L. 146.  >
À Claude II Belin,
les 18 et 22 août 1647

Monsieur, [a][1]

Il y a longtemps que je vous dois réponse. Mes leçons publiques [2] m’en ont empêché jusqu’à présent ; maintenant, je m’en acquitte et le tout, s’il vous plaît, sous vos bonnes grâces. J’ai reçu de M. Galien, [3] conseiller de votre ville, le Salmasius fort bien conditionné, dont je vous remercie. [4] Vous pouviez le garder plus longtemps. [1] Quand M. de Blampignon [5] s’en retournera, je lui donnerai de mes dernières thèses à vous rendre. Mon plaidoyer [6] contre le Gazetier [7] n’est pas écrit, depuis cinq ans passés je n’en ai eu aucun loisir. [2] Je le fis sur-le-champ, sans l’avoir médité et sans en avoir jamais écrit une ligne. Deux avocats qui venaient de plaider contre moi, l’un au nom du Gazetier et l’autre au nom de La Brosse, [8] me mirent en humeur de faire mieux qu’eux et de dire de meilleures choses. L’un ni l’autre ne purent prouver que nebulo et blatero fussent termes injurieux. [3] Ils me donnèrent si beau champ que leurs faibles raisons servirent à me justifier aussi bien que toute l’éloquence du monde, [4] et mon innocence me fit obtenir si favorable audience que j’eus tout l’auditoire et tous les juges pour moi, et Censorem, et Curiam, et Quirites[5][9] Depuis ce temps-là, j’avais commencé à le décrire, et en suis environ à la moitié. [6] J’ai bonne envie de l’achever, mais le loisir me manque. [10] Je m’en vais travailler à quelque chose contre la cabale des apothicaires [11] afin de l’avoir tout prêt pour le faire imprimer si jamais ils m’attaquent ; et puis je travaillerai à une Méthode particulière in gratiam Neophytorum[7] en laquelle sont réfutés le bézoard, [12] les eaux cordiales, [13] la corne de licorne, [14] la thériaque, [15] les confections d’hyacinthe [16] et d’alkermès, [17] les fragments précieux et autres bagatelles arabesques, [8][18] quæ sunt meræ nugæ, solis ditandis pharmacopœis idoneæ[9] Et pour cela, il me faut trois ou quatre ans de loisir ; outre que je prends soin particulier des études de mon fils aîné [19] que je veux présenter à l’examen le carême prochain. De quibus singulis faventem Deum expectamus[10] Quelqu’un avait écrit un livret du parti de M. Arnauld, [20] de saint Pierre et saint Paul ; [21][22] après beaucoup de bruit et grande poursuite des loyolites, [23] on a vu ici produite, sourdement néanmoins, une censure de l’Inquisition [24] de Rome contre ledit livre. [11] Les juges de l’Inquisition sont des moines ignorants et des jésuites passionnés pour leur cabale. Il a ici couru contre cette censure des remarques par lesquelles est fort bien prouvé et démontré que ce décret de l’Inquisition n’est de nulle valeur en France. Ces notes furent condamnées au Châtelet [25] par le lieutenant civil sur le mémoire et l’ordre qui lui fut envoyé par M. le chancelier [26] qui fait ce que veulent les jésuites. Le nonce là-dessus fit publier en quelques églises, où les curés étaient loyolitiques, ce prétendu décret de l’Inquisition. La Cour avertie de ce désordre, après avoir ouï M. Talon, [27] pour le procureur général, [28] a cassé tout ce qui s’était fait au Châtelet, a fait défense au nonce de rien faire imprimer ni publier ici de l’Inquisition romaine qui n’ait auparavant été vérifié en Parlement, etc. On dit que la remontrance de M. Talon et l’arrêt aussi, s’imprimeront ; si cela est, je tâcherai de vous en envoyer. [12] On a imprimé ici ma thèse [29] pour la troisième fois. [13] Tout le Parlement et tout Paris se moquent des apothicaires et de leur imprudente impudence avec laquelle ils m’ont voulu attaquer. Il n’est pas jusqu’à notre doyen [30] qui n’ait voulu mettre trois grandes pages de mon plaidoyer dans son doyenné, in Commentariis Facultatis[14] comme M. Du Val [31] y mit il y a cinq ans mon affaire contre le Gazetier. [32] On n’a rien fait contre le livre de M. de Saumaise de Primatu Petri qui est autant que condamné quia auctorem habet Calvinistam[15][33] ni contre deux autres livres que nous avons de lui in‑8o contre feu M. Grotius [34] de Eucharistia et Transsubstantiatione[16][35] On ne les censure point, d’autant qu’ils sont autant et pis que censurés puisqu’ils sont huguenots ; [36] mais personne n’en attaque l’auteur, qui se défend si bien que même le P. Petau, [37] doctissimus Loyolitarum[17] ne produit rien contre lui, combien qu’il y ait longtemps qu’on l’attende. M. Blondel, [38] ministre de Charenton, [18][39][40] a mis en lumière il y a environ dix ans un gros in‑fode la Primauté de l’Église contre Baronius, [19][41] Duperron [42] et autres. [20] Ce livre est admiré ici comme un grand et horrible travail, mais on n’y a pas répondu. Un évêque m’a dit autrefois qu’on ne répondait point à ces livres-là parce qu’ils ne se pouvaient réfuter. Le même Blondel a mis au jour depuis trois mois, imprimé en Hollande, un petit livret in‑8o de dix feuilles d’impression, contre la papesse Jeanne, [43] où il montre qu’elle ne fut jamais. [21] Je ne sais ce qu’en diront les directeurs de Charenton qui lui paient sa pension de ministre, mais il est certain que ce Blondel est un homme qui cherche maître ou parti en matière de religion, qu’il n’est pas si fort huguenot que les autres ministres, qu’il est papiste en quelque chose. Il hante fort en Sorbonne, [44] il est historiographe de France et est suspect aux siens propres. Feu MM. Casaubon [45] et Grotius ont autrefois été de même. Il n’y a rien de nouveau en nos Écoles sinon que nous avons perdu cette année deux de nos docteurs, savoir M. Bérault, [46] âgé de 63 ans, et M. Erbaud, [47] vieux huguenot âgé de 83 ans. [22] M. Thévart [48] s’en va faire imprimer un troisième tome des Conseils de M. de Baillou. [23][49] M. Riolan [50] ad multa se accingit[24] savoir : à l’impression de son Anthropographie latine in‑fo, quarta parte adauctam ; [25] à mettre tout en un tome in‑4o, comme le Perdulcis[51] les œuvres de feu Monsieur son père [52] augmentées de divers traités ; à faire un autre tome d’opuscules français, dont il est l’auteur, où il y en aura un qui fera bien du bruit. [26] On commencera l’hiver prochain à imprimer. Nous attendons le mois prochain un nouveau livre de M. de Saumaise qui sera de anno climacterico, adversus vanitates astrologorum[27][53][54] Ses amis l’attendent ici à la Saint-Rémy. On dit qu’il y doit passer l’hiver et qu’après avoir vu ses amis, il veut consulter des manuscrits de la Bibliothèque du roi, [28][55] pour travailler sur le Nouveau Testament après Heinsius [56] et Grotius. Il est plus mal que jamais avec D. Heinsius et c’est pourquoi il veut nous donner ce livre, comme il l’a promis en son traité de Calculo, page 62[29][57] Je voudrais qu’il nous eût donné cela, son Pline, et son Dioscoride[58] et 60 observations qu’il a faites sur Pline, [59][60] et ipse mihi retulit ; [30] mais tout est à craindre, d’autant qu’il est usé, cassé, sec et goutteux, et prope sexagenarius. Opto tamen illi Nestoreos annos in reipublicæ litterariæ commodum[31][61][62][63] Mon second fils, [64][65] âgé de 14 ans et trois mois, répondit le mois passé de toute la philosophie grecque et latine publiquement, où nous eûmes pour auditeurs un nombre infini d’honnêtes gens ; à la fin de son acte il passa maître ès arts, magna exultatione totius Academiæ[32] Je le remets dans ses humanités pour un an et puis je le ferai étudier en droit afin qu’il puisse quelque jour me défendre si les apothicaires [66] aut similes alii nebulones [33] entreprennent encore de m’attaquer. J’ai bien ici des amis qui veulent me faire croire qu’ils lui donneront de l’emploi et de l’audience. Mes deux autres petits étudient et omnes educabo in eam spem ut tibi tuisque pro virili inserviant[34][67][68][69] M. de Balzac [70] nous a ici donné tout de nouveau deux volumes de lettres choisies, qui font en tout six tomes de lettres, outre son Prince et ses Œuvres diverses in‑4o[35] Pour votre autre lettre que m’a délivrée M. de Blampignon, [71] je vous promets que je le servirai tuo suoque nomine pro virili[36] Il m’a donné un mémoire des livres que désirez recouvrer ici, je vous promets que j’en aurai soin. Les Consultations de Solenander [72] sont fort rares, je n’ai jamais trouvé ce livre à vendre qu’une fois. [37] Je ne sais ce que vous entendez par Penæ et Lobellii stirpium Adversaria nova, pars prima in‑fo[73][74] est-ce que vous avez l’autre volume intitulé Observationes ? [38] Tout le reste qui vous manque se pourra trouver avec le temps. Je vous baise très humblement les mains, à Mme Belin, à monsieur votre fils aîné, à Messieurs vos frères, à M. Sorel, à MM. Camusat, Allen et Galien, et suis pour toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 18e d’août 1647.

