L. 152.  >
À Charles Spon,
le 22 mars 1648

Monsieur, [a][1]

Depuis le 10e de mars que je vous écrivis une lettre de quatre grandes pages[1] je vous dirai que j’ai reçu par la voie de M. Picques [2][2] une lettre de M. Hofmann [3] avec une épître à M. Gras [4] pour son traité de Anima[3] Voilà que je vous l’envoie afin que vous la voyiez et la montriez à M. Gras. Je vous prie aussi d’y changer le titre et de l’accommoder comme vous l’entendrez, vu même que l’auteur ne le trouvera pas mauvais et qu’il n’est pas comme il devrait être. J’ai un imprimeur [5] qui me promet d’y travailler avant Pâques. Tandis que nous ferons l’impression de deçà, vous verrez cette épître et me la renverrez à votre loisir. C’est assez que je la reçoive quinze jours après Pâques, avec très humbles prières à votre bonté de témoigner à M. Gras que je suis son très humble serviteur, et de l’en bien assurer, s’il vous plaît. Le massacre qui fut fait la veille de Noël à l’hôtel d’Orléans durant la messe de minuit, avec un vol de 10 000 livres moins 10 pistoles, est découvert. [4] Ç’ont été deux valets de chambre, tous deux chirurgiens de leur premier métier, dont l’un nommé Du Fresne [6] était valet de chambre et de plus maître d’hôtel de M. Goulas, [5][7] secrétaire de M. le duc d’Orléans ; [8] l’autre est un nommé Campi, [9] valet de chambre et chirurgien de M. le comte de Franquetot, [10] qui a charge chez la reine. [6][11] L’affaire a été découverte par le babil très impertinent d’une misérable femme, qui est celle de Campi ; mais Dieu l’a permis ainsi afin que ces grands crimes soient punis. Comme Campi s’enfuyait en Flandre, il a été pris en une petite ville de Picardie nommée Ham, [7][12] et dès qu’il s’est vu si bien pris il a déjà avoué quelque chose. Ce 13e de mars[8] Il est aujourd’hui arrivé et a été mis dans le grand Châtelet. [13] L’autre y est aussi dans un cachot où on ne les gardera pas longtemps, vu que tous deux ne peuvent nier le fait. Du Fresne est extrêmement coupable, vu qu’il était domestique de M. le duc d’Orléans et que ce pauvre Paris [14] qu’ils ont massacré était son ami intime ; joint qu’il avait un bon maître, 30 000 écus de bien et 4 000 livres de rente en offices que son maître lui avait fait avoir chez M. le duc d’Orléans. On dit que le prince de Galles, [15][16][17][18][19] qui est ici, s’en va en diligence en Écosse pour y être chef d’un parti qui s’y forme pour le roi d’Angleterre, [20] son père ; [9] lequel parti sera composé d’Écossais, Hibernais et du grand secours que le roi de Danemark [21] lui veut donner. De hæc contentione Deus ipse viderit[10][22] Nous avons ici, tout nouvellement venu d’Anvers, [23] le second tome de Famianus Strada de bello Belgico[11][24] C’est un in‑8o de 50 feuilles de cicéro qui a été imprimé sur l’in‑fo de Rome ; on l’imprime aussi de même ici in‑8o, et sera fait dans huit jours. C’est un beau et agréable historien, mais ce deuxième tome me déplaît d’autant qu’il ne va que depuis l’an 1578 jusqu’à 89, qui n’est qu’environ onze ans ; au moins, s’il eût été jusqu’à la mort d’Alexandre, duc de Parme, [25] qui mourut l’an 1592, in cuius gratiam et gloriam videtur tantum opus suscepisse[12] On dit que le roi d’Espagne [26] a empêché que l’auteur ne donnât au public le reste de son histoire parce que Philippe ii [27] y était accusé d’avoir fait empoisonner ce prince de Parme ; [13][28] vide Thuanum, tomo quinto, Historiarum sui temporis, in elogio Alexandri Parmensis[14][29] J’ai vu l’in‑fo venu de Rome qui est tout pareil à l’in‑8o, hormis quelques figures en taille-douce qui sont à l’in‑fo, qui représentent quelques villes et quelques castramétations. [15][30]

Pour M. Ravaud, [31] la lettre duquel j’ai reçue avec joie dès que j’y vis au bas de votre écriture, je vous prie de lui témoigner que je me tiens très obligé à lui de son beau livre dont il me veut faire présent, [16] et que j’aurai soin de le retirer de chez M. Cramoisy [32] quand il sera arrivé. Je souhaite fort qu’il mette de beau papier à son Sennertus[33] qui soit plus blanc et plus fort que celui du Drexelius [34] de M. Huguetan, [17][35] si faire se peut. Pour mon voyage [36] vers M. Hofmann, il n’est pas encore prêt. Je ne me soucierais point de mes affaires de deçà si la guerre nous en donnait une sûre permission, mais comme tout s’en va dans la rigueur et à l’extrémité, il n’y a point d’apparence que je pense à entreprendre ce voyage. Mon dessein eût été d’aller d’ici jusqu’à Lyon pour vous y embrasser et après quelques jours, d’en partir et d’aller à Genève pour y voir quelque singularité dont je serais curieux ; et delà, si vous me l’aviez conseillé, d’aller à Bâle, [37] y voir M. Bauhin [38] et le tombeau du grand Érasme ; [18][39] après cela, de prendre le plus court et le plus sûr < moyen > de gagner Nuremberg, [40] y aller joindre M. Volckamer [41] qui m’introduirait et mènerait chez M. Hofmann que je serais ravi de voir et d’embrasser, avec sa vieille Pénélope, et coram mutuas audire et reddere voces[19][42][43] Et je vous jure que je serais ravi de faire ce voyage et que ni la peine, ni le temps, ni l’argent nécessaire pour cela ne me coûteraient rien, pourvu que j’y visse de la sûreté de ma personne et de celle de mon fils aîné [44] que je mènerais quant et moi. Et quand je serais en train de revenir, je tâcherais de me mettre sur le Rhin et de venir à Nimègue où j’ai un frère, [20][45][46] et icelui unique, qui serait ravi de me voir, et moi lui. Delà je visiterais quelques belles villes de Hollande, savoir La Haye, [47] Leyde, [48] Amsterdam, [49] Rotterdam, [21][50] Dordrecht. [51] Je chercherais à Rotterdam le lieu de la naissance de l’incomparable Érasme et à Leyde, je visiterais avec un dévotieux respect le tombeau du très grand Joseph Scaliger. [22][52] Mais mon premier dessein n’est venu que de la promesse et de l’espérance qu’on nous faisait ici de la paix ; aujourd’hui l’on dit que tout est perdu, quod pacis spes tota decollavit[23] c’est pourquoi je n’oserais plus y penser ; et néanmoins, à vous dire vrai, je serais ravi de voir et d’embrasser le bonhomme Hofmann et de lui témoigner par ce voyage combien je l’honore et l’affectionne. Il est vrai que je lui en ai témoigné ma passion par une lettre, ce que véritablement j’effectuerais si le temps ou plutôt la paix me le permettait en nous donnant sûreté par les chemins ; quam quidem securitatem quia nemo potest præstare, neque ego peregrinabor[24] Avant que cette semaine passe, j’écrirai à M. Hofmann par la voie de M. Picques et lui manderai qu’il m’envoie ses Χρηστομ. φυσιολ., [25][53][54] et lui rendrai compte de mon voyage prétendu, que j’entreprendrais bien volontiers, mais il n’y a nulle apparence de s’imaginer qu’il se pût faire avec assurance.

Ce 7e de mars. Passons à autre chose. Je reçus hier au matin un petit paquet venant de Hollande, pour le port duquel je payai 10 sols qu’on me demanda. La suscription était de la main de M. Sorbière. [55] Dès que j’eus levé cette enveloppe, je trouvai un petit livret nouvellement imprimé à Leyde in‑12, Du Passage du chyle et de la circulation du sang ; [56][57][58][59] si tels n’en sont les mots, au moins en voilà le sens. [26] En dedans du premier feuillet, il y avait de la même main, À M. Patin, etc. Le livre est dédié à M. Du Prat, [60] docteur en médecine. [27] Il n’y a point de nom d’auteur exprimé, il est seulement au bas du livre, à la fin, deux S.S. qui disent, ce me semble, Samuel Sorbière. Comme je n’avais point loisir de le lire et que d’ailleurs, je me souvins que j’en avais parlé à M. Riolan, [61] à qui j’avais promis de l’envoyer dès que je l’aurais reçu, je lui envoyai tout à l’heure. On le laissa chez lui en son absence. Ce matin, dès le point du jour, M. Riolan m’est venu voir, qui m’a dit que ce livre a été fait à Paris par un homme qui est à Paris, que ce livre est tout plein de fautes, que cet auteur n’y entend rien, qu’il n’est point médecin, que c’est une pitié de se mêler du métier d’autrui ; et par le long discours qu’il m’en a fait, j’ai reconnu qu’il entend M. Gassendi ; [28][62] et m’a dit que dès qu’il aura reçu quelques cahiers de la copie de son Anthropographie, qu’il s’en va y répondre par un autre livret en français qui sera deux fois plus gros que celui-ci, d’autant qu’il contiendra la réfutation de toutes les faussetés de celui-ci ; et puis après, qu’il y proposera la vraie circulation du sang dont il établira et étalera les vrais fondements. [29] Voilà l’histoire du petit livret, quand j’en saurai autre chose, je vous le manderai. M. Riolan dit aussi que Fortunius Licetus in lib. de Quæsitis per epistolas [63] (il y en a ici quatre parties nouvellement venues d’Italie), a voulu parler de la circulation du sang, mais qu’il n’y entend rien ; [30] que c’est un ennuyeux traité pour l’importune quantité de citations que Licetus y apporte du Galien [64] et de l’Aristote ; [65] et qu’il le réfutera tout du long dans le grand traité qu’il en mettra dans son Anthropographie ; et que cette réfutation seule tiendra plus de six pages. Un de nos docteurs, qui est bien plus glorieux qu’habile homme, nommé Morisset, [66] voulant favoriser l’impertinente nouveauté du siècle et tâchant par là de se donner quelque crédit, a fait ici répandre une thèse du thé, [67][68] laquelle conclut aussi bien que ce président a la tête bien faite. [31] Tout le monde a improuvé la thèse. Il y a eu quelques-uns de nos docteurs qui l’ont brûlée et reproches ont été faits au doyen [69] de l’avoir approuvée. Vous la verrez et en rirez. J’attends le présent que me fait M. Ravaud [70] de son Polyanthea ; [32][71] et à ce que je vois, vos libraires de Lyon sont bien plus honnêtes et plus généreux que ceux de deçà. Je lui en écrirai exprès quand je l’aurai reçu et l’en remercierai, combien que je croie et me persuade facilement que je vous en ai la première obligation, aussi bien que du Drexelius de M. Huguetan ; mais vous êtes en grand train de m’obliger en toute façon, et moi en état de mourir ingrat puisque je n’ai pas moyen de me revancher de tant de courtoisies et de bienfaits que j’ai reçus de vous depuis tantôt six ans, nisi mihi Deus tamquam e machina affulserit[33] Je souhaite fort que l’occasion s’en présente et que j’en aie les moyens de m’en acquitter, comme je le souhaite de tout mon cœur. M. Ravaud me mande qu’il fera ici un voyage après Pâques, je serai ravi d’avoir le bonheur de le voir et de m’entretenir un peu avec lui, de vous et de son Sennertus[17] La nuit entre le 15e et le 16e de mars, s’est ici sauvé de la Conciergerie, [34][72] où il était détenu prisonnier depuis 18 mois, un certain M. de Roquelaure, [73] qui s’était pareillement sauvé des prisons de Toulouse [74] il y a environ deux ans, où il était détenu pour diverses impiétés qu’il était accusé avoir faites et proférées. Comme il avait été longtemps ici prisonnier, il avait trouvé le moyen de gagner les bonnes grâces de Mme Dumont [75] la geôlière, qui est fort belle femme, et de qua mala fabula fertur per urbem ; [35][76] et même on trouve qu’il s’est sauvé par son cabinet. M. le premier président[77] en ayant été averti dès le matin, envoya prendre prisonniers Dumont et sa femme, leur a ôté leur charge et les a envoyés prisonniers, l’un dans le grand et l’autre dans le petit Châtelet. [36] Le même jour, il est arrivé ici nouvelle que le bâtard de Montauron [78] a tué en duel [79] près de Toulouse un autre frère de ce M. de Roquelaure. [37][80] Le 16e de ce mois, votre archevêque, M. le cardinal de Lyon, [81] a perdu son procès pour la deuxième fois au Grand Conseil touchant son prieuré de La Charité. [82] Il y a tantôt un an qu’il en fut dépossédé par arrêt du Grand Conseil, au profit de M. Deslandes-Payen, [83] conseiller de la Grand’Chambre[38] Les parents du cardinal [84] avaient dressé une nouvelle batterie et espéraient de lui arracher ce bénéfice de 30 000 livres de rente par une requête civile, de laquelle ils ont été déboutés par tous les juges, qui ont été loués partout de n’avoir rien donné à la recommandation et à la brigue de tous les parents et amis du feu cardinal qui s’en étaient mêlés. L’avocat général de ce semestre, nommé M. Bailly, fils d’un maître des comptes et abnepos Michaelis Marescotii, doctoris medici, qui hic obiit anno 1605[39][85][86][87][88][89] fut le premier de cet avis, et fit merveilles par sa harangue à démêler tant d’intrigues et de fourberies qui étaient en ce procès. C’est un jeune homme de 25 ans qui a déjà fort bien fait en d’autres causes depuis six mois qu’il a cette charge. Les deux massacreurs et voleurs ont tout avoué, et auraient déjà passé le pas, n’était que Messieurs du Parlement (j’entends ceux de la Tournelle) [90] en veulent avoir connaissance et qu’ils ont évoqué la cause en leur tribunal. [4] Du Fresne est aussi accusé de plusieurs autres crimes et entre autres, d’avoir fait plusieurs vols sur les grands chemins en habit déguisé, avec une fausse barbe et autres outils qui ont été trouvés chez lui. Lui et Campi ont fait le massacre seuls, et la femme de Campi, laquelle ne savait encore rien pour lors de ce massacre, leur aida à faire le vol, à partager les pistoles et à serrer tout ce qui fut volé. [40] La reine s’en va faire un voyage à Chartres [91] pour la Notre-Dame du 25e de mars, [41] à laquelle elle a fait un vœu pour la santé du roi, [92] qu’elle y mène quant et soi ; [42] M. le cardinal Mazarin [93] n’y va point. On parle fort ici de la trahison qui a été découverte à Naples [94] contre M. de Guise, [95] dans laquelle se trouve criminellement enveloppé un sien favori, nommé de Modène, [96] la nouvelle de la mort duquel n’est point encore venue, combien qu’on tienne pour très certain qu’il en mourra. [43] On dit qu’il vient ici des députés d’Irlande quérir le prince de Galles afin qu’il aille commander leur armée contre les parlementaires de Londres. Le duc de Bavière [97] est menacé de nos armes et de celles des Suédois plus qu’aucun autre.

