises » de Jean de Samblançat : v. note [3], lettre 214.

45.

Michel i de Marillac (Paris 1563-Châteaudun 7 août 1632), seigneur de La Fayet, était fils du premier lit de Guillaume de Marillac, surintendant des finances, et demi-frère de Louis, maréchal de Marillac (v. note [17], lettre 10). Catholique fervent, il fut reçu conseiller au Parlement de Paris en 1586, maître des requêtes en 1595, et se signala par son attachement au parti de la Ligue. Le soin qu’il prit des affaires des carmélites le fit connaître de la reine mère, Marie de Médicis, et lui valut d’être recommandé au cardinal de Richelieu. Conseiller d’État du Conseil des finances en 1624, il fut appelé, en 1626, à succéder à d’Aligre comme garde des sceaux. Deux ans plus tard, il publia une ordonnance où il s’était efforcé de présenter dans un ordre logique tous les règlements alors en vigueur en y introduisant plusieurs améliorations utiles ; mais le Parlement refusa d’enregistrer ce travail qui fut tourné en ridicule sous le nom de Code Michau à cause du prénom de son auteur. Marillac prit ensuite parti pour Marie de Médicis lors de sa rupture avec Richelieu, se vit compromis avec son frère, le maréchal, dans le complot formé par la reine mère pour renverser le cardinal ministre, et fut un des principaux acteurs de la Journée des Dupes (11 novembre 1630, v. note [10], lettre 391). Arrêté le 12 novembre, il dut remettre les sceaux à Richelieu, qui le destitua et le fit jeter en prison à Caen puis à Châteaudun où il mourut (G.D.U. xixe s. et Popoff, no 1677).

Son petit-fils était Michel ii de Marillac (v. note [56], lettre 156), l’un de ses neveux était l’évêque Louis Dony d’Attichy (v. note [1], lettre 203) et l’une de ses nièces était Louise de Marillac, la plus proche collaboratrice de Vincent de Paul, qui fut canonisée en 1934.

46.

« et qui s’est immortalisé par son œuvre majeure »

Claude-Gaspard Bachet de Méziriac (Bourg-en-Bresse 1581- ibid.1638) avait donné une édition des Épîtres d’Ovide traduites en vers français avec des commentaires fort curieux (Bourg-en-Bresse, Teinturier, 1626, in‑8o) qui fit longtemps autorité. Son Recueil de diverses relations des guerres d’Italie des années 1629, 1630, 1631 (Bourg-en-Bresse, Bristot, 1632) l’avait consacré comme un critique perspicace et avisé. Il lui attira la sympathie de Richelieu qui le fit, quoique absent, entrer à l’Académie française dès sa fondation, en 1634. Pressenti pour être précepteur de Louis xiii, Méziriac avait préféré l’indépendance aux honneurs et quitté Paris pour se retirer dans sa Bresse natale. Bon poète, excellent grammairien, ami de Racan (Honorat de Bueil, 1589-1670) dont il fit jouer les Bergeries à Bourg-en-Bresse (G.D.E.L. et G.D.U. xixe s.). Érudit en grec, il se montra aussi savant mathématicien dans son édition de Diophante :

Diophanti Alexandrini Arithmeticorum libri sex, et de numeris multangulis liber unus. Nunc primum Græce et Latine editi, atque absolutissimis Commentariis illustrati

[Six livres des Arithmétiques de Diophante d’Alexandrie, {a} et un livre sur les nombres polygonaux. Publiés pour la première fois en grec et latin, et enrichis de commentaires très complets…] {a}


  1. Diophante d’Alexandrie, mathématicien grec du iiie s.

  2. Paris, Jérôme Drouart, 1621, in‑fo.

La mort empêcha Méziriac d’achever la nouvelle traduction française des œuvres de Plutarque à laquelle il travaillait depuis 1626 (v. note [30] du Patiniana I‑1) ; v. note [6], lettre 116, pour celle de Jacques Amyot.

V. note [7], lettre 214, pour l’Histoire de Bresse de Samuel Guichenon (Lyon, 1650).

47.

Les écoles d’alors comptaient 6 classes (de la 6e à la 1re, comme encore de nos jours les collèges et lycées) ; régenter, c’était professer dans une classe.

48.

Jean Fernel était né à Clermont-en-Beauvaisis en 1497 ou 1505, Jacques Dubois, dit Sylvius, à Louville près d’Amiens en 1478, Jean Tagault, à Amiens ou Vimeu vers 1500, Jean i Riolan, en 1539 à Amiens, Jacques Charpentier, Carpentarius, à Clermont-de-l’Oise en 1524. Tous étaient médecins. Philippe de La Mothe-Houdancourt était originaire de Saint-Quentin.

49.

« Il y a grande vertu dans les herbes, les paroles et les pierres » : c’est peut-être un proverbe hébreu, mais sûrement le titre du chapitre 12 du Tractatus de morbis [Traité des maladies] de l’Ortus medicinæ… [Naissance de la médecine…] (Amsterdam, 1648, page 575, v. note [11], lettre 121) du médecin alchimiste Jan Baptist Van Helmont, que Guy Patin exécrait.

50.

Sans doute s’agissait-il d’une impression séparée de la lettre de François de Barancy à Jean-Baptiste Morin (datée de Lyon le 26 octobre 1649) ou du Recueil de lettres des sieurs Morin, de La Roche, de Neuré et Gassend… qui la contenait (Paris, 1650, pages 154‑172) ; v. notes [1][3], lettre 211, pour ce livre, et pour Morin et Barancy. Guy Patin priait Charles Spon de bien remercier Barancy pour l’envoi de sa mercuriale, qu’il ne parvenait pas à se procurer et qui concernait la querelle philosophique et astrologique opposant Gassendi à Morin.