J’avais écrit cette lettre en intention de la donner à M. de Blampignon qui m’avait promis de revenir, faute de quoi je vous l’envoie par le messager. Il n’y a rien ici de nouveau, sinon que l’on a mis en la Bastille [75] M. de Fontrailles, [76] celui qui se sauva de Narbonne [77] lorsqu’on y prit MM. de Cinq-Mars [78] et de Thou. [79] On dit néanmoins que ce dernier fait n’est point capital. [39] On va faire à Grenoble le procès au maréchal de La Mothe-Houdancourt. [80] On dit que la reine [81] ira au Palais la semaine prochaine pour y faire vérifier des offices nouveaux ; Dii meliora[40] Je vous donne le bonjour, Monsieur.

De Paris, ce 22e d’août 1647.


a.

Ms BnF no 9358, fos 111‑112, « À Monsieur/ Monsieur Belin/ docteur en médecine,/ À Troyes » ; Reveillé-Parise, no lxxxviii (tome i, pages 137‑140) ; Triaire no cxlix (pages 533‑539).

1.

Renvoi des livres de Primatu Papæ [de la Primauté du pape] de Claude i Saumaise (Leyde, 1645, v. note [6], lettre 62) que Guy Patin avait prêté à Claude ii Belin en mars précédent (v. note [1], lettre 144).

2.

Plaidoyer contre Théophraste Renaudot, le 14 août 1642 (v. note [3], lettre 90), que Guy Patin n’a jamais fait imprimer.

3.

V. note [12], lettre 44, pour ces termes de « vaurien et babillard » qui avaient servi de motifs au procès de 1642.

4.

« Champ se dit figurément des sujets et des matières où les auteurs peuvent s’exercer, discourir et combattre. Les poètes païens avaient un beau champ à s’exercer à cause de la liberté de leurs fictions. Les louanges du roi sont un beau champ pour exercer les historiens » (Furetière).

5.

« et le juge, et la Cour, et les quirites [v. note [19], lettre 222]. »

Quæ si judicio tuo probentur,
Ut classis modo in ultimæ referri
Possint centurias, nihil timebo
Censuram invidiæ, nihil morabor
Senatus critici severitatem,
Nihil grammaticas tribus, mihi unus
Beza est curia, censor et quirites
.

[Si vous jugez bon que me vers puissent être classés dans la plus modeste catégorie, je ne craindrai en rien la censure de la jalousie, et ne ferai aucun cas de la sévérité du sénat critique, ni des hordes de grammairiens, car pour moi, Bèze à lui seul est le juge, la Cour et les quirites].

Sept derniers vers de l’épigramme Ad Tehodorum Bezam [À Théodore de Bèze], du Hendecasyllabon liber [Livre d’hendécasyllabes] de Georges Buchanan (Poemata [Poèmes], Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65), pages 351‑352.

6.

Décrire : mettre au net.

7.

« pour l’agrément des néophytes ».

8.

Les fragments précieux, « en termes de pharmacie, sont les morceaux qui se séparent quand on taille les hyacinthes, les émeraudes, les saphirs, les grenats et la cornaline » (Trévoux).

9.

« qui sont pures balivernes, uniquement propres à combler les desseins des pharmaciens qui veulent s’enrichir. »

10.

« De tout cela, Dieu aidant, nous attendons beaucoup. »

L’examen auquel Guy Patin voulait présenter son fils aîné, Robert, au Carême de 1648, était le baccalauréat de médecine. Robert fêtait alors son 18e anniversaire. Il avait dû commencer ses études médicales à l’automne 1646 et profiter d’un cursus écourté de moitié, comme étant fils d’un docteur régent.