La paulette [98][99] est ici publiée pour les officiers de finance et pour les présidiaux, [44] et non pour les cours souveraines, [45][100] desquelles il n’est point parlé du tout. On croit qu’il y aura une déclaration du roi tout expresse pour eux ; néanmoins, les maîtres des requêtes en sont nommément et particulièrement exceptés, qui sont ceux auxquels le Conseil semble vouloir plus de mal pour l’opposition qu’ils ont faite aux nouveaux compagnons qu’on voulait leur donner il y a trois mois. [46] Enfin, M. Thévart, [101] notre compagnon, a tant fait qu’il a gagné le libraire qui par ci-devant a fait imprimer les œuvres de M. de Baillou, [102] son oncle ; à quoi je n’ai pas peu contribué. Il commence l’édition d’un troisième tome de Conseils du même Baillou, qu’il promet tout autrement meilleur que tout ce qui a été par ci-devant imprimé de lui. Il sera in‑4o, environ de la grosseur des autres. [47] Il y a en cette ville, pour le présent, un médecin de Poitou nommé M. Lussauld, Carolus Lussaldus[48][103] qui étudiait ici l’an 1625 avec M. Bauhin [104] de Bâle lorsque j’étais archidiacre, [49][105] et me souviens qu’ils assistaient tous deux fort soigneusement aux anatomies et dissections de feu M. Charles. [106][107] Ce M. Lussauld a été quatre ans avec M. de Rohan [108] aux armées de la Valteline [109] et d’Allemagne, il est ici pour obtenir des lettres de médecin du roi afin que cela lui serve à l’exempter de payer la taille [110] en Poitou. [50] Il a par ci-devant demeuré à Niort [111] et maintenant il s’en va demeurer en une petite ville nommée Chef-Boutonne, [112] laquelle appartient au comte de Roucy, [113] de la Maison de La Rochefoucauld, [51] où il espère, par le moyen desdites lettres et par les bonnes grâces du dit seigneur, n’y point payer de taille ; mais pour obtenir lesdites lettres, il veut ici faire imprimer un petit traité de vitali facultate fœtus [52] qu’il dédiera pour cet effet à M. Vautier. [114] Ce M. Lussauld vous connaît et dit qu’il vous a vu à Montpellier. Il a naturellement beaucoup d’esprit, et bien présent ; aussi a-t-il moins d’étude et méprise fort hardiment la plupart des bons livres : il n’aime, dit-il, que le raisonnement, et non pas les citations ; [53] et tout cela avec beaucoup d’orgueil et d’arrogance, dont j’ai bien de la peine à m’empêcher de rire quand je l’entends faire de tels contes. Il voulait m’embarrasser à relire tout son manuscrit et à y changer ce qui m’en déplairait, mais je lui dis Parcius ista viris[54][115] et lui fis connaître le peu de temps que j’avais de reste de mes affaires, qui est une monnaie dont il ne s’est pas contenté ; et ne trouvant pas bon mon refus, est allé chercher M. Riolan qu’il a voulu endosser de la même charge, mais qui s’en est aussi fort bien excusé et déchargé sur l’impression de son livre, sur ce qu’il faut qu’il apprête de la copie à ses imprimeurs et sur son grand traité de la circulation du sang auquel il travaille tous les jours, tant à y établir son opinion propre qu’à détruire et réfuter les autres ; et entre autres celle de Fort. Licetus en son livre nouvellement arrivé de Venise ; [30] comme aussi le livret que M. Sorbière a fait imprimer en Hollande, que je lui ai mis en mains aussitôt que je l’ai eu. [26] Ce M. Lussauld désirerait fort d’être nommé avec éloge dans l’Anthropographie de M. Riolan si son opinion pouvait plaire au dit sieur, et même aussi quand elle lui déplairait, pourvu qu’il ne le maltraite pas tout à fait. Si ce manuscrit lussaldique [55] s’imprime ici, je vous en voue une copie tout tel qu’il pourra être. Cet homme se doit consoler, s’il a de la science, qu’il a aussi de la vanité très bien et horriblement, car il juge rudement, et quasi stans pede in uno[56][116] de tout le monde, ab hoc et ab hac, et admodum tumultuarie[57]

Ce 21e de mars. M. Naudé [117] m’est venu voir aujourd’hui. Il y avait longtemps que je ne l’avais vu, j’ai eu le bonheur de l’entretenir trois bons quarts d’heure. C’est toujours lui-même, hormis que j’ai reconnu une chose en lui dont j’ai regret, vu que toute sa vie je l’en avais toujours tenu pour fort éloigné : c’est qu’il commence à se plaindre de sa fortune et de l’avarice de son maître, [58][118][119] duquel il n’a pu, ce dit-il, encore avoir aucun bien que 1 200 livres de rente en bénéfice, et qu’il se tue pour trop peu de chose. Je pense que c’est qu’il a peur de mourir avant que d’avoir amassé du bien pour laisser à des frères et à des neveux qu’il a en grande quantité. Et par cet exemple, je reconnais aisément que les passions entrent aussi bien avant dans l’esprit des philosophes. J’en suis pourtant bien marri, vu que c’est un honnête homme, et digne d’un meilleur traitement auprès d’un tel maître. Le Châtelet [120] avait envie de juger les voleurs prévôtablement et les faire exécuter aussitôt, [59] mais il a été ordonné que la Cour en connaîtrait ; de sorte qu’au lieu que dès samedi dernier ils eussent été exécutés, ils ne le peuvent être que jeudi ou vendredi prochain. Le fripon Du Fresne est natif de Villeneuve d’Avignon. Voilà ce que je sais pour le présent ; je vous prie de me conserver en vos bonnes grâces et de croire que je serai toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 22e de mars 1648.


a.

Ms BnF no 9357, fos 30‑31, dégradés ; Reveillé-Parise, nos cxciii (tome i, pages 379‑382), datée du 13 mars, et cxciv (tome i, pages 382‑386), du 22 mars 1648, nouvel exemple de la fabrication de deux lettres à partir d’une seule ; Triaire no clv (pages 569‑580).

1.

Cette longueur annoncée, quand on la compare à ce qui nous en est resté, fait percevoir une fois de plus l’ampleur des amputations qu’ont subies les lettres éditées au début du xviiie s. Quatre pages (deux feuillets) représentent exactement la longueur manuscrite de la lettre dont Guy Patin entamait ici l’écriture.

2.

Nicolas Picques, marchand bourgeois de Paris, était sans relation, autre que son patronyme, avec Jacques Picques (v. note [35], lettre 345). Nicolas Picques voyageait souvent entre la France et la Bavière, transportant occasionnellement lettres et livres que Guy Patin et Charles Spon échangeaient avec leurs amis de là-bas. Il est omniprésent dans les lettres latines de Patin à Johann Georg Volckamer, qui vivait à Nuremberg. Il fut élu échevin de l’Hôtel de Ville de Paris en août 1668 pour quatre ans (v. note [3], lettre latine 459).

Dans sa lettre à Jacob Spon, datée du 12 mars 1671 (Moreau, lettre 37), Charles Patin, en exil à Strasbourg, s’est amèrement plaint de Picques :

« J’attends mes paquets avec une impatience que je ne vous puis exprimer : malheur à moi de me fier à mon père, malheur à mon père de se fier à M. Picques, malheur à M. Picques de se fier à son commis, et malheur à son commis de nous tromper tous, ce qui me fait grand tort. »

3.

V. notes [59] et [60], lettre 150.

4.

Affaire criminelle que Guy Patin avait narrée dans l’avant-dernier paragraphe de sa lettre du 10 janvier 1648 à Charles Spon. L’hôtel ou palais d’Orléans, qu’on appelait aussi le Luxembourg, est celui qui abrite aujourd’hui le Sénat.

5.

Léonard Goulas (1594-1661), seigneur de Ferrières-en-Brie, était entré en 1617 comme trésorier de la Maison du tout jeune duc Gaston d’Orléans ; en 1626, il y avait été pourvu du titre de secrétaire des commandements ; v. note [27], lettre 216, pour son amitié avec Chavigny qui détermina le duc d’Orléans à le chasser de sa Maison en septembre 1648. Il avait fait admettre son cousin germain, le mémorialiste Nicolas Goulas, comme gentilhomme ordinaire de Monsieur.

6.

Jean-Antoine de Franquetot-Barberousse, comte de Cougny, mort en 1651, maréchal de camp, gouverneur de Caen, était capitaine lieutenant des gendarmes de la reine Anne d’Autriche (Adam et Triaire).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome i, page 460, le mercredi 11 mars) :

« J’appris que […] les complices du vol de M. de La Rivière étaient découverts ; qu’un nommé Dufresne, maître d’hôtel de M. Goulas, était pris, qui confessait que lui et le valet de chambre de M. de Franquetot étaient entrés comme les bons amis du valet de chambre de La Rivière ; le valet de Franquetot, lui faisant la barbe par amitié, lui avait coupé la tête et coupé ensuite les épaules pour le faire passer par le trou du privé, et qu’ils avaient volé douze cents pistoles qu’ils avaient partagées ; mais qu’ils croyaient trouver cent mille écus. »

7.

Ham (Somme), à 20 kilomètres au nord de Noyon, était alors une place forte dotée d’un château monumental. Plus tard, la forteresse fut transformée en prison d’État, dont le plus fameux détenu a été Louis-Napoléon Bonaparte, de 1840 à 1846.

8.

Date écrite par Guy Patin dans la marge, en regard.

9.

Le prince de Galles (Londres 1630-ibid. 1686), futur Charles ii Stuart, roi d’Angleterre, était le fils aîné du roi Charles ier, que le Parlement de Londres retenait alors prisonnier dans l’île de Wight. Le jeune prince était venu avec sa mère, Henriette d’Angleterre, fille de Henri iv, chercher un asile en France. Le printemps de 1648 marquait le début de la seconde Guerre civile anglaise. Le prince de Galles ne se rendit pas en Écosse, mais gagna la Hollande en juillet pour prendre la tête de dix vaisseaux de la Navy qui avaient rejoint le camp royaliste après la Naval Revolt (mai 1648). Cette escadre ne parvint pas à débarquer en Angleterre et chassée par la flotte parlementaire, dut se retirer en Hollande au début de septembre (Plant). Après l’exécution de Charles ier (9 février 1649), le prince partit pour l’Écosse, berceau de sa famille, où ses partisans le proclamèrent roi (1651).

Vaincu par Cromwell à Worcester, il erra en fugitif à travers l’Angleterre, finit par gagner la France, où il vécut dans le dénûment, négligé par Mazarin. Il se retira ensuite à La Haye, où il fut soutenu par le secours de son oncle le prince d’Orange.