Patin a correspondu avec Charles Challine et a parlé de son frère aîné, l’avocat parisien Denis Challine (v. note [28], lettre 324). Je suppose qu’il s’agissait ici de Charles, mais avec la réserve que Patin a écrit Chalines, et non Challine.

51.

« Deux choses qui sont en lien avec une troisième le sont aussi entre elles deux » : précepte d’Aristote cher à la scolastique (v. note [3], lettre 433) et repris par le droit romain.

52.

Augustin Courbé, apprenti en 1613, avait été reçu en 1623. Imprimeur et libraire ordinaire de Monsieur en 1635, il devint adjoint du syndic en 1658 et exerça jusqu’en 1668 au moins « au Palais, dans la galerie des Merciers (ou en la Petite Salle), à la Palme ». Sa veuve, née Jeanne Le Jay, exerça après lui jusqu’en 1709 au moins (Renouard). Courbé publia en 1650 (v. note [18], lettre 234) le recueil des lettres qui concernaient la querelle dont il était ici question.

53.

« ce sont de pures sornettes » (expression qu’on trouve dans Sénèque le Jeune, Apocolocyntosis, ix, et dans Pétrone, Satyricon, lviii).

Outre le Recueil cité dans la note [50] supra, il a paru en 1650 :

54.

Turenne n’épousa pas la fille de Jean-Louis d’Erlach (mort le 26 janvier, trois jours après avoir reçu le bâton de maréchal, v. note [5], lettre 168) ; il se maria en 1651 à Charlotte de Caumont La Force.

55.

Soit 90 francs (ou livres).

56.

Du mariage (1634) du duc de Bouillon, Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, avec Éléonore-Catherine Frobénie de Bergh (v. note [69], lettre 166), vivaient alors huit enfants : Élisabeth (née en 1635, future duchesse d’Elbeuf), Louise-Charlotte (1638, Mlle de Bouillon), Amélie (1640, religieuse), Godefroi-Maurice (1641, duc de Bouillon), Frédéric-Maurice (1642, comte d’Auvergne), Emmanuel-Théodose (1643, cardinal), Hippolyte (1645, religieuse) et Constantin-Ignace (1646, chevalier de Malte).

Attachés au parti de Condé et refusant le ralliement que leur avait proposé la reine, le duc de Bouillon et son frère, le maréchal de Turenne, s’étaient éclipsés dès l’arrestation des princes. Le duc était probablement demeuré caché à Paris, avant de réapparaître vers la mi-février à Turenne (v. note [7], lettre 223), au sud de Brive, avec dessein de rallumer la guerre de Bordeaux. Le maréchal avait gagné Stenay dans les Ardennes et aussitôt entrepris d’y constituer une armée.

Le 1er février, la duchesse de Bouillon, ses deux plus jeunes enfants (mais tous les mémoires ne concordent pas sur ce détail), et sa belle-sœur, Charlotte, alors Mlle de Bouillon, étaient assignées à résidence dans leur hôtel du Marais, sous la surveillance du sieur de Carnavalet, lieutenant aux gardes du corps du roi. Le 2 février, la duchesse était accouchée d’un neuvième enfant, Henri-Ignace (futur chevalier de Malte).

57.

Johann Nicolaus Stupan (Pontrasin, pays des Grisons 1545-Bâle 1621), reçu docteur en médecine à Bâle en 1569, y occupa les chaires de logique en 1575, puis de médecine en 1589. Il a, entre autres ouvrages, compilé les résumés d’une centaine de disputes médicales tenues à Bâle entre 1605 et 1615 :

Medicina theorica : Ex Hipp. et Galen. Physiolog. Patholog. et Semeioticis libris, post diexodicam enarrationem, summatim pro Disputationibus ordinariis in Theses contracta ; nunc demum aucta et correcta coniunctim edita.

[Médecine théorique : tirée des livres physiologiques, pathologiques et sémiologiques d’Hippocrate et Galien ; après un commentaire séparé, elle est sommairement rassemblée en thèses qui ont été soumises aux disputations ordinaires ; réunie et publiée pour la première fois, après avoir été corrigée et augmentée]. {a}


  1. Bâle, Johannes Schroeterus, 1614, in‑8o de 822 pages.

Le nom de Henri Gras (D. Henricus Grassus, Lausannensis Helvetio-Gallus [Me Henri Gras, Franco-Suisse de Lausanne]) s’y lit en effet page 783, parmi les huit respondentes [répondants] des :

Σημειοτικης Particularis Cap. v. De cognoscendis Affectibus Vesicæ, Uteri, cæterarumque partium, Generationi servientium : Ex Enarratione posteriorum trium capitum Libri vi. de Loc. affect. summatim digestum in Theses, pro Disp. Anni 1614.

[Cinquième chapitre particulier de sémiologie. {a} Sur la reconnaissance des affections de la vessie, de l’utérus et des autres organes qui assurent la reproduction : selon le commentaire des trois derniers chapitres du livre vi Des Lieux affectés, {c} résumés en thèses qu’on a disputées en l’an 1614].


  1. V. note [2]), lettre 776.

  2. D’Hippocrate.

Si l’ordre des répondants est le même que celui des thèses qui sont résumées ensuite, Henri Gras avait dû disputer la septième, Immodica mensum vacuatio [Évacuation excessive des règles], pages 813‑817.

V. note [22], lettre 295, pour une autre thèse qu’avait soutenue Henri Gras en 1615 sous la présidence d’Emmanuel Stupan, fils de Johann Nicolaus.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 4 février 1650

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(Consulté le 30/04/2024)

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