11.

L’Inquisition était une « juridiction ecclésiastique établie en Espagne et en Italie pour la recherche de ceux qui ont de mauvais sentiments de la religion, de la foi chrétienne, et pour quelque autre crime. On n’a point voulu recevoir en France l’Inquisition, quoiqu’on ait fait diverses tentatives pour cela. La procédure qu’on garde en l’Inquisition est extraordinaire et différente de celle des autres cours. On appelle aussi l’Inquisition le Saint Office. […] Il faut s’accuser soi-même, et on ne confronte ni on ne voit jamais les témoins ; et on accuse pour la moindre chose qu’on ait dite contre l’Église, ou si on n’a pas parlé avec assez de révérence de l’Inquisition » (Furetière).

Historiquement, l’Inquisition (dite médiévale) a été fondée par le pape Grégoire ix en 1231, pour attribuer aux juges ecclésiastique la charge d’enquêter en sus de celle d’accuser. Elle s’appliqua d’abord dans toute la chrétienté, puis se déclina principalement en :

12.

Le janséniste Martin de Barcos (1600-1678), neveu de Jean Duvergier de Hauranne et son successeur comme abbé de Saint-Cyran, avait rédigé la préface du livre d’Antoine ii Arnauld, De la fréquente Communion (v. note [47], lettre 101) et on lui avait reproché d’y avoir écrit que « saint Pierre et saint Paul étaient les deux chefs de l’Église qui n’en faisaient qu’un ». Pour se défendre il avait publié anonymement (avec l’aide d’Antoine ii Arnauld) De l’Autorité de saint Pierre et de saint Paul, qui réside dans le pape, successeur de ces deux apôtres. Où sont représentés les sentiments des Écritures… Pour servir de réponse aux accusations atroces et injurieuses qu’on a formées contre cette proposition du livre De la fréquente Communion, que saint Pierre et saint Paul sont les deux chefs de l’Église, qui n’en font qu’un (sans lieu ni nom, 1645, in‑4o), puis La Grandeur de l’Église romaine… pour servir de défense à l’écrit De l’Autorité de saint Pierre et de saint Paul et de réponse à trois livres publiés contre cet écrit par Dom Pierre de Saint-Joseph, M. Habert et M. l’évêque de La Vaur (sans lieu ni nom, 1645, in‑4o). Condamnés par le pape Innocent x, ces deux ouvrages avaient été censurés par la Congrégation de l’index en janvier 1647 (Dictionnaire de Port-Royal, pages 143‑145).

13.

Thèse de Guy Patin sur la Sobriété, v. note [6], lettre 143.

14.

« dans les Commentaires de la Faculté ».

Jacques Perreau, natif de Langres, était fils de Jean, médecin à Tonnerre (v. note [7], lettre 373) ; il avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1614, et en était alors doyen depuis le 3 novembre 1646 (Baron).

Ennemi de l’antimoine, il publia en 1654 le Rabat-joie de l’Antimoine triomphant (v. note [3], lettre 380), dont Guy Patin a beaucoup parlé dans la suite des lettres.

Deux autres Perreau figurent sur la liste des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris : Pierre (v. note [44], lettre 223), licencié en 1650, était le fils de Jacques ; ce même lien de parenté est fort improbable pour Fabien Perreau (v. note [6], lettre 1004), licencié en 1658.

Jacques Perreau mourut en novembre 1660, âgé de 76 ans.

V. notes [6], lettre 143, pour le résumé du plaidoyer de Guy Patin que Perreau a inséré dans les Comment. F.M.P. (tome xiii, fos cccxxiii / 328 et suivants), et [3], lettre 90, pour la relation par le doyen Du Val du procès de Théophraste Renaudot contre Patin en août 1642.

15.

« parce que son auteur est calviniste » ; v. note [6], lettre 62, pour le livre de Claude i Saumaise « sur la Primauté de Pierre [du pape] » (Leyde, 1645).

16.

« sur l’Eucharistie et la transsubstantiation. »

Claude i Saumaise avait publié ces deux ouvrages contre Hugo Grotius sous le pseudonyme de Simplicius Verinus : {a}

Opposé à la réconciliation des calvinistes et des catholiques, Saumaise reprochait à Grotius (mort 29 août 1645) ce qu’il avait écrit sur l’Eucharistie dans sa posthume et anonyme Rivetiani Apologetici, pro schismate contra votum pacis facti, Discussio [Discussion de l’apologétique de Rivet, en faveur schisme, contre le vœu de paix qu’on a fait] (Irenopolis, 1645, v. note [15], lettre 127). On lit ce début d’une longue explication sémantique à la page 77 :

In negotio Eucharistiæ, vocem Transsubstantationis aptam et convenientem esse, dicit Synodus Tridentina ; necessariam usurpatu, non dicit : neque eam a Rege Britanniæ exegit Cardinalis Perronius ; et tamen in ea explicanda voce Græca, quæ Latine vertitur transelementatio ; quam vocem rex Britanniæ probat.

[Dans le débat sur l’Eucharistie, le concile de Trente {a} dit que le mot de transsubstantiation est adapté et convenable, sans dire qu’il est nécessaire de l’employer. Le cardinal Duperron {b} ne l’a pas non plus exigé du roi de Grande-Bretagne ; {c} et il s’explique par la racine grecque, qui se traduit en latin par transelementatio, {d} mot qu’approuve le roi de Grande-Bretagne].


  1. V. note [4], lettre 430.

  2. Jacques Davy Duperron, mort en 1618, v. note [20], lettre 146.

  3. Baptisé dans la religion catholique puis converti au protestantisme, Jacques ier eut à chercher des compromis avec les anglicans et calvinistes de son royaume. Isaac Casaubon (v. note [7], lettre 36) a été l’intermédiaire de ses discussions religieuses avec le cardinal Duperron, comme en atteste, entre autres, la Réplique à la réponse du sérénissime roi de la Grand Bretagne. Par l’illustrissime et révérendissime cardinal Duperron, archevêque de Sens, primat des Gaules et de Germanie, et grand aumônier de France (Paris, Antoine Estiene, 1620, in‑4o de 1 120 pages). La transsubstantiation y est longuement discutée dans les chapitre iiixvi du livre quatrième (pages 866‑908).

  4. Transélémentation : « terme que les écrivains calvinistes ont employé en parlant de la transsubstantiation » (Littré DLF).