En 1660, le général Monck (v. note [2], lettre 585), profitant de la lassitude des partis, cassa le Parlement et en convoqua un nouveau, auquel il dicta le rappel de Charles qui fit son entrée à Londres le 29 mai et reprit possession du trône. La frivolité, la cupidité et le despotisme du nouveau roi l’empêchèrent d’être à la hauteur de la difficile restauration qu’il dut affronter. Marié en 1662 à l’infante Catherine de Portugal (1638-1705), Charles ii mourut sans laisser d’héritier et eut pour successeur son frère Jacques ii.

10.

« Dieu seul connaît la vérité de cette querelle » (Cicéron, v. note [9], lettre 66).

11.

Famiano (Famianus) Strada (Rome 1572-ibid. 6 septembre 1649), après être entré dans la Compagnie de Jésus, avait enseigné pendant 15 ans la rhétorique et l’éloquence au Collège romain. Il a composé des poésies latines, froides imitations des Anciens, mais son nom est resté attaché à son ouvrage historique sur la longue et opiniâtre lutte qui détacha les Pays-Bas de la domination espagnole, les deux décades de Bello Belgico [sur la Guerre de Flandre] (Rome, Francesco Corbelleti, 1632, puis ses héritiers, 1647, 2 volumes in‑4o, v. note [6] du Naudæana 4).

Pierre Du Ryer a donné une traduction française de l’ensemble (v. note [33], lettre 192). Tous ces livres, latins comme français, ont été réédités plusieurs fois. Strada s’y montre plein de partialité pour la cause de l’Espagne et du catholicisme. Le mordant Scioppius (v. note [14], lettre 79) attaqua cet ouvrage dans un injurieux pamphlet posthume intitulé Gasparis Scioppii Comitis claræ vallæ Infamia Famiani, cui adjunctum est ejusdem Scioppii de Styli Historici Virtutibus ac Vitiis Judicium, ejusdemque de Natura Historiæ et Historici Officio Diatriba, edita et cum indice copiosissimo in Infamiam, cura et industria Johannis Fabri Eloq. Prof. P. [L’Infamie de Famiani, par Caspar Scioppius, comte de Clara Valla, avec le Jugement du même Scioppius sur les vertus et les vices du style historique, et sa Diatribe sur la nature de l’histoire et la fonction de l’historien ; Johannes Faber, premier professeur d’éloquence, les a laborieusement et soigneusement édités en ajoutant un très riche index à l’Infamia] (Sorø, Georg Hantschen, 1658, in‑18) (G.D.U. xixe s. et Triaire).

12.

« on aurait vu une si grande œuvre soutenir son mérite et sa gloire. »

Alexandre Farnèse, troisième duc de Parme et de Plaisance (Rome 1546-Arras 1592) avait succédé à son père, Octave Farnèse (1520-1585). Belliqueux par nature, il fut un fougueux général qui se distingua notamment lors de la bataille de Lépante (1571). Philippe ii, roi d’Espagne (v. infra note [13]), l’avait nommé en 1578 gouverneur des Pays-Bas espagnols, aussi ne régna-t-il jamais sur ses duchés italiens. Aux côtés des ligueurs, il contra Henri iv lors des sièges de Paris (1590, v. note [24] du Borboniana 10 manuscrit) et de Rouen (1592). Son fils devint le quatrième duc de Parme sous le nom de Ranuce ii (v. note [11], lettre 650).

V. notes [8][10] du Borboniana 10 manuscrit pour un complément sur la biographie d’Alexandre : ses prétentions à la couronne du Portugal (1580), en concurrence avec Philippe ii ; ses expéditions militaires au service de la Ligue ; les circonstances de sa mort.

13.

Philippe ii d’Espagne (Valladolid 1527-l’Escurial 1598), fils de Charles Quint et d’Isabelle de Portugal, était devenu roi d’Espagne après l’abdication de son père (1555), et roi du Portugal à la mort de Henri ier (1580). Son règne a inauguré le Siècle d’or, période qui connut l’apogée de la puissance espagnole. Le traité des Pyrénées (1659) marqua la fin de cette période faste.

14.

« Voyez de Thou, au tome v des Histoires de mon temps, dans l’éloge d’Alexandre de Parme » ; livre civ, Henri iv, 1592 (Thou fr, volume 11, pages 569‑570) :

« Peu de temps après, {a} le duc de Parme, afin d’être plus à portée de faire ses préparatifs pour rentrer en France, quitta Bruxelles et se rendit à Arras. Il plaça son quartier dans l’abbaye de Saint-Vaast, où l’incommodité de sa dernière blessure jointe à son ancienne maladie et le déplaisir de voir tomber en décadence les affaires en Flandre, tandis qu’on l’obligeait à porter la guerre dans un royaume étranger, augmentèrent son mal et le réduisirent à l’extrémité. Enfin, le second jour de décembre, sentant que ses forces diminuaient : C’en est fait, dit ce prince, les remèdes sont inutiles. Le comte Côme Mazi, son secrétaire, étant alors entré et l’assurant avec joie qu’il se portait mieux : Travaillons donc, dit-il, tant que mes forces pourront le permettre ; et ayant signé pendant quelque temps des lettres, on le remit sur son lit. Jean Sarafin, abbé de Saint-Vaast, lui ayant administré l’extrême-onction sur le soir, ce prince mourut peu après, âgé de 47 ans.

Ce fut un des plus grands capitaines de notre siècle, qui joignit à la prudence, l’habileté, la vigilance, la fermeté et le bonheur, auquel contribuait encore le souvenir de la duchesse de Parme, sa mère, qui avait gouverné les Pays-Bas avec beaucoup de modération et d’équité, et dont le rappel avait causé le malheur de ces provinces. En mémoire de cette sage gouvernante, les Flamands qui avaient marqué une aversion insurmontable pour l’orgueil et la domination des autres gouverneurs espagnols, dont les succès les jetaient dans le désespoir, voyaient au contraire avec tranquillité les victoires du duc de Parme et se livraient à sa bonne foi. Les Espagnols faisaient assez éclater la jalousie que leur causait cette affection des Flamands. C’est ce qui augmenta le soupçon qu’eurent les peuples qu’il avait été empoisonné ; mais on fut convaincu du contraire à l’ouverture de son corps, et il parut que sa maladie venait du défaut des parties intérieures et qu’il ne pouvait pas vivre longtemps à cause de la faiblesse de son tempérament. Il avait rendu de grands services à l’Espagne, mais la perte de cette flotte qui avait épuisé tant de trésors les avait effacés. {b} Ses envieux répandirent le bruit qu’il n’avait pas voulu secourir cette flotte avec des vaisseaux plats, dans le temps qu’elle luttait contre les vents ; ce qui l’avait fait soupçonner de vouloir plutôt prolonger que terminer la guerre, et d’avoir conçu de la jalousie de ce qu’on avait confié à un autre {c} qu’à lui l’expédition d’Angleterre. Ses succès en France avaient en quelque façon écarté ces soupçons ; il y avait fait lever le siège de Paris et de Rouen, et s’était acquis par là une telle réputation qu’on ne croyait rien au-dessus de son habileté militaire. Il était sorti avec honneur de la lice où il était entré avec un grand roi, {d} qui n’était pas moins bon capitaine et accoutumé à vaincre. Il mourut, pour ainsi dire, dans la fleur de ses succès. On ne put jamais lui rien reprocher du côté de la fidélité pour son prince {e} ni du côté de la guerre, ce qui mit le comble à son bonheur. On lui fit une magnifique pompe funèbre à Arras. »


  1. Le 8 novembre 1592.

  2. Invincible Armada (1588, v. note [8] du Borboniana 10 manuscrit).

  3. Le marquis de Santa Cruz.

  4. Henri iv.

  5. Philippe ii.

15.

Castramétation : art d’établir les armées dans des camps.

16.

V. infra note [32].

17.

V. notes [20] et [62], lettre 150, pour les Opera de Daniel Sennert (à paraître en 1650) et pour celles de Jeremias Drexel (parues en 1647) chez Jean-Antoine i Huguetan.

18.

Érasme est mort à Bâle. Sa tombe s’y trouve toujours dans la cathédrale Notre-Dame (Basler Münster, aujourd’hui consacrée au culte protestant) avec cette inscription :

Christo servatori S.
Des. Erasmo Roterdamo, viro omnibus modis maximo, cuius incomparabilem in omni disciplinarum genere eruditionem pari coniunctam prudentia posteri et admirabuntur et prædicabunt, Bonifacius Amerbachius, Hier. Frobenius, Nic. Episcopius hæres et nuncupati supremæ suæ voluntatis vindices, patrono optimo, non memoriæ, quam immortalem sibi editis lucubrationibus comparavit, iis tantisper dum orbis terrarum stabit superfuturo, ac eruditis ubique gentium colloquuturo, sed corporis mortalis quo reconditum sit ergo, hoc saxum posuere. Mortuus est iiii. Eid. Iul. iam septuagenarius an. a Christo nato m.d.xxxvi
.

[Dédié au Christ sauveur.
Désiré Érasme, très grand homme en tout, dont la postérité admirera et proclamera l’incomparable érudition en tout genre de connaissances, jointe à une égale sagesse. Bonifacius Amerbach, son héritier, Jérôme Froben et Nicolaus Episcopius, {a} exécuteurs des dernières volontés de leur excellent maître, ont posé cette pierre, non pour son souvenir, que ses œuvres ont rendu immortel, et qui subsistera aussi longtemps que le monde existera et dont s’entretiendront les savants de tous pays, mais pour que sa dépouille y demeure en paix. Il est mort le 12 juillet de l’an de grâce 1536].


  1. Bonifacius Amerbach (1495-1562) était un humaniste bâlois.

    Jérôme Froben (1501-1563), imprimeur de Bâle, était le fils et successeur de Johann (v. note [142] des Déboires de Carolus). Nicolaus Episcopius (Bischof) était le beau-frère et associé de Jérôme.

« En général, le latin embarrassé de cette inscription [qu’on peine à traduire correctement en français] est fort peu digne du grand homme pour qui elle est faite » (François Maximilien Misson, Nouveau voyage d’Italie…, La Haye, Henry van Bulderen, 1731, tome 3, pages 95‑96). Dans l’aile nord de la nef latérale, au pied du pilier où cette épitaphe est gravée, on a enseveli un cercueil contenant deux squelettes découverts en 1928 et 1974, dont l’un est sans doute celui du grand humaniste.

19.

« et de bavarder ensemble » ; Virgile (Énéide, chant vi, vers 668‑669) :

datur ora tueri,
nate, tua, et notas audire et reddere voces
.

[Il m’est donné, mon fils, de regarder ton visage, d’entendre et d’échanger des paroles familières].

C’était l’épouse de Caspar Hofmann que Guy Patin honorait du titre de vieille Pénélope : « type de la femme irréprochable, par allusion à la fidélité que Pénélope [v. note [7], lettre latine 7] garda à son époux [Ulysse] pendant une absence de vingt ans » (Littré DLF).

En 1607, Caspar Hofmann avait épousé Maria Magdalena Busenreuth (morte en 1656), fille du juriste et médecin allemand Johannes Busenreuth (1548-1610) ; le couple avait donné naissance à six filles (Éloy et Manfred H. Grieb, Nürnberger Künstlerlexicon…, K.G. Saur, Munich, 2007).

20.

François ii Patin, v. note [19], lettre 106.

Nimègue, ville de Gueldre, à l’est des Provinces-Unies, tout près de la frontière d’Allemagne, avait été rattachée au Saint-Empire jusqu’en 1579.

21.

Rotterdam, située à une vingtaine de kilomètres au sud-est de La Haye, était déjà le plus grand port des Provinces-Unies, en Hollande méridionale, sur l’estuaire conjugué de la Meuse et du Rhin. Elle tirait aussi sa gloire d’avoir vu naître Érasme.

22.

Mort en 1609, Joseph Scaliger a été enterré dans la Vrouwekerk [église Notre-Dame], temple wallon où il avait coutume de venir suivre le culte. On y fit édifier un monument à sa mémoire avec cette inscription :

Deo opt. max. sacrum et æternæ memoriæ Josephi Iusti Scaligeri Iul. Cæs. a Burden f. principum Venronensium nepotis viri qui invicto animo una cum parente heroe maximo contra fortunam adsurgens ac ius suum sibi persequens imperium maioribus ereptum ingenio excelso labore indefesso eruditione inusitata in litteraria rep. quasi fataliter recuperavit sed præsertim eiusdem modestiæ quod sibi fieri vetuit iidem qui in urbem hanc vocarunt curatores academiæ ac urb. coss. hoc in loco monumentum P.E.L.C. Ipse sibi æternum in animis hominum reliquit.

[Dédié au Dieu suprême, le tout-puissant, et à la mémoire éternelle de Joseph-Juste Scaliger, fils de Jules-César de Burden, descendant des princes de Vérone. Avec son père, ce héros très grand, il s’est élevé, d’un esprit invincible, contre le destin et a revendiqué son droit. Ainsi, par son génie supérieur, par ses efforts inlassables et par son érudition exceptionnelle, il a regagné dans la république des lettres, comme si le destin l’avait voulu, la domination qui avait été arrachée à ses ancêtres. Mais ce monument a été dédié surtout à sa modestie. Les curateurs de l’Université et les bourgmestres de la cité qui l’ont appelé dans cette ville, ont également voulu faire ériger ici le monument que lui-même avait défendu d’élever pour lui. Lui-même a laissé son souvenir éternel dans les esprits des hommes].

La Vrouwekerk a été démolie en 1819, mais le monument a été transporté dans une autre église de la ville, la Pieterskerk (H.J. de Jonge, Daniel Heinsius, auteur de l’inscription sur l’épitaphe de Joseph Scaliger [Humanistica Lovaniensia, Leuven University Press, 1978, volume xxvii, pages 231‑237]).

23.

« parce que tout espoir de paix s’est envolé ».

24.

« comme il est vrai que nul ne peut garantir cette sécurité, je ne voyagerai pas à l’étranger. »

25.

Chrestomathies physiologiques, v. note [13], lettre 150.

26.

Le Discours sceptique sur le passage du chyle et sur le mouvement du cœur, où sont touchées quelques difficultés sur les opinions des veines lactées et de la circulation du sang (Leyde, Jean Maire, 1648, in‑12) est une longue lettre (154 pages) adressée à M. Du Prat (v. infra note [27]), docteur en médecine, signée S.S. (Samuel Sorbière ?), et datée de Leyde, le 15 octobre 1647. Le propos est annoncé au début :

« Vous avez souvent demandé que je vous fisse un sommaire des raisons que notre ami commun {a} apportait contre le passage du chyle par les veines lactées et contre la circulation du sang par les artères. […] mais je crains de ne pas satisfaire à votre attente, y ayant plusieurs belles raisons qui me peuvent être échappées de la mémoire, et même notre ami en ayant trouvé, depuis que je ne l’ai vu, quantité d’autres qui lui font suspendre son jugement sur cette matière. Je ne vous rapporterai donc pas les pensées qu’il a maintenant, mais les discours desquels il nous entretint un jour que M. de Martel {b} et moi le visitâmes, et que nous le mîmes sur la question de la manière en laquelle se fait la nourriture des animaux. »


  1. Probablement Pierre Gassendi, s’il n’est pas lui-même l’auteur du Discours (v. infra note [28]), car y est relatée (pages 40‑41) l’observation des veines lactées du mésentère lors de la dissection d’un pendu qu’il a menée en 1634 avec Nicolas-Claude de Peyresc (pages 282‑283 de sa Vita [Vie], écrite par Gassendi, Paris, 1641, v. note [10], lettre 60).

  2. Thomas de Martel, v. notule {a}, note [43], lettre 246.

La découverte des voies du chyle et de la lymphe a été un grand débat médical du xviie s. : comme celle du sang, elle ébranla les convictions physiologiques erronées héritées de l’Antiquité.

Au temps de Patin, le dogme était que le chyle gagne directement le foie, en passant par les veines du mésentère, pour participer à la formation du sang (sanguification, v. note [1], lettre 404). Les découvertes des chylifères mésentériques, par Gaspare Aselli (1622, v. note [10], lettre latine 15), puis des voies du chyle, par Jean Pecquet (janvier 1651, v. note [15], lettre 280), suivi par Thomas Bartholin et Jan van Horne (1652), et Olaüs Rudbeck (1653, v. note [4], lettre 337), mirent au jour une réalité bien différente : les chylifères et les vaisseaux lymphatiques émanant de la partie inférieure du corps se rejoignent dans un réservoir, qui porte aujourd’hui le nom de citerne de Pecquet, située entre les deux glandes surrénales. Constante chez le chien, où il l’a découverte, elle n’est présente que chez un tiers des humains. Il en naît un collecteur principal, le canal thoracique, qui monte le long de la colonne vertébrale pour gagner la veine subclavière (située sous la clavicule) gauche, après avoir reçu la lymphe de la partie supérieure gauche du corps ; la lymphe émanant de sa partie supérieure droite se draine directement dans la veine subclavière droite par l’intermédiaire du canal lymphatique droit. Le chyle et la lymphe se déversent dans le sang en amont du cœur pour se répandre dans les poumons puis, mêlé au sang artériel, par tout le reste du corps et participer à l’économie générale de l’organisme. De fait, le foie en est le centre métabolique principal, mais pour l’assimilation du chyle, il intervient en seconde et non première ligne comme on l’avait pensé avant les découvertes du xviie s. Le foie ne transforme pas le chyle en sang.

Pecquet avait fait son observation fondamentale en 1647 : en disséquant un chien vivant, il rencontra près de la veine cave un suc lactescent qu’il prit d’abord pour du pus ; mais comme toutes les autres parties étaient saines et que cette humeur ne se rencontrait qu’aux côtés de la veine cave, il présuma que ce pouvait être du chyle. En examinant les choses de plus près, il trouva dans les vaisseaux des ouvertures par lesquelles suintait cette humeur, mais il ne put encore reconnaître d’où elle provenait. Une autre fois, ayant ouvert un chien environ une heure après lui avoir donné à manger, il découvrit enfin le tronc commun des vaisseaux lactés et lymphatiques qui semblait monter sur le flanc gauche de la colonne vertébrale le long de l’œsophage jusqu’à la troisième vertèbre cervicale et qui se terminait dans les deux veines subclavières (mais dans la seule subclavière gauche chez les humains).

Sprengel (tome 4, pages 207 et suivantes) :

« Ayant appliqué la ligature sur ce canal, il le vit se tuméfier au-dessous et se vider au-dessus. Par la suite, il étudia plus soigneusement la marche des vaisseaux lymphatiques {a} et trouva qu’aucun ne se porte au foie, mais que tous se rendent dans un réservoir commun situé le long des vertèbres lombaires entre les capsules surrénales et que, de là, le chyle se porte dans le canal thoracique et dans la veine subclavière. {b} Cette découverte extrêmement importante de la route suivie par le chyle pour arriver au torrent de la circulation détruisit l’ancienne doctrine de la préparation du fluide sanguin par le foie et suscita dans tous les systèmes de médecine une révolution que la grande découverte d’Harvey n’avait point encore pu opérer. Certainement la découverte de Pecquet ne brille pas moins dans l’histoire de notre art que la vérité démontrée pour la première fois par Harvey. {c} Nul doute non plus que cette dernière n’aurait point eu une influence aussi puissante si elle n’eût pas été accompagnée de l’autre ; mais la découverte de Pecquet trouva, comme on doit bien s’y attendre, autant de contradicteurs que celle d’Harvey et ne fut pas moins vivement combattue, jusqu’à ce qu’enfin tous les préjugés se dissipèrent. »


  1. Les veines lactées (chylifères) du mésentère.

  2. Ce circuit ne concerne que la partie graisseuse (lipidique) du chyme. Ses autres composantes (glucides ou sucres et protides ou acides aminés) gagnent directement le foie par le réseau veineux porte (v. notule {b}, note [18] de Thomas Diafoirus et sa thèse).

    Réunie au chyle (ou indépendamment de lui, pour la partie supérieure droite du corps), la lymphe ne se dirige pas vers le foie : elle est recueillie par les grosses veines situées à la base du cou pour gagner le cœur droit, puis traverser les poumons, avant de passer dans le réseau artériel, qui la distribue au foie et aux autres organes. Tous les secrets de cette autre circulation n’ont sans doute pas encore été mis au jour.

  3. Publiée en 1628, v. note [12], lettre 177. William Harvey a plus tard fait partie des opposants à l’écoulement du chyle séparément du sang (v. note [1], lettre latine 45).

Il fallut attendre 1656 (admirable Adenographia de Thomas Wharton, v. note [17], lettre latine 78) et traverser bien des querelles entre anatomistes quant à la priorité de leurs découvertes pour parvenir à un accord général sur la communauté des voies de la lymphe et du chyle, et ôter ainsi au foie sa couronne d’organe premier de leur recueil et de la sanguification : puisque le chyle parvenait d’abord à la veine cave supérieure et au cœur, et que la circulation du sang le propageait dans tout le corps avant de l’amener au foie, il devenait difficile, sinon impossible de croire que le foie fût le centre où les aliments digérés se transforment en sang, car il y manquait les graisses véhiculées par le chyle. Le cœur reçut alors sa couronne ; mais à tort, car on a découvert depuis que les cellules sanguines se forment dans la moelle des os.

Dans toute cette émulation scientifique, Jean ii Riolan se posa en défenseur obstiné et complètement dépassé des idées antiques. En 1653, cela exaspéra tant Thomas Bartholin qu’il publia une mordante « épitaphe du foie » (v. note [19], lettre 322), organe déchu des deux fonctions essentielles qui l’avaient établi en gouverneur de l’économie corporelle : la fabrication et la distribution du sang à toutes les parties du corps.

Pour en revenir au Discours sceptique…, son auteur cultivait l’idée, médicalement aberrante, que le canal « cholidoche » (conduit de la bile, cholédoque) devait être renommé « chylodoche » (conduit du chyle) parce qu’il servirait plus à sucer le chyle contenu dans l’intestin, pour l’amener au foie, qu’à recueillir la bile produite par le foie, pour l’amener dans l’intestin (au niveau de son premier segment, le duodénum, ce qui est sa fonction réelle). La démonstration des vaisseaux lactés du mésentère par Aselli (1622) contraignait l’auteur à supposer, comme lui, qu’ils se déverseraient dans la pancréas, lequel digérerait le chyle avant de l’envoyer au foie ; sans pourtant que l’auteur parvînt à s’en convaincre et abandonnât tout à fait son absurde « chylodoque ». La seconde partie est une critique ridiculement sceptique et stérile de la circulation du sang décrite par William Harvey, où la discussion sur le septum du cœur (pages 82‑83) m’a convaincu que l’auteur était Gassendi : elle relate les mêmes faits que sa première référence citée dans la note [28] infra.

27.

Abraham Du Prat (1616-4 mars 1660), fils d’un pasteur protestant d’Orthez (Pyrénées-Atlantiques), exerçait la médecine à Lyon depuis 1646. Fréquemment de passage à Paris, il appartint au cercle des savants qui se réunirent autour de Gassendi et de Montmor (v. note [13], lettre 337) en 1653-1655, puis à l’Académie montmorienne (à partir de 1657), dont il établit les règles avec son ami Samuel Sorbière. Jouissant apparemment aussi de la cordiale bienveillance de Charles Spon et de Guy Patin, Du Prat fut, aux côtés de Sorbière et d’autres, un fervent défenseur de Jean Pecquet et de sa voie du chyle. Il a publié les :

Institutions anatomiques de Gasp. Bartholin, {a} docteur et professeur du roi du Danemark, augmentées et enrichies pour la seconde fois, tant des opinions et observations nouvelles des Modernes, dont la plus grande partie n’a jamais été mise en lumière, que de plusieurs figures en taille-douce, par Thomas Bartholin, docteur en médecine, fils de l’auteur ; et traduites en français par Abr. Du Prat, docteur en médecine. {b}


  1. V. note [1], lettre 306.

  2. Paris, Mathurin et Jean Hénault, 1647, in‑4o.

28.

Sur la page de titre de l’exemplaire du Discours sceptique… conservé à la BIU Santé, un dénommé Le Prince, peut-être inspiré par ce passage de Guy Patin, a écrit à la plume « Trad. de Gassendi par Sorbière » : ce qi est solidement étayé par mon analyse de cet ouvrage (v. supra note [26]).

Pierre Gassendi s’est en effet mêlé de la circulation du sang et des voies du chyle, mais ses opinions étaient à l’opposé de celles que défend ingénument ce petit livre. Pour la circulation du sang, on les lit dans au moins trois textes de Gassendi.

  1. Le chapitre xvii (pages 133‑136) de la troisième partie de son Epistolica exercitatio, in qua Principia Philosophiæ Roberti Fluddi Medici reteguntur… [Essai épistolaire, où sont mis à nu les principes de la philosophie du médecin Robert Fludd (v. note [15] du Patiniana I‑4)…] (Paris, Sébastien Cramoisy, 1630, in‑8o) est intitulé Ubi, occasione Harvei, et de septo Cordis intermedio [Où, à propos d’Harvey, il est question de la cloison médiane du cœur], avec ce récit :

    Enarrabo quod ipse vidi. Cum Aquis-Sextijs degerem, quoties Dissectio celebrabatur, inteream frequens theatro Anatomico. Constanter autem pluribus annis observaram dissectores, dum cor haberent præ manibus, tentare ferro obtusiusculo, quod spathulam vocant, ipsius septi penetrationem, concludereque cum Medicis transmissionem sanguinis e dextro sinu in lævum debere per transudationem insensibilem fieri. At cum disputari contingisset ante octo annos de professione Anatomes, adfuit inter Antagonistas chirurgus industrius, nomine Payanus, qui rem secus esse spectantibus nobis demonstrare voluit. Is itaque spathulam usurpans, mediastinum cordis penetrare aggressus est. Id vero tentavit non recta, ut alij : sed extremo primum ferro subingresso (mille siquidem januæ, quæ septi est textura, patent) progressum fecit levissime ; quippe ferrum rursum, deorsum, et ad latera patientissime contorquendo, exploravit semper ulteriorem aditum. Quid moror ? facta demum est lævum usque sinum penetratio. Cæterum autem, quia nos causabamur factam fractionem aliquam ; jussit ipse novacula ferrum usque, septum incidi. Sectione facta, nihil prorsus fuisse temeratum deprehendimus : sed meatum solum, seu canalem observavimus (etsi per varios quasi meandros, et cuniculos circumductum) membranula tenuissima, politissimaque intectum.