Samuel Sorbière avait parlé de cette polémique dans sa lettre datée du 27 mai 1646 (v. sa note [3]).

17.

« le plus savant des loyolites ».

18.

Charenton (aujourd’hui Charenton-le-Pont, dans le département du Val-de-Marne) se situe à 8 kilomètres à l’est de Paris, sur la rive droite de la Marnne un peu en amont de son confluent avec la Seine. Le pont, alors unique, qui y traversait la Marne en faisait un point stratégique de liaison entre le nord et le sud de l’Île-de-France, à l’est de Paris.

On y avait construit en 1606 le seul temple protestant de la région parisienne. Brûlé en 1621 en représailles de la mort du duc du Maine au siège de Montauban (v. note [6], lettre 173), on le remplaça par un grand sanctuaire qui fut à son tour démoli dans la semaine qui suivit la révocation de l’édit de Nantes (édit de Fontainebleau enregistré par le Parlement le 22 octobre 1685). Avant cela, Charenton a été le lieu de dévotions et de ralliement de la communauté protestante de Paris (estimée à 15 000 âmes, soit près de trois pour cent de la population) qui s’y rendait le plus souvent par le coche d’eau. « On a dit, par une espèce de proverbe, aller à Charenton, aller à la messe à Charenton, pour se faire huguenot » (Trévoux).

Par les synodes nationaux qui s’y tinrent (1623, 1631, 1644), par l’éminence de ses ministres et par les livres qu’on y imprimait, Charenton joua, avec Saumur, un rôle essentiel dans le rayonnement du calvinisme par toute la France au cours du xviie s. (B. Vogler, Dictionnaire du Grand Siècle).

19.

De la Primauté en l’Église : Traité où sont confrontées, avec la Réponse du sérénissime roi de la Grande-Bretagne, {a} les Annales du card. Baronius, {b} les Controverses du cardinal Bellarmin, {c} la Réplique du card. Duperron, {d} etc. Par D. Blondel. {e} Avec les Indices nécessaires. {f}


  1. Jacques ier.

  2. V. note [6], lettre 119.

  3. V. notule {a}, note [21] du Grotiana 2.

  4. V. seconde notule {c}, note [16], lettre 146.

  5. David Blondel, v. note [13], lettre 96.

  6. Genève, Jacques Chouët, 1641, in‑fo de 1 268 pages.

    Le P. François Véron (v. note [4], lettre 210), très fécond polémiste jésuite, avait réfuté cet ouvrage : De la Primauté dans l’Église, ou de la hiérarchie d’icelle, pour réponse… au gros volume du sieur Blondel… de même titre… (sans lieu, ni nom, ni date, in‑8o de 126 pages, contenant cinq réponses à Blondel).


20.

Jacques Davy Duperron (Saint-Lô 1556, Bagnolet 1618) était le fils d’un médecin dénommé Julien Davy ou David, « mais quand il fut grand seigneur, il signa d’Avit pour se dépayser et faire croire qu’il était d’une Maison qui s’appelait Avit » (Tallemant des Réaux, Historiettes, tome i, page 41).

Converti au calvinisme, Julien Davy et sa famille avaient dû s’exiler à Berne (Suisse). Venu à Paris pour y chercher fortune, Jacques fut présenté à Henri iii par le poète Des Portes (v. note [14], lettre 748), qui le détermina à abjurer le protestantisme en 1577 et lui fit obtenir la charge de lecteur du roi. Bientôt Duperron entra dans les ordres et prêcha avec succès devant la cour. À la mort de Henri iii, il s’attacha au cardinal de Bourbon et entra dans l’entourage de Henri iv qui le nomma évêque d’Évreux en 1591, le mettant au nombre des prélats et des docteurs qu’il choisit pour jouer la comédie de l’instruire dans la religion catholique. Envoyé à Rome, Duperron parvint, avec le cardinal d’Ossat et au prix de quelques humiliations, à faire lever l’interdit lancé sur le royaume par le pape. En 1600, il fit partie de la Conférence de Fontainebleau (v. note [3], lettre 548) où il combattit Duplessis-Mornay et les protestants.

cardinal en 1604, Duperron séjourna deux ans à Rome, pour y défendre les intérêts politiques et religieux de la France. Il fut ensuite successivement archevêque de Sens, grand aumônier et commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit. Aux états généraux de 1614, ce fut lui qui fit écarter le Cahier général du tiers état, réclamant que le pouvoir du roi de France, monarque de droit divin, fût reconnu indépendant de l’autorité papale (v. note [28] du Borboniana 3 manuscrit) . Il y eut peu de querelles théologiques à cette époque où il ne jouât un rôle important, soit par sa parole, soit par ses écrits. Il a laissé quantité d’ouvrages de controverse ou de théologie, de poésie, de négociations, etc. (G.D.U. xixe s.).

21.

David Blondel : {a}

Familier Éclaircissement de la question si une Femme a été assise au Siège Papal de Rome entre Léon iv et Benoît iii.


  1. V. note [13], lettre 96.

  2. Amsterdam, Jan Blaeu, 1647, in‑8o de 109 pages.

Blondel, ministre calviniste, y ruinait totalement l’histoire de la papesse Jeanne ; mais longtemps avant lui, les critiques catholiques avaient démontré cette imposture historique et le jésuite Jacques Sirmond (v. note [7], lettre 37) le qualifia, dit-on, d’« enfonceur de portes ouvertes ».

La légende de la papesse Jeanne (v. notes [45] et [46] du Naudæana 4) fut longtemps répandue dans le monde chrétien, admettant qu’au ixe s., une femme, parvenue à dissimuler son sexe, aurait occupé le siège de saint Pierre. Cette fable a été particulièrement soutenue par Bartolomeo Sacchi (surnommé Platina) dans son livre In vitas summorum pontificum opus [Ouvrage sur les vies des plus grands pontifes] (Venise, 1479, v. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii) : la papesse Jeanne aurait d’après lui porté le nom de Jean viii. Cette supercherie, dont même le très savant Claude Saumaise a été la dupe [v. notes [14] (citation 2) du Patiniana I‑1], a encore la vie dure.

22.

Jean Bérault (Paris 1584-ibid. 1647) avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1620. On a de lui, entre autres travaux, La Satire d’Euphormion composée par Jean Barclay [v. note [20], lettre 80] et mise nouvellement en français, avec les observations qui expliquent toutes les difficultés… (Paris, J. Guignard, 1640, in‑8o ; réédition, en 2000 par Alain Cullière, Paris, Klincksieck).

Celui que Guy Patin appelait ici Erbaud ne pouvait être que Georges Arbaut, Provencialis Alpensis [originaire des Alpes de Provence], docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1607 : il était huitième de la liste de novembre 1646 et ne figure plus sur celle de novembre 1647 (Comment. F.M.P., tome xiii, fos 322 vo et 359 ro).

23.

Jacques Thévart (Paris 1600-ibid. 14 décembre 1674), dit le Camus, reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1627, était compagnon de licence de Guy Patin, mais devint ensuite son ennemi car il adhéra au parti antimonial. Thévart fut médecin ordinaire de Marie de Médicis et de Louis xiv. À la fin de sa lettre à André Falconet du 10 septembre 1670, Patin a signalé une grave maladie de Thévart, mais dont il ne mourut pas.

Thévart avait alors édité les deux premiers tomes des Conseils médicaux (1635, v. notes [19], lettre 17, et [8], lettre 24), les Opuscules (1640, v. note [3], lettre 48), ainsi que les traités sur la goutte et sur les maladies des femmes (1643, v. notes [12], lettre 71 et [1], lettre 98) de Guillaume de Baillou, son grand-oncle qui lui avait légué ses manuscrits ; il préparait le troisième tome des Conseils (v. note [47], lettre 152). Ses autres ouvrages sont des apologies de l’antimoine dont Patin a parlé dans la suite de ses lettres.

24.

« se consacre à beaucoup de choses ».

25.

« augmentée d’une quatrième partie ».

L’Anthropographie [description de l’homme (anatomique, physiologique et pathologique)] est le premier grand ouvrage anatomique de Jean ii Riolan, qui avait alors connu deux éditions :

  1. Ioannis Riolani filii, Doctoris Medici, ordine et origine Parisiensis, Anatomes et Pharmaciæ Professoris Regii, Anthropographia. Ex propriis et novis Observationibus collecta, concinnata. In qua facilis, ac fidelis, et accurata Manuductio. Ad Anatomen traditur, prout ab ipso quotannis publice, et privatim, docetur, administratur, et demonstratur. In celeberrima Parisiensi Academia,

    [Anthropographie de Jean Riolan le fils, natif de Paris et docteur en médecine de sa Faculté, professeur royal d’anatomie et de pharmacie. Réunie et préparée à partir d’observations personnelles et nouvelles. Elle contient un guide aisé, fidèle et soigneux pour étudier l’anatomie, puisqu’il l’a lui-même quotidiennement enseignée, dirigée et démontrée, tant en privé qu’en public, dans la très célèbre Université de Paris] ; {a}

  2. Ioannis Riolani filii, origine et ordine Parisiensis, consilarii medici regis, et eiusdem in Academia Parisiensi, Anatomes et Pharmaciæ professoris, Anthropographia et osteologia, omnia recognita, triplo auctiora, et emendatiora, ex propriis, ac novis cogitationibus, et observationibus. Cum duplici indice, uno capitum, et præcipuorum articulorum, altero rerum et verborum insigniorum copiosissimo,

    [Anthropographie et ostéologie de Jean Riolan le fils, natif de Paris et appartenant à sa Faculté, conseiller médecin du roi et son professeur d’anatomie et pharmacie. Entièrement révue, augmentée du triple, et encore plus irréprochable, grâce à des réflexions et des observations nouvelles et personnelles. Avec deux index : le premier, donnant la liste des chapitres et des principaux articles ; le second, très complet, répertoriant les matières et les mots les plus remarquables]. {b}


    1. Paris, Hadrien Perier, 1618, in‑8o de 678 pages.

    2. Paris, Denis Moreau [et Francfort, Officina Bryana], 1626, in‑4o de 938 pages.

En 1629 avaient paru les Œuvres anatomiques de Me Jean Riolan… traduites en français par Pierre Constant (v. note [8], lettre 307) et contenant bien sûr l’Anthropographie.

La 3e édition, dont Guy Patin allait beaucoup parler car il en suivait tous les progrès et allait en dresser lui-même l’index, ne porte pas le titre d’Anthropographia, mais celui de :

Ioannis Riolani filii, origine et ordine Parisiensis, Doctoris Medicinæ in Academia Parisiensi, Anatomes et Herbariæ Professoris Regii, atque decani, Reginæ, matris Regis Ludovici xiii, Primarii Medici per decennium, et postremi, Opera Anatomica vetera, recognita et auctiora, quam plura nova, quorum seriem dabit sequens pagina.

[Œuvres anatomiques anciennes de Jean Riolan, né et exerçant à Paris, docteur en médecine de l’Université de Paris, doyen et professeur d’anatomie et botanique du Collège royal de France, premier médecin de la reine, mère du roi Louis xiii pendant dix ans et jusqu’à son décès ; révisées et fort augmentées, avec de très nombreux opuscules nouveaux, dont la page suivante donnera la liste]. {a}


  1. Paris, Gaspard Meturas, 1649 et 1650, in‑fo de 872 pages.

L’Anthropographia proprement dite occupe les pages 1 à 425 du volume. Cette page suivante donne le titre et le contenu de la 4e partie dont parlait ici Patin :

Opuscula anatomica nova, quæ nunc primum in lucem prodeunt. De Motu circulatorio sanguinis in corde, nova doctrina. Accessere notæ in Ioannis Vallæi duas epistolas de circulatione sanguinis, authore Ioanne Riolano, professorum Regiorum decano. Eiusdem Animadversiones : in Historiam anatomicam Andreæ Laurentii ; in Theatrum Anatomicum Caspari Bauhini ; in Librum Anatomicum de Fabrica humana Andreæ Spigelii ; ad Institutiones anatomicas Caspari Bartholini ; ad Anatomica Caspari Hofmanni ; In Syntagma anatomicum Ioannis Weslingii ; De Monstro nato Lutetiæ ; in Tractatum de Diaphragmate Æmilii Parisani.

[Opuscules anatomiques nouveaux, qui n’ont encore jamais été publiés. Nouvelle doctrine sur le Mouvement circulatoire du sang dans le cœur. Y ont été ajoutées des notes sur deux lettres de Jan de Wale à propos de la circulation du sang, par Jean Riolan, doyen des professeurs royaux (v. note [18], lettre 192). Ses remarques : sur l’Histoire anatomique d’André i Du Laurens ; sur l’Amphithéâtre anatomique de Caspar Bauhin ; sur le livre anatomique d’Adriaan van de Spiegel, La Structure du corps humain ; contre les Institutions anatomiques de Caspar i Bartholin ; contre les travaux anatomiques de Caspar Hofmann ; sur le Traité anatomique de Johann Vesling ; sur le monstre né à Paris ; sur le Traité du diaphragme d’Emilio Parisano].