    [Je raconterai ce que j’ai moi-même vu. Quand j’habitais à Aix-en-Provence, je me rendais très souvent à l’amphithéâtre anatomique, presque chaque fois qu’on y pratiquait une dissection. Pendant plusieurs années, j’y avais constamment observé que le opérateurs, quand ils avaient le cœur entre les mains, tentaient de franchir sa cloison médiane avec cette sonde métallique émoussée qu’ils appellent une spatule, et concluaient, avec les médecins, que le passage du sang de l’oreillette droite dans la gauche devait se faire par transsudation. Toutefois, quand il advint, voilà huit ans, une dispute sur l’enseignement de l’anatomie, se présenta, parmi les protagonistes, un habile chirurgien, dénommé Payan, qui voulut, sous nos yeux, démontrer le contraire de ce que nous croyions. Prenant une spatule, il entreprit ainsi de franchir la cloison médiane du cœur. Au lieu de prendre le droit chemin, comme faisaient les autres, il introduisit précautionneusement l’extrémité de la sonde (puisque la texture du septum présente mille entrées) et se mit à progresser très doucement, en tournant alternativement l’instrument vers le haut, vers le bas et sur les côtés, très patiemment et en suivant toujours le dernier passage qu’il avait trouvé ; sans surprise, il finit par le faire pénétrer dans l’oreillette gauche. En outre, pourtant, parce que nous arguions du fait qu’il avait créé quelque effraction, il nous invita à inciser le septum avec un couteau jusqu’à l’emplacement de la sonde, et cela fait, nous constatâmes qu’il ne l’avait en rien endommagé : nous n’y vîmes qu’un seul passage ou canal (quoiqu’il fût entouré de diverses galeries semblables à des méandres), bordé par une petite membrane, très fine et très lisse].

  2. Un court mémoire intitulé Petri Gassendi elegans de septo cordis pervio Observatio [Observation remarquable de Pierre Gassendi sur le passage qui se trouve dans la cloison du cœur], qu’on trouve dans un recueil de physiologie sans titre général, publié à Leyde (Franciscus Hegerus, 1640, in‑12) relate les mêmes faits.

  3. Un traité plus volumineux, intitulé Excerptum posterius, de pulsu et respiratione animalium, in quo inter cetera disseritur, de sanguinis circulatione [Second extrait, sur le pouls et la respiration des animaux, où il est entre autres traité de la circulation du sang], se trouve dans l’Appendix du tome ii (pages 345‑364) des Petri Gassendi Animadversiones… sur Épicure (Lyon, 1649, v. note [1], lettre 147). Dans une démarche opposée à celle de Descartes, Gassendi y met une longue litanie d’arguments spécieux au service d’une réfutation bancale de la brillante démonstration d’Harvey.

Dans sa première lettre de 1641 (v. notes [18], lettre 192, et [7], lettre 311), Jan de Wale (Walæus ou Vallæus) a aimablement battu en brèche cette observation de Gassendi (traduction française d’Abraham Du Prat, 1647, page 599) :

« L’illustre Monsieur Gassend, personnage à qui son érudition solide, et la sincérité et candeur extraordinaire donnent beaucoup de crédit et d’autorité parmi les doctes, rapporte en son Exercitation sur la Philosophie de Flud, partie 3, chapitre 17, qu’il a vu montrer à {a} Payan la paroi entre-moyenne {b} du cœur percée par divers labyrinthes, et par des sinuosités tortueuses ; et que l’on les peut trouver si, en mettant doucement la sonde dans une petite fosse, on la tourne patiemment en haut, en bas et aux côtés, et qu’on cherche en cette sorte un chemin plus avant, jusqu’à ce que vous en trouviez l’extrémité. En effet, nous avons expérimenté que cela nous a souvent bien réussi ; mais nous avons aussi remarqué que ces chemins tortueux n’ont point été faits par la nature, mais par la sonde ou la pointe du couteau lorsque nous ouvrons le chemin qui est fait et que nous en cherchons un autre plus avant, car la chair du cœur est si tendre et consistante aussi qu’elle se rompt incontinent au moindre attouchement de ce qui la perce, et laisse une cavité ; d’où vient que nous avons pu trouver par ce moyen les côtés du cœur ouverts. » {c}


  1. Sic pour « par ».

  2. Médiane.

  3. De fait, en forçant habilement le passage à l’aide d’une spatule, le rusé Payan rouvrait le trou (foramen) ovale de Botal qui, durant la vie embryonnaire, permet au sang de passer de l’oreillette droite dans l’oreillette gauche.

Dans ses Notationes in tractatum clarissimi D.D. Petri Gassendi, Mathematices professoris Regii in Academia Parisiensi, de circulatione sanguinis [Remarques sur le traité du très illustre Pierre Gassendi, professeur royal de mathématiques en l’Université de Paris, sur la circulation du sang] (Opuscula anatomica, 2e série, 1652, v. note [30], lettre 282), Jean ii Riolan a plus durement mordu Gassendi (pages 95‑96) :

Quam quisque norit artem, in hac se exerceat, nec falcem in alienam messem iniiciat. Felices artes Plato et post eum Tullius iudicarunt si a peritis tantum Artificibus tractarentur. Quum igitur nullus Philosophus, quanrtumvis eximius, perite, et exacte queat de Circulatione Sanguinis disserere, nisi fuit Medicus, et peritus Anatomicus ; mirum non est, Si Doctissimus Philosophus, ac præstantissimus Mathematicus, D. Gassendus, in explicanda suo more Circulatione Sanguinis, multum aberrarit, ne dicam hallucinatus fuerit,

―――――――――― Quod Medicorum est
Promittant Medici, tradent fabrilia fabri.

Non suscepissem illius tractatum examinaren nisi ipsemet hanc libertatem concessisset In editione Gallica, et in appendice p. 312. tomo 2. de doctrina Epicurea, his verbis, Quod spectat ad Sanguinis Circulationem, ea mihi potius sic arridet, ut perparum absit, quin habeam indubiam. Etenim, est aliquid etiam, quod ipse mihi ad meas illas difficultates respondeo, tametsi non ita mihi satisfacio, quin sperem mihi maiorem quandam ab aliquo alio affulsuram lucem. Ideoque amicas notationes apponam, ut eius votis respondeam. Coactus etiam fui istas exarare, ne Circulationi Sanguinis Harveianæ refutatio, meæ Circulationi umbram, et offendiculum adferret : ex utriusque commemoratione discrimen innotescet.

[Quiconque connaît son métier, s’y applique sans relâche et ne va pas jeter sa faux dans la moisson d’un autre. Platon et, après lui, Cicéron on jugé les arts heureux s’ils n’étaient pratiqués que par des artistes accomplis. Puisque nul philosophe, si éminent soit-il, n’a la capacité de disserter avec art et exactitude sur la circulation du sang s’il n’est ni médecin ni habile anatomiste, il n’est donc pas surprenant que Me Gassendi, très savant philosophe et très brillant mathématicien, se soit fort égaré, pour ne pas dire qu’il ait divagué, en expliquant cette question à sa mode.

―――――――――― Quod medicorum est
Promittunt medici ; tractant fabrilia fabri
. {a}

Je n’entreprendrais pas d’examiner son traité si lui-même ne m’avait accordé cette liberté dans l’édition française de sa Doctrina Epicurea, dans l’appendice du tome ii, page 312., par ces mots : « Pour ce qui touche à la circulation du sang, elle me porte plutôt à sourire, tant je suis près de la tenir pour indubitable. Le fait est bien que quelque chose me permet d’apporter tout de même une réponse à mes difficultés, bien que cela ne me satisfasse pas au point de ne pas espérer que quelqu’un d’autre y fasse un jour briller une plus grande clarté. » {b} Je présenterai donc des annotations amicales pour répondre à son vœu. J’ai même été forcé de les écrire pour que sa réfutation de la circulation harvéenne du sang ne porte d’ombre sur ma propre circulation et n’y fasse obstacle ; nos divergences se apparaîtront en comparant nos deux manières de voir].


  1. « Les médecins répondent de ce qui concerne la médecine ; les ouvriers, des choses de leur métier » (Horace, v. note [44] du Procès opposant Jean Chartier à Guy Patin).

  2. Page 312, milieu de la première colonne, de la référence 3 citée ci-dessus.

29.

V. notes [18], lettre 192, pour ce qui allait devenir le Liber de Circulatione sanguinis et [25], lettre 146, pour l’Anthropographie (Opera anatomica vetera…) de Jean ii Riolan, à paraître en 1649.

30.

Fortunio Liceti a traité de la circulation du sang dans son quatrième recueil de De quæsitis per epistolas… [Réponses par lettres au sujet de recherches…] (1647 ; v. note [70], lettre 150). Voici ce qu’en a dit Sprengel (tome iv, pages 111‑112) :

« S’il était encore nécessaire de prouver combien peu la théorie est en état de décider sur l’exactitude des faits et des résultats qu’on en tire, Fortuné Licet nous en donnerait un exemple frappant. Il s’était figuré que les parties similaires {a} ou simples ne peuvent être nourries que par le sang artériel, et que le sang veineux seul est susceptible de servir à la nutrition des parties grossières. C’est pourquoi il croyait qu’une portion du sang passe de la veine cave dans le ventricule pulmonaire {b} pour retourner ensuite dans cette même veine, et que l’autre est portée par la veine coronaire {c} au ventricule aortique ; {d} d’où, après avoir été élaborée et mélangée avec les esprits vitaux, elle se trouve chassée dans l’aorte. Le résidu du sang qui a nourri les organes revient au cœur, en partie par la veine cave et en partie par l’aorte. C’est pourquoi {e} il est nécessaire que l’abouchement des gros vaisseaux dans le cœur soit garni de valvules ; mais celles-ci ne ferment point complètement le ventricule. Licet confond aussi la valvule mitrale avec les valvules sigmoïdes de l’aorte. Il exposa d’abord cette hypothèse avec les plus grands détails dans une lettre à Thomas Bartholin et ensuite, il lui consacra un traité particulier. Bartholin éleva des doutes très fondés contre elle car il objecta que les valvules s’opposent à ce mouvement de flux et de reflux, et qu’il est fort peu vraisemblable que le même vaisseau serve à porter le sang au cœur et à l’en éconduire. Riolan lui-même trouva cette théorie complètement ridicule. »


  1. V. note [7], lettre 270.
  2. Ventricule droit.

  3. Veine qui draine le sang venu des artères coronaires, nourricières du cœur.

  4. Ventricule gauche.

  5. Selon Liceti.

V. la lettre de Sorbière à Mazarin, pour une explication complète de la circulation du sang.

31.

Philibert Morisset, natif de Beauvais (vers 1594), avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1627, après avoir été en 1626 l’un des dix compagnons de licence de Guy Patin, son compatriote et ancien camarade de collège (Vuilhorgne, page 34). Morisset fut doyen de la Faculté de novembre 1660 à novembre 1662. Ses excès d’autorité lui valurent bien des déboires dont les lettres de Guy Patin ont largement fait état en leur temps. Il mourut le 6 octobre 1678.

V. note [20], lettre 151, pour la thèse de Morisset (candidat Armand-Jean de Mauvillain) sur le thé.

32.

Ce présent du libraire lyonnais Pierre Ravaud à Guy Patin, déjà mentionné au début de la lettre, n’était pas une de ses récentes productions, mais sans doute un livre qu’il tirait de sa bibliothèque personnelle :

Polyanthea. Hoc est Opus suavissimis floribus celebriorum sententiarum tam Græcarum quam Latinarum, exornatum, quos ex innumeris fere cum sacris tum prophanis, iisque doctissimis authoribus et vetustioribus et recentioribus summa fide collegere ad communem studiosæ iuventutis utilitatem eruditissimi viri, Dominicus Nanus Mirabellius, atque Bartholomæus Amantius L.L. Doctor. Quid hoc in opere nunc præstitum, et quo consilio hi authores coniunctim nunc edantur : quantumque hæc editio alias hactenus editiones omnes superet, ex primo insequenti epistola cognosces, in qua et de eius utilitate et ordine quædam offendes.