Cette première série d’Opuscula anatomica nova (qui ont aussi été édités à part, v. note [11], lettre 177) est précédée dans cette édition par :

  1. les 7 livres de l’Anthropographie (v. ci-dessus) ;

  2. l’In Librum Galeni de ossibus, ad tyrones Commentarius didacticus, et apologeticus, pro Galeno, adversus novitios et novatores anatomicos. Simiæ osteologia, ut discrimen ossium hominis et simiæ innotescat. Osteologia ex Hippocraticis libris eruta, collecta, et in ordinem digesta [Commentaire didactique et justificatif sur le livre de Galien au sujet des os, à l’intention des débutants, en faveur de Galien (v. notule {a}, note [1], lettre latine 28, pour le commentaire de Caspar Hofmann sur ce livre, Francfort, 1630), contre les anatomistes nouveaux et rénovateurs. Ostéologie du singe pour faire connaître la différence entre les os du singe et de l’homme. Ostéologie extraite des livres d’Hippocrate, rassemblée et mise en ordre] (2e partie, pages 427‑533) ;

  3. le Liber de Circulatione sanguinis [Livre sur la circulation du sang] (3e partie, pages 543‑603 ; v. note [18], lettre 192).

26.

Les Opera de Jean i Riolan, le père, n’ont pas été rééditées après 1638 (Paris, L. Boullenger, in‑8o).

Guy Patin annonçait de manière fort anticipée le seul ouvrage que Jean ii Riolan a publié en français (et anonymement) : les Curieuses recherches sur les écoles en médecine de Paris et de Montpellier… contre la harangue de Siméon Courtaud en 1644, ne parurent qu’en 1651 (v. note [13], lettre 177) et firent en effet bien du bruit ; Patin devait probablement déjà y travailler avec lui.

27.

« Sur l’année climatérique, contre les mensonges des astrologues » : Cl. Salmasii de Annis climactericis et antiqua astrologia diatribæ [Discussions de Claude i Saumaise sur les Années climatériques et sur l’astrologie ancienne] (Leyde, Elsevier, 1648, in‑8o de 844 pages).

Klimatêr (de klimax, escalier, échelle, instrument de torture) est en grec « l’échelon, le degré d’une échelle » et surtout, le « degré de la vie (difficile à franchir) c’est-à-dire année climatérique, qui passe pour décider de la vie des hommes » (Bailly). En a dérivé, en français, l’adjectif climatérique, « par lequel on a désigné certaines périodes de la vie qu’on regardait comme critiques. Les années climatériques étaient, suivant les uns, toutes les années de la vie de l’homme qui sont des multiples du nombre sept ; d’autres n’ont donné ce nom qu’aux années qui résultent de la multiplication de sept par un nombre impair ; il en est qui n’ont admis que trois climatériques ; quelques-uns enfin ont étendu ce nom aux multiples de neuf ; mais tous ont reconnu pour climatérique la 63e année, qu’on a nommée la grande climatérique, parce que 63 est le produit de sept multiplié par neuf. Les uns et les autres pensaient que la période de trois, ou de sept, ou de neuf, qu’ils avaient adoptées, était nécessaire pour l’entier renouvellement des parties constituantes du corps, de manière qu’il ne restât plus dans l’économie aucune des parties dont elle était formée auparavant. Toute cette théorie se lie à la doctrine des nombres de Pythagore » (Nysten, 1824).

Le début de la Præfatio ad lectorem [Préface au lecteur] de son livre ne laisse planer aucun doute sur l’opinion de Saumaise :

Quoniam omnis Climacterica ratio annorum, mensium, dierum et horarum tota ab astrorum disciplina pendet, nullaque omnino esse videri debet, si vera non sit ratiocinatio Chaldæorum Genethliacæ ; de eius origine et progressu, variisque sectis longa satis Prologomena paraveram : sed cum nimis prolixa evasissent quam ut commode præponi possent jam nimium, per se grandi de Annis Climactericis volumini, separatam de his Monobiblon confecimus. In ea scientiæ ex observatione siderum factæ quanta vanitas sit et inconstantia ex auctorum dissensione ostendimus : item ex eo quod hodierna diversa sit ab antiqua quæ hodie ignoratur, ut ea quæ hoc tempore exercetur, veteribus ignorata est. Ibi etiam Arabum errores in vertendis Græcis explicamus, et in interpretandis Arabum scriptis Astrologicis Barbarorum Latinorum hallucinationes. Interim tamen aliquid hic præfandum duximus de artis falsitate, ut clareat Climacteres nihil esse, et Climactericis annis nihil tribui fidei debere, cum ars ipsa quæ eos produxit, nullos effectus habeat ad humanæ vitæ rationes, et futurorum quam promittit significationem.

[Puisque tout le calcul climatérique des années, des mois, des jours et des heures ressortit entièrement à l’astrologie, il doit être considéré comme absolument sans valeur si la théorie de l’horoscope des Chaldéens {a} est fausse. J’avais donc apprêté une préface assez longue sur son origine et son progrès, et sur ses diverses sectes ; mais sa taille a tant débordé qu’elle n’a pu être facilement mise en tête d’un volume sur les années climatériques, en lui-même déjà fort grand. Nous en avons fait {b} une monographie séparée où, à partir des querelles entre les auteurs, nous avons montré à quel point la science qu’on tire de l’observation des étoiles est entachée de mensonge et d’incohérence ; et aussi comment la science moderne diffère de l’ancienne, qu’on ignore aujourd’hui, tout comme les Anciens ont ignoré celle qu’on professe à présent. Nous y expliquons aussi les erreurs qu’ont commises les Arabes en traduisant les Grecs, et les méprises des Arabes sur les écrits astrologiques des Latins. En attendant, nous avons cependant décidé de dénoncer ici en quelques mots {c} la fausseté de ce savoir pour clairement dire que le climatère n’est rien et qu’il ne faut accorder aucune foi aux années climatériques, parce que l’art qui les a produites n’est d’aucun fruit pour l’intelligence de la vie humaine et pour la prédiction qu’il promet du futur].


  1. Autrement appelés Babyloniens ou Assyro-Chaldéens, « les Chaldéens passaient dans l’Antiquité pour les inventeurs de l’astronomie, et ils étaient fort adonnés non-seulement à cette science, mais encore à l’astrologie, à la divination, etc. C’est pour cela que chaldéen, dans l’Écriture et dans les auteurs profanes, est la même chose que mathématicien, astrologue, diseur de bonne aventure, faiseur d’horoscope, magician” (Trévoux).

  2. Passage du singulier (je) au pluriel de majesté (nous).

  3. La préface est longue de cent pages.

28.

La Bibliothèque du roi avait été fondée par François ier en 1537, à partir de la Librairie de Charles v. La source principale de ses acquisitions imprimées était le dépôt légal des ouvrages publiés dans le royaume, mais sa richesse essentielle provenait des manuscrits collectés par les diplomates et de legs prestigieux ou de confiscations au bénéfice de la Couronne. Établie rue de la Harpe, elle fut transférée par Colbert, en 1666, rue Vivienne. Ancêtre de la Bibliothèque nationale, elle ne s’ouvrit au public qu’en 1692.

29.

À la page 62 de son livre du « Calcul urinaire » (v. note [9], lettre 76), Claude i Saumaise n’a consacré qu’une courte phrase à son projet sur le Nouveau testament ; il n’y est autrement question que de la maladie engendrée par les poux (phtiriase) :

Morbus præterea est φθειριασις, quo qui laborat, multi in eo per totum corpus ebulliunt pediculi. Non unus aut alter in corpore vel in carne pediculus φθειριωντα fecerit, sed infinita eorum copia qua corpus eroditur. Hoc malo periit Pherecydes ex Græcis, ex Romanis Sylla, ex Iudæis Herodes. Parentum ætate rex etiam quidam in Europa sic vitam finivit. Hos pediculos, non de facie vulgaribus similes, per totam cutem magna vi erumpentes, nonnulli σκωληκας vocant, et ευλας. Unde σκωληκοβρωτον apud Lucam in Herode Agrippa, de hac phtiriasi non male interpretati sunt. De quo nos ad Novum Testamentum plura. Ευλας etiam quidam nominarunt, qui sunt σκωληκες.

[La phtiriase est en outre cette maladie où les poux grouillent par tout le corps de celui qui est atteint. Ce ne sont pas un ou deux poux sur le corps ou dans la chair qui provoqueront la mort, mais leur nombre immense qui rongera le corps. De ce mal ont péri Pherecydes de Syros chez les Grecs, Sylla chez les Romains, Hérode chez les Juifs. Du temps de nos pères, en Europe, un certain roi a aussi péri de la sorte. {a} Quelques-uns appellent scolex et eulas {b} ces poux qui n’ont pas le même aspect que les poux communs et qui font irruption avec grande force au travers de toute la peau. De là vient que dans Luc, sur Hérode Agrippa, l’expression “ mangé des vers ” {c} n’est pas mal choisie pour parler de cette phtiriase. J’en dirai plus dans mon commentaire sur le Nouveau Testament. Il y en a même qui appellent eulas les scolex].


  1. V. note [4], lettre 831, pour les morts pouilleuses du dictateur romain Sylla et de Philippe ii, roi d’Espagne.

  2. Scolex et eulas sont deux synonymes grecs signifiant ver.

  3. L’expression n’est pas dans l’Évangile de Luc, mais dans les Actes des apôtres : v. note [5], lettre 831.

30.

« et lui-même me l’a rapporté. »

V. note [5] de la Biographie de Claude ii Saumaise pour les commentaires de Saumaise sur Pline, intitulés de homonymis Hyles iatricæ… [sur les homonymies d’Hylès, le guérisseur…] (Utrecht, 1689) ; ses annotations sur Dioscoride sont demeurées inédites (v. note [7], lettre 103).

31.

« et presque sexagénaire. Je lui souhaite encore pourtant les années de Nestor au bénéfice de la république des lettres. »

Nestorei anni [les années de Nestor], c’est-à-dire la longévité de Nestor, était une expression en vogue depuis le xvie s.

Nestor, roi de Pylos (v. note [13], lettre latine 4), le plus vieux des héros de l’armée grecque à Troie, dans Homère (L’Iliade), régna sur trois générations d’hommes.

Nestorea senecta [La Vieillesse de Nestor] est un adage d’Érasme (no 566), mais sa Folie dit beaucoup plus cruellement au sujet des hommes (L’Éloge de la Folie, xxxi) :

Ipsa iam dudum eos relinquit vita, quoque minus sit causae, cur in vita manere debeant, hoc magis iuvet vivere, tantum abest, ut ullo vitæ tædio tangantur. Mei nimirum muneris est, quod passim Nestorea senecta senes videtis, quibus iam ne species quidem hominis superest, balbos, deliros, edentulos, canos, calvos, vel ut magis Aristophanicis eos describam verbis, ρυπωντας, κυφους, αθλιους, ρυσους, μαδοωντας, νωδους και ψολους, usque adeo vita delectari, adeoque νεανιζειν, ut alius tingat canos, alius apposititia coma calvitium dissimulet, alius dentibus utatur mutuo fortassis a se quopiam sumptis, hic puellam aliquam misere depereat, et amatoriis ineptiis quemvis etiam superet adolescentulum. Nam ut capulares iam, meraque silicernia, teneram aliquam iuvenculam ducant uxorem, eamque et indotatam, et aliis usui futuram, id adeo frequens, ut propemodum et laudi detur. Sed multo etiam suavius, si quis animadvertat anus, longo iam senio mortuas, adeoque cadaverosas, ut ab inferis redisse videri possint, tamen illud semper in ore habere, φως αγαθον, adhuc catullire, atque, ut Græci dicere solent, καπρουν et magna mercede conductum aliquem Phaonem inducere, fucis assidue vuItum oblinere, nusquam a speculo discedere, infimæ pubis silvam vellere, vietas ac putres ostentare mammas, tremuloque gannitu languentem sollicitare cupidinem, potitare, misceri puellarum choris, litterulas amatorias scribere. Ridentur hæc ab omnibus, tamquam uti sunt, stultissima : at ipsæ sibi placent, et in summis interim versantur delitiis, totasque sese melle perungunt, meo videlicet beneficio felices.