[Polyanthea : {a} ouvrage orné des fleurs les plus suaves des citations les plus célèbres, tant grecques que latines, que, pour servir la jeunesse studieuse, les très érudits Dominicus Nanus Mirabellius et Bartholomæus Amantius, {b} docteur ès arts, ont recueillies avec absolue fidélité, des plus savants auteurs sacrés et profanes, tant anciens que récents. La première épître qui suit fera connaître ce qui est maintenant présenté dans ce livre, dans quelle intention ces auteurs le publient aujourd’hui ensemble et à quel point cette édition surpasse toutes les précédentes ; on y trouvera aussi la manière de l’employer et son plan]. {c}


  1. Florilège, anthologie.

  2. Dominicus Nanus Mirabellius (Domenico Nani Mirabelli), natif d’Alba (Piémont), mort après 1528, et Bartholomæus Amantius (Bartolomeo Amantio, 1505-1576) ne sont connus que par les multiples parutions du Polyanthea.

  3. Cologne, Maternus Cholinus, 1567, in‑fo de 1 019 pages, pour une des éditions.

    Le titre de l’originale (Venise, 1507) est : Polyanthea, opus suavissimis floribus exornatum, compositum per Dominicum Nanum Mirabellium, civem Albensem artiumque doctorem, ad communem utilitatem… [Polyanthea, ouvrage orné des fleurs les plus suaves par Dominicus Nanus Mirabellius, citoyen d’Alba et docteur ès arts, pour l’usage de tous…].


33.

« à moins d’un Deus ex machina [que Dieu ne me soit apparu comme en sortant d’une machine]. »

Deus ex machina : « c’est proprement l’intervention d’un dieu descendu sur la scène au moyen d’une machine et au figuré, le dénoûment plus heureux que vraisemblable d’une situation tragique. Dans les tragédies antiques, il arrivait fréquemment que la catastrophe se dénouait tout à coup, a la complète satisfaction des spectateurs, au moyen d’un dieu qu’une machine faisait subitement descendre du ciel sur le théâtre. Dans nos pièces modernes, le notaire qui apporte un héritage, l’oncle d’Amérique revenant juste à temps pour tirer d’embarras son neveu ou sa nièce, voilà ce qui remplace le Deus ex machina » (G.D.U. xixe s.).

William Harvey, dans sa Seconde réponse à Jean Riolan (De Motu cordis, pages 211‑214 ; v. note [12], lettre 177) a fait un usage fort heureux de l’expression dans le débat sur la circulation du sang :

« pour ce qui concerne les esprits, leur nature, leur corps, leur connaissance, leur union ou leur séparation avec le sang et les parties solides, il y a tant d’opinions et elles sont si variées qu’il ne faut pas s’étonner que, par un subterfuge de commune ignorance, on explique tout par les esprits dont on ne connaît nullement la nature. En effet, les ignorants, lorsqu’ils ne savent pas expliquer un phénomène, disent aussitôt qu’il est produit par les esprits et introduisent partout les esprits comme agents universels. Ils font comme les mauvais poètes qui, pour le dénoûment et la catastrophe finale de leurs pièces, font venir en scène le Deus ex machina. »

34.

La Conciergerie était la prison du Palais de justice de Paris. Reconstruite par saint Louis, son nom est venu de ce qu’elle était alors le logement du concierge (puis concierge bailli) du Palais, dont les fonctions étaient celles de gouverneur de la Maison royale, qui incluaient la garde des prisonniers de la Couronne. Quand le roi Charles v cessa d’habiter au Palais, la Conciergerie ne fut plus qu’une prison. Le bâtiment se signale toujours par ses trois imposantes tours rondes, qui sont d’est en ouest : la tour de César ou tour de Montgomery, la tour d’Argent, et la tour Bombée ou Bonbec, la plus grosse.

35.

« et sur qui un mauvais conte court par la ville ». Lædit te quædam mala fabula, qua tibi fertur [Il court sur toi un mauvais conte qui te fait du tort] (Catulle, Poèmes, lxix, vers 5).

36.

Antoine, chevalier de Roquelaure (1620-1er décembre 1660), était le 11e fils du maréchal Antoine de Roquelaure, le cinquième de son second mariage avec Suzanne de Bassabat. En 1626, à l’âge de six ans, on avait obtenu pour Antoine dispense de minorité au grand prieuré de l’Ordre de Malte à Toulouse.

Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, pages 385‑387) a raconté ses scandaleuses aventures :

« Le chevalier de Roquelaure est une espèce de fou, qui est avec cela le plus grand blasphémateur du royaume ; on dit qu’il s’est un peu corrigé. À Malte, il fut mis dans un puits où on le laissa quelque temps par punition. À l’armée navale, le comte d’Harcourt fut sur le point de le faire jeter dans la mer avec un boulet au pied. Cela ne le rendit pas plus sage car, quelques années après, {a} ayant trouvé à Toulouse des gens aussi fous que lui, il dit la messe dans un jeu de paume, communia, dit-on, les parties honteuses d’une femme, baptisa et maria des chiens, et fit et dit toutes les impiétés imaginables. On en avertit la justice : on y fut, mais ils se défendirent ; enfin, pourtant, il fut pris. Quelques jours plus tard, il corrompit le geôlier moyennant 600 pistoles. Le geôlier se sauva avec lui, dont mal lui prit car le chevalier lui prit son argent et le renvoya comme un coquin. On les suivit et le chevalier fut repris. Son frère aîné ne perdit point de temps et obtint une évocation à Paris ou, pour mieux dire, une jussion de ne passer point outre. Cela lui sauva la vie. {b} Voilà le chevalier à Paris qui, au lieu de se retirer ou, du moins, de vivre modestement, se promenait à la vue de tout le monde, ne bougeait du cabaret et menait toujours sa vie ordinaire. Quelques dévots {c} représentèrent à la reine {d} que sa régence ne prospérerait point si elle laissait ce sacrilège impuni. On donne donc ordre, à l’insu du cardinal Mazarin, au prévôt de l’Île {e} de prendre le chevalier ; ce qu’il fit {f} non sans y perdre ses archers ; et du côté du chevalier, Biran, un de ses frères, grand gladiateur, y fut fort blessé. On le mena à la Bastille où il fut assez longtemps. Le cardinal assura le marquis de la vie de son frère ; car, pour la prison, ses parents eussent été ravis qu’on l’y eût tenu à perpétuité. À la cour, on murmurait de cette sévérité et les femmes mêmes disaient tout haut “ qu’on n’avait jamais vu arrêter un homme de condition pour des bagatelles comme cela. ” Mme de Longueville était de ce nombre. Après, il fut mené à la Conciergerie et on parla tout de bon de lui faire son procès. En ce temps-là, comme quelqu’un lui disait qu’il courait fortune et qu’il avait Dieu pour partie, il répondit : “ Dieu n’a pas tant d’amis que moi dans le Parlement. ” Quoiqu’il eût bien des témoins, on ordonna pourtant qu’il < en > serait plus informé, et cela peut-être pour lui donner le temps de faire évader les témoins ; mais le chevalier trouva que le plus sûr, sans doute, était de s’évader lui-même. La femme du geôlier, nommée Dumont, qui était une grande coquette, à qui souvent les prisonniers donnaient les violons, devint amoureuse de lui. Il se consolait avec elle tout doucement ; il la gagna et elle fit faire un trou par lequel il se sauva {g} au bout d’un an de prison. On dit qu’il jouait au piquet avec le gros La Taulade, qui était là pour dettes, quand on lui vint dire à l’oreille que le trou était fait ; il ne se le fit pas dire deux fois et fit semblant d’aller dire un mot à quelqu’un. Le trou avait été fait dans un cabaret qui répondait au mur de la Conciergerie. Le chevalier sort ; La Taulade, las de l’attendre, alla voir pourquoi il était si longtemps ; il trouva le trou ; l’occasion lui sembla belle, il voulut en faire autant ; mais il n’y put jamais passer : la mesure n’avait pas été prise pour lui. Le lendemain de l’évasion du chevalier il arriva douze témoins contre lui ; il en avait peut-être eu avis, et c’est apparemment ce qui obligea son amante à ne pas différer davantage. On la prit avec son mari et on la mena au Châtelet. Je pense qu’il n’y a pas eu de preuve contre elle ; pour moi, je le lui aurais pardonné à cause de sa générosité, car elle avait mieux aimé se priver d’un homme qu’elle aimait que de le voir prisonnier. Il revint à un an de là et on ne lui dit plus rien. C’est un assez plaisant robin : il appelle son beau-frère, de Balagny, le cocu. On ne se fâche point de tout ce qu’il dit. On croit qu’il a été amoureux de Mme la Princesse ; {h} il lui disait tout ce qu’il lui plaisait ; et un jour qu’elle avait les bras dans le lit : “ Je pense, dit-il, Madame, que vous vous congratulez. ” Il la suivit à Bordeaux, {i} mais il ne l’a pas suivie en Flandre. Il dit plaisamment, quand M. de Luynes, le janséniste, envoya demander dispense pour épouser sa tante, Mlle de Montbazon : “ Des gens de notre religion ne voudraient pas faire cela. ” – Il était tout mélancolique, disait-il, de ce qu’on lui avait défendu de chanter la messe. – Une fois il disait : “ Je viens de ce bordel de la maréchale de Roquelaure. ” Elle lui disait : “ Chevalier, je suis toute triste, faites-moi rire. ” Il lui disait cent extravagances. – Un jour, Romainville, illustre impie, son ami, était à l’extrémité ; un cordelier vint pour le confesser. Le chevalier prend un fusil et couchant le père en joue, lui dit : “ Retirez-vous, mon père, ou je vous tue : il a vécu chien, il faut qu’il meure chien. ” Cela fit tellement rire Romainville qu’il en guérit. Cependant le chevalier se confessa à quelques années de là, et mourut comme un autre homme en disant qu’il ne craignait que de ne pas avoir assez de temps pour se bien repentir. – Il avait les jambes fort enflées et il disait : “ Je les veux léguer à Laverdens. ” C’est un gros frère qu’il avait. »


  1. En février 1646.

  2. Car il s’agissait dun crime capital.

  3. Dont Vincent de Paul (v. note [27], lettre 402).

  4. Anne d’Autriche.

  5. V. note [27], lettre 295.

  6. En avril 1646.

  7. Dans la nuit du 15 au 16 mai 1648.

  8. La princesse de Condé, Claire-Clémence de Maillé, épouse du Grand Condé.

  9. En 1650.

Le chevalier de Roquelaure fit encore un peu parler de lui : en mai 1650, il eut un duel où il y eut mort d’homme (v. note [4], lettre 229) ; il prit part à la Fronde de Bordeaux ; il commandait le régiment d’Enghien dans l’armée de Condé (Adam).

37.

Armand de Roquelaure, baron de Biran, était le 13e fils du maréchal de Roquelaure, et le septième de son second mariage avec Suzanne de Bassabat.

Tallemant des Réaux (Historiettes, tome ii, page 386) l’a dit « grand gladiateur » :

« Ce brave fut tué en second par un bâtard de Montauron {a} qu’il voulait marquer, disait-il, sur le nez. »


  1. Un des bâtards que Pierre Puget, sieur de Montauron, richissime financier (v. note [46], lettre 280), fit à ses nombreuses maîtresses.

38.

Pierre Payen, sieur des Landes, dit Deslandes-Payen (Paris vers 1595-1664 ou 1669), était le fils de Pierre Payen, financier et trésorier de l’Épargne. Protonotaire apostolique (v. note [19] du Patiniana I‑3), abbé de Saint-Martin, prieur de Cerqueux, et de La Charité-sur-Loire, il avait été reçu conseiller clerc au Parlement de Paris en 1621 en la cinquième Chambre des enquêtes. En 1626, Deslandes-Payen avait hérité de son père le château de Rueil et vendu fort cher sa charge de trésorier de l’Épargne à Gabriel de Guénégaud. Convaincu en 1631 du crime de lèse-majesté (comme plusieurs autres conseillers du Parlement, v. note [90] de L’homme n’est que maladie), ses biens lui avaient été confisqués, sa maison de Rueil laissée à Richelieu et son prieuré de La Charité (v. note [7], lettre 125) au cardinal-archevêque de Lyon, frère du ministre.

Le proscrit avait suivi Marie de Médicis dans son exil à Bruxelles, où il devint son secrétaire des commandements, puis s’engagea contre la France dans la guerre de Trente Ans. De retour à Paris après la mort de Louis xiii (mai 1643), il avait entrepris de plaider pour la restitution de son prieuré de La Charité accaparé par le cardinal de Lyon. Défendu par l’avocat Gautier, il avait obtenu gain de cause une première fois le 16 mars 1643 ; mais le cardinal avait fait appel et l’affaire ne se conclut qu’en 1648, toujours à l’avantage de Deslandes-Payen, malgré l’appui apporté par Mazarin au frère de Richelieu. En 1645, Deslandes-Payen avait été reçu à la Grand’Chambre, charge qu’il vendit en 1664. Durant la Fronde, il allait s’engager aux côtés du prince de Condé, contre Mazarin (Adam et Popoff, no 1639).

Notes du chanoine Hubert sur les parlementaires, écrites vers 1659 :

« Deslandes-Payen, homme ci-devant attaché à ses plaisirs, particulièrement à ceux de la table, s’est mis depuis peu à une très grande réforme. Il s’est donné entièrement à la dévotion, va peu au Palais, y rapporte peu, étant la plupart du temps à son prieuré de La Charité. A souvent promis sans effet, de peu d’assurance. Il a été attaché à M. le Prince et s’est chargé pendant tous nos mouvements {a} de toutes les choses qui le concernaient. Est gouverné de peu de personnes. »


  1. La Fronde.

39.

« et arrière-petit-fils de Michel i de Marescot, docteur en médecine, qui mourut ici en 1605 ».

Françoise de Marescot, fille de Guillaume, et petite-fille de Michel i, avait épousé en 1620 Charles Bailly, maître des comptes, puis président à la Chambre des comptes (v. note [5], lettre 512). Leur fils Thomas, avocat général au Parlement, alternait alors par semestre avec Omer ii Talon.

40.

Serrer : « enfermer, arranger, mettre à couvert, en lieu sûr » (Furetière).

41.

L’Annonciation : « nouvelle que l’Ange apporta à la Vierge du mystère de l’incarnation. On le dit aussi de la fête où on célèbre ce mystère, qui est le 25e de mars » (Furetière).

Le 23 mars, vers huit heures du matin, le roi, la reine, Monsieur et Mademoiselle quittèrent Paris pour se rendre à Chartres, afin d’accomplir la promesse de la reine d’y conduire son fils après sa guérison, pour remercier Dieu. Le 24, après avoir couché à Rochefort-en-Yvelines chez le duc de Montbazon puis couru le cerf, le roi partit pour Chartres où il arriva vers quatre heures et demie de l’après-midi et assista à un Te Deum à la cathédrale. Le 25 mars, le roi et la reine assistèrent à la grand-messe en la cathédrale. La famille royale fut de retour à Paris le 27 mars après avoir de nouveau fait étape à Rochefort (Levantal).

42.

Louis xiv, alors âgé de neuf ans et demi, était convalescent d’une variole. Antoine Vallot (v. note [18], lettre 223), son premier médecin à partir de 1652, en a dit bien plus que Guy Patin dans la partie rétrospective de son Journal de la santé du roi (pages 68‑73), en s’y présentant, sans la moindre vergogne, à son plus grand avantage. Sa Relation exacte de la petite vérole du roi, du 11 novembre 1647 se termine sur quelques coups d’encensoir :

« La constance de la reine a été admirable en cette occasion, et ses soins et ses inquiétudes ont surpassé l’imagination, ayant demeuré nuit et jour proche du roi avec tant d’assiduité que Sa Majesté, {a} par l’excès de ses veilles et de ses peines, tomba dans une fièvre continue qui, par la grâce de Dieu, n’a pas été de longue durée. Son Éminence {b} a souffert d’étranges inquiétudes de voir son maître en un si pitoyable état et en un extrême danger de sa vie ; et pendant qu’il gémissait sous le faix de tant de douleurs, il ne laissait pas de donner ordre aux affaires les plus importantes de l’État. On ne peut pareillement exprimer l’entière confiance que la reine témoigna avoir en la suffisance du sieur Vautier, premier médecin du roi, qui s’est conduit avec une grande prudence en cette maladie, ayant appelé les sieurs Guénault et Vallot qui ont donné en une occasion si considérable des preuves de leur suffisance, et ont fait voir à toute la France que l’on avait besoin de leurs conseils en un état si déplorable et si désespéré. » {c}


  1. La reine Anne d’Autriche.

  2. Le cardinal Mazarin.

  3. V. note [16], lettre 443, pour les espoirs que l’état désespéré du roi fit alors naître en son oncle, Gaston d’Orléans.

L’extraordinaire de la Gazette, no 144, 29 novembre 1647 (pages 1137‑1148), donne un récit très similaire de l’événement, et fort à la gloire de François Vautier :

« Il est aussi malaisé d’exprimer la grande confiance que la reine a témoignée avoir en la suffisance et prudence du sieur Vautier, et l’estime qu’elle a toujours faite de sa grande conduite, sur laquelle Sa Majesté s’est entièrement reposée en la maladie du roi, d’autant plus qu’elle en venait de recevoir des preuves par la guérison de celle de Monsieur, frère unique de Sa Majesté, si parfaitement guéri qu’il est entièrement remis en son premier état, à laquelle confiance a aussi grandement servi l’embonpoint {a} auquel elle a vu le roi depuis vingt mois qu’il y a que ledit sieur Vautier en prend le soin, sans lequel état fleurissant auquel cette maladie a trouvé le roi quand elle lui est survenue, une si longue fièvre l’eût pu consumer, au lieu qu’il l’a vigoureusement supportée, et avec peu de diminution de cette bonne habitude. {b} Ainsi voyons-nous combien Dieu aime la France, se contentant, comme il fait, de lui montrer les verges du châtiment qu’il déploie sur les autres. ».


  1. La bonne disposition.

  2. Ce bon naturel.

Et plus loin, quant à ce que rapportait ici Guy Patin :

« Ne croyez point aussi que la piété de la reine ait rien omis de ce qui était nécessaire pour implorer le secours d’en haut en une affaire de telle importance, ayant fait à cette fin prier Dieu et exposer le Saint-Sacrement dans toutes les églises ; ce qui se fit avec un tel concours de peuple et avec un si grand zèle qu’il était capable, même en une plus grande extrémité de maladie, de forcer le ciel à rendre ce prince à la France. Aussi la reine n’a-t-elle point de plus grande impatience que de conduire bientôt le roi à Notre-Dame pour en rendre grâces à Dieu, faire voir à ce peuple dans le visage serein de son roi le bon succès de leurs prières et de leurs vœux, et ensuite de leur faire sentir tous les effets d’une affection réciproque. »

L’extraordinaire no 48 du 31 mars 1648 (pages 413‑424) est entièrement consacré au Voyage de dévotion fait par le roi à Notre-Dame de Chartres pour y acquitter le vœu fait par la reine.

43.

Guy Patin se méprenait sur la mort prochaine d’Esprit de Rémond de Mormoiron, baron de Modène (Sarrians, Comtat-Venaissin 1608-1672). Page puis chambellan de Gaston d’Orléans, Modène avait pris part au soulèvement qui visait à renverser Richelieu et qui s’était terminé par la bataille de La Marfée (1641, v. note [1], lettre 110). Attaché ensuite au duc de Guise, il le suivit à Naples, devint mestre de camp général de son armée et conquit plusieurs villes. Cependant, le duc, soit par jalousie, soit sur de faux rapports, le fit arrêter et mettre en jugement comme coupable de desseins ambitieux. Après une dure prison, Modène retourna en France en 1650 et vécut dans la retraite. Il a laissé une Histoire des révolutions de la ville et du royaume de Naples, contenant les actions les plus secrètes et les plus mémorables de tout ce qui s’y passa jusqu’à la mort du prince de Massa (Paris, J. Boullard, 1666, in‑12, pour la première édition) (G.D.U. xixe s.).

44.

La Paulette était un « droit annuel » (une taxe annuelle) destiné à contrôler la transmission des principaux offices non héréditaires de magistrature ou de finance. La règle originelle voulait que, pour transmettre une charge vénale à son héritier, un officier (détenteur d’office) devait la lui avoir cédée (résignée) au moins 40 jours avant sa mort. Le possesseur d’une charge se trouvait donc confronté à la cruelle alternative entre ne plus en jouir en la résignant de son vivant, ou la perdre (au bénéfice du roi qui la récupérait) en en percevant les avantages jusqu’à la mort. La survivance était un moyen d’esquiver : l’officier avançant en âge obtenait, par privilège royal, le droit d’associer son successeur à sa charge.

Henri iv avait révoqué toutes les survivances par les ordonnances de décembre 1597 et juin 1598, mais de nombreuses dérogations, accordées moyennant finances, avaient pourtant rapidement rendu cette abrogation inutile. En décembre 1604, Sully, pour en finir, fit adopter par le Parlement la mise en place d’une « prime d’assurance » libérant les officiers des contraintes de la résignation : un droit annuel égal au soixantième de la valeur estimée de l’office (et du quart en sus) autorisait l’officier à résigner sa charge avec dispense de la clause des 40 jours ; s’il mourait, son résignataire pouvait lui succéder sans restriction ; en l’absence de résignataire désigné, les héritiers de l’officier pouvaient vendre sa charge ou en conserver la valeur.

La perception de cette assurance annuelle fut d’abord affermée pour six ans à Charles Paulet, secrétaire de la Chambre du roi, pour 900 000 livres ; d’où lui vint son nom de paulette. Elle était renouvelable tous les neuf ans. Les états généraux de 1614 (v. note [28] du Borboniana 3 manuscrit) décidèrent de supprimer la paulette, mais sans suite, car le Parlement s’y opposa catégoriquement. Sa suppression effective en 1648 fut l’objet de protestations qui s’ajoutèrent aux ferments de la Fronde parlementaire.

Le renouvellement de la paulette donnait au pouvoir royal un beau moyen de pression pour tenir ses officiers en respect ; Louis xiv n’hésita d’ailleurs pas, en 1669 et 1671, à rompre la périodicité de cette négociation.

Le président de Thou (Histoire de mon temps, livre xiv, chapitre cxxxii), cité par Descimon et Jouhaud (page 31), a traduit l’inquiétude (vite dissipée) que provoqua la création de la paulette :

« Toutes les charges, tant de judicature que de finance, qui sont presque innombrables en ce royaume, furent mises sur le même pied, et rendues vénales par un genre de trafic très honteux. On dressa un tarif de toutes ces charges et suivant l’estimation faite de chacune, on y imposa une taxe annuelle qui fut nommée paulette […]. Moyennant le paiement de cette taxe, on n’est plus obligé d’attendre les 40 jours marqués par les ordonnances pour que la charge puisse passer à celui en faveur de qui la démission avait été faite ; mais la charge demeure aux héritiers qui en disposent comme d’un bien patrimonial. Cette institution ignominieuse par elle-même est encore devenue très préjudiciable au roi, au royaume et aux familles en particulier, car les offices sont montés à un prix excessif qui absorbe souvent tout le patrimoine d’une famille. […] Joignez à cela que le mérite est compté pour rien quand l’argent fait tout ; or que peut devenir un État où l’on décourage ainsi le mérite ? Le roi même y perd plus que qui que ce soit parce que cette vénalité tarit nécessairement la source des bienfaits qui sont le véritable nerf de l’autorité royale. C’est du roi qu’on doit attendre les honneurs, les dignités et les récompenses du mérite. Aujourd’hui que tout cela s’achète, on n’aperçoit plus la main du prince, qui s’est retirée. L’argent a pris sa place, c’est l’argent qu’on adore, on laisse la vertu à l’écart comme un instrument inutile ; et par une espèce d’usurpation, on se fait un patrimoine d’un bien qui appartient à l’État, ce qui produit la passion démesurée des richesses et le mépris constant du véritable honneur. »

Guy Patin a souvent partagé cette analyse morose dans ses lettres, mais l’institution de la paulette a marqué une évolution majeure des institutions : « Le roi y perd de son autorité directe ; la séparation des pouvoirs y gagne » (F. Bluche, Dictionnaire du Grand Siècle).

45.

Paris comptait cinq compagnies ou cours souveraines, c’est-à-dire sans appel, « dont les juges avaient pouvoir du roi de terminer les procès de ses sujets en dernier ressort : Parlement, Chambre des comptes, Cour des aides, Grand Conseil et Cour des monnaies » (Furetière).

46.

V. notes [2] et [47], lettre 150.

47.

Guilielmi Ballonii Medici Parisiensis celeberrimi, Consiliorum medicinalium liber iii. et postremus. Item paradigmata et historiæ morborum ob raritatem observatione dignissimæ, quarum lectio non minus rei ipsius gravitate et admiratione, quam utilitatis ubertare est ad medendum et præsentiendum profutura. Omnia studio et opera M. Iacobi Thevart D. Medici Parisiensis digesta, et multis hinc illinc observationibus, ad obscuriorum locorum intelligentiam, illustrata.

[Troisième et dernier livre {a} des Conseils médicaux de Guillaume de Baillou, très célèbre médecin de Paris. Avec les exemples et histoires des maladies, très dignes d’observation à cause de leur rareté, dont la lecture sera utile pour remédier et prévoir, autant par l’admirable qualité et la force du sujet lui-même que par la richesse de son profit. Le tout a été recueilli par le travail et les soins de M. Jacques Thévart, médecin de Paris, et enrichi de multiples observations, pour la compréhension des passages les plus obscurs]. {b}


  1. V. notes [19], lettre 17, pour le premier livre (Paris, 1635), et [8], lettre 24, pour le deuxième (ibid. 1649 ?).

  2. Paris, Jacques Quesnel, 1649, in‑4o, achevé d’imprimer du 15 novembre 1648.

L’épître dédicatoire de Jacques Thévart à François Vautier est datée de Paris, le 14 janvier 1649. L’ouvrage est composé de 123 conseils (ou consultations, pages 1‑290), suivis des Paradigmata… (pages 291‑331), puis de l’Index (v. note [2], lettre 162).