[La vie ne les ennuie nullement. Moins ils ont de motifs d’y tenir, plus ils s’y cramponnent. Ce sont mes clients, ces vieux qui ont atteint l’âge de Nestor et perdu toute forme humaine, et qu’on voit balbutiant, radotant, les dents cassées, le cheveu blanchi ou absent, ou, pour les mieux peindre avec les mots d’Aristophane, {a} malpropres, voûtés, ridés, chauves et édentés, sans menton, s’acharner à la vie. Aussi se rajeunissent-ils, l’un en se teignant les cheveux, l’autre en portant perruque, celui-ci par de fausses dents peut-être prises à un cochon, celui-ci en s’amourachant d’une pucelle et en faisant pour elle plus de folies qu’un tout jeune homme. Tel moribond, près de rejoindre les ombres, épouse sans dot un jeune tendron, qui fera l’affaire des voisins ; le cas est fréquent et ma foi, l’on s’en fait gloire. Mais le plus charmant est de voir des vieilles, si vieilles et cadavéreuses qu’on les croirait de retour des enfers, répéter constamment : “ La vie est belle ! ” Elles sont chaudes comme des chiennes ou, comme disent volontiers les Grecs, sentent le bouc. Elles séduisent à prix d’or quelque jeune Phaon, {b} se fardent sans relâche, ont toujours le miroir à la main, s’épilent à l’endroit secret, étalent des mamelles flasques et flétries, sollicitent d’une plainte chevrotante un désir qui languit, veulent boire, danser parmi les jeunes filles, écrire des billets doux. Chacun se moque et les dit ce qu’elles sont, archifolles. En attendant, elles sont contentes d’elles, se repaissent de mille délices, goûtent toutes les douceurs et, par moi, sont heureuses]. {c}


  1. Plutus (v. note [6], lettre 952).

  2. « Phaon de Mityléne, dans l’île de Lesbos, était un fort bel homme qui se fit aimer du sexe. La célèbre Sapho le trouva si insensible qu’elle s’en désespéra, et courut sur la montagne de Leucade, d’où elle se précipita dans la mer » (Trévoux).

  3. Traduction de Pierre de Nolhac (1927).

32.

« à la grande exultation de toute l’Université. »

Charles Patin (Paris 23 février 1633-Padoue 2 octobre 1693) était le second fils vivant et le préféré de Guy, qui le surnommait Carolus ou Charlot. Comme les lettres de son père, son Lyceum Patavinum [Université de Padoue] (Padoue, 1682, v. note [a] de l’Autobiographie de Charles Patin) a laissé d’abondants détails sur son existence : apprentissage du métier d’avocat ; réorientation vers la médecine, docteur régent de la Faculté de Paris en 1655 ; poursuites et condamnation aux galères par contumace pour contrebande de livres interdits en 1668 ; fuite qui finit par le mener à Padoue où il fut nommé professeur de médecine avicennienne en 1676, puis de chirurgie en 1681 ; vaines tentatives pour se faire rétablir dans la Compagnie des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris.

Les parties les plus sombres de cette vie sont expliquées dans les Déboires de Carolus, dont la fin dresse son portrait physique et pathologique très expressif à l’âge de 52 ans. De son mariage avec Madeleine Hommetz en 1663 (v. note [1], lettre 744), naquirent deux filles, Gabrielle-Charlotte et Charlotte-Catherine, qui, comme leur mère, furent de savantes lettrées et, comme Charles, membres de l’Académie des Ricovrati de Padoue (v. note [165] des Déboires).

Outre son Lyceum Patavinum, Charles a laissé de nombreux ouvrages.

33.

« ou d’autres semblables vauriens ».

34.

« et je les élèverai tous dans l’espoir qu’ils soient selon leurs moyens à votre service et à celui des vôtres. » Les « deux autres petits » étaient Pierre et François iv Patin, alors âgés de 13 et 12 ans (v. note [29], lettre 106).

35.

Lettres choisies du sieur de Balzac. {a}


  1. Paris, Augustin Courbé, 1647, 2 volumes in‑8o : première partie, quatre livres, 640 pages et seconde partie, trois livres, 683 pages ; v. note [12], lettre 35, pour un précédent recueil publié en 1637.

Guy Patin rappelait ici deux autres ouvrages de Jean-Louis Guez de Balzac :

36.

« selon mes moyens par égard pour lui et pour vous. »

37.

Consiliorum Medicinalium Reineri Solenandri, Budericensis, Doctoris, Medici Ducis Clivensium, etc. Sectiones quinque [Cinq sections des Consultations médicales de Reinerus Solenander, natif de Büderich (Westphalie), docteur, médecin du duc de Clèves] (Francfort, Andreas Wechel, 1596, in‑fo ; réédition à Hanau, 1609).

C’est le principal ouvrage de Reinerus Solenander (Reiner Gathmann en allemand ; Büderich, duché de Clèves, vers 1524-Dusseldorf 1596) : après avoir étudié la médecine à Louvain puis en Italie, il était devenu premier médecin du duc Guillaume de Clèves (dit le Riche), son protecteur.

38.

V. note [3], lettre 42, pour le Stirpium Adversaria nova… [Répertoire nouveau des Plantes…] de Mathias de Lobel et Pierre Pena (qui n’est pas divisé en plusieurs parties), et pour les Observationes de Lobel.

39.

Louis d’Astarac, marquis de Marestan, vicomte de Fontrailles (en Gascogne vers 1605-1667), « homme de qualité de Languedoc, bossu devant et derrière, et fort laid de visage, mais qui n’a pas la mine d’un sot ; il est fort petit et gros » (Tallemant des Réaux, Historiettes, tome i, page 277), avait joué un rôle important dans toutes les machinations de cour contre Richelieu. C’était un des familiers de Cinq-Mars qui l’avait attaché à Gaston d’Orléans et fait envoyer en Espagne pour la négociation du fatidique traité secret (v. note [12], lettre 65). Aussi prudent qu’ambitieux et délié, il pressa son protecteur de se mettre en sûreté quand il vit diminuer les chances de la conspiration, et n’ayant pu le décider, il s’enfuit en Angleterre après lui avoir dit (ibid. page 283) :

« Monsieur, vous serez encore d’assez belle taille quand on vous aura ôté la tête de dessus les épaules ; mais en vérité, je suis trop petit pour cela. »

Comme bien d’autres, il était rentré en France après la mort du cardinal ; mais son adhésion à la cabale des Importants (v. note [15], lettre 93) lui valait la Bastille en 1647. Il se rallia plus tard à Mazarin pour de l’argent (G.D.U. xixe s.).

40.

« Puissent les dieux nous ménager des jours meilleurs ! » (v. note [5], lettre 33).

V. note [10], lettre 115, pour le procès de La Mothe-Houdancourt.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, les 18 et 22 août 1647

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(Consulté le 05/05/2024)

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