48.

Après des études médicales à Paris, Charles Lussauld, originaire de Poitiers, avait été immatriculé à l’Université de Montpellier le 14 mai 1628 et reçu bachelier le lendemain, licencié le 18 septembre et enfin docteur le 19 décembre de la même année (Dulieu). Lussauld s’est surtout signalé par la publication en 1663 d’une Apologie pour les médecins… dont Guy Patin a parlé dans la suite de sa correspondance (v. note [27], lettre 752).

49.

Distinct de l’archidiacre ecclésiastique (v. note [14], lettre 195), l’archidiacre de la Faculté de médecine de Paris était l’équivalent de ce qu’on a plus tard appelé un prosecteur d’anatomie (Statuta F.M.P., article v, page 73) :

Doctor Anatomicus demonstret Osteologiam ex suggesto prius, quam Anatomem celbret. In ossibus comparandis et dignoscendis probet Discipulorum diligentian et industriam. Quem ad studium Anatomicum aptiorem judicarit, creet Archidiaconum. Nev eo munere priventur Baccalaurei, sed cæteris præferantur.

[Que le régent d’anatomie enseigne l’ostéologie en chaire avant de procéder à la dissection. Qu’il éprouve l’habileté et la diligence des étudiants à reconnaître les os et à les comparer entre eux. Que l’étudiant qu’on aura jugé le plus doué pour l’étude anatomique soit nommé archidiacre. Que les bacheliers ne soient pas exclus de cette charge et soient préférés aux autres].

Cet article de 1602 a été plus tard assorti d’un codicille (ibid. pages 73‑76) :

Quinimo ut minus secure concredito vagis sæpius et erronibus Studiosis muneri Archidiaconi, veteris discipline retinentissima Facultas provideret, simulque Philiatrorum commodis consuleret assidui bonique Nominis Archidiaconum e suis modo Baccalaureis qui fide et sacramento sibi nexi sunt inposterum seligendum, eumque rationibus reddendis obnoxium ac certis aliis adstrictum voluit legibus, et conditionibus tum olim constitutis Decreto lato die Martis 4a De<ce>mbris 1576. M. Claudio Rousselet Decano, cum nupero Decreto sancito ex vetere formula Comitiis die Lunæ 20a Octobris anni 1659. habitis, itemque alio lato Comitiis die Mercurii 7a Aprilis Anni sequentis M. Francisco Blondel Decano.

[Pour que la charge d’archidiacre ne soit imprudemment attribuée à des étudiants trop souvent inconstants et coureurs, que la Faculté, très attachée à l’ancienne discipline, pourvoie et en même temps veille aux intérêts des philiatres {a} en choisissant désormais un archidiacre de bonne et solide réputation, uniquement parmi ses bacheliers qui se sont liés par un serment de bon aloi ; elle l’a en outre voulu soumis à rendre des comptes, et étroitement attaché aux autres lois établies et conditions arrêtées tant par le décret jadis promulgué le mardi 4 décembre 1576, sous le décanat de M. Claude Rousselet, {b} que par le décret récent, tiré de l’ancienne règle, qui a été ratifié à l’assemblée tenue le lundi 20 octobre 1659, ainsi que par l’autre qui a été promulgué à l’assemblée du mercredi 7 avril de l’année suivante, sous le décanat de M. François Blondel]. {c}


  1. Étudiants en médecine avant le baccalauréat, autrement nommés candidats.

  2. V. note [1], lettre de Samuel Sorbière, datée du début 1651.

  3. V. note [11], lettre 342, pour François Blondel, éditeur des Statuta de 1660.

    Hazon a, L’Archidiacre des Écoles (page 64) :

    « En 1576, l’anatomie ayant fait du progrès et étant enseignée plus régulièrement, on créa un archidiacre des Écoles. Sa fonction était d’avoir soin de l’amphithéâtre, de fournir des cadavres, disséquer, préparer et démontrer sous les leçons du professeur, si le professeur ne démontrait pas lui-même, comme il arrivait quelquefois. L’archidiacre recevait des droits d’amphithéâtre, dont il rendait compte au doyen ; c’était l’homme des écoliers [philiatres]. Pour qu’ils l’écoutassent plus volontiers, la Faculté permettait qu’il fût choisi et nommé par eux. Il devait être étudiant en médecine, inscrit sur les registres ; mais si un bachelier voulait être archidiacre, il devait être préféré. C’est ainsi qu’en 1601 [sic pour 1602], Riolan le fils [Jean ii] ayant témoigné vouloir être archidiacre et les écoliers en ayant nommé un autre, l’élection fut cassée et il fut installé.

    1660, dans un article de réforme, il fut statué que l’archidiacre serait tujours choisi parmi les bacheliers, pour s’assurer des deniers qu’il recevait des étudiants : 40 s. la première année, 20 s. la seconde, et 10 s. les vétérans. »


L’archidiacre ainsi choisi était pendant deux ans l’assistant du docteur régent chargé de professer l’anatomie. Afin d’éviter toute dispute et tout désordre, deux articles des Statuta F.M.P. prenaient soin de distribuer précisément les rôles des trois enseignants qui démontraient l’anatomie : le professeur, l’archidiacre et le chirurgien qui disséquait (prosecteur).

Chaque philiatre versait son écot à l’archidiacre : 40 sols (2 livres tournois) pour ceux de première année, 20 pour ceux de seconde, et 10 pour les vétérans (Hazon b, page 64). En novembre 1624, Guy Patin avait été nommé pour un an archidiacre de la Faculté de médecine de Paris.

50.

Levée par capitation (sur chaque individu) et par contribution directe, {a} la taille était un équivalent lointain de notre impôt sur le revenu, mais bien moins égalitaire. Thomas Corneille a bien résumé l’histoire et la destination des tailles :

« Taille, s’est dit autrefois d’un droit que la plupart des seigneurs avaient sur des héritages tenus roturièrement. {b} Ces héritages devaient tailles aux quatre cas, savoir quand le seigneur était pris en juste guerre, quand il faisait son fils aîné chevalier, quand il mariait sa fille aînée à un gentilhomme, et quand il allait au voyage d’outre-mer. Celles que devait un homme franc, {c} ou tenant héritages affranchis, ou à devoir d’argent, étaient appelées tailles franches ; et celles que devaient des hommes de condition servile ou de morte taille, {d} étaient nommées tailles serves. On appellait taille jurée celle qui se payait sans s’enquérir de la valeur des biens des habitants, et que les seigneurs imposaient sur leurs sujets, ou à volonté, ou selon l’abonnement {e} qu’ils en avaient fait ; et taille mortaille, celle que levait le seigneur sur les hommes de corps et de condition servile, savoir la taille une fois par an et la mortaille {d} au décès de l’homme de serve condition sur ce qu’il laissait de biens.

Taille, se dit aujourd’hui des subsides que les personnes du tiers état payent au roi à proportion de leurs biens. Saint Louis est le premier qui ait levé la taille en forme de subsides nécessaires pendant la guerre, ce que fit ensuite le roi Charles v à cause des guerres des princes. {f} Elles se levèrent d’abord par le consentement unanime des trois états, {g} et Louis xi ayant fait hautement payer la taille, on a continué de la même sorte depuis ce temps-là. Le Conseil du roi ayant résolu la somme d’argent qui doit être levée pour la taille, {h} envoie des commissions aux trésoriers généraux {i} établis dans les bureaux des généralités du royaume pour lever dans leur élection la somme qui leur est ordonnée. Les trésoriers ayant fait dans chaque élection le département {j} de la somme qu’ils peuvent lever, l’envoient au Conseil du roi, qui envoie aux trésoriers généraux pour chaque élection des commissions qui portent ordre aux élus {k} des diverses élections de lever dans l’étendue de chacune la somme que la commission leur prescrit. Les élus, dans les rôles qu’ils font des tailles, cotisent {l} chaque bourg et chaque village de leur élection à une certaine somme, et envoie le rôle de cotisation à chaque paroisse, qui élit un ou plusieurs collecteurs {m} pour lever la taille qu’on a imposée. Les ecclésiastiques, les gentilshommes et tous les officiers commensaux de la Maison du roi, des fils et filles de France, et des princes du sang sont exempts de taille. {n} Il y a des lieux, comme en Languedoc et en Provence, {o} où les tailles sont réelles, {p} c’est-à-dire, qu’elles se lèvent sur les héritages roturiers. »


  1. On donnait le nom général d’aides à tous les impôts, direct ou indirects, prélevés par l’État, pour subvenir aux dépenses que les revenus du Domaine royal ne parvenaient à couvrir.

  2. Par des roturiers (non nobles).

  3. Libre (non asservi).

  4. Ou mortaille : dont les biens appartenaient au seigneur.

  5. Estimation.

  6. Opposant le roi aux princes du royaume (1407-1435).

  7. Noblesse, clergé et tiers état.

  8. Évalué tous les ans en juillet, le montant de la taille était fixé en novembre suivant. Sa lourdeur était un sujet permanent de plainte : après avoir stagné entre dix et onze millions de livres tournois de 1598 à 1632, son montant avait doublé de 1632 à 1639, puis avait atteint un pic de 53 millions en 1643 ; il oscilla ensuite entre 42 millions (1644) et 18,3 millions (1649) ; Colbert le stabilisa à partir de 1661 autour de 35 millions (F. Bayard, Dictionnaire du Grand Siècle).

  9. Trésoriers de France ou de l’Épargne.

  10. La répartition.

  11. Ceux-là n’étaient pas élus au sens moderne, mais des « officiers royaux subalternes non lettrés » (Furetière) qui avaient acheté leur charge.

  12. Taxent.

  13. Asséieurs-collecteurs que désignaient les habitants de chaque paroisse. Le recouvrement proprement dit passait généralement pas l’intermédiaire de partisans (traitants ou fermiers généraux).

  14. Incluant les conseillers-médecins du roi, ce qui explique, bien mieux que la gloriole, leur zèle à acheter cette charge.

  15. Ces pays, dits d’états, étaient le Languedoc, la Bretagne, le Béarn, la Bourgogne et les provinces récemment réunies à la Couronne, qui échappaient la taille commune : v. note [28], lettre 151. Le reste du royaume, où sévissait la taille ordinaire, était pays d’élections.

  16. V. note [6], lettre 957.

51.

Niort (Deux-Sèvres) en Poitou, sur la Sèvre Niortaise, se situe à environ 80 kilomètres à l’est de Poitiers.

Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), à 40 kilomètres au sud-est de Niort, se situe non loin de la source de la Boutonne.

François, dit de Roye, comte de Roucy, baron de Pierrepont et de Blansac (1603-1680) appartenait à une branche des La Rochefoucauld, venue du mariage de François iii, comte de La Rochefoucauld, et de Charlotte, héritière de la Maison de Roucy, de la noblesse de Champagne (Adam). Le comte de Roucy avait épousé en 1627 Julienne-Catherine de La Tour d’Auvergne, fille puînée de Henri de La Tour, duc de Bouillon, et sœur du duc de Bouillon et du maréchal de Turenne.

52.

« sur la faculté vitale du fœtus » ; Charles Lussauld : De functionibus fœtus officialibus Disputatio, cum duabus exercitationibus de putredine et gradibus purgantium [Dissertation sur les fonctions officinales (sur la formation) du fœtus, avec deux essais sur la gangrène et sur les classes des purgatifs] (Paris, Nicolas Boisset, 1648, in‑4o).

53.

En médecine, à tout le moins, le vieux dilemme persiste entre la réflexion purement fondée sur les observations et la méditation de ce qui a été publié par d’autres. Le vrai est que les deux sont nécessaires au progrès.

54.

« On doit fort ménager ses forces en ce genre de choses » ; Virgile (Bucoliques, églogue iii, vers 7) : Parcius ista viris tamen obicienda memento [Souviens-toi de ménager un peu plus tes reproches].

55.

Néologisme ironique pour dire « de (Charles) Lussauld » (Lussaldus).

56.

« et comme au pied levé » ; expression qu’on trouve dans Horace (Satires, livre i, iv, vers 9‑10) :

in hora sæpe ducentos,
ut magnum, versus dictabat stans pede in uno
.

[il dictait souvent au pied levé, comme une grande merveille, deux cents vers en une heure].

57.

« et de ceci et de cela, et tout à fait précipitamment. »

58.

Gabriel Naudé (v. note [9], lettre 3) était le bibliothécaire de Mazarin.

59.

Retour sur les voleurs du Luxembourg ; prévôtablement (prévôtalement), « à la manière des prévôts. Il se dit en cette phrase : ce criminel a été jugé prévôtalement et sans appel ; ce qui arrive lorsqu’un prévôt a instruit le procès à un criminel qu’on a jugé être de sa compétence, et l’est venu juger avec sept conseillers du présidial » (Furetière).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 22 mars 1648

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(Consulté le 05/05/2024)

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